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Rechercher dans le corpus des Mazarinades
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Occurrence 27. Ailly-Annery, Charles d'... . HARANGVE FAITE AV ROY, Par Messieurs les... (1652) chez Guillemot (veuve de Jean) à Paris , 8 pages. Langue : français. Signature au colophon. Voir aussi B_1_29. Référence RIM : M0_1593 ; cote locale : B_19_1. Texte édité par Site Admin le 2012-10-29 06:29:16.

HARANGVE
FAITE AV ROY,
Par Messieurs les Deputez du Corps
de la Noblesse. Monsieur de Nossey portant la parole.

A. PARIS,
De l’Imprimerie de la Vefue I. GVILLEMOT,
Imprimeuse ordinaire de son Altesse Royale, & de
la Ville, ruë Marmouzets, proche
l’Eglise de la Magdelaine.

M. DC. LII. HARANGVE
FAITE AV ROY
Par Messieurs les Deputez du Corps
de la Noblesse. Monsieur de Nossey portant la parole. SIRE, Novs exposerons à Vostre Majesté en peu de mots le
sujet de nostre deputation, les longs discours ne sont ny de saison ny bien
seans en la bouche d’vn Corps, dont le zele & la fidelité à vostre seruice, dois
se faire paroistre par des effets. C’est le dessein de tous ceux qui le composent, qui attendent auec impatience
esgale à leur deuoir les ordres de Vostre Majesté pour se rendre aupres
d’Elle. Ils auoient tousiours esperé que l’honneur qu’ils ont seuls dans l’Estat
de vous auoir pour Chef les garantiroit d’opression, & l’on peut dire qu’ils
sont accablez. Cette verité paroistra à Vostre Majesté, par le Cahier duquel ils la supplient
tres-humblement que lecture soit presentement faite, & de leur faire
justice. Ensuit le Cahier. SIRE, Il n’y a point de deuoir plus legitime & plus naturel que nostre fidelité
pour Vostre Majesté, non seulement parce que vous estes nostre Roy, mais
aussi parce que nous auons seuls des trois Ordres l’honneur de vous auoir
pour Chef. Cette verité nous persuadoit, qu’ayant iugé necessaire pour le remede
à nos besoins de nous assembler, nos intentions ne pouuoient estre tenduës suspectes à Vostre Majesté, bien que nous en eussions pas eu vne
expresse permission, & neantmoins ce malheur nous est arriué apres en auoir
successiuement obtenu plusieurs de bouche & par escrit.   La premiere de nos Assemblées tenuë à Paris en 1649. en fait foy, le projet
s’en fit dans le Cabinet de la Reyne lors Regente, apres son consentement,
& fut sollicitée par les personnes qui auoient l’honneur de l’approcher de
plus pres, Vostre Majesté l’approuua de l’aduis de la Reyne vostre Mere, ce
que nous sceusmes de la bouche de Messieurs les Mareschaux Destrée,
de Chombert, de l’Hospital & de Villeroy, qui furent enuoyez d’Elle vers
nous, auec pouuoir de nous en asseurer. La susdite Assemblée ne se separa qu’apres auoir obtenu Breuet de Vostre
Majesté signé de sa main & des quatre Secretaires d’Estat, portant seureté de
la promesse qui nous estoit faite, que nulle maison de Gentilhomme n’auroit
le rang de Prince, ny n’en pourroit prendre la qualité ; & qu’apres auoir deputé
vers Vostre Majesté, en laquelle deputation Monsieur le Mareschal
Destrée portant la parole exposa nos plaintes, ausquelles & particulierement
aux excez des gens de guerre, la Reyne promit au nom de Vostre Majesté vn
remede present, comme aussi à l’vsurpation injuste de la qualité de Gentil-homme,
& promit de rassembler en cas d’inexecution desdites promesses
données par escrit & de bouche. En vertu de quoy les mesmes oppressions ayant multiplié les souffrances
ausquelles le soulagement nous auoit esté promis, nous fusmes contraints de
nous assembler à Paris en 1651. où pour remedier à tant de desordres pressans,
il fut resolu de demander l’Vnion à Messieurs du Clergé, nous l’obtinmes
facilement de leur pieté pour la solicitation d’vn si juste dessein de concert
entre nos deux Ordres. Il fut arresté de demander à vostre Majesté par
l’entremise de Monsieur le Duc d’Orleans, lors Lieutenant General de
l’Estat, & de Messieurs les Princes du Sang, la tenuë des Estats generaux que
Vostre Majesté eut la bonté de leur accorder par escrit signé de sa main, de
celle de la Reyne Regente, & des quatre Secretaires d’Estat, & de leur donner
aussi pouuoir de s’engager à nous de vostre part à ladite tenuë ; ce qu’ils
firent par d’autres escrits signez de leurs mains, & qui portoient pouuoir de
nous donner en Vostre Nom permission expresse de nous rassembler, si l’ouuerture
ne s’en faisoit dans ce temps promis en ces termes. Et ce pour nous
joindre à Monsieur le Duc d’Orleans, & à Messieurs les Princes du Sang,
pour aduiser ensemblement à tout ce qui sera necessaire pour le bien & seruice
de Vostre Majesté, & à la tenuë desdits Estats, sans que nous en puissions
estre blasmez ny estre imputez à aucune faute ou manquement de ce que
nous deuons à Vostre Majesté, quelques ordres ou commandement mesme
que nous puissions lors en receuoir au contraire. Les temps de tenir les Estats ayans passe sans que l’ouuerture en aye esté
faite, le pillage, violences, & actions execrables des gens de guerre estant
arriué au point qu’vn chacun les sçait & les sent, nous aurions creu estre coupables des maux aduenir, si en ayant obtenu la promesse par la voye de nos
Assemblées. Nous le continuons pour en demander à Vostre Majesté l’execution
auec tout le respect & la submission que nous luy deuons dans le besoin
que nous auons de restablir Vostre Authorité, & de la maintenir contre
les entreprises de vos Ennemis, ne connoissant que ce seul moyen efficace
pour y paruenir, tiret vos peuples de l’opression, & particulierement nous
qui ne pouuons estre affoiblis, ayans l’honneur d’estre vos membres, que
vous ne vous en ressentiez.   Le fondement de nos Assemblées ainsi establysans nous seruir de celuy que
nous fournissent les Ordonnances sur les reglemens des gens de guerre qui y
sont expresses. N’auons-nous pas vn extréme sujet de douleur de voir que
les Lettres escrites par Vostre Majesté à Messieurs du Clergé & à Monsieur de
Liancourt, Nous traitent comme si nous n’auions ny permission ny cause de
nous assembler, & de voir que nos Calomniateurs ont fait de tres-fortes impressions
sur Vostre Esprit ; nous le connoissons par leurs termes pleins de
soupçons sur les particuliers de nostre Assemblée, de doute que les resolutions
ne soient contraires à vostre seruice, comme si la lascheté de l’abandonner
n’estoit pas nostre ruine. Nos franchises & nos immunitez y sont nommez
priuileges ; & faisant l’honneur d’escrire à tous les Ordres du Royaume, an
Clergé presentement qui nous est vny, à celuy qui nous est inferieur, lors
que vous desirerez de luy quelque obeissance. Vous vous seruez à nostre seul
esgard de moyens pour nous informer de vostre volonté, & declarez dans les
susdites Lettres, que la bien-seance empesche que nous ne receuions de Vous
ce mesme honneur. Vostre Majesté y nomme nostre conduite vne faction,
vne cabale, vne entreprise directement contraire aux loix de Vostre Royaume,
laquelle blesse Vostre Authorité, renuerse l’ancien ordre de Vostre
Estat, & est preiudiciable à nostre Corps, qui seul ne peut subsister sans vous
estre vny. Nos Assemblées, SIRE, ne peuuent estre condamnées ; la resolution de
nos dernieres les iustifie suffisamment par l’Arresté de demander la Paix, &
d’employer nos soins & nos vies pour la faire conclurre à la satisfaction de
Vostre Majesté, & au bien du Public. Qui dans l’Estat, SIRE, a plus de droict que nous à faire cette demande,
puisque la guerre ne peut continuer qu’au prix de nostre sang, & que dans la
Paix nous deurions exercer les Charges, & faire les fonctions les plus releuées.
Ce seroit Vostre seureté, SIRE, & Vostre grandeur, d’employer des
sujets Nobles incapables d’actions indignes de leur naissance. Vostre Majesté
s’en souuiendra, s’il luy plaist, pour remedier au déplaisir de Vostre Noblesse,
de n’estre pas employez dans Vostre seruice Elle vous demande encor cette
Paix tant desirée, s’offre d’y trauailler, & supplie tres-humblement Vostre
Majesté de luy vouloir donner part à la consommation d’vn bien si necessaire. Tous ces bons mouuemens, SIRE, ne nous ont pû empescher d’estre blasmez de Vostre Majesté, comme nous amusans à dresser des escrits & des
projets d’vnion nullement necessaire, au lieu d’estre en ce temps proche de
nostre Roy pour chasser les estrangers de son Estat, sans qu’aucun vous aye
fait entendre qu’il y eust autre moyen pour produire le seruice que Vostre
Majesté a tesmoigné desirer de nous dans les Assemblées generales ; l’esprit
du Corps tout Noble, & partant tout Royal, y preside & se communique
à tous les particuliers, desquels en detail il y en peut auoir qui n’ont pas le
mesme sentiment. Ainsi jamais Vostre Majesté ne peut tirer de secours si
puissant, laissant agir chacun seul à seul, que lors qu’ils seront assemblez, la
preuue en est éuidente par la suite de nostre conduite ; laquelle ayaut inspiré
nos resolutions dans toutes vos Prouinces, par la communication de nos Arrestez
& par nostre lettre Circulaire, Ils se sont trouuées en estat pour la
pluspart de monter à cheual, ou en volonté de trauailler pour s’y mettre
auec toute la promptitude possible. Ils nous en ont donné des asseurances en
la derniere tenuë à la Rocheguyon : mesme nous en auons esté sollicité par les
Deputez presens de diuers Bailliages selon leur sentiment, & pour obeїr aux
termes de vostre Lettre escrite à Monsieur de Liancourt ; Nous resolûmes de
monter incessamment à cheual pour courir sus à vos Ennemis, esloigner de
vostre Estat selon vos Ordres ce qui en trouble le repos, mourir plustost que
de souffrir qu’il demeure interrompu, & effacer de vostre Esprit par nos seruices,
les impressions que nos Calomniateurs y ont portées.   Si l’effet de ce mouuement genereux de nostre Corps a esté differé iusques
icy, ceux qui n’auoient pas nostre mesme dessein, & qui s’y sont opposez en
sont sans doute les coupables, & sont les veritables factieux & cabalistes ;
qui ayant trauaillé parmy nous à ruiner la fin de nos bonnes intentions, auec
autant de malice, que vos vrays seruiteurs auoient de chaleur pour en solliciter
l’accomplissement, Ont semé de mesme temps par leurs Emissaires aupres
de Vostre Majesté tout ce qui l’a pû preuenir de soupçon contre nostre
fidelité, parce que ne voulant concourir auec nous au maintien de Vostre
Authorité, ils nous en vouloient empescher la gloire. La deference, SIRE, que nous auons eüe au sentiment de Monsieur de
Liancourt d’en surseoir l’execution, qu’il n’a pas creu estre suiuant l’intention
presente de Vostre Majesté n’a rien diminué de l’impatience que nous auons
de marcher au premier Ordre que nous en receurons d’Elle ; & par cette
marque de nostre obeїssance, nous esperons en obtenir le commandement. Alors l’on connoistra l’vtilité des Assemblées de Vostre Noblesse, & l’on
jugera qu’au lieu d’estre seules condamnées dans Vostre Royaume, elles deuroient
estre seules establies, parce que ce Corps estant vostre bras droit, il
ne peut manquer à la Royauté, & ne doit iamais aussi estre diuisé pour la
soustenir plus fortement, & que ceux qui les ont sollicitées, ont l’auantage
de nous auoir ouuert vn chemin que nous deuons tousiours suiure, puisque
rien ne peut plus solidement affermir Vostre Couronne. Ce qui nous donne la liberté de supplier tres-humblement Vostre Majesté de nous en continuer
la permission, & trouuer bon qu’elles s’establissent par des Deputez de chaque
Bailliage.   L’vnion inseparable de nos interests auec les vostres, SIRE, nous donne
lieu de faire sçauoir à Vostre Majesté quelques-vns des points les plus pressans,
& qui vont à l’entiere ruine de nostre Ordre que vous estes obligez de
soustenir pour en estre soustenu seurement ; Pour vous faire connoistre que
ce n’est pas sans sujet, que nous cherchons quelque soulagement à nos maux.
Et d’autant que les autres Ordres y sont interessez, nous desirons ardemment
que la distribution des graces que nous vous demandons & vostre protection,
ne soit pas bornée à nostre seule vtilité, & qu’elle coule abondamment
sur tous vos sujets. La reformation des excez que commettent les gens
de guerre des concussions de quelques Gouuerneurs des Ordres en blanc, est
vne des plus grande. A ces plaintes, SIRE, Nous demandons à Vostre Majesté vn remede
pressant, par la deffence expresse à tous gens de guerre & Gouuerneurs, de
commettre à l’auenir rien de semblable, & le permettre par escrit en forme
donné à toute la Noblesse de Vostre Royaume, de s’assembler en cas d’inexecution
de ce present Commandement, & se seruir des Communes pour y
faire obeїr. Nous faisons particuliere instance à Vostre Majesté de faire justice à toute
Vostre Noblesse, de l’outrage qu’elle a receuë à Chartres, dont l’impunité
depuis neuf mois passe aux Ennemis pour vn mespris de vostre part, & pour
vne insensibilité de la nostre, qui augmente de iour en iour leur insolence,
dont la consequence n’est pas moindre pour vostre authorité, que pour nostre
seureté. Les Commissions données pour les Tailles, dans lesquelles les Gentils-hommes
sont compris, & celle par lesquelles nostre seureté a esté abandonnée
aux Preuosts des Mareschaux sont encores tres-essentielles. Il ne nous est
pas moins necessaire de supplier tres-humblement Vostre Majesté, de reuoquer
toutes lettres de Noblesse accordées sans connoissance de cause, & par
argent, Et declarer nulle toutes possessions vsurpées ou achetées par plusieurs
particuliers, en vertu dequelles ils joüissent de nos franchises & immunitez,
au deshonneur de nostre Corps, & à la foule de Vostre Peuple. Ces dernieres
lezions moins violentes & toutesfois tres-importantes, peuuent attendre
leur remede dans les Estats Generaux qu’il vous a pleu nous indiquer à
Tours le premier Nouembre prochain : Dont nous rendons nos tres-humbles
remerciemens à Vostre Majesté, & la supplions, que puis qu’elle a eu
la bonté de nous les accorder comme necessaires à la reformation des abus,
le pouuoir de nous assembler soit confirmé en forme, si l’ouuerture desdits
Estats n’est pas faite au jour indiqué, & de nommer dés à present six de chaque
Bailliage pour les solliciter par tous les moyens qu ils jugeront à propos,
Afin que par la negligence de les requerir, plusieurs mal-intentionnez, ou qui en craignent les decisions n’essayent lors à persuader à Vostre Majesté
qu’ils ne sont pas desirez, & qu’à l’exemple present l’on ne noircisse dans
vostre estime ceux, qui sans autre interest que vostre seruice & du bien general
de la Monarchie le voudroient entreprendre.   Apres quoy, ayant tres-humblement supplié Vostre Majesté de receuoir
fauorablement ce Discours, que nostre zele à vostre seruice a produit pour
nous justifier aupres d’Elle, luy rendre quelques-vnes de nos plaintes, luy
faire nos demandes, & pour luy prouuer tout ensemble nostre obeissance &
nostre soûmission, Nous la supplions encore tres-humblement de nous informer
de ses volontez par sa bouche, auant que de nous retirer de sa Cour ;
afin de les communiquer à ceux qui nous ont deputé, & qui la desirent impatiemment. Il nous reste, SIRE, d’adjouster l’offre de nos personnes, de nos vies, &
de celles des Gentils-hommes de nos Bailliages, qui attendent les Ordres
de Vostre Majesté ; afin qu’ils se puissent montrer dignes successeurs de ceux,
qui par la force de leurs armes ont mis la Couronne que vous portez, sur
la teste des Roys vos predecesseurs, & qui la conseruant au prix de leur sang
& de leur vie, ont merité le titre glorieux de bras droit de leur auhorité. Signé de l’ordre exprés de l’Assemblée, CHARLES D’AILLY-ANNERY.

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Occurrence 29. Anonyme. LE CENSEVR POLITIQVE. AV TRES-AVGVSTE... (1649) chez Colombel (Matthieu) à Paris , 28 pages. Langue : français. Avec permission. Voir aussi C_2_27. Référence RIM : M0_668 ; cote locale : E_1_120. le 2013-06-30 11:45:02.

plus rien qu’vn supplice
Pour seruir de pressoir infame à l’auarice.
Depuis qu’vn debiteur à faute de comptant,
Des biens qui sont à luy baille vn estat constant.
Et que s’il en celoit, il accepte la risque,
Que pour ses creanciers tout le reste on confisque.
A ce compte il n’est plus besoin de caution,
Puisque c’est faire encor plus que la cession.
Car celuy qui la fait n’est point tenu d’instruire
De l’estat de ses biens ceux qui veulent luy nuire.
D’ailleurs à quel propos parler de caution,
Veu que c’est ordonner vne condition,
Qui pour le prisonnier est souuent impossible,
Tant l’horreur des prisons en ce poinct est nuisible.
A quel propos encor la garde des Huissiers,
Quand on veut exposer les biens aux creanciers.
Veu mesme que souuent faute de cognoissance,
Le riche mal-aisé s’en voit dans l’impuissance,
Et priué du moyen prescrit par vostre Arrest :
Il souffre cependant vn notable interest ;
Notable, c’est trop peu, disons irreparable,
Pour ce que la prison en fait vn miserable.
C’est là tout le succez qu’on peut en esperer,
Et c’est ce que le moins on veut considerer.
S’il a pourtant du bien qui soit en heritage,
Ou si tous ses effets il vous donne pour gage,
Estans tous exposez & mis deuant vos yeux,
Creanciers inhumains qu’esperez-vous de mieux ?
Tirerez-vous d’vn corps ou d’vne ame affligée
L’argent dont la personne est par corps obligée
Et quand bien en prison vous la verriez mourir,
Sa mort vous pourroit-elle au besoin secourir ?
Mais si vous monstrant tout elle fait son possible,
Pourquoy vous rendez vous à ses maux insensible ?
En declarant ses biens fait-on pas son pouuoir,
Et faisant ce qu’on peut fait-on pas son deuoir ?
On croit donc que ces maux dont on n’a la science,
Qu’à souffrir des prisons la dure experience,
Rencontreront vos cœurs disposez à pitié,
Moderans ses rigueurs au moins d’vne moitié.
Que la raison qu’on voit aujourd’huy dans sa pompe,
Chassera loin de vous l’imposteur qui vous trompe.
Que vous ferez enfin qu’vne execution
Ne sera plus pillage & persecution.
Et que tout debiteur offrant ce qu’il possede,
De son oppression trouuera le remede.
Que sous plege ou sous garde on n’eslargira point,
Si celuy qu’on detient n’est d’accord de ce point,
Afin qu’à vos Arrests on preste obeïssance,
Car toute Loy se doit regler a la puissance,
Autrement c’est choquer le sens & la raison,
Et renforcer en vain les murs de la prison.
C’est l’horreur qui la suit qui fait les banqueroutes,
Son objet effroyable en a fait les déroutes.
Et tel homme d’honneur se voit souuent contraint,
D’éuiter s’absentant ce desordre qu’il craint.
Aymant mieux voir perir sa maison desolée,
Que d’aller en prison trouuer son Mausolée.
Et c’est ce qu’vn grand Sainct le plus sainct de nos Roys,
Ce sage sainct Louys reconnut autresfois,
Alors qu’il ordonna que pour cause ciuile,
Tout debiteur auroit liberté dans la Ville,
Et qu’il pourroit ainsi faire valoir ses biens,
Enfin que ses Sujets viuroient comme Chrestiens.
Sans vser desormais de la cruelle rage
Dont les persecuteurs vsoient auec outrage.
En sorte qu’à la fin la Loy de sa bonté
Deffendit d’opprimer la bonne volonté.
Vous Tuteurs de l’Estat, assemblez dans sa Salle,
Tirez les gens de bien du funeste Dedale,
Où l’Edit de Moulins les a precipitez,
Et moderez l’excez de ses seueritez.
Il est vray, les prisons souuent sont necessaires,
Alors qu’vn debiteur veut cacher ses affaires,
Ou lors qu’estant prodigue, ou bien vn negligent,
Il ne veut pas bailler du bien au lieu d’argent.
Mais faites qu’en offrant & le bien & les tiltres,
Et pour en transporter de conuenir d’arbitres.
Ou bien pour l’estimer sur vn prix de raison,
Le debiteur d’abord soit tiré de prison.
Ce sera le moyen d’en tirer l’aduantage
Qu’on voit injustement tourner à son dommage :
Puisque cette rigueur assujettit sous soy,
Ainsi qu’vn affronteur l’homme de bonne foy.
Imposant au mal-heur qui forme vne déroute,
La honte du prodigue ou de la banqueroute,
Ou force le captif qui cherit son honneur,
De quitter de son bien au tiers de sa valeur,
Afin de s’exempter d’vn outrage sensible.
Qui cause à son credit vne perte infaillible.
Alors que le mocqueur le regarde en public
De ses yeux plus cruels que ceux d’vn basilic.
Donnez donc sauf-conduit à qui vous le demande,
En declarant ses biens à peine de l’amande,
Et que l’amende soit que le bien recelé,
On confisque à celuy qui l’aura reuelé.
Le deub des creanciers déduit au prealable,
Et par le receleur à ce deffaut payable.    
Ainsi vous preuiendrez par vn moyen aisé,
Qu’vn creancier loyal ne se trouue abusé.
Mais arriere Tyrans qui voulez qu’on vous cede
Les biens qu’vn prisonnier ou pretend, ou possede :
Et qui bien qu’il en offre à leur iuste valeur,
S’il ne les cede tous est traité de voleur.
Quand mesme il n’en faudroit aux rigueurs les plus grandes
Que la vingtiesme part pour toutes vos demandes.
Vous voulez, dites-vous, argent ou cession,
Ou qu’il fournisse au moins soluable caution.
Qu’il cherche des Marchands si ses biens il veut vendre,
Et que vous pour Marchands il ne doit pas pretendre,
Mais comment voulez-vous qu’estant ainsi captif,
Il attire vn Marchand qui fait le fugitif ?
Et qui s’aduantageant de le voir dans l’abisme,
De la iuste valeur à peine offre la disme.
D’ailleurs vous ne voulez d’arbitres ny d’amis,
Et pour vous ajuster iamais de compromis.
Car selon vos discours la Loy que l’on obserue
Veut qu’il cede ses biens sans faire de reserue,
Sinon c’est vn mutin, & l’on doit par raison
Le faire (dites-vous) perir dans la prison.
Puisqu’au lieu de ioüir de la grace du Prince,
Il prefere insensé, quelque bien de Prouince,
Qui mesme en non valeur est saisi dessus luy,
Et qui l’abandonnant le tireroit d’ennuy.
Bref qu’il vaut mieux quitter les biens de la fortune,
Que de souffrir tousiours la prison importune.
Ouy certes ; mais voleurs, dites à quel propos
Vous luy vendez si cher cét estrange repos.
Pourquoy vous quitter tout si la moindre partie.
Peut en vous asseurant procurer sa sortie ?
Et pourquoy serez vous seuls Iuges de son sort ?
En vous offrant assez n’auez vous pas le tort ?
Que ferez-vous, Messieurs, de cette plus valuë,
Que vous voulez rauir de puissance absoluë ?
Car en vous cedant tout, il n’a plus d’action,
Et partant vous voulez faire vne exaction.
Mais qu’il vous baille donc à tout le moins vn plege,
S’il peut, repliquez vous, auoir ce priuilege.
Car n’ayant qu’vne part qui nous peut garantir,
Estans dépossedez d’vn soudain repentir ?
Dites moy, bons voleurs, si ce cas vous arriue,
Quel obstacle au recours s’oppose, ou vous en priue,
Le reste de ses biens n’en est il pas garant,
Peut-on pas s’éclaircir de tout en conferant.
Et faut-il cependant sous pretexte d’vn doute,
Et feint le plus souuent le mettre à la déroute.
Ie demeure d’accord qu’on doit tout exposer,
Et que pour vous payer on doit tout proposer.
Mais de vous quitter tout, & s’en aller aux Halles
Se sousmettre en public au plus grand des scandales,
Doit-on nommer cela benefice du Roy ?
Messeigneurs les brigans ; helas ! excusez-moy,
La peine du captif est fort illegitime,
Quand c’est pour excuser l’horreur de vostre crime,
Et quand contre son gré faute de caution,
Il s’y voit obligé par sa detention,
Qui seule le plongeant en ce desordre extrême,
S’il resiste, retourne, enfin contre vous mesme.    
Les prisonniers encor viennent à iointes mains
Vous demander la fin de leurs maux inhumains.
Et puisqu’vn sainct desir de justice vous touche ;
Qu’il vous plaise, Messieurs, les entendre de bouche.
Qu’ils puissent proposer eux mesmes leurs raison,
Et que pour cét effet vous alliez aux prisons.
Non, comme à la seance, ou bien comme aux visites,
Où les seuls prisonniers pour des sommes petites,
Rencontrent quelquesfois grace deuant vos yeux,
Les autres prisonniers vous requierent de mieux,
Car mesme il vous faudroit des lumieres infuses
Pour iuger sans erreur tant d’affaires confuses.
A sçauoir que chacun de Messieurs de la Cour
Aille dans les prisons Royales tour à tour.
Et donner audiance à chacune partie,
Dresser procez verbal aux fins de la sortie,
Agiter, voir, traiter toutes les questions,
Sur les expediens & propositions.
Interroger chacun si c’est point par enuie,
Ou par motif secret venu de calomnie,
Si c’est par impuissance ou bien par dureté ;
Recognoistre le vray selon sa pureté ;
Rendre autant qu’il pourra la liberté facile,
Et conseruer à tous l’honorable & l’vtile.
Et si le creancier, ou bien son Procureur,
Tesmoigne tant soit peu de caprice ou d’aigreur,
Faisant dégenerer la contrainte en supplice,
Deslors la bonne foy preuale à sa malice,
Et le Iuge benin en fasse son rapport,
Ayant sçeu sans surprise à qui donner le tort.
C’est l’vnique moyen d’estouffer toute feinte,
Et de tant d’opprimez la déplorable plainte,    
De plus, pour reprimer ce mal pernicieux,
Si l’emprisonnement paroist injurieux,
En tirant de prison la personne arrestée,
Que la mesme prison à l’autheur apprestée,
Punisse son dessein malin & violent,
Et donnez la risposte à cét homme insolent.
Par cette Talion vous preuiendrez l’outrage
Que met au desespoir vn homme de courage.
Et si vous exemptez son honneur de danger,
Vous l’exemptez encor du soin de se vanger.
Mais si le prisonnier se pouruoit par Requeste,
O que de tours auant que l’instance soit preste ?
Puisqu’au lieu de traiter à fonds la question,
Et de parler sur l’offre ou sur l’exception ;
On le diffame, absent, & l’on le calomnie,
Ainsi la liberté souuent on luy dénie.
Et sans voir son procez en estat de iuger,
Par mille faux rapports on le fait enrager.
En sorte qu’en prison à la fin il demeure,
A faute d’auoir eu l’audiance d’vne heure,
Que si l’infection & l’horreur de ces lieux,
Blessent vostre odorat aussi bien que vos yeux.
En tout cas, commettez quelqu’vn qui les entende,
Et qui sommairement instruise la demande.
Que le procez verbal dans la prison dressé,
Present ou conuenu chacun interessé.
Chacun dessus le champ soit tenu de produire,
Pour prouuer par escrit ce qu’il a fait escrire.
Et si ce qu’vn chacun allegue n’est prouué,
Qu’on presume de luy qu’il l’aura controuué.
Car mesme vn creancier pretend faire surprise,
Quand pour prouuer son faict il cherche vne remise :
D’autant qu’vn creancier doit tousiours estre prest
De monstrer par escrit où va son interest.
Enfin donnez, Messieurs, la fin à la misere,
Non pas selon le deub, mais pour ce qu’on peut faire :
Car l’impuissance exclud le pouuoir de la Loy,
Et la prison n’en veut qu’à la mauuaise foy.
Allez y donc, Messieurs, cognoistre sa puissance,
Quel bien il peut donner, ou bien quelle asseurance,
Et mettez-le dehors en faisant ce qu’il peut,
Et non pas en faisant tout ce que l’autre veut.
C’est ce que vous sçaurez dans vne conference,
Où l’on peut discerner le vray de l’apparence,
Et par vne raison exempte de la Loy,
Ordonner pour autruy ce qu’on voudroit pour soy.
On suiura, ce faisant, la Loy de la Nature ;
Mais on y contreuient, & l’on luy fait injure :
Puis qu’aucun creancier ne voudroit pas quitter
Au tiers de sa valeur son bien pour s’acquitter.
Et c’est pourquoy l’on doit par vn moyen tres-sage,
Imposer en ce cas la Loy de l’arbitrage.
Aussi bien les moyens de fournir de l’argent
Sont tres-pernicieux s’ils viennent du Sergent,
Veu qu’en vendant les biens il a tousiours attente
D’auoir part au butin qui vient de la méuente,
C’est pourquoy tel qui n’a qu’vne simple action,
Emprisonne d’abord pour faire exaction.
Et son projet peruers est de tirer par force
Ce qu’à peine à vos yeux il fait voir en écorce.
Et bien que l’equité deust monstrer sa vigueur.
Pour punir ces brigans auec toute rigueur :
La faueur bien souuent preuaut à la Iustice,
Et la vertu languit sous l’empire du vice.    
Enfin pensez, Messieurs, que vous estes Chrestiens,
Qu’on n’arreste le corps que pour auoir les biens.
Et que de la prison la longueur trop funeste
Ne produit que des maux bien pires que la peste,
De ces discours trop vrais iugez donc apres tout,
Si ce mal inhumain doit point auoir de bout.
Et si monstrant les biens, & mesme offrant les tiltres,
Et pour en transporter de conuenir d’arbitres :
Ou pour les estimer sut vn prix de raison,
Le debiteur doit pas sortir de la prison.    
Vn autre objet encor d’vne misere extresme,
Par son injuste sort me met hors de moy mesme :
Quand le riche en prison, toutefois indigent,
Ses biens estans saisis ne peut auoir d’argent.
N’y partant en ce cas obtenir la Iustice,
Car elle couste au moins tout autant que l’espice,
Puis qu’il faut de l’argent à qui veut l’obtenir,
Et c’est donc, ie rougis de vous entretenir.
Cependant il est vray qu’à faute d’assistance,
Le droict le mieux fondé perit sans resistence.
Pource que par deffauts ou par forclusion,
Le tort iette le droict dans la confusion.
Or quelle horreur, Messieurs, que le bon droict perisse,
Pour ne pouuoir fournir aux frais de la Iustice.
Faut-il pas de l’argent d’abord au Procureur,
Argent pour le Greffier, argent au Controlleur,
Argent pour les Huissiers, argent pour les Notaires,
De l’argent pour vos Clercs qu’on nomme Secretaires,
Sans compter ce qu’il couste enuers les Aduocats,
Qui par leurs beaux discours attrapent nos ducats,
Vos espices partant ne font comme ie pense,
Que la trentiesme part de toute la dépense.
Il faut donc de l’argent, car si l’on n’en a point,
L’on ne peut accomplir ce qui seroit enjoint.
Si bien qu’estant forclos & priué de deffence,
Les biens les mieux acquis tombent en decadence.
Et faute de pouuoir à ces frais subuenir,
Le droict le plus constant ne peut se maintenir.
Si bien que l’oppressé perd ses biens sans ressource,
Par ordre de Iustice, & desordre de bourse.
S’il aduient qu’on ad, ourne vn pauure prisonnier,
Qui pour auoir du pain n’a pas mesme vn denier.
Comment voulez-vous donc, Messieurs, qu’il se deffende ?
Et comment pensez-vous que le Iuge l’entende ?
Car point de Procureur si l’argent luy de faut,
Et s’il ne comparoist on luy donne le saut.
Or s’il doit comparoir, voyez de quelle sorte,
Puisque de la prison on luy ferme la porte.    
Mais quoy ! les biens saisis & le corps en prison,
Ne pouuoir obtenir justice, ny raison,
Et voir l’homme de bien accablé sous l’empire
De celuy qui cruel sa ruïne conspire.
Comme si son pouuoir deuoit estre absolu,
Pour vous faire ordonner ce qu’il a resolu.
C’est vne Loy, Messieurs, qui deuient tyrannique,
Et que l’abus des temps a rendu trop inique.
Depuis que l’vsurier par trop interessé,
A pû d’vn debiteur en faire vn oppressé.
Apres cela, Messieurs, dites en conscience
Si vous auez iamais connu cette science :
Si vos esprits se sont quelques fois attachez
A penetrer à fonds ces desordres cachez.
Et que penserez vous que dans la France on die ?
Que seruiroit, Messieurs, icy de vous flatter,
Les plaintes de ces maux commencent d’éclatter.
Et si c’est par vous seuls que le Roy les écoute,
Ne sera ce donc pas causer nostre déroute ;
Si chacun Officier se voyant restabli,
Les maux des gens de bien demeurent dans l’oubli,
Car quel soulagement au bien de la Iustice,
De voir les Officiers remis en exercice.
Et leurs ordres reglez selon leurs fonctions,
Que sert de reuoquer toutes Commissions.
Si de tant d’Officiers le nombre tres-enorme,
N’est pas suppression reduit à la reforme.
Que sert de compiler des volumes de Lois,
Si l’on n’obserue plus l’Ordonnance des Rois.
Si l’vsure, le vol, la fraude, la malice,
La fausseté, l’outrage, & mesme l’injustice,
Fomentent les abus qui nous ont desoles,
Pour partager nos biens quand on les à volez.
Quelle honte de voir qu’on to lere l’ordure
De la mendicité, du change, & de l’vsure.
Que Dieu dont la parole est durable à iamais,
Ne soit pas mesme exempt de controlle & de mais :
Et que contre les Lois de sa Bible & du Code,
Il se trouue à Paris vne vsure à la mode,
Auec laquelle on puisse entrer en Paradis,
Combien que l’vsurier en fut priué iadis.
Que l’on voye enfin le Prestre & le Laïque
Exercer impuni ce trafic Iudaïque.
Que les deniers du Roy par roolles départis
Soient par les Receueurs encore diuertis ;
Que des decrets fraudeux les méventes peruerses
Ruïnent nos maisons par cent causes diuerses ;
Et qu’alors que nos biens on adiuge à l’encan,
On prise le drap d’or au prix du bourracan :
Que le style frippon & plein de brigandage
Qu’on tient au Chastelet par vn mauuais vsage,
Lors que les Procureurs procedent par defauts,
Fassent passer pour bon & l’iniuste & le faux.
Qu’on souffre l’attentat ainsi que les faussaires,
Et qu’ils soient impunis comme gens nécessaires,
Pource qu’ils font grossir le trouble des maisons,
Qu’on endure aux méchans d’employer les prisons,
Pour exiger par force & contre la Iustice,
Ce que veut leur vengeance, ou bien leur auarice.
En vn mot, quelle horreur si vous ne pouruoyez
Sur ces aduis certains qui vous sont enuoyez.
Messieurs, si ce discours vous semble temeraire,
Il est vray pour le moins autant que necessaire,  

FIN.

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Occurrence 31. Anonyme. AVIS AV MARESCHAL DE TVRENNE, SVR SON... (1650) chez Variquet (Pierre) à Paris , 24 pages. Langue : français. Le nom de l'imprimeur est au colophon.. Référence RIM : M0_478 ; cote locale : D_1_32. le 2012-04-13 16:18:20. Vous auriez perdu la memoire de ce qui s’est passé, si vous
auiez encor quelque esperance en l’auenir. Il ne faut que faire
vne petite course dans nos deux dernieres guerres auec
l’Estranger ; en l’vne on void vn malheureux obstiné, qui croit
tousiours de iustifier ses fautes par la perseuerance, & ne continuë
de faillir (s’il faut ainsi dire) que par la peur de deuenir
innocent, & de se mettre à la mercy des loix qu’il auoit offensées :
il est accablé de faueurs par ceux de son party : mais
comme il ne prend aucun goust dans leur possession, soit qu’il
pense que quelqu’autre consideration que celle de son merite
les attire, ou que pour les reconnoistre il se sente obligé
plus qu’à vne sousmission gratuite, & n’estime l’amitié qu’on
luy porte qu’vne fascheuse dependance, ce desespoir l’entraisne
enfin iusques à vn exil ignominieux, où il n’a laissé
aucune trace de son nom : mais comme vne beste timide qui
abhorre le iour & la compagnie, il se cache de frayeur, laisse,
dit-on, aller quelques souspirs sur se mauuaise conduite, sans
auoir pû receuoir cette satisfaction, que de faire auoüer son
repentir à ceux de son païs. Le Comte de
Candæle eu
Capdolat,
frere du Cõte
de Faix,
Cheualier
de l’Ordre de
la Iarretiere,
decedé en
Arrogé sous
CharlesVI. En l’autre il se void vne pauure victime prise dans les filets
des Espagnols, sacrifiée à la credulité & à la ruse, qu’il tâchent
de tromper lors qu’il leur est du tout impossible de la vaincre ; qu’il recherchent non pas d’vn amour licite, mais d’vn amour
adultere, à dessein seulement de s’en seruir, ne l’ayant accablé
d’offres & de promesses que pour luy oster plus facilement
l’honneur, la disposition de soy-mesme, & finalement
la vie qu’il perdit d’vne façon aussi peu connuë aux Sages,
qu’inéuitable aux plus heureux.   Le Connestable
de
Bourbon. Vostre traitement ne sera pas meilleur. Leurs caresses vous
tueront ou elles vous corrompront. C’est vn corps (dit ce
mesme autheur que ie sorts d’alleguer, & duquel ie n’ay pû
m’empescher d’emprunter plusieurs belles reflexions sur cette
matiere) qui sallit & gaste tout ce qu’il touche : les endroits
qu’il ne ronge pas de ses morsures, il les infecte de son haleine.
Il ne faut pas estimer ses presens moins funestes que
ses menaces, & son amitié n’en a pas moins opprimez que sa
haine. Il fait maintenant semblant de vous laisser quelque vaine
image de commandement sur ses Troupes, parce qu’il sçait
bien que vous n’en deuez iamais attendre vne vraye obeïssance,
& que pour en obtenir quelque chose, il faudra toûjours
que vous leur en promettiez vne autre ; que vous les
gouuerniez auec des artifices honteux, en quelque bonne
opinion que vous les ayez mises de vôtre suffisance pendant
vôtre Generalat en Allemagne ; que vous soyez le flatteur &
le corrupteur de vostre Armée ; que tous les iours vous inuentiez
des nouuelles pour entretenir leurs esperances ; que vous
composiez des Propheties de l’Etat populaire de Bordeaux
pour amuser les credules ; qu’en vn mot dans l’apprehension
de vostre prochaine ruïne & parmy les horreurs du desespoir,
vous ayez toutes les mines & toutes les apparences d’vn homme
content. Quand vous seriez mesmes si heureux que de vous concilier
le respect & la veneration qui doit tomber dans vne puissance
legitime, ces Troupes qui se verront ainsi conduites
par vne crainte seruile, ne vous feront iamais maistre de leurs
affections. Il n’est pas possible que des gens qui prennent tant
de part à la grandeur du leur, qui ne se plaignent que rarement
de leurs miseres, conçoiuent iamais vn fauorable sentiment
d’vn homme qui s’oppose auec cette fureur à la gloire
du sien. Ils verront que vous auez couru iusques au bout du
monde pour chercher des ennemis à vostre patrie ; que vous auez fait fort peu d’estat de la dignité du nom François ; que
vous n’estes bon qu’à exciter des orages dans la serenité des
plus beaux iours, & comme ces bestes ennemies du Soleil, qui
vont chercher dans la base & le limon des fontaines dequoy enlaidir
son image, vous allez prendre tout ce qu’il y a de l’hõme,
de terrestre & de pesant pour obscurcir les bienfaits du Roy,
décrier ses ouurages en la personne de ses Ministres, qu’il ne
faut pas considerer dans la splendeur qui les enuironne, mais
dans les aiguillons qui les percent ; non pas comme des Pilotes
oisifs, qui regardent dans la boussole, mais comme des pauures
forçats qui tirent la rame à force de bras.   Vous sçauez, M. ce qui se peut dire de nos Ennemis là-dessus.
Il seroit seulement à desirer que nous fussions aussi bons François,
comme ils sont bons Espagnols, & de nous piquer d’estre
en nostre espece, ce qu’ils sont dans vn genre de Brauour, plus
ridicule peut-estre en sa substance ; mais auec tout cela moins
souuent adjoustée à la cruauté & à l’insolence que la nostre. Ils
sçauent donner de la reputation aux plus petites choses : ils témoignent
de l’indifference dans leurs plus grandes douleurs : il
n’est d’outrage si cruel de la fortune qu’ils ne sçachent supporter
auec fierté & auec dédain : ils combattent la faim & le froid
tout ensemble : la prise d’vne Bicoque les transporte, & le Catelet
a fait allumer plus de feux de joye, que la perte de Dunkerque
ne fit voir de cierges larmoyans à Gant & à Bruxelles. I’adjouste que si cette prosperité impetueuse de la France,
qui a tout emporté depuis trente ans continuë, il n’y aura sorte
de mauuais succés dans leur armée, soit qu’il sorte des arrests de
Ciel, ou du cours ordinaire de la Nature, qui ne vous soit aussi-tost
imputé. Vous serez comme vn Chrestien du temps de Domitien :
tout ce qui se leuera dans l’air de venimeux, ou par la
forcc des Sorciers, nous sera retorqué. Ils diront tousiours que
c’est vn Infidele qui leur pese ; que c’est le poids de cét Etranger,
qui surcharge le vaisseau ; qu’il s’en faut déliurer. Pondus fugitiur
Prophetæ.
lon. Et doutez-vous que ce qui reste d’eux couste beaucoup à
défaire, & qu’aux termes où sont les choses, il faille conclurre
à vn changement de fortune pour quelques ziphirs qui leurs
soufflent à la trauerse ? Le gain qu’ils font ne fait qu’augmenter
leur indigence, allumer leurs desirs ; le repos qu’ils prennent est
le premier sommeil des malades qui les peut bien rafraischir,
mais ne leur promet rien de leur santé. Il n’y a rien à faire oui ne fut facile à executer à vn mal-heureux. C’est vn peu de desespoir
qui les porte, mais ils seront bien-tost consommez de
nos forces, de nostre courage, & de nostre bon-heur.   Si nos desordres publics nourrissent leur attente & leur credulité,
ce n’est plus comme autrefois cette premiere colere, qui
estoit suiuie de la prise des villes & de la desolation de la campagne,
la France estoit en vn autre temps espouuantée : « Si tost
que deux ou trois mécontents se retiroient de la Cour, elle se
figuroit qu’ils entrainoient des Prouinces entieres & des communautez,
sans trouuer de resistance : en suitte dequoy personne
se mettoit point en deuoir de les chastier, mais on taschoit
de les adoucir : au lieu de les visiter auec du canon & des soldats,
on leur enuoyoit des gens de robbe chargez d’offres &
des conditions, qui leur promettoient beaucoup plus qu’ils ne
pouuoient esperer de la victoire. » Balz. « Pour lors la bonté du Prince estoit le reuenu le plus certain
des coupables : elle payoit tous les iours ses ennemis : à la moindre
rumeur il descendoit de son Trône pour traiter auec ses Sujets ;
& apres auoir plusieurs fois declaré solemnellement que
tout auoit esté fait pour le bien de son seruice, il sçauoit bon
gré à ces seruiteurs infideles des affrons qu’il auoit receu d’eux. » « Maintenant il ne se trouue plus tant de François languissans
à son seruice, si ennemis de leur patrie, si décriez parmy les
Nations estrangeres. » Le Prince a communiqué sa force & sa
vigueur à la Republique (comme on disoit autrefois de Tibere)
elle respire en toutes les parties de son corps, de l’esprit & de la
vie qu’il luy a pleu de luy respandre. Il s’est trouué graces à
Dieu des gens qui ont trauaillé virilement à cette serieuse reformation
tant souhaittée. Il y en a qui ont corrigé les fautes
de leurs siecles, qui ont trouué tout ensemble de la discipline
aux guerres, du secret au Conseil, de la prud’hommie aux negotiations.
Nostre bonne foy qui s’estoit perduë, est en meilleur
odeur parmy les autres ; & vn Etat malade & diuisé, qui ne
pouuoit se soustenir que par les peines & par les menaces, se
soustient à present par sa seule reputation, & n’est redoutable
que par son authorité. Animam illum
esse dixit
cuius viuum
Reipublicæ
corpus
virtute
regeretur.
Tac. l. 2. ann. Nous voyons que chacun y vse de circonspection & de prudence ;
que chacun y cherche ses mesures, comme le petit Herisson,
qui tourne tousiours la porte de sa maison, du costé que
tourne le vent. Cognosce, Elige, Matura, disoit vne vieille monnoye de Ferdinand de Bauiere ; Pesez bien, Discernez bien,
Laissez bien meurir vostre conseil ; car il n’y a que ceux qui ont
fait cette mal-heureuse experience, qui sçachent auec quelle
seruitude on commande à des rebelles, parmy lesquels outre
que les meilleures actions ont besoin d’abolition, que les victoires
sont des parricides, & qu’il n’y a pas seulement esperance
de receuoir vne mort honneste, il ne se peut encore ny apporter,
ny trouuer de confiance, à cause qu’il y a du merite à
tromper, & qu’en quittant son party, on fait tousiours son deuoir.   C’est là le premier desespoir de celuy qui a pris les armes
contre son païs, que d’estre reduit en quelque façon à la necessité
de mal faire, pour le peu de seureté qu’il trouue à faire bien :
Il est tousiours fascheux aux ames bien nées de craindre de paruenir
mesme iusqu’à l’innocence, de perseuerer dans l’erreur,
de peur de ne pouuoir iamais assez satisfaire de la repentance.
C’est vn precipice où dés qu’on est vne fois tombé, on n’en
remonte plus : on trouue plus de danger à cesser, qu’à commencer
d’estre coupable ; & quoy qu’à cét instant où l’on s’engage
il y ait beaucoup de lumieres du Ciel à écarter, beaucoup d’attaches
du deuoir naturel à rompre, tous ces tourmens pourtant
dont vne ame est agitée sur le poinct de son choix, n’égalent pas
ces meffiances & ces craintes qui la déchirent quand elle veut
tout à bon se deffaire d’vne iniuste authorité ; & ce Tiran qui
demandoit vn Dieu pour caution de sa vie, quand il auroit quitté
la tyrannie, auoit quelque raison de chercher ses seuretez,
sur la chose du monde la plus perilleuse dont on se saisit encore
auec bien moins de peine qu’on ne s’en dépoüille. C’est ce qui me persuade que la plus mauuaise place aupres
du Roy vaudra tousiours infiniment plus que vostre Generalat
en Flandres, & celuy du Duc de Boüillon en Guyenne, & que
l’vn & l’autre considerans l’auenir, qui ne vous montre rien que
de funeste, portera quelquefois enuie aux prisonniers du Bois
Vincennes, qui attendent pour le moins en repos la misericorde
du Roy. Quelques habiles, quelques laborieux que vous soyez
l’vn & l’autre : vos entreprises sont semblables aux efforts des
gens qui songent. Vous trauaillez, vous vous debattez inutilement ;
vous ne sçauriez rien faire en dépit du Ciel. S’il luy plaist
vous échoüerez dans vn vaisseau, & s’il luy plaist aussi vous voguerez
sur vne claye : mais i’ay bien de la peine à croire auec toute la promptitude & la facilité des plus grands hommes, que
vous puissiez iamais meriter vne pareille deuise à celle qu’Vrbain
II. ordonna de porter à ces genereux Liberateurs de la
Terre saincte dans leurs drappeaux, DIEV LE VEVT.   Toutes ces choses m’obligent à croire sainement que l’vn &
l’autre pensera à sa condition presente, & s’il ne s’est écarté de
son deuoir que pour y rentrer auec ceremonie & auec éclat,
qu’il aimera mieux se fier à vne parole qui ne peut manquer,
qu’à des murailles que se peuuent prendre, qu’à des ennemis
qu’on a accoustumé de battre, qui ont vn dessein constant &
perpetuel de se rendre maistres de la France, dont tous les Traitez
sont fardez & frauduleux, dont les commandemens sont
tousiours superbes & outrageux, les pensées vastes & infinies,
l’esprit tousiours armé, & occupé à des méchantes & tragiques
inuentions ; qui diront que le Mareschal de Turenne apres
auoir poussé plus auant ses armes que les Romains n’auoient
poussé leurs desirs, a passé seulement pour vn homme qui estoit
à vendre : Le Duc de Boüillon en qui vne haute estime s’estoit
consacrée parmy les siens, deuenu pensionnaire du Roy d’Espagne. C’est ce qui n’est pas encore si considerable, comme la fragilité
des exemples, la fortune qui fait le ioüet des plus ambitieux,
le defaut des amis qui se rebutteront, la dureté de la matiere
qu’ils ont entreprise, l’éternelle sinderese de leur cõscience,
qui leur donnera des rudes attaques au milieu d’vn profond
repos, & dans vne asseurance étudiée ; dont l’image menaçante
leur fera voir le respect de la Majesté royale violé, l’amour
de la patrie profané, les Loix impunément foulées, & vn Roy
dans son indignation, qui verra des yeux de trauers leur posterité,
& se rendra le meurtrier aussi-tost que le pere de leurs enfans.

A PARIS, De l’Imprimerie de PIERRE VARIQVET,
ruë Sainct Iacques.

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1 2

Occurrences 26-136:


26. Ailly-Annery, Charles d'... . HARANGVE FAITE AV ROY, Par Messieurs les... (1652) chez Guillemot (veuve de Jean) à Paris , 8 pages. Langue : français. Signature au colophon. Voir aussi B_1_29. Référence RIM : M0_1593 ; cote locale : B_19_1. Texte édité par Site Admin le 2012-10-29 06:29:16. [ Sub2Sect | Section]

HARANGVE
FAITE AV ROY,
Par Messieurs les Deputez du Corps
de la Noblesse. Monsieur de Nossey portant la parole.

A. PARIS,
De l’Imprimerie de la Vefue I. GVILLEMOT,
Imprimeuse ordinaire de son Altesse Royale, & de
la Ville, ruë Marmouzets, proche
l’Eglise de la Magdelaine.

M. DC. LII. HARANGVE
FAITE AV ROY
Par Messieurs les Deputez du Corps
de la Noblesse. Monsieur de Nossey portant la parole. SIRE, Novs exposerons à Vostre Majesté en peu de mots le
sujet de nostre deputation, les longs discours ne sont ny de saison ny bien
seans en la bouche d’vn Corps, dont le zele & la fidelité à vostre seruice, dois
se faire paroistre par des effets. C’est le dessein de tous ceux qui le composent, qui attendent auec impatience
esgale à leur deuoir les ordres de Vostre Majesté pour se rendre aupres
d’Elle. Ils auoient tousiours esperé que l’honneur qu’ils ont seuls dans l’Estat
de vous auoir pour Chef les garantiroit d’opression, & l’on peut dire qu’ils
sont accablez. Cette verité paroistra à Vostre Majesté, par le Cahier duquel ils la supplient
tres-humblement que lecture soit presentement faite, & de leur faire
justice. Ensuit le Cahier. SIRE, Il n’y a point de deuoir plus legitime & plus naturel que nostre fidelité
pour Vostre Majesté, non seulement parce que vous estes nostre Roy, mais
aussi parce que nous auons seuls des trois Ordres l’honneur de vous auoir
pour Chef. Cette verité nous persuadoit, qu’ayant iugé necessaire pour le remede
à nos besoins de nous assembler, nos intentions ne pouuoient estre tenduës suspectes à Vostre Majesté, bien que nous en eussions pas eu vne
expresse permission, & neantmoins ce malheur nous est arriué apres en auoir
successiuement obtenu plusieurs de bouche & par escrit.   La premiere de nos Assemblées tenuë à Paris en 1649. en fait foy, le projet
s’en fit dans le Cabinet de la Reyne lors Regente, apres son consentement,
& fut sollicitée par les personnes qui auoient l’honneur de l’approcher de
plus pres, Vostre Majesté l’approuua de l’aduis de la Reyne vostre Mere, ce
que nous sceusmes de la bouche de Messieurs les Mareschaux Destrée,
de Chombert, de l’Hospital & de Villeroy, qui furent enuoyez d’Elle vers
nous, auec pouuoir de nous en asseurer. La susdite Assemblée ne se separa qu’apres auoir obtenu Breuet de Vostre
Majesté signé de sa main & des quatre Secretaires d’Estat, portant seureté de
la promesse qui nous estoit faite, que nulle maison de Gentilhomme n’auroit
le rang de Prince, ny n’en pourroit prendre la qualité ; & qu’apres auoir deputé
vers Vostre Majesté, en laquelle deputation Monsieur le Mareschal
Destrée portant la parole exposa nos plaintes, ausquelles & particulierement
aux excez des gens de guerre, la Reyne promit au nom de Vostre Majesté vn
remede present, comme aussi à l’vsurpation injuste de la qualité de Gentil-homme,
& promit de rassembler en cas d’inexecution desdites promesses
données par escrit & de bouche. En vertu de quoy les mesmes oppressions ayant multiplié les souffrances
ausquelles le soulagement nous auoit esté promis, nous fusmes contraints de
nous assembler à Paris en 1651. où pour remedier à tant de desordres pressans,
il fut resolu de demander l’Vnion à Messieurs du Clergé, nous l’obtinmes
facilement de leur pieté pour la solicitation d’vn si juste dessein de concert
entre nos deux Ordres. Il fut arresté de demander à vostre Majesté par
l’entremise de Monsieur le Duc d’Orleans, lors Lieutenant General de
l’Estat, & de Messieurs les Princes du Sang, la tenuë des Estats generaux que
Vostre Majesté eut la bonté de leur accorder par escrit signé de sa main, de
celle de la Reyne Regente, & des quatre Secretaires d’Estat, & de leur donner
aussi pouuoir de s’engager à nous de vostre part à ladite tenuë ; ce qu’ils
firent par d’autres escrits signez de leurs mains, & qui portoient pouuoir de
nous donner en Vostre Nom permission expresse de nous rassembler, si l’ouuerture
ne s’en faisoit dans ce temps promis en ces termes. Et ce pour nous
joindre à Monsieur le Duc d’Orleans, & à Messieurs les Princes du Sang,
pour aduiser ensemblement à tout ce qui sera necessaire pour le bien & seruice
de Vostre Majesté, & à la tenuë desdits Estats, sans que nous en puissions
estre blasmez ny estre imputez à aucune faute ou manquement de ce que
nous deuons à Vostre Majesté, quelques ordres ou commandement mesme
que nous puissions lors en receuoir au contraire. Les temps de tenir les Estats ayans passe sans que l’ouuerture en aye esté
faite, le pillage, violences, & actions execrables des gens de guerre estant
arriué au point qu’vn chacun les sçait & les sent, nous aurions creu estre coupables des maux aduenir, si en ayant obtenu la promesse par la voye de nos
Assemblées. Nous le continuons pour en demander à Vostre Majesté l’execution
auec tout le respect & la submission que nous luy deuons dans le besoin
que nous auons de restablir Vostre Authorité, & de la maintenir contre
les entreprises de vos Ennemis, ne connoissant que ce seul moyen efficace
pour y paruenir, tiret vos peuples de l’opression, & particulierement nous
qui ne pouuons estre affoiblis, ayans l’honneur d’estre vos membres, que
vous ne vous en ressentiez.   Le fondement de nos Assemblées ainsi establysans nous seruir de celuy que
nous fournissent les Ordonnances sur les reglemens des gens de guerre qui y
sont expresses. N’auons-nous pas vn extréme sujet de douleur de voir que
les Lettres escrites par Vostre Majesté à Messieurs du Clergé & à Monsieur de
Liancourt, Nous traitent comme si nous n’auions ny permission ny cause de
nous assembler, & de voir que nos Calomniateurs ont fait de tres-fortes impressions
sur Vostre Esprit ; nous le connoissons par leurs termes pleins de
soupçons sur les particuliers de nostre Assemblée, de doute que les resolutions
ne soient contraires à vostre seruice, comme si la lascheté de l’abandonner
n’estoit pas nostre ruine. Nos franchises & nos immunitez y sont nommez
priuileges ; & faisant l’honneur d’escrire à tous les Ordres du Royaume, an
Clergé presentement qui nous est vny, à celuy qui nous est inferieur, lors
que vous desirerez de luy quelque obeissance. Vous vous seruez à nostre seul
esgard de moyens pour nous informer de vostre volonté, & declarez dans les
susdites Lettres, que la bien-seance empesche que nous ne receuions de Vous
ce mesme honneur. Vostre Majesté y nomme nostre conduite vne faction,
vne cabale, vne entreprise directement contraire aux loix de Vostre Royaume,
laquelle blesse Vostre Authorité, renuerse l’ancien ordre de Vostre
Estat, & est preiudiciable à nostre Corps, qui seul ne peut subsister sans vous
estre vny. Nos Assemblées, SIRE, ne peuuent estre condamnées ; la resolution de
nos dernieres les iustifie suffisamment par l’Arresté de demander la Paix, &
d’employer nos soins & nos vies pour la faire conclurre à la satisfaction de
Vostre Majesté, & au bien du Public. Qui dans l’Estat, SIRE, a plus de droict que nous à faire cette demande,
puisque la guerre ne peut continuer qu’au prix de nostre sang, & que dans la
Paix nous deurions exercer les Charges, & faire les fonctions les plus releuées.
Ce seroit Vostre seureté, SIRE, & Vostre grandeur, d’employer des
sujets Nobles incapables d’actions indignes de leur naissance. Vostre Majesté
s’en souuiendra, s’il luy plaist, pour remedier au déplaisir de Vostre Noblesse,
de n’estre pas employez dans Vostre seruice Elle vous demande encor cette
Paix tant desirée, s’offre d’y trauailler, & supplie tres-humblement Vostre
Majesté de luy vouloir donner part à la consommation d’vn bien si necessaire. Tous ces bons mouuemens, SIRE, ne nous ont pû empescher d’estre blasmez de Vostre Majesté, comme nous amusans à dresser des escrits & des
projets d’vnion nullement necessaire, au lieu d’estre en ce temps proche de
nostre Roy pour chasser les estrangers de son Estat, sans qu’aucun vous aye
fait entendre qu’il y eust autre moyen pour produire le seruice que Vostre
Majesté a tesmoigné desirer de nous dans les Assemblées generales ; l’esprit
du Corps tout Noble, & partant tout Royal, y preside & se communique
à tous les particuliers, desquels en detail il y en peut auoir qui n’ont pas le
mesme sentiment. Ainsi jamais Vostre Majesté ne peut tirer de secours si
puissant, laissant agir chacun seul à seul, que lors qu’ils seront assemblez, la
preuue en est éuidente par la suite de nostre conduite ; laquelle ayaut inspiré
nos resolutions dans toutes vos Prouinces, par la communication de nos Arrestez
& par nostre lettre Circulaire, Ils se sont trouuées en estat pour la
pluspart de monter à cheual, ou en volonté de trauailler pour s’y mettre
auec toute la promptitude possible. Ils nous en ont donné des asseurances en
la derniere tenuë à la Rocheguyon : mesme nous en auons esté sollicité par les
Deputez presens de diuers Bailliages selon leur sentiment, & pour obeїr aux
termes de vostre Lettre escrite à Monsieur de Liancourt ; Nous resolûmes de
monter incessamment à cheual pour courir sus à vos Ennemis, esloigner de
vostre Estat selon vos Ordres ce qui en trouble le repos, mourir plustost que
de souffrir qu’il demeure interrompu, & effacer de vostre Esprit par nos seruices,
les impressions que nos Calomniateurs y ont portées.   Si l’effet de ce mouuement genereux de nostre Corps a esté differé iusques
icy, ceux qui n’auoient pas nostre mesme dessein, & qui s’y sont opposez en
sont sans doute les coupables, & sont les veritables factieux & cabalistes ;
qui ayant trauaillé parmy nous à ruiner la fin de nos bonnes intentions, auec
autant de malice, que vos vrays seruiteurs auoient de chaleur pour en solliciter
l’accomplissement, Ont semé de mesme temps par leurs Emissaires aupres
de Vostre Majesté tout ce qui l’a pû preuenir de soupçon contre nostre
fidelité, parce que ne voulant concourir auec nous au maintien de Vostre
Authorité, ils nous en vouloient empescher la gloire. La deference, SIRE, que nous auons eüe au sentiment de Monsieur de
Liancourt d’en surseoir l’execution, qu’il n’a pas creu estre suiuant l’intention
presente de Vostre Majesté n’a rien diminué de l’impatience que nous auons
de marcher au premier Ordre que nous en receurons d’Elle ; & par cette
marque de nostre obeїssance, nous esperons en obtenir le commandement. Alors l’on connoistra l’vtilité des Assemblées de Vostre Noblesse, & l’on
jugera qu’au lieu d’estre seules condamnées dans Vostre Royaume, elles deuroient
estre seules establies, parce que ce Corps estant vostre bras droit, il
ne peut manquer à la Royauté, & ne doit iamais aussi estre diuisé pour la
soustenir plus fortement, & que ceux qui les ont sollicitées, ont l’auantage
de nous auoir ouuert vn chemin que nous deuons tousiours suiure, puisque
rien ne peut plus solidement affermir Vostre Couronne. Ce qui nous donne la liberté de supplier tres-humblement Vostre Majesté de nous en continuer
la permission, & trouuer bon qu’elles s’establissent par des Deputez de chaque
Bailliage.   L’vnion inseparable de nos interests auec les vostres, SIRE, nous donne
lieu de faire sçauoir à Vostre Majesté quelques-vns des points les plus pressans,
& qui vont à l’entiere ruine de nostre Ordre que vous estes obligez de
soustenir pour en estre soustenu seurement ; Pour vous faire connoistre que
ce n’est pas sans sujet, que nous cherchons quelque soulagement à nos maux.
Et d’autant que les autres Ordres y sont interessez, nous desirons ardemment
que la distribution des graces que nous vous demandons & vostre protection,
ne soit pas bornée à nostre seule vtilité, & qu’elle coule abondamment
sur tous vos sujets. La reformation des excez que commettent les gens
de guerre des concussions de quelques Gouuerneurs des Ordres en blanc, est
vne des plus grande. A ces plaintes, SIRE, Nous demandons à Vostre Majesté vn remede
pressant, par la deffence expresse à tous gens de guerre & Gouuerneurs, de
commettre à l’auenir rien de semblable, & le permettre par escrit en forme
donné à toute la Noblesse de Vostre Royaume, de s’assembler en cas d’inexecution
de ce present Commandement, & se seruir des Communes pour y
faire obeїr. Nous faisons particuliere instance à Vostre Majesté de faire justice à toute
Vostre Noblesse, de l’outrage qu’elle a receuë à Chartres, dont l’impunité
depuis neuf mois passe aux Ennemis pour vn mespris de vostre part, & pour
vne insensibilité de la nostre, qui augmente de iour en iour leur insolence,
dont la consequence n’est pas moindre pour vostre authorité, que pour nostre
seureté. Les Commissions données pour les Tailles, dans lesquelles les Gentils-hommes
sont compris, & celle par lesquelles nostre seureté a esté abandonnée
aux Preuosts des Mareschaux sont encores tres-essentielles. Il ne nous est
pas moins necessaire de supplier tres-humblement Vostre Majesté, de reuoquer
toutes lettres de Noblesse accordées sans connoissance de cause, & par
argent, Et declarer nulle toutes possessions vsurpées ou achetées par plusieurs
particuliers, en vertu dequelles ils joüissent de nos franchises & immunitez,
au deshonneur de nostre Corps, & à la foule de Vostre Peuple. Ces dernieres
lezions moins violentes & toutesfois tres-importantes, peuuent attendre
leur remede dans les Estats Generaux qu’il vous a pleu nous indiquer à
Tours le premier Nouembre prochain : Dont nous rendons nos tres-humbles
remerciemens à Vostre Majesté, & la supplions, que puis qu’elle a eu
la bonté de nous les accorder comme necessaires à la reformation des abus,
le pouuoir de nous assembler soit confirmé en forme, si l’ouuerture desdits
Estats n’est pas faite au jour indiqué, & de nommer dés à present six de chaque
Bailliage pour les solliciter par tous les moyens qu ils jugeront à propos,
Afin que par la negligence de les requerir, plusieurs mal-intentionnez, ou qui en craignent les decisions n’essayent lors à persuader à Vostre Majesté
qu’ils ne sont pas desirez, & qu’à l’exemple present l’on ne noircisse dans
vostre estime ceux, qui sans autre interest que vostre seruice & du bien general
de la Monarchie le voudroient entreprendre.   Apres quoy, ayant tres-humblement supplié Vostre Majesté de receuoir
fauorablement ce Discours, que nostre zele à vostre seruice a produit pour
nous justifier aupres d’Elle, luy rendre quelques-vnes de nos plaintes, luy
faire nos demandes, & pour luy prouuer tout ensemble nostre obeissance &
nostre soûmission, Nous la supplions encore tres-humblement de nous informer
de ses volontez par sa bouche, auant que de nous retirer de sa Cour ;
afin de les communiquer à ceux qui nous ont deputé, & qui la desirent impatiemment. Il nous reste, SIRE, d’adjouster l’offre de nos personnes, de nos vies, &
de celles des Gentils-hommes de nos Bailliages, qui attendent les Ordres
de Vostre Majesté ; afin qu’ils se puissent montrer dignes successeurs de ceux,
qui par la force de leurs armes ont mis la Couronne que vous portez, sur
la teste des Roys vos predecesseurs, & qui la conseruant au prix de leur sang
& de leur vie, ont merité le titre glorieux de bras droit de leur auhorité. Signé de l’ordre exprés de l’Assemblée, CHARLES D’AILLY-ANNERY.


27. Ailly-Annery, Charles d'... . HARANGVE FAITE AV ROY, Par Messieurs les... (1652) chez Guillemot (veuve de Jean) à Paris , 8 pages. Langue : français. Signature au colophon. Voir aussi B_1_29. Référence RIM : M0_1593 ; cote locale : B_19_1. Texte édité par Site Admin le 2012-10-29 06:29:16. [Page 1 SubSect | Section]

HARANGVE
FAITE AV ROY,
Par Messieurs les Deputez du Corps
de la Noblesse. Monsieur de Nossey portant la parole.

A. PARIS,
De l’Imprimerie de la Vefue I. GVILLEMOT,
Imprimeuse ordinaire de son Altesse Royale, & de
la Ville, ruë Marmouzets, proche
l’Eglise de la Magdelaine.

M. DC. LII. HARANGVE
FAITE AV ROY
Par Messieurs les Deputez du Corps
de la Noblesse. Monsieur de Nossey portant la parole. SIRE, Novs exposerons à Vostre Majesté en peu de mots le
sujet de nostre deputation, les longs discours ne sont ny de saison ny bien
seans en la bouche d’vn Corps, dont le zele & la fidelité à vostre seruice, dois
se faire paroistre par des effets. C’est le dessein de tous ceux qui le composent, qui attendent auec impatience
esgale à leur deuoir les ordres de Vostre Majesté pour se rendre aupres
d’Elle. Ils auoient tousiours esperé que l’honneur qu’ils ont seuls dans l’Estat
de vous auoir pour Chef les garantiroit d’opression, & l’on peut dire qu’ils
sont accablez. Cette verité paroistra à Vostre Majesté, par le Cahier duquel ils la supplient
tres-humblement que lecture soit presentement faite, & de leur faire
justice. Ensuit le Cahier. SIRE, Il n’y a point de deuoir plus legitime & plus naturel que nostre fidelité
pour Vostre Majesté, non seulement parce que vous estes nostre Roy, mais
aussi parce que nous auons seuls des trois Ordres l’honneur de vous auoir
pour Chef. Cette verité nous persuadoit, qu’ayant iugé necessaire pour le remede
à nos besoins de nous assembler, nos intentions ne pouuoient estre tenduës suspectes à Vostre Majesté, bien que nous en eussions pas eu vne
expresse permission, & neantmoins ce malheur nous est arriué apres en auoir
successiuement obtenu plusieurs de bouche & par escrit.   La premiere de nos Assemblées tenuë à Paris en 1649. en fait foy, le projet
s’en fit dans le Cabinet de la Reyne lors Regente, apres son consentement,
& fut sollicitée par les personnes qui auoient l’honneur de l’approcher de
plus pres, Vostre Majesté l’approuua de l’aduis de la Reyne vostre Mere, ce
que nous sceusmes de la bouche de Messieurs les Mareschaux Destrée,
de Chombert, de l’Hospital & de Villeroy, qui furent enuoyez d’Elle vers
nous, auec pouuoir de nous en asseurer. La susdite Assemblée ne se separa qu’apres auoir obtenu Breuet de Vostre
Majesté signé de sa main & des quatre Secretaires d’Estat, portant seureté de
la promesse qui nous estoit faite, que nulle maison de Gentilhomme n’auroit
le rang de Prince, ny n’en pourroit prendre la qualité ; & qu’apres auoir deputé
vers Vostre Majesté, en laquelle deputation Monsieur le Mareschal
Destrée portant la parole exposa nos plaintes, ausquelles & particulierement
aux excez des gens de guerre, la Reyne promit au nom de Vostre Majesté vn
remede present, comme aussi à l’vsurpation injuste de la qualité de Gentil-homme,
& promit de rassembler en cas d’inexecution desdites promesses
données par escrit & de bouche. En vertu de quoy les mesmes oppressions ayant multiplié les souffrances
ausquelles le soulagement nous auoit esté promis, nous fusmes contraints de
nous assembler à Paris en 1651. où pour remedier à tant de desordres pressans,
il fut resolu de demander l’Vnion à Messieurs du Clergé, nous l’obtinmes
facilement de leur pieté pour la solicitation d’vn si juste dessein de concert
entre nos deux Ordres. Il fut arresté de demander à vostre Majesté par
l’entremise de Monsieur le Duc d’Orleans, lors Lieutenant General de
l’Estat, & de Messieurs les Princes du Sang, la tenuë des Estats generaux que
Vostre Majesté eut la bonté de leur accorder par escrit signé de sa main, de
celle de la Reyne Regente, & des quatre Secretaires d’Estat, & de leur donner
aussi pouuoir de s’engager à nous de vostre part à ladite tenuë ; ce qu’ils
firent par d’autres escrits signez de leurs mains, & qui portoient pouuoir de
nous donner en Vostre Nom permission expresse de nous rassembler, si l’ouuerture
ne s’en faisoit dans ce temps promis en ces termes. Et ce pour nous
joindre à Monsieur le Duc d’Orleans, & à Messieurs les Princes du Sang,
pour aduiser ensemblement à tout ce qui sera necessaire pour le bien & seruice
de Vostre Majesté, & à la tenuë desdits Estats, sans que nous en puissions
estre blasmez ny estre imputez à aucune faute ou manquement de ce que
nous deuons à Vostre Majesté, quelques ordres ou commandement mesme
que nous puissions lors en receuoir au contraire. Les temps de tenir les Estats ayans passe sans que l’ouuerture en aye esté
faite, le pillage, violences, & actions execrables des gens de guerre estant
arriué au point qu’vn chacun les sçait & les sent, nous aurions creu estre coupables des maux aduenir, si en ayant obtenu la promesse par la voye de nos
Assemblées. Nous le continuons pour en demander à Vostre Majesté l’execution
auec tout le respect & la submission que nous luy deuons dans le besoin
que nous auons de restablir Vostre Authorité, & de la maintenir contre
les entreprises de vos Ennemis, ne connoissant que ce seul moyen efficace
pour y paruenir, tiret vos peuples de l’opression, & particulierement nous
qui ne pouuons estre affoiblis, ayans l’honneur d’estre vos membres, que
vous ne vous en ressentiez.   Le fondement de nos Assemblées ainsi establysans nous seruir de celuy que
nous fournissent les Ordonnances sur les reglemens des gens de guerre qui y
sont expresses. N’auons-nous pas vn extréme sujet de douleur de voir que
les Lettres escrites par Vostre Majesté à Messieurs du Clergé & à Monsieur de
Liancourt, Nous traitent comme si nous n’auions ny permission ny cause de
nous assembler, & de voir que nos Calomniateurs ont fait de tres-fortes impressions
sur Vostre Esprit ; nous le connoissons par leurs termes pleins de
soupçons sur les particuliers de nostre Assemblée, de doute que les resolutions
ne soient contraires à vostre seruice, comme si la lascheté de l’abandonner
n’estoit pas nostre ruine. Nos franchises & nos immunitez y sont nommez
priuileges ; & faisant l’honneur d’escrire à tous les Ordres du Royaume, an
Clergé presentement qui nous est vny, à celuy qui nous est inferieur, lors
que vous desirerez de luy quelque obeissance. Vous vous seruez à nostre seul
esgard de moyens pour nous informer de vostre volonté, & declarez dans les
susdites Lettres, que la bien-seance empesche que nous ne receuions de Vous
ce mesme honneur. Vostre Majesté y nomme nostre conduite vne faction,
vne cabale, vne entreprise directement contraire aux loix de Vostre Royaume,
laquelle blesse Vostre Authorité, renuerse l’ancien ordre de Vostre
Estat, & est preiudiciable à nostre Corps, qui seul ne peut subsister sans vous
estre vny. Nos Assemblées, SIRE, ne peuuent estre condamnées ; la resolution de
nos dernieres les iustifie suffisamment par l’Arresté de demander la Paix, &
d’employer nos soins & nos vies pour la faire conclurre à la satisfaction de
Vostre Majesté, & au bien du Public. Qui dans l’Estat, SIRE, a plus de droict que nous à faire cette demande,
puisque la guerre ne peut continuer qu’au prix de nostre sang, & que dans la
Paix nous deurions exercer les Charges, & faire les fonctions les plus releuées.
Ce seroit Vostre seureté, SIRE, & Vostre grandeur, d’employer des
sujets Nobles incapables d’actions indignes de leur naissance. Vostre Majesté
s’en souuiendra, s’il luy plaist, pour remedier au déplaisir de Vostre Noblesse,
de n’estre pas employez dans Vostre seruice Elle vous demande encor cette
Paix tant desirée, s’offre d’y trauailler, & supplie tres-humblement Vostre
Majesté de luy vouloir donner part à la consommation d’vn bien si necessaire. Tous ces bons mouuemens, SIRE, ne nous ont pû empescher d’estre blasmez de Vostre Majesté, comme nous amusans à dresser des escrits & des
projets d’vnion nullement necessaire, au lieu d’estre en ce temps proche de
nostre Roy pour chasser les estrangers de son Estat, sans qu’aucun vous aye
fait entendre qu’il y eust autre moyen pour produire le seruice que Vostre
Majesté a tesmoigné desirer de nous dans les Assemblées generales ; l’esprit
du Corps tout Noble, & partant tout Royal, y preside & se communique
à tous les particuliers, desquels en detail il y en peut auoir qui n’ont pas le
mesme sentiment. Ainsi jamais Vostre Majesté ne peut tirer de secours si
puissant, laissant agir chacun seul à seul, que lors qu’ils seront assemblez, la
preuue en est éuidente par la suite de nostre conduite ; laquelle ayaut inspiré
nos resolutions dans toutes vos Prouinces, par la communication de nos Arrestez
& par nostre lettre Circulaire, Ils se sont trouuées en estat pour la
pluspart de monter à cheual, ou en volonté de trauailler pour s’y mettre
auec toute la promptitude possible. Ils nous en ont donné des asseurances en
la derniere tenuë à la Rocheguyon : mesme nous en auons esté sollicité par les
Deputez presens de diuers Bailliages selon leur sentiment, & pour obeїr aux
termes de vostre Lettre escrite à Monsieur de Liancourt ; Nous resolûmes de
monter incessamment à cheual pour courir sus à vos Ennemis, esloigner de
vostre Estat selon vos Ordres ce qui en trouble le repos, mourir plustost que
de souffrir qu’il demeure interrompu, & effacer de vostre Esprit par nos seruices,
les impressions que nos Calomniateurs y ont portées.   Si l’effet de ce mouuement genereux de nostre Corps a esté differé iusques
icy, ceux qui n’auoient pas nostre mesme dessein, & qui s’y sont opposez en
sont sans doute les coupables, & sont les veritables factieux & cabalistes ;
qui ayant trauaillé parmy nous à ruiner la fin de nos bonnes intentions, auec
autant de malice, que vos vrays seruiteurs auoient de chaleur pour en solliciter
l’accomplissement, Ont semé de mesme temps par leurs Emissaires aupres
de Vostre Majesté tout ce qui l’a pû preuenir de soupçon contre nostre
fidelité, parce que ne voulant concourir auec nous au maintien de Vostre
Authorité, ils nous en vouloient empescher la gloire. La deference, SIRE, que nous auons eüe au sentiment de Monsieur de
Liancourt d’en surseoir l’execution, qu’il n’a pas creu estre suiuant l’intention
presente de Vostre Majesté n’a rien diminué de l’impatience que nous auons
de marcher au premier Ordre que nous en receurons d’Elle ; & par cette
marque de nostre obeїssance, nous esperons en obtenir le commandement. Alors l’on connoistra l’vtilité des Assemblées de Vostre Noblesse, & l’on
jugera qu’au lieu d’estre seules condamnées dans Vostre Royaume, elles deuroient
estre seules establies, parce que ce Corps estant vostre bras droit, il
ne peut manquer à la Royauté, & ne doit iamais aussi estre diuisé pour la
soustenir plus fortement, & que ceux qui les ont sollicitées, ont l’auantage
de nous auoir ouuert vn chemin que nous deuons tousiours suiure, puisque
rien ne peut plus solidement affermir Vostre Couronne. Ce qui nous donne la liberté de supplier tres-humblement Vostre Majesté de nous en continuer
la permission, & trouuer bon qu’elles s’establissent par des Deputez de chaque
Bailliage.   L’vnion inseparable de nos interests auec les vostres, SIRE, nous donne
lieu de faire sçauoir à Vostre Majesté quelques-vns des points les plus pressans,
& qui vont à l’entiere ruine de nostre Ordre que vous estes obligez de
soustenir pour en estre soustenu seurement ; Pour vous faire connoistre que
ce n’est pas sans sujet, que nous cherchons quelque soulagement à nos maux.
Et d’autant que les autres Ordres y sont interessez, nous desirons ardemment
que la distribution des graces que nous vous demandons & vostre protection,
ne soit pas bornée à nostre seule vtilité, & qu’elle coule abondamment
sur tous vos sujets. La reformation des excez que commettent les gens
de guerre des concussions de quelques Gouuerneurs des Ordres en blanc, est
vne des plus grande. A ces plaintes, SIRE, Nous demandons à Vostre Majesté vn remede
pressant, par la deffence expresse à tous gens de guerre & Gouuerneurs, de
commettre à l’auenir rien de semblable, & le permettre par escrit en forme
donné à toute la Noblesse de Vostre Royaume, de s’assembler en cas d’inexecution
de ce present Commandement, & se seruir des Communes pour y
faire obeїr. Nous faisons particuliere instance à Vostre Majesté de faire justice à toute
Vostre Noblesse, de l’outrage qu’elle a receuë à Chartres, dont l’impunité
depuis neuf mois passe aux Ennemis pour vn mespris de vostre part, & pour
vne insensibilité de la nostre, qui augmente de iour en iour leur insolence,
dont la consequence n’est pas moindre pour vostre authorité, que pour nostre
seureté. Les Commissions données pour les Tailles, dans lesquelles les Gentils-hommes
sont compris, & celle par lesquelles nostre seureté a esté abandonnée
aux Preuosts des Mareschaux sont encores tres-essentielles. Il ne nous est
pas moins necessaire de supplier tres-humblement Vostre Majesté, de reuoquer
toutes lettres de Noblesse accordées sans connoissance de cause, & par
argent, Et declarer nulle toutes possessions vsurpées ou achetées par plusieurs
particuliers, en vertu dequelles ils joüissent de nos franchises & immunitez,
au deshonneur de nostre Corps, & à la foule de Vostre Peuple. Ces dernieres
lezions moins violentes & toutesfois tres-importantes, peuuent attendre
leur remede dans les Estats Generaux qu’il vous a pleu nous indiquer à
Tours le premier Nouembre prochain : Dont nous rendons nos tres-humbles
remerciemens à Vostre Majesté, & la supplions, que puis qu’elle a eu
la bonté de nous les accorder comme necessaires à la reformation des abus,
le pouuoir de nous assembler soit confirmé en forme, si l’ouuerture desdits
Estats n’est pas faite au jour indiqué, & de nommer dés à present six de chaque
Bailliage pour les solliciter par tous les moyens qu ils jugeront à propos,
Afin que par la negligence de les requerir, plusieurs mal-intentionnez, ou qui en craignent les decisions n’essayent lors à persuader à Vostre Majesté
qu’ils ne sont pas desirez, & qu’à l’exemple present l’on ne noircisse dans
vostre estime ceux, qui sans autre interest que vostre seruice & du bien general
de la Monarchie le voudroient entreprendre.   Apres quoy, ayant tres-humblement supplié Vostre Majesté de receuoir
fauorablement ce Discours, que nostre zele à vostre seruice a produit pour
nous justifier aupres d’Elle, luy rendre quelques-vnes de nos plaintes, luy
faire nos demandes, & pour luy prouuer tout ensemble nostre obeissance &
nostre soûmission, Nous la supplions encore tres-humblement de nous informer
de ses volontez par sa bouche, auant que de nous retirer de sa Cour ;
afin de les communiquer à ceux qui nous ont deputé, & qui la desirent impatiemment. Il nous reste, SIRE, d’adjouster l’offre de nos personnes, de nos vies, &
de celles des Gentils-hommes de nos Bailliages, qui attendent les Ordres
de Vostre Majesté ; afin qu’ils se puissent montrer dignes successeurs de ceux,
qui par la force de leurs armes ont mis la Couronne que vous portez, sur
la teste des Roys vos predecesseurs, & qui la conseruant au prix de leur sang
& de leur vie, ont merité le titre glorieux de bras droit de leur auhorité. Signé de l’ordre exprés de l’Assemblée, CHARLES D’AILLY-ANNERY.


28. . [ Sub2Sect | SubSect | Section]

HARANGVE
FAITE AV ROY,
Par Messieurs les Deputez du Corps
de la Noblesse. Monsieur de Nossey portant la parole.

A. PARIS,
De l’Imprimerie de la Vefue I. GVILLEMOT,
Imprimeuse ordinaire de son Altesse Royale, & de
la Ville, ruë Marmouzets, proche
l’Eglise de la Magdelaine.

M. DC. LII. HARANGVE
FAITE AV ROY
Par Messieurs les Deputez du Corps
de la Noblesse. Monsieur de Nossey portant la parole. SIRE, Novs exposerons à Vostre Majesté en peu de mots le
sujet de nostre deputation, les longs discours ne sont ny de saison ny bien
seans en la bouche d’vn Corps, dont le zele & la fidelité à vostre seruice, dois
se faire paroistre par des effets. C’est le dessein de tous ceux qui le composent, qui attendent auec impatience
esgale à leur deuoir les ordres de Vostre Majesté pour se rendre aupres
d’Elle. Ils auoient tousiours esperé que l’honneur qu’ils ont seuls dans l’Estat
de vous auoir pour Chef les garantiroit d’opression, & l’on peut dire qu’ils
sont accablez. Cette verité paroistra à Vostre Majesté, par le Cahier duquel ils la supplient
tres-humblement que lecture soit presentement faite, & de leur faire
justice. Ensuit le Cahier. SIRE, Il n’y a point de deuoir plus legitime & plus naturel que nostre fidelité
pour Vostre Majesté, non seulement parce que vous estes nostre Roy, mais
aussi parce que nous auons seuls des trois Ordres l’honneur de vous auoir
pour Chef. Cette verité nous persuadoit, qu’ayant iugé necessaire pour le remede
à nos besoins de nous assembler, nos intentions ne pouuoient estre tenduës suspectes à Vostre Majesté, bien que nous en eussions pas eu vne
expresse permission, & neantmoins ce malheur nous est arriué apres en auoir
successiuement obtenu plusieurs de bouche & par escrit.   La premiere de nos Assemblées tenuë à Paris en 1649. en fait foy, le projet
s’en fit dans le Cabinet de la Reyne lors Regente, apres son consentement,
& fut sollicitée par les personnes qui auoient l’honneur de l’approcher de
plus pres, Vostre Majesté l’approuua de l’aduis de la Reyne vostre Mere, ce
que nous sceusmes de la bouche de Messieurs les Mareschaux Destrée,
de Chombert, de l’Hospital & de Villeroy, qui furent enuoyez d’Elle vers
nous, auec pouuoir de nous en asseurer. La susdite Assemblée ne se separa qu’apres auoir obtenu Breuet de Vostre
Majesté signé de sa main & des quatre Secretaires d’Estat, portant seureté de
la promesse qui nous estoit faite, que nulle maison de Gentilhomme n’auroit
le rang de Prince, ny n’en pourroit prendre la qualité ; & qu’apres auoir deputé
vers Vostre Majesté, en laquelle deputation Monsieur le Mareschal
Destrée portant la parole exposa nos plaintes, ausquelles & particulierement
aux excez des gens de guerre, la Reyne promit au nom de Vostre Majesté vn
remede present, comme aussi à l’vsurpation injuste de la qualité de Gentil-homme,
& promit de rassembler en cas d’inexecution desdites promesses
données par escrit & de bouche. En vertu de quoy les mesmes oppressions ayant multiplié les souffrances
ausquelles le soulagement nous auoit esté promis, nous fusmes contraints de
nous assembler à Paris en 1651. où pour remedier à tant de desordres pressans,
il fut resolu de demander l’Vnion à Messieurs du Clergé, nous l’obtinmes
facilement de leur pieté pour la solicitation d’vn si juste dessein de concert
entre nos deux Ordres. Il fut arresté de demander à vostre Majesté par
l’entremise de Monsieur le Duc d’Orleans, lors Lieutenant General de
l’Estat, & de Messieurs les Princes du Sang, la tenuë des Estats generaux que
Vostre Majesté eut la bonté de leur accorder par escrit signé de sa main, de
celle de la Reyne Regente, & des quatre Secretaires d’Estat, & de leur donner
aussi pouuoir de s’engager à nous de vostre part à ladite tenuë ; ce qu’ils
firent par d’autres escrits signez de leurs mains, & qui portoient pouuoir de
nous donner en Vostre Nom permission expresse de nous rassembler, si l’ouuerture
ne s’en faisoit dans ce temps promis en ces termes. Et ce pour nous
joindre à Monsieur le Duc d’Orleans, & à Messieurs les Princes du Sang,
pour aduiser ensemblement à tout ce qui sera necessaire pour le bien & seruice
de Vostre Majesté, & à la tenuë desdits Estats, sans que nous en puissions
estre blasmez ny estre imputez à aucune faute ou manquement de ce que
nous deuons à Vostre Majesté, quelques ordres ou commandement mesme
que nous puissions lors en receuoir au contraire. Les temps de tenir les Estats ayans passe sans que l’ouuerture en aye esté
faite, le pillage, violences, & actions execrables des gens de guerre estant
arriué au point qu’vn chacun les sçait & les sent, nous aurions creu estre coupables des maux aduenir, si en ayant obtenu la promesse par la voye de nos
Assemblées. Nous le continuons pour en demander à Vostre Majesté l’execution
auec tout le respect & la submission que nous luy deuons dans le besoin
que nous auons de restablir Vostre Authorité, & de la maintenir contre
les entreprises de vos Ennemis, ne connoissant que ce seul moyen efficace
pour y paruenir, tiret vos peuples de l’opression, & particulierement nous
qui ne pouuons estre affoiblis, ayans l’honneur d’estre vos membres, que
vous ne vous en ressentiez.   Le fondement de nos Assemblées ainsi establysans nous seruir de celuy que
nous fournissent les Ordonnances sur les reglemens des gens de guerre qui y
sont expresses. N’auons-nous pas vn extréme sujet de douleur de voir que
les Lettres escrites par Vostre Majesté à Messieurs du Clergé & à Monsieur de
Liancourt, Nous traitent comme si nous n’auions ny permission ny cause de
nous assembler, & de voir que nos Calomniateurs ont fait de tres-fortes impressions
sur Vostre Esprit ; nous le connoissons par leurs termes pleins de
soupçons sur les particuliers de nostre Assemblée, de doute que les resolutions
ne soient contraires à vostre seruice, comme si la lascheté de l’abandonner
n’estoit pas nostre ruine. Nos franchises & nos immunitez y sont nommez
priuileges ; & faisant l’honneur d’escrire à tous les Ordres du Royaume, an
Clergé presentement qui nous est vny, à celuy qui nous est inferieur, lors
que vous desirerez de luy quelque obeissance. Vous vous seruez à nostre seul
esgard de moyens pour nous informer de vostre volonté, & declarez dans les
susdites Lettres, que la bien-seance empesche que nous ne receuions de Vous
ce mesme honneur. Vostre Majesté y nomme nostre conduite vne faction,
vne cabale, vne entreprise directement contraire aux loix de Vostre Royaume,
laquelle blesse Vostre Authorité, renuerse l’ancien ordre de Vostre
Estat, & est preiudiciable à nostre Corps, qui seul ne peut subsister sans vous
estre vny. Nos Assemblées, SIRE, ne peuuent estre condamnées ; la resolution de
nos dernieres les iustifie suffisamment par l’Arresté de demander la Paix, &
d’employer nos soins & nos vies pour la faire conclurre à la satisfaction de
Vostre Majesté, & au bien du Public. Qui dans l’Estat, SIRE, a plus de droict que nous à faire cette demande,
puisque la guerre ne peut continuer qu’au prix de nostre sang, & que dans la
Paix nous deurions exercer les Charges, & faire les fonctions les plus releuées.
Ce seroit Vostre seureté, SIRE, & Vostre grandeur, d’employer des
sujets Nobles incapables d’actions indignes de leur naissance. Vostre Majesté
s’en souuiendra, s’il luy plaist, pour remedier au déplaisir de Vostre Noblesse,
de n’estre pas employez dans Vostre seruice Elle vous demande encor cette
Paix tant desirée, s’offre d’y trauailler, & supplie tres-humblement Vostre
Majesté de luy vouloir donner part à la consommation d’vn bien si necessaire. Tous ces bons mouuemens, SIRE, ne nous ont pû empescher d’estre blasmez de Vostre Majesté, comme nous amusans à dresser des escrits & des
projets d’vnion nullement necessaire, au lieu d’estre en ce temps proche de
nostre Roy pour chasser les estrangers de son Estat, sans qu’aucun vous aye
fait entendre qu’il y eust autre moyen pour produire le seruice que Vostre
Majesté a tesmoigné desirer de nous dans les Assemblées generales ; l’esprit
du Corps tout Noble, & partant tout Royal, y preside & se communique
à tous les particuliers, desquels en detail il y en peut auoir qui n’ont pas le
mesme sentiment. Ainsi jamais Vostre Majesté ne peut tirer de secours si
puissant, laissant agir chacun seul à seul, que lors qu’ils seront assemblez, la
preuue en est éuidente par la suite de nostre conduite ; laquelle ayaut inspiré
nos resolutions dans toutes vos Prouinces, par la communication de nos Arrestez
& par nostre lettre Circulaire, Ils se sont trouuées en estat pour la
pluspart de monter à cheual, ou en volonté de trauailler pour s’y mettre
auec toute la promptitude possible. Ils nous en ont donné des asseurances en
la derniere tenuë à la Rocheguyon : mesme nous en auons esté sollicité par les
Deputez presens de diuers Bailliages selon leur sentiment, & pour obeїr aux
termes de vostre Lettre escrite à Monsieur de Liancourt ; Nous resolûmes de
monter incessamment à cheual pour courir sus à vos Ennemis, esloigner de
vostre Estat selon vos Ordres ce qui en trouble le repos, mourir plustost que
de souffrir qu’il demeure interrompu, & effacer de vostre Esprit par nos seruices,
les impressions que nos Calomniateurs y ont portées.   Si l’effet de ce mouuement genereux de nostre Corps a esté differé iusques
icy, ceux qui n’auoient pas nostre mesme dessein, & qui s’y sont opposez en
sont sans doute les coupables, & sont les veritables factieux & cabalistes ;
qui ayant trauaillé parmy nous à ruiner la fin de nos bonnes intentions, auec
autant de malice, que vos vrays seruiteurs auoient de chaleur pour en solliciter
l’accomplissement, Ont semé de mesme temps par leurs Emissaires aupres
de Vostre Majesté tout ce qui l’a pû preuenir de soupçon contre nostre
fidelité, parce que ne voulant concourir auec nous au maintien de Vostre
Authorité, ils nous en vouloient empescher la gloire. La deference, SIRE, que nous auons eüe au sentiment de Monsieur de
Liancourt d’en surseoir l’execution, qu’il n’a pas creu estre suiuant l’intention
presente de Vostre Majesté n’a rien diminué de l’impatience que nous auons
de marcher au premier Ordre que nous en receurons d’Elle ; & par cette
marque de nostre obeїssance, nous esperons en obtenir le commandement. Alors l’on connoistra l’vtilité des Assemblées de Vostre Noblesse, & l’on
jugera qu’au lieu d’estre seules condamnées dans Vostre Royaume, elles deuroient
estre seules establies, parce que ce Corps estant vostre bras droit, il
ne peut manquer à la Royauté, & ne doit iamais aussi estre diuisé pour la
soustenir plus fortement, & que ceux qui les ont sollicitées, ont l’auantage
de nous auoir ouuert vn chemin que nous deuons tousiours suiure, puisque
rien ne peut plus solidement affermir Vostre Couronne. Ce qui nous donne la liberté de supplier tres-humblement Vostre Majesté de nous en continuer
la permission, & trouuer bon qu’elles s’establissent par des Deputez de chaque
Bailliage.   L’vnion inseparable de nos interests auec les vostres, SIRE, nous donne
lieu de faire sçauoir à Vostre Majesté quelques-vns des points les plus pressans,
& qui vont à l’entiere ruine de nostre Ordre que vous estes obligez de
soustenir pour en estre soustenu seurement ; Pour vous faire connoistre que
ce n’est pas sans sujet, que nous cherchons quelque soulagement à nos maux.
Et d’autant que les autres Ordres y sont interessez, nous desirons ardemment
que la distribution des graces que nous vous demandons & vostre protection,
ne soit pas bornée à nostre seule vtilité, & qu’elle coule abondamment
sur tous vos sujets. La reformation des excez que commettent les gens
de guerre des concussions de quelques Gouuerneurs des Ordres en blanc, est
vne des plus grande. A ces plaintes, SIRE, Nous demandons à Vostre Majesté vn remede
pressant, par la deffence expresse à tous gens de guerre & Gouuerneurs, de
commettre à l’auenir rien de semblable, & le permettre par escrit en forme
donné à toute la Noblesse de Vostre Royaume, de s’assembler en cas d’inexecution
de ce present Commandement, & se seruir des Communes pour y
faire obeїr. Nous faisons particuliere instance à Vostre Majesté de faire justice à toute
Vostre Noblesse, de l’outrage qu’elle a receuë à Chartres, dont l’impunité
depuis neuf mois passe aux Ennemis pour vn mespris de vostre part, & pour
vne insensibilité de la nostre, qui augmente de iour en iour leur insolence,
dont la consequence n’est pas moindre pour vostre authorité, que pour nostre
seureté. Les Commissions données pour les Tailles, dans lesquelles les Gentils-hommes
sont compris, & celle par lesquelles nostre seureté a esté abandonnée
aux Preuosts des Mareschaux sont encores tres-essentielles. Il ne nous est
pas moins necessaire de supplier tres-humblement Vostre Majesté, de reuoquer
toutes lettres de Noblesse accordées sans connoissance de cause, & par
argent, Et declarer nulle toutes possessions vsurpées ou achetées par plusieurs
particuliers, en vertu dequelles ils joüissent de nos franchises & immunitez,
au deshonneur de nostre Corps, & à la foule de Vostre Peuple. Ces dernieres
lezions moins violentes & toutesfois tres-importantes, peuuent attendre
leur remede dans les Estats Generaux qu’il vous a pleu nous indiquer à
Tours le premier Nouembre prochain : Dont nous rendons nos tres-humbles
remerciemens à Vostre Majesté, & la supplions, que puis qu’elle a eu
la bonté de nous les accorder comme necessaires à la reformation des abus,
le pouuoir de nous assembler soit confirmé en forme, si l’ouuerture desdits
Estats n’est pas faite au jour indiqué, & de nommer dés à present six de chaque
Bailliage pour les solliciter par tous les moyens qu ils jugeront à propos,
Afin que par la negligence de les requerir, plusieurs mal-intentionnez, ou qui en craignent les decisions n’essayent lors à persuader à Vostre Majesté
qu’ils ne sont pas desirez, & qu’à l’exemple present l’on ne noircisse dans
vostre estime ceux, qui sans autre interest que vostre seruice & du bien general
de la Monarchie le voudroient entreprendre.   Apres quoy, ayant tres-humblement supplié Vostre Majesté de receuoir
fauorablement ce Discours, que nostre zele à vostre seruice a produit pour
nous justifier aupres d’Elle, luy rendre quelques-vnes de nos plaintes, luy
faire nos demandes, & pour luy prouuer tout ensemble nostre obeissance &
nostre soûmission, Nous la supplions encore tres-humblement de nous informer
de ses volontez par sa bouche, auant que de nous retirer de sa Cour ;
afin de les communiquer à ceux qui nous ont deputé, & qui la desirent impatiemment. Il nous reste, SIRE, d’adjouster l’offre de nos personnes, de nos vies, &
de celles des Gentils-hommes de nos Bailliages, qui attendent les Ordres
de Vostre Majesté ; afin qu’ils se puissent montrer dignes successeurs de ceux,
qui par la force de leurs armes ont mis la Couronne que vous portez, sur
la teste des Roys vos predecesseurs, & qui la conseruant au prix de leur sang
& de leur vie, ont merité le titre glorieux de bras droit de leur auhorité. Signé de l’ordre exprés de l’Assemblée, CHARLES D’AILLY-ANNERY.


29. Anonyme. LE CENSEVR POLITIQVE. AV TRES-AVGVSTE... (1649) chez Colombel (Matthieu) à Paris , 28 pages. Langue : français. Avec permission. Voir aussi C_2_27. Référence RIM : M0_668 ; cote locale : E_1_120. le 2013-06-30 11:45:02. [Page 18 SubSect | Section]

plus rien qu’vn supplice
Pour seruir de pressoir infame à l’auarice.
Depuis qu’vn debiteur à faute de comptant,
Des biens qui sont à luy baille vn estat constant.
Et que s’il en celoit, il accepte la risque,
Que pour ses creanciers tout le reste on confisque.
A ce compte il n’est plus besoin de caution,
Puisque c’est faire encor plus que la cession.
Car celuy qui la fait n’est point tenu d’instruire
De l’estat de ses biens ceux qui veulent luy nuire.
D’ailleurs à quel propos parler de caution,
Veu que c’est ordonner vne condition,
Qui pour le prisonnier est souuent impossible,
Tant l’horreur des prisons en ce poinct est nuisible.
A quel propos encor la garde des Huissiers,
Quand on veut exposer les biens aux creanciers.
Veu mesme que souuent faute de cognoissance,
Le riche mal-aisé s’en voit dans l’impuissance,
Et priué du moyen prescrit par vostre Arrest :
Il souffre cependant vn notable interest ;
Notable, c’est trop peu, disons irreparable,
Pour ce que la prison en fait vn miserable.
C’est là tout le succez qu’on peut en esperer,
Et c’est ce que le moins on veut considerer.
S’il a pourtant du bien qui soit en heritage,
Ou si tous ses effets il vous donne pour gage,
Estans tous exposez & mis deuant vos yeux,
Creanciers inhumains qu’esperez-vous de mieux ?
Tirerez-vous d’vn corps ou d’vne ame affligée
L’argent dont la personne est par corps obligée
Et quand bien en prison vous la verriez mourir,
Sa mort vous pourroit-elle au besoin secourir ?
Mais si vous monstrant tout elle fait son possible,
Pourquoy vous rendez vous à ses maux insensible ?
En declarant ses biens fait-on pas son pouuoir,
Et faisant ce qu’on peut fait-on pas son deuoir ?
On croit donc que ces maux dont on n’a la science,
Qu’à souffrir des prisons la dure experience,
Rencontreront vos cœurs disposez à pitié,
Moderans ses rigueurs au moins d’vne moitié.
Que la raison qu’on voit aujourd’huy dans sa pompe,
Chassera loin de vous l’imposteur qui vous trompe.
Que vous ferez enfin qu’vne execution
Ne sera plus pillage & persecution.
Et que tout debiteur offrant ce qu’il possede,
De son oppression trouuera le remede.
Que sous plege ou sous garde on n’eslargira point,
Si celuy qu’on detient n’est d’accord de ce point,
Afin qu’à vos Arrests on preste obeïssance,
Car toute Loy se doit regler a la puissance,
Autrement c’est choquer le sens & la raison,
Et renforcer en vain les murs de la prison.
C’est l’horreur qui la suit qui fait les banqueroutes,
Son objet effroyable en a fait les déroutes.
Et tel homme d’honneur se voit souuent contraint,
D’éuiter s’absentant ce desordre qu’il craint.
Aymant mieux voir perir sa maison desolée,
Que d’aller en prison trouuer son Mausolée.
Et c’est ce qu’vn grand Sainct le plus sainct de nos Roys,
Ce sage sainct Louys reconnut autresfois,
Alors qu’il ordonna que pour cause ciuile,
Tout debiteur auroit liberté dans la Ville,
Et qu’il pourroit ainsi faire valoir ses biens,
Enfin que ses Sujets viuroient comme Chrestiens.
Sans vser desormais de la cruelle rage
Dont les persecuteurs vsoient auec outrage.
En sorte qu’à la fin la Loy de sa bonté
Deffendit d’opprimer la bonne volonté.
Vous Tuteurs de l’Estat, assemblez dans sa Salle,
Tirez les gens de bien du funeste Dedale,
Où l’Edit de Moulins les a precipitez,
Et moderez l’excez de ses seueritez.
Il est vray, les prisons souuent sont necessaires,
Alors qu’vn debiteur veut cacher ses affaires,
Ou lors qu’estant prodigue, ou bien vn negligent,
Il ne veut pas bailler du bien au lieu d’argent.
Mais faites qu’en offrant & le bien & les tiltres,
Et pour en transporter de conuenir d’arbitres.
Ou bien pour l’estimer sur vn prix de raison,
Le debiteur d’abord soit tiré de prison.
Ce sera le moyen d’en tirer l’aduantage
Qu’on voit injustement tourner à son dommage :
Puisque cette rigueur assujettit sous soy,
Ainsi qu’vn affronteur l’homme de bonne foy.
Imposant au mal-heur qui forme vne déroute,
La honte du prodigue ou de la banqueroute,
Ou force le captif qui cherit son honneur,
De quitter de son bien au tiers de sa valeur,
Afin de s’exempter d’vn outrage sensible.
Qui cause à son credit vne perte infaillible.
Alors que le mocqueur le regarde en public
De ses yeux plus cruels que ceux d’vn basilic.
Donnez donc sauf-conduit à qui vous le demande,
En declarant ses biens à peine de l’amande,
Et que l’amende soit que le bien recelé,
On confisque à celuy qui l’aura reuelé.
Le deub des creanciers déduit au prealable,
Et par le receleur à ce deffaut payable.    
Ainsi vous preuiendrez par vn moyen aisé,
Qu’vn creancier loyal ne se trouue abusé.
Mais arriere Tyrans qui voulez qu’on vous cede
Les biens qu’vn prisonnier ou pretend, ou possede :
Et qui bien qu’il en offre à leur iuste valeur,
S’il ne les cede tous est traité de voleur.
Quand mesme il n’en faudroit aux rigueurs les plus grandes
Que la vingtiesme part pour toutes vos demandes.
Vous voulez, dites-vous, argent ou cession,
Ou qu’il fournisse au moins soluable caution.
Qu’il cherche des Marchands si ses biens il veut vendre,
Et que vous pour Marchands il ne doit pas pretendre,
Mais comment voulez-vous qu’estant ainsi captif,
Il attire vn Marchand qui fait le fugitif ?
Et qui s’aduantageant de le voir dans l’abisme,
De la iuste valeur à peine offre la disme.
D’ailleurs vous ne voulez d’arbitres ny d’amis,
Et pour vous ajuster iamais de compromis.
Car selon vos discours la Loy que l’on obserue
Veut qu’il cede ses biens sans faire de reserue,
Sinon c’est vn mutin, & l’on doit par raison
Le faire (dites-vous) perir dans la prison.
Puisqu’au lieu de ioüir de la grace du Prince,
Il prefere insensé, quelque bien de Prouince,
Qui mesme en non valeur est saisi dessus luy,
Et qui l’abandonnant le tireroit d’ennuy.
Bref qu’il vaut mieux quitter les biens de la fortune,
Que de souffrir tousiours la prison importune.
Ouy certes ; mais voleurs, dites à quel propos
Vous luy vendez si cher cét estrange repos.
Pourquoy vous quitter tout si la moindre partie.
Peut en vous asseurant procurer sa sortie ?
Et pourquoy serez vous seuls Iuges de son sort ?
En vous offrant assez n’auez vous pas le tort ?
Que ferez-vous, Messieurs, de cette plus valuë,
Que vous voulez rauir de puissance absoluë ?
Car en vous cedant tout, il n’a plus d’action,
Et partant vous voulez faire vne exaction.
Mais qu’il vous baille donc à tout le moins vn plege,
S’il peut, repliquez vous, auoir ce priuilege.
Car n’ayant qu’vne part qui nous peut garantir,
Estans dépossedez d’vn soudain repentir ?
Dites moy, bons voleurs, si ce cas vous arriue,
Quel obstacle au recours s’oppose, ou vous en priue,
Le reste de ses biens n’en est il pas garant,
Peut-on pas s’éclaircir de tout en conferant.
Et faut-il cependant sous pretexte d’vn doute,
Et feint le plus souuent le mettre à la déroute.
Ie demeure d’accord qu’on doit tout exposer,
Et que pour vous payer on doit tout proposer.
Mais de vous quitter tout, & s’en aller aux Halles
Se sousmettre en public au plus grand des scandales,
Doit-on nommer cela benefice du Roy ?
Messeigneurs les brigans ; helas ! excusez-moy,
La peine du captif est fort illegitime,
Quand c’est pour excuser l’horreur de vostre crime,
Et quand contre son gré faute de caution,
Il s’y voit obligé par sa detention,
Qui seule le plongeant en ce desordre extrême,
S’il resiste, retourne, enfin contre vous mesme.    
Les prisonniers encor viennent à iointes mains
Vous demander la fin de leurs maux inhumains.
Et puisqu’vn sainct desir de justice vous touche ;
Qu’il vous plaise, Messieurs, les entendre de bouche.
Qu’ils puissent proposer eux mesmes leurs raison,
Et que pour cét effet vous alliez aux prisons.
Non, comme à la seance, ou bien comme aux visites,
Où les seuls prisonniers pour des sommes petites,
Rencontrent quelquesfois grace deuant vos yeux,
Les autres prisonniers vous requierent de mieux,
Car mesme il vous faudroit des lumieres infuses
Pour iuger sans erreur tant d’affaires confuses.
A sçauoir que chacun de Messieurs de la Cour
Aille dans les prisons Royales tour à tour.
Et donner audiance à chacune partie,
Dresser procez verbal aux fins de la sortie,
Agiter, voir, traiter toutes les questions,
Sur les expediens & propositions.
Interroger chacun si c’est point par enuie,
Ou par motif secret venu de calomnie,
Si c’est par impuissance ou bien par dureté ;
Recognoistre le vray selon sa pureté ;
Rendre autant qu’il pourra la liberté facile,
Et conseruer à tous l’honorable & l’vtile.
Et si le creancier, ou bien son Procureur,
Tesmoigne tant soit peu de caprice ou d’aigreur,
Faisant dégenerer la contrainte en supplice,
Deslors la bonne foy preuale à sa malice,
Et le Iuge benin en fasse son rapport,
Ayant sçeu sans surprise à qui donner le tort.
C’est l’vnique moyen d’estouffer toute feinte,
Et de tant d’opprimez la déplorable plainte,    
De plus, pour reprimer ce mal pernicieux,
Si l’emprisonnement paroist injurieux,
En tirant de prison la personne arrestée,
Que la mesme prison à l’autheur apprestée,
Punisse son dessein malin & violent,
Et donnez la risposte à cét homme insolent.
Par cette Talion vous preuiendrez l’outrage
Que met au desespoir vn homme de courage.
Et si vous exemptez son honneur de danger,
Vous l’exemptez encor du soin de se vanger.
Mais si le prisonnier se pouruoit par Requeste,
O que de tours auant que l’instance soit preste ?
Puisqu’au lieu de traiter à fonds la question,
Et de parler sur l’offre ou sur l’exception ;
On le diffame, absent, & l’on le calomnie,
Ainsi la liberté souuent on luy dénie.
Et sans voir son procez en estat de iuger,
Par mille faux rapports on le fait enrager.
En sorte qu’en prison à la fin il demeure,
A faute d’auoir eu l’audiance d’vne heure,
Que si l’infection & l’horreur de ces lieux,
Blessent vostre odorat aussi bien que vos yeux.
En tout cas, commettez quelqu’vn qui les entende,
Et qui sommairement instruise la demande.
Que le procez verbal dans la prison dressé,
Present ou conuenu chacun interessé.
Chacun dessus le champ soit tenu de produire,
Pour prouuer par escrit ce qu’il a fait escrire.
Et si ce qu’vn chacun allegue n’est prouué,
Qu’on presume de luy qu’il l’aura controuué.
Car mesme vn creancier pretend faire surprise,
Quand pour prouuer son faict il cherche vne remise :
D’autant qu’vn creancier doit tousiours estre prest
De monstrer par escrit où va son interest.
Enfin donnez, Messieurs, la fin à la misere,
Non pas selon le deub, mais pour ce qu’on peut faire :
Car l’impuissance exclud le pouuoir de la Loy,
Et la prison n’en veut qu’à la mauuaise foy.
Allez y donc, Messieurs, cognoistre sa puissance,
Quel bien il peut donner, ou bien quelle asseurance,
Et mettez-le dehors en faisant ce qu’il peut,
Et non pas en faisant tout ce que l’autre veut.
C’est ce que vous sçaurez dans vne conference,
Où l’on peut discerner le vray de l’apparence,
Et par vne raison exempte de la Loy,
Ordonner pour autruy ce qu’on voudroit pour soy.
On suiura, ce faisant, la Loy de la Nature ;
Mais on y contreuient, & l’on luy fait injure :
Puis qu’aucun creancier ne voudroit pas quitter
Au tiers de sa valeur son bien pour s’acquitter.
Et c’est pourquoy l’on doit par vn moyen tres-sage,
Imposer en ce cas la Loy de l’arbitrage.
Aussi bien les moyens de fournir de l’argent
Sont tres-pernicieux s’ils viennent du Sergent,
Veu qu’en vendant les biens il a tousiours attente
D’auoir part au butin qui vient de la méuente,
C’est pourquoy tel qui n’a qu’vne simple action,
Emprisonne d’abord pour faire exaction.
Et son projet peruers est de tirer par force
Ce qu’à peine à vos yeux il fait voir en écorce.
Et bien que l’equité deust monstrer sa vigueur.
Pour punir ces brigans auec toute rigueur :
La faueur bien souuent preuaut à la Iustice,
Et la vertu languit sous l’empire du vice.    
Enfin pensez, Messieurs, que vous estes Chrestiens,
Qu’on n’arreste le corps que pour auoir les biens.
Et que de la prison la longueur trop funeste
Ne produit que des maux bien pires que la peste,
De ces discours trop vrais iugez donc apres tout,
Si ce mal inhumain doit point auoir de bout.
Et si monstrant les biens, & mesme offrant les tiltres,
Et pour en transporter de conuenir d’arbitres :
Ou pour les estimer sut vn prix de raison,
Le debiteur doit pas sortir de la prison.    
Vn autre objet encor d’vne misere extresme,
Par son injuste sort me met hors de moy mesme :
Quand le riche en prison, toutefois indigent,
Ses biens estans saisis ne peut auoir d’argent.
N’y partant en ce cas obtenir la Iustice,
Car elle couste au moins tout autant que l’espice,
Puis qu’il faut de l’argent à qui veut l’obtenir,
Et c’est donc, ie rougis de vous entretenir.
Cependant il est vray qu’à faute d’assistance,
Le droict le mieux fondé perit sans resistence.
Pource que par deffauts ou par forclusion,
Le tort iette le droict dans la confusion.
Or quelle horreur, Messieurs, que le bon droict perisse,
Pour ne pouuoir fournir aux frais de la Iustice.
Faut-il pas de l’argent d’abord au Procureur,
Argent pour le Greffier, argent au Controlleur,
Argent pour les Huissiers, argent pour les Notaires,
De l’argent pour vos Clercs qu’on nomme Secretaires,
Sans compter ce qu’il couste enuers les Aduocats,
Qui par leurs beaux discours attrapent nos ducats,
Vos espices partant ne font comme ie pense,
Que la trentiesme part de toute la dépense.
Il faut donc de l’argent, car si l’on n’en a point,
L’on ne peut accomplir ce qui seroit enjoint.
Si bien qu’estant forclos & priué de deffence,
Les biens les mieux acquis tombent en decadence.
Et faute de pouuoir à ces frais subuenir,
Le droict le plus constant ne peut se maintenir.
Si bien que l’oppressé perd ses biens sans ressource,
Par ordre de Iustice, & desordre de bourse.
S’il aduient qu’on ad, ourne vn pauure prisonnier,
Qui pour auoir du pain n’a pas mesme vn denier.
Comment voulez-vous donc, Messieurs, qu’il se deffende ?
Et comment pensez-vous que le Iuge l’entende ?
Car point de Procureur si l’argent luy de faut,
Et s’il ne comparoist on luy donne le saut.
Or s’il doit comparoir, voyez de quelle sorte,
Puisque de la prison on luy ferme la porte.    
Mais quoy ! les biens saisis & le corps en prison,
Ne pouuoir obtenir justice, ny raison,
Et voir l’homme de bien accablé sous l’empire
De celuy qui cruel sa ruïne conspire.
Comme si son pouuoir deuoit estre absolu,
Pour vous faire ordonner ce qu’il a resolu.
C’est vne Loy, Messieurs, qui deuient tyrannique,
Et que l’abus des temps a rendu trop inique.
Depuis que l’vsurier par trop interessé,
A pû d’vn debiteur en faire vn oppressé.
Apres cela, Messieurs, dites en conscience
Si vous auez iamais connu cette science :
Si vos esprits se sont quelques fois attachez
A penetrer à fonds ces desordres cachez.
Et que penserez vous que dans la France on die ?
Que seruiroit, Messieurs, icy de vous flatter,
Les plaintes de ces maux commencent d’éclatter.
Et si c’est par vous seuls que le Roy les écoute,
Ne sera ce donc pas causer nostre déroute ;
Si chacun Officier se voyant restabli,
Les maux des gens de bien demeurent dans l’oubli,
Car quel soulagement au bien de la Iustice,
De voir les Officiers remis en exercice.
Et leurs ordres reglez selon leurs fonctions,
Que sert de reuoquer toutes Commissions.
Si de tant d’Officiers le nombre tres-enorme,
N’est pas suppression reduit à la reforme.
Que sert de compiler des volumes de Lois,
Si l’on n’obserue plus l’Ordonnance des Rois.
Si l’vsure, le vol, la fraude, la malice,
La fausseté, l’outrage, & mesme l’injustice,
Fomentent les abus qui nous ont desoles,
Pour partager nos biens quand on les à volez.
Quelle honte de voir qu’on to lere l’ordure
De la mendicité, du change, & de l’vsure.
Que Dieu dont la parole est durable à iamais,
Ne soit pas mesme exempt de controlle & de mais :
Et que contre les Lois de sa Bible & du Code,
Il se trouue à Paris vne vsure à la mode,
Auec laquelle on puisse entrer en Paradis,
Combien que l’vsurier en fut priué iadis.
Que l’on voye enfin le Prestre & le Laïque
Exercer impuni ce trafic Iudaïque.
Que les deniers du Roy par roolles départis
Soient par les Receueurs encore diuertis ;
Que des decrets fraudeux les méventes peruerses
Ruïnent nos maisons par cent causes diuerses ;
Et qu’alors que nos biens on adiuge à l’encan,
On prise le drap d’or au prix du bourracan :
Que le style frippon & plein de brigandage
Qu’on tient au Chastelet par vn mauuais vsage,
Lors que les Procureurs procedent par defauts,
Fassent passer pour bon & l’iniuste & le faux.
Qu’on souffre l’attentat ainsi que les faussaires,
Et qu’ils soient impunis comme gens nécessaires,
Pource qu’ils font grossir le trouble des maisons,
Qu’on endure aux méchans d’employer les prisons,
Pour exiger par force & contre la Iustice,
Ce que veut leur vengeance, ou bien leur auarice.
En vn mot, quelle horreur si vous ne pouruoyez
Sur ces aduis certains qui vous sont enuoyez.
Messieurs, si ce discours vous semble temeraire,
Il est vray pour le moins autant que necessaire,  

FIN.


30. Ailly-Annery, Charles d'... . HARANGVE FAITE AV ROY, Par Messieurs les... (1652) chez Guillemot (veuve de Jean) à Paris , 8 pages. Langue : français. Signature au colophon. Voir aussi B_1_29. Référence RIM : M0_1593 ; cote locale : B_19_1. Texte édité par Site Admin le 2012-10-29 06:29:16. [ Sub2Sect | SubSect | Section]

HARANGVE
FAITE AV ROY,
Par Messieurs les Deputez du Corps
de la Noblesse. Monsieur de Nossey portant la parole.

A. PARIS,
De l’Imprimerie de la Vefue I. GVILLEMOT,
Imprimeuse ordinaire de son Altesse Royale, & de
la Ville, ruë Marmouzets, proche
l’Eglise de la Magdelaine.

M. DC. LII. HARANGVE
FAITE AV ROY
Par Messieurs les Deputez du Corps
de la Noblesse. Monsieur de Nossey portant la parole. SIRE, Novs exposerons à Vostre Majesté en peu de mots le
sujet de nostre deputation, les longs discours ne sont ny de saison ny bien
seans en la bouche d’vn Corps, dont le zele & la fidelité à vostre seruice, dois
se faire paroistre par des effets. C’est le dessein de tous ceux qui le composent, qui attendent auec impatience
esgale à leur deuoir les ordres de Vostre Majesté pour se rendre aupres
d’Elle. Ils auoient tousiours esperé que l’honneur qu’ils ont seuls dans l’Estat
de vous auoir pour Chef les garantiroit d’opression, & l’on peut dire qu’ils
sont accablez. Cette verité paroistra à Vostre Majesté, par le Cahier duquel ils la supplient
tres-humblement que lecture soit presentement faite, & de leur faire
justice. Ensuit le Cahier. SIRE, Il n’y a point de deuoir plus legitime & plus naturel que nostre fidelité
pour Vostre Majesté, non seulement parce que vous estes nostre Roy, mais
aussi parce que nous auons seuls des trois Ordres l’honneur de vous auoir
pour Chef. Cette verité nous persuadoit, qu’ayant iugé necessaire pour le remede
à nos besoins de nous assembler, nos intentions ne pouuoient estre tenduës suspectes à Vostre Majesté, bien que nous en eussions pas eu vne
expresse permission, & neantmoins ce malheur nous est arriué apres en auoir
successiuement obtenu plusieurs de bouche & par escrit.   La premiere de nos Assemblées tenuë à Paris en 1649. en fait foy, le projet
s’en fit dans le Cabinet de la Reyne lors Regente, apres son consentement,
& fut sollicitée par les personnes qui auoient l’honneur de l’approcher de
plus pres, Vostre Majesté l’approuua de l’aduis de la Reyne vostre Mere, ce
que nous sceusmes de la bouche de Messieurs les Mareschaux Destrée,
de Chombert, de l’Hospital & de Villeroy, qui furent enuoyez d’Elle vers
nous, auec pouuoir de nous en asseurer. La susdite Assemblée ne se separa qu’apres auoir obtenu Breuet de Vostre
Majesté signé de sa main & des quatre Secretaires d’Estat, portant seureté de
la promesse qui nous estoit faite, que nulle maison de Gentilhomme n’auroit
le rang de Prince, ny n’en pourroit prendre la qualité ; & qu’apres auoir deputé
vers Vostre Majesté, en laquelle deputation Monsieur le Mareschal
Destrée portant la parole exposa nos plaintes, ausquelles & particulierement
aux excez des gens de guerre, la Reyne promit au nom de Vostre Majesté vn
remede present, comme aussi à l’vsurpation injuste de la qualité de Gentil-homme,
& promit de rassembler en cas d’inexecution desdites promesses
données par escrit & de bouche. En vertu de quoy les mesmes oppressions ayant multiplié les souffrances
ausquelles le soulagement nous auoit esté promis, nous fusmes contraints de
nous assembler à Paris en 1651. où pour remedier à tant de desordres pressans,
il fut resolu de demander l’Vnion à Messieurs du Clergé, nous l’obtinmes
facilement de leur pieté pour la solicitation d’vn si juste dessein de concert
entre nos deux Ordres. Il fut arresté de demander à vostre Majesté par
l’entremise de Monsieur le Duc d’Orleans, lors Lieutenant General de
l’Estat, & de Messieurs les Princes du Sang, la tenuë des Estats generaux que
Vostre Majesté eut la bonté de leur accorder par escrit signé de sa main, de
celle de la Reyne Regente, & des quatre Secretaires d’Estat, & de leur donner
aussi pouuoir de s’engager à nous de vostre part à ladite tenuë ; ce qu’ils
firent par d’autres escrits signez de leurs mains, & qui portoient pouuoir de
nous donner en Vostre Nom permission expresse de nous rassembler, si l’ouuerture
ne s’en faisoit dans ce temps promis en ces termes. Et ce pour nous
joindre à Monsieur le Duc d’Orleans, & à Messieurs les Princes du Sang,
pour aduiser ensemblement à tout ce qui sera necessaire pour le bien & seruice
de Vostre Majesté, & à la tenuë desdits Estats, sans que nous en puissions
estre blasmez ny estre imputez à aucune faute ou manquement de ce que
nous deuons à Vostre Majesté, quelques ordres ou commandement mesme
que nous puissions lors en receuoir au contraire. Les temps de tenir les Estats ayans passe sans que l’ouuerture en aye esté
faite, le pillage, violences, & actions execrables des gens de guerre estant
arriué au point qu’vn chacun les sçait & les sent, nous aurions creu estre coupables des maux aduenir, si en ayant obtenu la promesse par la voye de nos
Assemblées. Nous le continuons pour en demander à Vostre Majesté l’execution
auec tout le respect & la submission que nous luy deuons dans le besoin
que nous auons de restablir Vostre Authorité, & de la maintenir contre
les entreprises de vos Ennemis, ne connoissant que ce seul moyen efficace
pour y paruenir, tiret vos peuples de l’opression, & particulierement nous
qui ne pouuons estre affoiblis, ayans l’honneur d’estre vos membres, que
vous ne vous en ressentiez.   Le fondement de nos Assemblées ainsi establysans nous seruir de celuy que
nous fournissent les Ordonnances sur les reglemens des gens de guerre qui y
sont expresses. N’auons-nous pas vn extréme sujet de douleur de voir que
les Lettres escrites par Vostre Majesté à Messieurs du Clergé & à Monsieur de
Liancourt, Nous traitent comme si nous n’auions ny permission ny cause de
nous assembler, & de voir que nos Calomniateurs ont fait de tres-fortes impressions
sur Vostre Esprit ; nous le connoissons par leurs termes pleins de
soupçons sur les particuliers de nostre Assemblée, de doute que les resolutions
ne soient contraires à vostre seruice, comme si la lascheté de l’abandonner
n’estoit pas nostre ruine. Nos franchises & nos immunitez y sont nommez
priuileges ; & faisant l’honneur d’escrire à tous les Ordres du Royaume, an
Clergé presentement qui nous est vny, à celuy qui nous est inferieur, lors
que vous desirerez de luy quelque obeissance. Vous vous seruez à nostre seul
esgard de moyens pour nous informer de vostre volonté, & declarez dans les
susdites Lettres, que la bien-seance empesche que nous ne receuions de Vous
ce mesme honneur. Vostre Majesté y nomme nostre conduite vne faction,
vne cabale, vne entreprise directement contraire aux loix de Vostre Royaume,
laquelle blesse Vostre Authorité, renuerse l’ancien ordre de Vostre
Estat, & est preiudiciable à nostre Corps, qui seul ne peut subsister sans vous
estre vny. Nos Assemblées, SIRE, ne peuuent estre condamnées ; la resolution de
nos dernieres les iustifie suffisamment par l’Arresté de demander la Paix, &
d’employer nos soins & nos vies pour la faire conclurre à la satisfaction de
Vostre Majesté, & au bien du Public. Qui dans l’Estat, SIRE, a plus de droict que nous à faire cette demande,
puisque la guerre ne peut continuer qu’au prix de nostre sang, & que dans la
Paix nous deurions exercer les Charges, & faire les fonctions les plus releuées.
Ce seroit Vostre seureté, SIRE, & Vostre grandeur, d’employer des
sujets Nobles incapables d’actions indignes de leur naissance. Vostre Majesté
s’en souuiendra, s’il luy plaist, pour remedier au déplaisir de Vostre Noblesse,
de n’estre pas employez dans Vostre seruice Elle vous demande encor cette
Paix tant desirée, s’offre d’y trauailler, & supplie tres-humblement Vostre
Majesté de luy vouloir donner part à la consommation d’vn bien si necessaire. Tous ces bons mouuemens, SIRE, ne nous ont pû empescher d’estre blasmez de Vostre Majesté, comme nous amusans à dresser des escrits & des
projets d’vnion nullement necessaire, au lieu d’estre en ce temps proche de
nostre Roy pour chasser les estrangers de son Estat, sans qu’aucun vous aye
fait entendre qu’il y eust autre moyen pour produire le seruice que Vostre
Majesté a tesmoigné desirer de nous dans les Assemblées generales ; l’esprit
du Corps tout Noble, & partant tout Royal, y preside & se communique
à tous les particuliers, desquels en detail il y en peut auoir qui n’ont pas le
mesme sentiment. Ainsi jamais Vostre Majesté ne peut tirer de secours si
puissant, laissant agir chacun seul à seul, que lors qu’ils seront assemblez, la
preuue en est éuidente par la suite de nostre conduite ; laquelle ayaut inspiré
nos resolutions dans toutes vos Prouinces, par la communication de nos Arrestez
& par nostre lettre Circulaire, Ils se sont trouuées en estat pour la
pluspart de monter à cheual, ou en volonté de trauailler pour s’y mettre
auec toute la promptitude possible. Ils nous en ont donné des asseurances en
la derniere tenuë à la Rocheguyon : mesme nous en auons esté sollicité par les
Deputez presens de diuers Bailliages selon leur sentiment, & pour obeїr aux
termes de vostre Lettre escrite à Monsieur de Liancourt ; Nous resolûmes de
monter incessamment à cheual pour courir sus à vos Ennemis, esloigner de
vostre Estat selon vos Ordres ce qui en trouble le repos, mourir plustost que
de souffrir qu’il demeure interrompu, & effacer de vostre Esprit par nos seruices,
les impressions que nos Calomniateurs y ont portées.   Si l’effet de ce mouuement genereux de nostre Corps a esté differé iusques
icy, ceux qui n’auoient pas nostre mesme dessein, & qui s’y sont opposez en
sont sans doute les coupables, & sont les veritables factieux & cabalistes ;
qui ayant trauaillé parmy nous à ruiner la fin de nos bonnes intentions, auec
autant de malice, que vos vrays seruiteurs auoient de chaleur pour en solliciter
l’accomplissement, Ont semé de mesme temps par leurs Emissaires aupres
de Vostre Majesté tout ce qui l’a pû preuenir de soupçon contre nostre
fidelité, parce que ne voulant concourir auec nous au maintien de Vostre
Authorité, ils nous en vouloient empescher la gloire. La deference, SIRE, que nous auons eüe au sentiment de Monsieur de
Liancourt d’en surseoir l’execution, qu’il n’a pas creu estre suiuant l’intention
presente de Vostre Majesté n’a rien diminué de l’impatience que nous auons
de marcher au premier Ordre que nous en receurons d’Elle ; & par cette
marque de nostre obeїssance, nous esperons en obtenir le commandement. Alors l’on connoistra l’vtilité des Assemblées de Vostre Noblesse, & l’on
jugera qu’au lieu d’estre seules condamnées dans Vostre Royaume, elles deuroient
estre seules establies, parce que ce Corps estant vostre bras droit, il
ne peut manquer à la Royauté, & ne doit iamais aussi estre diuisé pour la
soustenir plus fortement, & que ceux qui les ont sollicitées, ont l’auantage
de nous auoir ouuert vn chemin que nous deuons tousiours suiure, puisque
rien ne peut plus solidement affermir Vostre Couronne. Ce qui nous donne la liberté de supplier tres-humblement Vostre Majesté de nous en continuer
la permission, & trouuer bon qu’elles s’establissent par des Deputez de chaque
Bailliage.   L’vnion inseparable de nos interests auec les vostres, SIRE, nous donne
lieu de faire sçauoir à Vostre Majesté quelques-vns des points les plus pressans,
& qui vont à l’entiere ruine de nostre Ordre que vous estes obligez de
soustenir pour en estre soustenu seurement ; Pour vous faire connoistre que
ce n’est pas sans sujet, que nous cherchons quelque soulagement à nos maux.
Et d’autant que les autres Ordres y sont interessez, nous desirons ardemment
que la distribution des graces que nous vous demandons & vostre protection,
ne soit pas bornée à nostre seule vtilité, & qu’elle coule abondamment
sur tous vos sujets. La reformation des excez que commettent les gens
de guerre des concussions de quelques Gouuerneurs des Ordres en blanc, est
vne des plus grande. A ces plaintes, SIRE, Nous demandons à Vostre Majesté vn remede
pressant, par la deffence expresse à tous gens de guerre & Gouuerneurs, de
commettre à l’auenir rien de semblable, & le permettre par escrit en forme
donné à toute la Noblesse de Vostre Royaume, de s’assembler en cas d’inexecution
de ce present Commandement, & se seruir des Communes pour y
faire obeїr. Nous faisons particuliere instance à Vostre Majesté de faire justice à toute
Vostre Noblesse, de l’outrage qu’elle a receuë à Chartres, dont l’impunité
depuis neuf mois passe aux Ennemis pour vn mespris de vostre part, & pour
vne insensibilité de la nostre, qui augmente de iour en iour leur insolence,
dont la consequence n’est pas moindre pour vostre authorité, que pour nostre
seureté. Les Commissions données pour les Tailles, dans lesquelles les Gentils-hommes
sont compris, & celle par lesquelles nostre seureté a esté abandonnée
aux Preuosts des Mareschaux sont encores tres-essentielles. Il ne nous est
pas moins necessaire de supplier tres-humblement Vostre Majesté, de reuoquer
toutes lettres de Noblesse accordées sans connoissance de cause, & par
argent, Et declarer nulle toutes possessions vsurpées ou achetées par plusieurs
particuliers, en vertu dequelles ils joüissent de nos franchises & immunitez,
au deshonneur de nostre Corps, & à la foule de Vostre Peuple. Ces dernieres
lezions moins violentes & toutesfois tres-importantes, peuuent attendre
leur remede dans les Estats Generaux qu’il vous a pleu nous indiquer à
Tours le premier Nouembre prochain : Dont nous rendons nos tres-humbles
remerciemens à Vostre Majesté, & la supplions, que puis qu’elle a eu
la bonté de nous les accorder comme necessaires à la reformation des abus,
le pouuoir de nous assembler soit confirmé en forme, si l’ouuerture desdits
Estats n’est pas faite au jour indiqué, & de nommer dés à present six de chaque
Bailliage pour les solliciter par tous les moyens qu ils jugeront à propos,
Afin que par la negligence de les requerir, plusieurs mal-intentionnez, ou qui en craignent les decisions n’essayent lors à persuader à Vostre Majesté
qu’ils ne sont pas desirez, & qu’à l’exemple present l’on ne noircisse dans
vostre estime ceux, qui sans autre interest que vostre seruice & du bien general
de la Monarchie le voudroient entreprendre.   Apres quoy, ayant tres-humblement supplié Vostre Majesté de receuoir
fauorablement ce Discours, que nostre zele à vostre seruice a produit pour
nous justifier aupres d’Elle, luy rendre quelques-vnes de nos plaintes, luy
faire nos demandes, & pour luy prouuer tout ensemble nostre obeissance &
nostre soûmission, Nous la supplions encore tres-humblement de nous informer
de ses volontez par sa bouche, auant que de nous retirer de sa Cour ;
afin de les communiquer à ceux qui nous ont deputé, & qui la desirent impatiemment. Il nous reste, SIRE, d’adjouster l’offre de nos personnes, de nos vies, &
de celles des Gentils-hommes de nos Bailliages, qui attendent les Ordres
de Vostre Majesté ; afin qu’ils se puissent montrer dignes successeurs de ceux,
qui par la force de leurs armes ont mis la Couronne que vous portez, sur
la teste des Roys vos predecesseurs, & qui la conseruant au prix de leur sang
& de leur vie, ont merité le titre glorieux de bras droit de leur auhorité. Signé de l’ordre exprés de l’Assemblée, CHARLES D’AILLY-ANNERY.


31. Anonyme. AVIS AV MARESCHAL DE TVRENNE, SVR SON... (1650) chez Variquet (Pierre) à Paris , 24 pages. Langue : français. Le nom de l'imprimeur est au colophon.. Référence RIM : M0_478 ; cote locale : D_1_32. le 2012-04-13 16:18:20. [Page 1 SubSect | Section]

AVIS
AV MARESCHAL
DE
TVRENNE,
SVR SON TRAITÉ AVEC
les Ennemis de l’Etat.

A PARIS,

M. DC. L. AVIS
AV MARESCHAL DE TVRENNE,
sur son Traitté auec les Ennemis
de l’Estat. MONSIEVR, Vous deuez croire que dans le dessein où ie
suis de rendre cét Auis pur, & sans passion, ie
n’ay point celuy du tout de vous traiter auec rigueur ny auec
courtoisie ; l’vne & l’autre quand elles s’exercent dans l’apprehension
& la violence du mal, sont trop peu legitimes
pour passer que pour des effets de la necessité : & si la France,
à qui l’oppression, non plus qu’à tout ce qui est né libre,
n’a sçeu iamais oster sa vertu, ny la dépoüiller de sa constance,
a esté quelquefois contrainte de ployer sous l’instabilité
des choses, on peut dire au moins que la douleur a toûjours
irrité son courage & aiguisé sa vaillance ; mais qu’elle
n’a iamais sçeu ce que c’est de ces craintes honnestes & specieuses,
qui tesmoignent que nous ne voulons point d’ennemis
puissans. Ceux qu’il a pleu à Dieu de luy départir depuis deux siecles,
luy ont tousiours esté chers à vn point, qu’elle s’est le
plus souuent moins reposée sur ses Armes, que sur leur probité,
& dans les plus solemnelles negociations, & qui estoient
de la plus estroite obseruation, elle s’est treuuée abusée d’vne
certaine confiance, qu’elle croyoit deuoir estre le fondement
de tout commerce, & sans laquelle en effet, il n’est guere
possible de nuire ny de profiter à personne. Quoy que leur jalousie n’ait iamais sçeu trouuer de bornes ;
quoy qu’alterez tousiours de son sang & de sa ruine ; elle
les a receus comme domestiques de la Foy, comme des personnes
considerées dans vn lien d’amour, qui tient generalement
les hommes enchainez les vns aux autres ; sur lequel on
ne peut pas mesme refuser de traitter auec des perfides ; de faire
du bien à ceux qui nous maudissent ; de voir cherement
ceux qui s’éloignent le plus de nous de cœur & d’intention :
principe qui n’a pas esté seulement verifié dans la sainteté de
nos dernieres mœurs, mais qui encore a fait partie de la Religion
des Payens, lors qu’ils asseurent que le bien-faire n’est
pas moins vne marque d’excellence que de bonté. Arist. Arth. Ce n’est pas neantmoins qu’il faille tousiours farder nos
maladies, ny nous faire vn visage meilleur que nous n’auons
pas. Il reste à l’Estat peu de parties saines, peu qui ne soient
defigurées & tachées de quelque corruption : Et ie vous auoüe,
Monsieur, qu’on diroit à le voir paruenu à ce haut comble
de ses souhaits, que ç’a esté par vn plus grand secret de la
colere du Ciel, & que tant de merueilleux succez, que nous
auons veus, n’ont esté multipliez que pour vne plus forte
preuue de sa reprobation. Toutefois quand il seroit en cela necessaire de reconnoître
quelque pouuoir inuisible, & de souscrire auec reuerence
au temps determiné d’vne volonté supréme ; Quel sujet y
peut-il auoir iamais de vanité pour vous, de l’offenser toûjours
impunément, de vous ioüer de la sorte auec insolence
de son nom & de sa puissance ; Iusques-là que vous faites trophée
de ses miseres publiques, parce qu’elles doiuent n’aistre
de vostre mécontentement particulier ; & que vous ne croyez
point de fortune eleuée que celle qui se bastist des larmes
des affligez ? S’il est vray que Dieu soit resolu de faire des victoires de la
France, ses plus grandes pertes, & d’augmenter sa pauurete
par son guain, vous ne pouuez guere, selõ ce que ie pense, contribuer
a l’accomplissement d’vn si grand ouurage, & les mesmes
mains qui trauailleront à la conduite d’vn iugement si
profond, ou elles agiront seules, ou elles se joindront à d’autres
plus fideles & plus sçauantes que les vostres. Vous n’auez plus que quelque vaine ombre de commandement sur des
personnes qui ne sont remarquables que par leur honte, &
qui ne viuroient plus à present, si elles ne viuoient des pechez
de ce Royaume ; qui au party de là s’égaleront tousiours
à vous par la societé d’vn mesme crime ; & croyront d’auoir
autant de part à vne puissance qui n’appartient legitimement
à personne.   Ie vous declare donc pour tout ce qu’on pourroit craindre
de vostre infidele changement, que non seulement il vous est
pardonné ; qu’on l’approuue ; mais qu’encore la France se réjoüit
de voir qu’il y en ait qui s’estiment riches d’vne chose
qu’elle abandonne ; qui recueillent comme vn bouclier tombé
du Ciel, ce qui n’est rien qu’vn esclat qui vole de sa foudre,
& vn debris qui paroist à terre du coup de sa Iustice. Elle n’aura iamais de raisons pour vous conuaincre, ny de
prieres pour vous fleschir : Peut-estre que les vnes ou les autres
vous ietteroient dans quelque presomption, de luy accorder
par grace vne chose qu’elle ne veut pas mesme attendre
de vostre deuoir : Et pour vous montrer quel est l’estat de
son egalité, & combien elle est immobile à toutes vos entreprises ;
elle ne veut pas seulement vous iuger digne de sa haine
apres que vous l’auez esté de son amitié : Elle ne songe ny
à vous absoudre ny à vous punir. La plus glorieuse façon de
se vanger des ingrats, n’est pas de punir leur ingratitude ;
c’est d’enseuelir leur memoire, & les condamner à vn oubly
eternel, puis que ce n’est pas assez pour leurs noires actions
qu’elles finissent auec leur vie, si elles ne s’esteignent auec leur
reputation. Elle croit, comme il est vray, qu’il sera tousiours de la grandeur
de ses inclinations, de ne se ressentir que le plus tard qu’elle
pourra des vices, & de la lascheté de ses ennemis : & comme
elle n’en a point qui panche à la tyrannie ny à la foiblesse,
il faut croire que tout ce qui ne sçaura pas se conseruer dans
son esprit, aura vn dessein formé de se perdre. Autrefois la plus fiere Republique du monde ne creust pas
qu’il y eust de la honte pour elle, de flatter par des sousmissions
vn Citoyen irrité ; & quand les Sacrificateurs, les vieillards
& les enfans, qui estoient sortis pour se ietter à ses pieds, eurent tenté inutilement cette humeur dédaigneuse & portée
à la vengeance, elle chercha pour lors la derniere ressource
de son salut, dans la mediation d’vne mere, qui en ce rencontre
fist valoir d’vne merueilleuse vigueur, tous ces droicts
immortels du deuoir & de la pieté : tellement que le fils demeurant
abbatu sous les plus beaux sentimens d’honneur &
de tendresse, tendist les mains à cette mere en versant des larmes :
Il n’y eust que quelques paroles à demy estoufées, qui
sortirent de sa bouche auec quelque déplaisir, qui signifioient
l’assassinat commis en sa personne par les Volsques, preuoyant
bien qu’vne si brutale nation ne iugeroit pas clairement de la
generosité d’vne telle action.   Mais s’il faut vous faire voir cette France auec des entrailles
de mere, vous coniurer de rentrer en vous-mesme, & de ne
vouloir pas permettre, qu’elle soit accusée d’auoir mis vn fils
dans le monde, qui soit son homicide, & vn sacrilege, auec
l’honneur & le prix de sa fecondité ; Il faut vous faire ressouuenir
à mesme temps, des plus cruels assauts qu’vn iuste remords
liuroit à l’ame de Coriolanus dans ses plus solides satisfactions,
autant de fois qu’il pensoit à l’amitié qu’il auoit pratiquée
de gens qui en vouloient directement à ses Loix & à sa
Religion ; pour qui il auoit abandonné laschement les interests
de son pays, ne considerant pas que s’il y a quelquefois
des temps où il vaut mieux se perdre auec courage, que de se
conseruer auec bassesse d’esprit. Il y a d’ailleurs des causes
heureusement regardées, qui demandent toute nostre application
de cœur à de souuerains ordres, & desquelles il faut
laisser le succez à la disposition du Ciel. Combien de fois serez-vous interrompu de l’image de vos
crimes, quand ils vous rempliront de cette malheureuse alliance
auec des ennemis immortels de vostre patrie ; auec ceux
qui n’auoient aucun pouuoir legitime en main pour estre recherchez,
& pour prester la Iustice que vous auez demandée
contre l’oppression qu’on vous fait ? Que vous auez mesmes
surmontez ; chez qui vous auez porté la frayeur, & dont la
mauuaise fortune vous honoroit, dont les cheutes contribuoient
à vostre agrandissement ? Quelle honte d’auoir egalé
leurs forces aux vostres par vostre choix, & d’auoir fortifié leur party par le respect qui vous y a attiré ? Si tant de funestes resolutions
que vous auiez iettées contre l’Estat à cette campagne
eussent treuué vn acheminement fauorable, dans quelle
mauuaise odeur ne vous metiez-vous point aux siecles à vestir ;
s’en fut-il trouué quelqu’vn d’assez doux pour vous, qui eust
pû s’en entretenir indifferemment, qui ne vous eust fait passer
pour vne peste dangereuse, dont le venin est capable de gâter
mille posteritez ? Mais que ne diront point les Espagnols,
que vous auez sacrifiez à la faim deuant Guyse, pour venger
vos propres iniures ; que vous auez perdus, apres qu’ils vous
ont eu fourny d’azile ? Auez-vous iamais esté plus ingrat que
depuis que vous poursuiuez si ardamment vne ingratitude ?   Dum genus
humanum,
dum populi
Romani,
nomen extabunt
tua
illa pestifera
intercessio
nominabitur.
Cic 2.
Phil. Mais peut-estre, Monsieur, que ie me trompe, & que vous
n’auez en cecy que des cõsiderations honnestes qui regardent
le bien vniuersel ? Peut-estre que par cette vnion vous entẽdez
de porter la paix par tout le monde, & procurer vn bien egalement
vtile aux vns & aux autres, qu’ils n’osent pourtant desirer
ny esperer, parce qu’ils ont peur en le demandant de
l’obtenir comme vne grace, & d’en retenir la moindre partie
pour eux ? I’aduoüe qu’auec vn peu plus de patience, vous vous pouuiez
mettre en fort bon estat, de connoistre auec fruict & auec
auctorité du different de ces deux Couronnes, qui ne peut
estre terminé ny par les conquestes ny par les traittez, & qu’vn
merite comme le vostre, qui auoit fait parler de luy auec admiration,
de ceux mesme qui n’en pouuoient parler qu’auec
douleur, eust pû conduire ce chef-d’œuure iusqu’à sa fin, sans
le tort qu’il s’est fait en rompant pour si peu de chose les attaches
de son deuoir : Mais quel fondement peuuent prendre
à present des Nations si difficiles à guerir, & qui font voir
playe sur playe, sur vne humeur si agitée, si trompeuse, qui quitte
comme le chien de la Fable, tantost l’ombre, tantost la piece,
& ne se sort iamais des termes de courir passionnément
apres ce qu’elle a vne fois delaissé. Il y en a qui vous ont appellé par estonnement la Maistresse
du Cardinal Mazarin, lors qu’il disoit que vostre rare naissance
n’auoit rein de commun, & qu’il falloit pour la production
de tels hommes la conspiration de plusieurs années, & vn amas de ce qu’il y a de meilleur & de plus riche dans les influences
du Ciel : Cependant vous n’auez guere gardé chez vous cette
reconnoissance : Il a paru qu’elle vous a pesé dauantage
encore qu’vne iniure, & vous auez ressemblé en cela à ces peuples
extremement remuants & amoureux de leurs resueries,
qui cherchoient tousiours dans leur fantaisie quelque Dieu
nouueau, & deuenoient si rudes & si cruels aux autres qu’ils
auoient vn peu auparauant adorez, qu’ils ne les condamnoient
pas à moins qu’au feu, ou à deuenir des meubles de cuisine.   Ie flatterois vostre ressentiment s’il estoit aussi iuste que celuy
de Coriolanus. Coriolanus se voyant persecuté de ses enuieux,
& sa vertu n’estant pas assez forte pour combattre
d’elle seule leur iniustice, fut contraint de leur ceder, & de
faire vn azile de la foy des Estrangers. Quand il eust le pouuoir
de s’en vanger, il n’en eust pas la volonté ; & il voulut tesmoigner
qu’il sçauoit pardonner par gloire, non pas par necessité. Ayant mis le siege deuant Rome, son dessein ne feust iamais
de dompter ceux de son pays, mais seulement de les attirer.
Il chercha de les ranger à la raison, & non pas à la force.
S’il fist quelque semblant de deuenir inhumain ; ce ne fust que
pour les empescher eux-mesmes de deuenir ingrats. Il ne
vouloit que leur faire aduoüer le tort qu’ils auoient eu d’exiler
vn homme si necessaire, & la moindre connoissance de
leur erreur moyenna vne parfaite reconciliation. Enfin il fut indulgent aux Romains, equitable aux Volsques,
& par tout égal dans ses deuoirs : aux vns il fit voir qu’il
ne venoit pas pour les ruiner : aux autres qu’il n’estoit pas là
pour les trahir : aux vns qu’il estoit fort peu dangereux de l’offenser :
aux autres qu’il estoit salutaire de se fier en luy ; qu’il
y auoit autant de douceur à le sentir pour protecteur, comme
il y auoit de la gloire à deuenir le sien. En ce parallele de merites & de disgraces de vous & de
Coriolanus, ie vous trouue bien plus coupable que luy : coupables
enuers les François, coupable enuers les Espagnols. Il
n’en est point de qui vous n’ayez embrassé la cause, de qui
vous n’ayez esté Partysan : Il n’en est point aussi que vous
n’ayez delaissée, de qui vous n’ayez esté deserteur. Et certes il n’est pas mal-aisé de trouuer la cause de cette inconstance
dans la vanité que vous vous donnez d’agir en toutes choses
auec vn principe de liberté, qui diminuë en quelque façon
le pouuoir de vos Maistres, & augmente l’estime des
seruices que vous croyez d’offrir auec generosité & de refuser
auec Iustice.   C’est pour cela que le Baston de Mareschal vous a semblé
comme vne œuure de surerogation, & comme vne grace
superfluë, qui n’adjouste ny force ny embellissement à
vostre nom : Cette grace a esté comme vne lumiere artificielle,
qui est tuée par celle du iour, qui s’est absorbée dans
vn gouffre de tiltres & de dignitez, qui brillent dans vôtre
race : c’est vne Riuiere qui est entrée dans vne Mer de
biens & de qualitez indifferamment, sans changer sa consistence,
sa couleur, ny son goust. Ce n’est pas qu’à la verité, Monsieur, il n’y ait ie ne sçay
quoy de peu iuste pour vostre esgard qui me choque plus
d’vne fois. Ie sçay que vous auez consacré fort long-temps
vos mains à l’innocence, & à la protection de la Iustice ; Que
vos Armes n’ont iamais esté mercenaires ; que vous auez retiré
si peu de fruict de tant de glorieuses actions, qu’il ne
vous reste que ce tesmoignage tousiours frais & tousiours
paisible de les auoir renduës. On sçait que vous auez couru
vne partie de l’Europe pour la deliurance de vostre pays ;
que vous auez plusieurs fois rompu les forces & esteint la
tyrannie de ceux qui s’en veulent rendre maistres : Mais à vostre
auis, est-il quelqu’vn qui puisse considerer ces seruices
comme il les falloit considerer autrefois ? ne les auez-vous
pas mille fois effacez par vos outrages ; & ne seroit-ce pas
nous faire à present trop de bien, que de s’imaginer seulemẽt
d’en auoir receu de vous en quelque autre temps ? S’il y a eu
quelque negligence à vous conseruer : s’il y a eu de l’indifference
à vous perdre ; ces marques qui sont parmy nous de
foiblesse & d’intemperence, peuuent-elles iamais entrer en
compensation auec celles que vous laissez d’vne noire felonie ? Licuit ne
mihi hoc
beneficium
per tuas cõtemelias
sie
[2 mots ill.]
Cic. 2.
Phil. Vous auez soustenu vigoureusement tout ce que les mains
foibles d’vn Roy pupille laissent aller d’ordinaire. Que n’auez-vous pas fait de grand & de beau pour la defense de la
quenoüille de Tanaquil ? vous l’auez tenuë aussi chere que
la Lance de Romulus, & maintenant vous tournez vos soins
& vos pensées à deffaire vn si celebre tesmoignage ? Vous
brisez des Statuës qui ont tant cousté de faire. Apres auoir
entassé bien sur bien, victoire sur victoire, vous estes comme
ceux qui espargnent pour verser tout dans la bourse
d’vne impudique. Vous vous plaignez de l’vsage indiscret
qui est parmy nous, des peines & des recompenses ? vous
trouuez à redire au maniment violent de ceux qui tiennent
les principales roües du Gouuernement ? vous trouuez qu’ils
abusent de la Royauté ; & vous ne dites pas qu’il l’a faudroit
à mesme temps vanger des outrages de ceux qui la menacent ;
Que cette Iustice qui marche si lentement aux gratifications,
ne va pas auec vne moindre pesanteur aux supplices ;
& que pour se vouloir rendre seulement redoutable
par son nom & par son authorité, elle donne lieu de se faire
accuser de foiblesse, & ouure le chemin à de nouuelles
iniures ?   Le seul exemple que l’Histoire a iamais veu d’vne malice
determinée, c’est Monsieur le Duc de Boüillon vostre
frere, trouué coupable tant de fois, qu’il ne tient qu’à luy
de se glorifier comme vn autre dans Athenes, d’auoir esté
accusé soixante & quinze fois en plein Senat, & d’auoir toujours
trouué le moyen de fuïr à la rigueur de ses Iuges. Iamais
rebelle n’a plus heureusement reüssy, ny gagné plus
que luy dans l’exercice du mal. Il ne s’est pas veu seulement
paisible possesseur & joüissant de son impunité : mais il se
treuue encore qu’on luy a voulu acheter cherement ses fautes,
& mettre à prix les violemens publics de sa foy ; en
sorte qu’il ne faut plus s’estonner (apres les commoditez qu’il
a retirées de son crime) de sa longueur à la resipiscence ; parce
que son infidelité est tousiours sortie à quelque chose de
bon : Il a trouué fort reuenant le fruict de ses caprices, il a
esté à la veille d’en estre si liberalement recompensé, qu’en
effet il trouue qu’il n’est point de trafic plus asseuré pour
luy que celuy de faire du mal. Aristoph.
in Demost.
orat. 10. Ie demanderois volontiers à Monsieur de Boüillon, comme Ciceron à Antoine, s’il a iamais esprouué ce que peut la
vertu pour retirer vn homme de son peché, & s’il a iamais
bien examiné la force de cette consideration : ou s’il a iamais
bien connu cette Iustice vengeresse qui suit tousiours le pecheur
à la trace ? Ne fait-il pas quelquefois reflexion sur la
rigueur des Iugemens des hommes ? S’il ne les apprehende
point à cause de son innocence, certes ie le loüe ; mais si la seule
presomption qu’il a de ses forces, l’empesche de les craindre,
il ne sçait pas bien ce qu’ils ont de redoutable pour ceux
qui ne les redoutent pas ?   Sed si to
laus allicere
ad rectè faciẽdum
non
potest, ne
metus quidem
à fœdissimis
factis
potest
euocate : Iudicia
non
metuis si
propter innocentiam
laudoisipropter
vim nõ
intelligis ci
qui isto modo
iudicia
non metuit,
quid sic metuendum.
Cic. 2. Phil. Nous auons veu qu’ils n’ont rien laissé à consommer de
ce qu’il y auoit de complices autour de luy, cependant qu’il
a éuadé sans vne égratigneure. C’est vn feu qui s’est pris aux
Princes & aux Fauoris : mais ce n’est qu’vne rosée qui a rafraischy
le Duc de Bouillon, dont la bonté a porté du temperamment
à la puissance, & soulagé l’infirmité. Le Roy ne
pardonne pas à vn sang qui coule dans ses veines : & il souffre
qu’on luy arrache le cœur auec la teste d’vn confident,
tandis qu’il fomente dans son sein vn malade couuert de
playes, qui entraisne auec ses ordures vne partie de son fumier.
Le vent du Nort qui renuerse des maisons si superbes,
qui deracine les arbres, qui emporte ces grosses branches du
tige Royal, ne fait seulement que purger ce mauuais air. Vne si heroïque action de clemence me ietteroit dans vn
transport d’où ie ne reuiendrois iamais, si ie ne sçauois qu’il
y va tousiours de la gloire des Roys, de pardonner à des ennemis
publics, & de n’employer que sobrement leur authorité
sur ceux qui font plus souuent des efforts à l’vsurper : Ils
ont d’autres voyes pour finir les crimes que la fin des criminels.
Et Louys XIII, d’heureuse memoire, en qui ces maximes
genereuses furent plusieurs fois remarquées, quoy qu’il
eust en horreur l’ambition du Duc de Boüillon, fit tousiours
vn estat particulier de sa personne. Il se contenta pour deliurer
le public du danger où il l’a voulu plusieurs fois precipiter
de luy oster sa force & son venin. Il luy prit Sedan au
lieu de sa teste : Ie trouue que c’est peu, apres n’auoir iamais
pû racheter celle du Duc de Montmorancy, le plus illustre
Gentilhomme de son Royaume, par les plus belles pierreries de sa Couronne, qu’il eust données d’vn tres-bon cœur,
s’il eust pû empescher le decry de son Gouuernement dans
vne si riche effusion de ses graces, & n’eust pas donné sujet
de dire aux Estrangers, qu’il n’y auoit que ses Estats où le vice
& ceux qui le faisoient profitassent ; où c’estoit vne espece
de peché que de bien faire.   Finalement on luy a tousiours leué tout empeschement
pour n’auoir sujet d’accuser personne en son malheur que
son ingratitude. On a fait tout ce qu’on a pû pour le conseruer,
il fait tout ce qu’il peut pour se perdre. Qui a iamais
trouué qu’vne amitié particuliere deust preualoir sur le
seruice du Roy ; qu’il fallust s’y attacher scrupuleusement à
la ruine entiere d’vn Estat ? N’est-ce pas vne maxime aussi
absurde qu’elle est dangereuse, que d’esperer de retenir la
vie au bout d’vn doigt dans vn corps desia mort & porté par
terre ; que de vouloir trouuer dans le comble des malheurs
vne pleine satisfaction de sa vangeance ? comme si la vertu
ne reposoit qu’au feste de toutes les meschancetez, & qu’il
n’y eust point d’innocence que celle qui arriue par l’excez,
& par le nombre des crimes ? A ce conte, qui voudra estre fidele
& reconnoissant à vn amy, si à mesme temps il n’est pariure
& sacrilege à sa Patrie, il ne le sera iamais legitimement. Ce n’estoit pas assez d’auoir fauorisé de ses vœux & de
ses inclinations, d’auoir beny secrettement les affaires de
Monsieur le Prince ; Il falloit encore venir à vne force ouuerte
& declarée, & tascher de gagner quelque fausse reputation
de constance ; Il falloit armer sa compassion & conuertir
son zele en fureur, sans se prendre garde qu’au mesme
temps qu’il croit d’auoir conceu vne belle idée de l’amitié,
il fait voir seulement cette liaison des espines qui ne s’embrassent
que pour faire du bruit, & pour craquetter dans la
flamme ; Qu’il ne fait qu’apporter les defauts de son esprit,
& faire part de son caprice à vn amy, auquel il deuroit rendre
d’autres retributions de sa fidelité : n’estant pas mesme
à croire que Monsieur le Prince qui souffre auec ioye
sa detention se sente iamais obligé à des moyens si violents
qui retarderont tous les bons mouuemens inspirez pour sa liberté, & qu’il aymeroit mieux n’en auoir point du
tout, que d’en auoir au prix de celle de toute la France, & de
tout le sang qui se pourroit verser dans vne guerre ciuile. Il
ne faut point douter qu’il ne fut rauy qu’on luy procurast par
des remedes plus doux, vn bien qu’il sousmettra de toute son
ame au repos d’vn maistre, dont il a fait sans y songer les inquietudes,
esperant par vne longue & volontaire habitude de
sa patience, de donner lieu à la preuue d’vne chose contestée,
d’éclaircir mieux la verité de ses intentions.   Il jouyra du moins à iamais de cette tranquille pensée
(que comme il ne peut estre coupable que de trop de reputation
& du mal seulement qu’il a pû faire) il n’y a que sa propre
gloire qui le puisse tourmenter, que ses vertus qui soient ses
crimes, & que ces mesmes actions qui le couronnent au dedans
qui le puissent accuser au dehors ; & peut estre que malgré
l’enuie on verra vieillir dans ses auantages vn merite qui
a fait tant d’honneur à la Regence, & qui a esté si vtile à
l’Etat. Pour le moins sommes nous asseurez que cette furieuse
jalousie qui s’excite pour peu de chose à Constantinople
& en Espagne (& quelquefois pour vn seul regard du
Soleil) ne s’attachera pas à vne teste si precieuse : elle n’ira
pas prendre dans la boutique des Sophismes & des piperies,
dequoy instruire adroitement vne méchante action : & colorer
le juste soupçon qu’ont laissé à la posterité d’vne mort
violente les Ibrahims & les Ieans d’Austriche, estouffez tous
deux sous les subtiles traditions des Docteurs de leurs païs,
sous pretexte que le peuple qui passoit desja iusques dans la
veneration pour eux, les auoit trop souuent exaltez pour
les Pacificateurs de la mer & de la terre, & que l’vn & l’autre
auoient des qualitez trop dignes de commander pour les
employer tousiours à l’obeïssance. Nous viuons en France sous d’autres Loix, où nous tenons
que toute tromperie est vne tacite confession de foiblesse,
& n’estimons pas qu’il soit de la bienseance de l’atribuer
aux grands ouurages. Que la prudence se separe ailleurs
tant qu’elle voudra de la probité, & que l’esprit s’épuise
en des injustices bien hardies & bien deliées ? c’est vne
trop dangereuse fecondité : Et pour nous qui sçauons que
la plus seure guide des affaires n’est pas vne imagination turbulente & effrayée, mais bien vn iugement rassis & tranquille,
auons tousiours fait état de nous conseruer par des
regles faciles & generales, qui ne preuariquent iamais sur
le commun vsage de la raison, & auons par méme moyen
laissé la pratique de toutes ces choses moralement vicieuses
aux ennemis, qui se donnent des libertez dans la Politique
estranges ; ce qui fait qu’ils conuertissent d’ordinaire les remedes
en poisons, donnent cours à des maximes, premierement
fatales à leur repos, puis tristes & ruïneuses au reste du
genre humain.   Ce n’est pas qu’en effet il y ait rien à remarquer de ces
voyes extraordinaires sur le sujet de la détention de Monsieur
le Prince ; Ie n’y trouue bien loin de là, que de la douceur,
que de ces preseruatifs, qui vont (comme dit tres-bien
vn rare ouurier du caractere le plus sublime en nostre
langue) entre la peine & l’impunité, qui marchent entre la
rigueur & l’indulgence. C’est vn milieu pour arrester des
fautes qui ne peuuent pas estre punies quand elles sont faites,
qu’il faut necessairement preuenir, & n’attendre pas à
corriger le mal lors que les criminels sont deuenus maistres
de leurs Iuges. Il y en a qui n’en eussent iamais esté, si on ne leur eust pas
donné le loisir d’en estre ; mais on les a surpris entre la pensée
du crime & de l’execution : ils ont trouué la main saisie
à méme qu’ils l’auoient leuée pour frapper le coup, & dans
le temps qu’ils partageoient en esprit vn Royaume, qu’ils
y marquoient les appartemens de leurs creatures, il ne leur
est escheu pour portion qu’vne chambre dans la Bastille,
semblables à ce suppliant de l’Ecriture, qui veut Rachel, &
n’obtient qu’vne chassieuse : Ils aspiroient à vne Monarchie,
& n’ont rencontré qu’vne prison. Adjoustez que par vne sotte pitié on fauorise tousiours
ceux qui entreprennent contre les Princes ; d’autant qu’en
toutes sortes de causes, le plus puissant est estimé le plus
outrageux, & l’injure est censée venir de la force plustost
que de la foiblesse. De plus, le peuple ne croit iamais aucune
conspiration formée contr’eux, que lors qu’elle est executée ;
ny leur adjouste foy, que lors qu’ils sont dans le piege :
C’est pourquoy ils ne sçauroient aller au deuant du danger, sans vser de quelque extraordinaire seuerité, qui n’est
pas dans l’intelligence des Loix communes ; comme lors
qu’ils font le procés à des songes, qu’ils punissent les soupçons,
qu’ils interrogent l’imagination, qu’ils prennent des
affirmations sur vn visage qui change, qui pâlit, & qui se défait
à tout moment.   Ne vaut-t’il pas mieux empescher les innocens de faillir,
qu’estre reduit à cette triste necessité de condamner les coupables :
Si on se fut tousiours seruy d’vn moyen si aisé de détourner
des Etats les mal-heurs qui les menaçoient, la liberté
d’vn particulier n’eust pas souuent esté la ruïne de tout
vn Royaume : « Si on se fut saisi à propos des autheurs de nos
desordres (outre que par là on les eut sauuez les premiers)
on eut espargné vn nombre infiny d’autres vies : Si les mauuais
vents eussent esté enfermez, la mer n’eust point esté agitée :
Si les Roys auoient assez de prudence, ils n’auroient que
faire de Iustice. » Monsieur de
Balzac dans
son Prince. « Ie parle de cette ponctuelle & scrupuleuse Iustice, qui
ne veut point remedier aux crimes qui se forment ; parce que
ce ne sont pas des crimes formez : qui veut attendre que des
rebelles ayant ruïné l’Etat, afin d’agir contr’eux legitimement :
qui veut que pour obseruer les termes d’vne loy on
laisse perir toutes les loix. Ce souuerain droict est vne souueraine
injustice ; & ce seroit pecher contre la raison, de ne pécher
en cecy contre les formes. » « Les vertus au reste se doiuent vn secours mutuel : Il faut
que la Prudence soulage la Iustice de beaucoup de choses ;
qu’elle courre où celle-cy qui va trop lentement n’arriueroit
iamais ; qu’elle empesche les maux dont la punition seroit ou
impossible, ou dangereuse. La Iustice s’exerce seulement sur
les actions des hommes, mais la Prudence a droict sur les pensées
& sur le secret. Elle s’estend bien auant dans l’auenir : elle
regarde l’interest general : elle pouruoit au bien de la posterité.
Et pour cet effet elle est contrainte icy & ailleurs, d’employer
des moyens que les loix n’ordonnent pas, mais que la
necessité iustifie, & qui ne seroient pas entierement bons s’ils
n’estoient rapportez à vne bonne fin. En quelque autre endroict
il dit ; Que l’vtilité publique se fait souuent du dommage
des particuliers : qu’il faut racheter la vie par l’abstinence & par la douleur, par la perte méme de quelque partie
qu’on donne volontiers pour sauuer le tout. »   Toutes ces paroles judicieuses font assez connoistre la repuguance
qui s’est trouuée quand il a falu resoudre l’emprisonnement
d’vn Prince du Sang, le plus auantagé qui soit
iamais sorty peut-estre des graces du Ciel & de la Nature, &
deuenu le plus agreable par ses peines & par ses victoires. On
peut dire qu’il en estoit de luy, comme du lyseron ou lys
champestre, que la Nature, dit Pline, esbauchoit dans les
premieres leçons de son enfance, & comme des dispositions
à se conduire à ces hauts ouurages de perfection, qu’elle nous
découure comme vn riche spectacle dans son sein : Tout ce
qu’elle traçoit en la personne des Guesclins, des Clissons, des
Gastons de Foix, des Bayards, & des Ducs d’Anjou, n’estoit
que les premieres couches, & le premier appareil de cette
jeune gloire du Prince de Condé, plus vigoureux & plus
ardant dans son Poinct du iour, que les autres dans leur Midy ;
plus plein & plus majestueux dans sa source, que les autres
dans leur cours. En quoy il faut certainement croire que
de si parfaites obligations n’auoient pas produit des ressentimens
vulgaires dans l’ame d’vn Roy, qui, selon Cassiodore,
ne peut iamais rendre ses gratifications suspectes, ny loüer
que sur des solides fondemens ; estant vray-semblable qu’vn
Souuerain ne voudroit pas s’humilier deuant sa creature, ny
gagner par des seruiles complaisances celuy sur lequel il a
dailleurs toute sorte de droict & d’authorité. Rudimenta
naturæ Iiliũ
facere addiscentis.
Plin. Nous nous souuenons tous de celuy qui fut autrefois appellé,
Les Passageres & infortunées amours du Peuple : c’estoit
le jeune Marcellus, qui ne montroit encor que des signes
& des presages d’vne future grandeur, & fut esteint
comme il commençoit à luire. Mais si Rome pleura si amerement
cette fois-là vne attente toute encore dans son bouton,
& estima auoir perdu ce qu’elle n’auoit pas ; ne seroit-ce
point vne honte à nous, que des bienfaits receus trouuassent
moins de reconnoissance que des bienfaits attendus ; que
nous fissions moins de cas d’vne vraye & réelle possession,
qu’on n’a estimé des imaginations & des desirs ; que Rome
eut admiré les semences & les fleurs d’vne inclination portée
au bien, & que la France fut sans ressentiment du fruict qu’elle a recueilly d’vne vertu consommée ? Cette injustice seroit
veritablement aussi grande que celle qu’il a déja soufferte
lors qu’on l’a voulu reduire dans les bornes d’vn simple Sujet,
l’obliger seulement a estre plus vaillant, plus sage & plus
heureux que le reste des hommes, & de faire moins de fautes.
Il a tort s’il s’est iamais imaginé qu’il n’y eust rien au dessus
de luy que le Ciel ; qu’il n’y eust que Dieu seul à qui il deust
rendre cõpte : mais ie ne le trouuerois pas moins malheureux
dans le rang que ce méme Dieu l’a fait naistre au monde,
s’il estoit obligé de souffrir la question pour ses pensées ; s’il
deuoit purger son cœur comme ses mains ; s’il estoit puny
d’vne negligence comme d’vne trahison, d’vn desir comme
d’vne injustice, d’vne simple colere comme d’vn assassinat
acheué.   Brenes & in
faustos populi
Romani
amore.
Tuc. l. 4. an. En cela ie n’ay garde de leuer le voile des plus secrettes
parties du monde, ny d’approcher vne veuë foible comme la
mienne de ces lumieres inaccessibles, où reposent les mysteres
de l’Etat. Ie ne dispute point contre le coq du clocher qui
annonce les vents ; & me laisse aisément conduire à la sagesse
qui est en vsage. Ie n’ay pas seulement du silence & de la discretion
pour ces choses apparemment extraordinaires, mais
i’ay encore du desir, de l’amour & de la reuerence pour elles.
La seule docilité & la seule patience à mon sens, honorent ces
volontez d’en haut pleines d’vne religieuse horreur. Laissons
trauailler les yeux qui sont nez à la direction & à la conduite
des autres membres : cette Iustice doit estre ainsi subordonnée ;
c’est la colomne de la nüée lumineuse d’vn costé, & tenebreuse
de l’autre : la puissance & l’intelligence est donnée
à quelques-vns, les autres n’ont que l’amour & vne aueugle
obeïssance en partage. Il n’est pas raisonnable méme que nous cherchions à Monsieur
le Prince par la force vne liberté qu’il ne veut obtenir
que par sa sousmission, & par des prieres qui seront d’autant
plus efficaces, qu’elles partiront d’vn cœur serré de douleur &
d’affliction ; & comme les eaux resserrées dans les tuyaux des
fontaines, plus elles seront étouffées & moins elles seront libres,
elles s’élanceront dauantage & penetreront plus viuement
dans les cieux. Il n’a point de honte à souffrir des liens
qui ne l’attachent qu’auec Dieu. Ces champions errans &
charitables, qui vont par tout la visiere haussée pour soustenir son droict, sont les tonnerres & les éclairs de la montagne,
pendant que ce Moyse est dans des familiers entretiens auec
luy. La prudence humaine luy a donné des gardes, qui deuiennent
tous les iours des témoins de sa vertu, qui de compagnons
de sa captiuité sont maintenant les admiraturs de
sa constance, & publient à haute voix que ce ieune Ioseph éclaire
de tous costez sa demeure : que c’est vn or qui laisse sa
crasse dans la coupele ; que si iamais il y estoit entré violateur
de la pureté des sentimens de son Roy, il n’en sortiroit qu’vn
illustre defenseur de son authorité.   Chrysost. Cela estant, Monsieur, il semble neantmoins que vous ayez
vn dessein tout formé de vous opposer à vne si grande prosperité,
qu’vne courte peine doit amener bien-tost au bien de
l’Etat. Vous destournez Dieu de son œuure, qui en ce rencontre
(comme en tous ceux où il faut qu’il témoigne vn soin
particulier des affaires de ce Royaume) veut faire naistre des
plus foibles principes de la Nature, les plus beaux accroissemens
de sa gloire, & rendre éclatante vne Prouidence qui a
perpetuellement combatu l’imprudence des hommes ; qui a
fait des Fauoris de ceux dont elle sembloit vouloir faire des
Victimes ; qui a fait treuuer la manne dans les deserts, & l’eau
viue sur les terres sabloneuses ; qui commande quand elle
veut aux lyons de cultiuer la terre aussi aisément, qu’elle la
fait desoler quand il luy plaist par des mouscherons. Vous auiez bien mieux vne occasion auantageuses de vous
resioüir auec Monsieur le Prince d’vne subite mutation ; de
voir qu’il auoit sçeu si bien faire le sejour de son repos du lieu
qu’on auoit destiné pour son supplice, & fixer cette humeur
impetueuse contre l’esperance & l’opinion d’vn chacun. Les
impatiens se piquent sans remede, & se tourmentent sans consolation :
mais il est bien vray ce que dit l’Apostre, Que les
hommes de Dieu ne sont iamais plus forts ny plus retranchez,
que lors qu’ils semblent plus delaissez : d’autant que la grace
qui selon le Grec est la force de Dieu, & comme dit S. Augustin,
Cette seconde ame qui influë & verse sans cesse dans
l’interieur, les rehausse au dessus d’eux-mesmes, & leur tient
le cœur éleué, aussi ferme dans la defaillance de leurs forces,
que leur esprit est tranquille parmy les chaisnes de leur prison.
Il est donc bien aisé à voir qu’il n’est rien qui l’offense
comme vostre amitié, comme la protection que vous luy offrez, rien qui le persecute comme vostre compassion, qui le
choque comme vos seruices.   Que reste-il, M. qu’à vous faire voir l’exemple de tant de
gens qui paroissent deuant vous tous moittes & tous degoutans
de leur naufrage, si iamais vne telle vanité vous auoit
saisi le cœur, que de vouloir tenir comme eux vostre siecle
dans l’inquietude, & vous donner la reputation d’vn fort
esprit à force d’estre dangereux & fecond en malice, ie vous
supplie que ces belles paroles d’vn Empereur d’Orient ne se
perdent iamais dans vostre esprit, quand il disoit à son fils,
Que le monde regorgeoit de personnes hazardeuses & entreprenantes,
à tout risquer, & à ne se retirer iamais que comme
des joüeurs sur leur perte : mais que rarement estoit-il conduit
par ces sages ménagers & préuoyans personnages, qui
déposent aussi-tost dans les mains de la Iustice ce qu’ils viennent
de receuoir de celles de la Fortune : Sçache, dit-il quelque
peu apres, que qui n’a guere bien manie le sien, ne gouuernera
que difficilement celuy d’autruy. [illisible.] Vous auriez perdu la memoire de ce qui s’est passé, si vous
auiez encor quelque esperance en l’auenir. Il ne faut que faire
vne petite course dans nos deux dernieres guerres auec
l’Estranger ; en l’vne on void vn malheureux obstiné, qui croit
tousiours de iustifier ses fautes par la perseuerance, & ne continuë
de faillir (s’il faut ainsi dire) que par la peur de deuenir
innocent, & de se mettre à la mercy des loix qu’il auoit offensées :
il est accablé de faueurs par ceux de son party : mais
comme il ne prend aucun goust dans leur possession, soit qu’il
pense que quelqu’autre consideration que celle de son merite
les attire, ou que pour les reconnoistre il se sente obligé
plus qu’à vne sousmission gratuite, & n’estime l’amitié qu’on
luy porte qu’vne fascheuse dependance, ce desespoir l’entraisne
enfin iusques à vn exil ignominieux, où il n’a laissé
aucune trace de son nom : mais comme vne beste timide qui
abhorre le iour & la compagnie, il se cache de frayeur, laisse,
dit-on, aller quelques souspirs sur se mauuaise conduite, sans
auoir pû receuoir cette satisfaction, que de faire auoüer son
repentir à ceux de son païs. Le Comte de
Candæle eu
Capdolat,
frere du Cõte
de Faix,
Cheualier
de l’Ordre de
la Iarretiere,
decedé en
Arrogé sous
CharlesVI. En l’autre il se void vne pauure victime prise dans les filets
des Espagnols, sacrifiée à la credulité & à la ruse, qu’il tâchent
de tromper lors qu’il leur est du tout impossible de la vaincre ; qu’il recherchent non pas d’vn amour licite, mais d’vn amour
adultere, à dessein seulement de s’en seruir, ne l’ayant accablé
d’offres & de promesses que pour luy oster plus facilement
l’honneur, la disposition de soy-mesme, & finalement
la vie qu’il perdit d’vne façon aussi peu connuë aux Sages,
qu’inéuitable aux plus heureux.   Le Connestable
de
Bourbon. Vostre traitement ne sera pas meilleur. Leurs caresses vous
tueront ou elles vous corrompront. C’est vn corps (dit ce
mesme autheur que ie sorts d’alleguer, & duquel ie n’ay pû
m’empescher d’emprunter plusieurs belles reflexions sur cette
matiere) qui sallit & gaste tout ce qu’il touche : les endroits
qu’il ne ronge pas de ses morsures, il les infecte de son haleine.
Il ne faut pas estimer ses presens moins funestes que
ses menaces, & son amitié n’en a pas moins opprimez que sa
haine. Il fait maintenant semblant de vous laisser quelque vaine
image de commandement sur ses Troupes, parce qu’il sçait
bien que vous n’en deuez iamais attendre vne vraye obeïssance,
& que pour en obtenir quelque chose, il faudra toûjours
que vous leur en promettiez vne autre ; que vous les
gouuerniez auec des artifices honteux, en quelque bonne
opinion que vous les ayez mises de vôtre suffisance pendant
vôtre Generalat en Allemagne ; que vous soyez le flatteur &
le corrupteur de vostre Armée ; que tous les iours vous inuentiez
des nouuelles pour entretenir leurs esperances ; que vous
composiez des Propheties de l’Etat populaire de Bordeaux
pour amuser les credules ; qu’en vn mot dans l’apprehension
de vostre prochaine ruïne & parmy les horreurs du desespoir,
vous ayez toutes les mines & toutes les apparences d’vn homme
content. Quand vous seriez mesmes si heureux que de vous concilier
le respect & la veneration qui doit tomber dans vne puissance
legitime, ces Troupes qui se verront ainsi conduites
par vne crainte seruile, ne vous feront iamais maistre de leurs
affections. Il n’est pas possible que des gens qui prennent tant
de part à la grandeur du leur, qui ne se plaignent que rarement
de leurs miseres, conçoiuent iamais vn fauorable sentiment
d’vn homme qui s’oppose auec cette fureur à la gloire
du sien. Ils verront que vous auez couru iusques au bout du
monde pour chercher des ennemis à vostre patrie ; que vous auez fait fort peu d’estat de la dignité du nom François ; que
vous n’estes bon qu’à exciter des orages dans la serenité des
plus beaux iours, & comme ces bestes ennemies du Soleil, qui
vont chercher dans la base & le limon des fontaines dequoy enlaidir
son image, vous allez prendre tout ce qu’il y a de l’hõme,
de terrestre & de pesant pour obscurcir les bienfaits du Roy,
décrier ses ouurages en la personne de ses Ministres, qu’il ne
faut pas considerer dans la splendeur qui les enuironne, mais
dans les aiguillons qui les percent ; non pas comme des Pilotes
oisifs, qui regardent dans la boussole, mais comme des pauures
forçats qui tirent la rame à force de bras.   Vous sçauez, M. ce qui se peut dire de nos Ennemis là-dessus.
Il seroit seulement à desirer que nous fussions aussi bons François,
comme ils sont bons Espagnols, & de nous piquer d’estre
en nostre espece, ce qu’ils sont dans vn genre de Brauour, plus
ridicule peut-estre en sa substance ; mais auec tout cela moins
souuent adjoustée à la cruauté & à l’insolence que la nostre. Ils
sçauent donner de la reputation aux plus petites choses : ils témoignent
de l’indifference dans leurs plus grandes douleurs : il
n’est d’outrage si cruel de la fortune qu’ils ne sçachent supporter
auec fierté & auec dédain : ils combattent la faim & le froid
tout ensemble : la prise d’vne Bicoque les transporte, & le Catelet
a fait allumer plus de feux de joye, que la perte de Dunkerque
ne fit voir de cierges larmoyans à Gant & à Bruxelles. I’adjouste que si cette prosperité impetueuse de la France,
qui a tout emporté depuis trente ans continuë, il n’y aura sorte
de mauuais succés dans leur armée, soit qu’il sorte des arrests de
Ciel, ou du cours ordinaire de la Nature, qui ne vous soit aussi-tost
imputé. Vous serez comme vn Chrestien du temps de Domitien :
tout ce qui se leuera dans l’air de venimeux, ou par la
forcc des Sorciers, nous sera retorqué. Ils diront tousiours que
c’est vn Infidele qui leur pese ; que c’est le poids de cét Etranger,
qui surcharge le vaisseau ; qu’il s’en faut déliurer. Pondus fugitiur
Prophetæ.
lon. Et doutez-vous que ce qui reste d’eux couste beaucoup à
défaire, & qu’aux termes où sont les choses, il faille conclurre
à vn changement de fortune pour quelques ziphirs qui leurs
soufflent à la trauerse ? Le gain qu’ils font ne fait qu’augmenter
leur indigence, allumer leurs desirs ; le repos qu’ils prennent est
le premier sommeil des malades qui les peut bien rafraischir,
mais ne leur promet rien de leur santé. Il n’y a rien à faire oui ne fut facile à executer à vn mal-heureux. C’est vn peu de desespoir
qui les porte, mais ils seront bien-tost consommez de
nos forces, de nostre courage, & de nostre bon-heur.   Si nos desordres publics nourrissent leur attente & leur credulité,
ce n’est plus comme autrefois cette premiere colere, qui
estoit suiuie de la prise des villes & de la desolation de la campagne,
la France estoit en vn autre temps espouuantée : « Si tost
que deux ou trois mécontents se retiroient de la Cour, elle se
figuroit qu’ils entrainoient des Prouinces entieres & des communautez,
sans trouuer de resistance : en suitte dequoy personne
se mettoit point en deuoir de les chastier, mais on taschoit
de les adoucir : au lieu de les visiter auec du canon & des soldats,
on leur enuoyoit des gens de robbe chargez d’offres &
des conditions, qui leur promettoient beaucoup plus qu’ils ne
pouuoient esperer de la victoire. » Balz. « Pour lors la bonté du Prince estoit le reuenu le plus certain
des coupables : elle payoit tous les iours ses ennemis : à la moindre
rumeur il descendoit de son Trône pour traiter auec ses Sujets ;
& apres auoir plusieurs fois declaré solemnellement que
tout auoit esté fait pour le bien de son seruice, il sçauoit bon
gré à ces seruiteurs infideles des affrons qu’il auoit receu d’eux. » « Maintenant il ne se trouue plus tant de François languissans
à son seruice, si ennemis de leur patrie, si décriez parmy les
Nations estrangeres. » Le Prince a communiqué sa force & sa
vigueur à la Republique (comme on disoit autrefois de Tibere)
elle respire en toutes les parties de son corps, de l’esprit & de la
vie qu’il luy a pleu de luy respandre. Il s’est trouué graces à
Dieu des gens qui ont trauaillé virilement à cette serieuse reformation
tant souhaittée. Il y en a qui ont corrigé les fautes
de leurs siecles, qui ont trouué tout ensemble de la discipline
aux guerres, du secret au Conseil, de la prud’hommie aux negotiations.
Nostre bonne foy qui s’estoit perduë, est en meilleur
odeur parmy les autres ; & vn Etat malade & diuisé, qui ne
pouuoit se soustenir que par les peines & par les menaces, se
soustient à present par sa seule reputation, & n’est redoutable
que par son authorité. Animam illum
esse dixit
cuius viuum
Reipublicæ
corpus
virtute
regeretur.
Tac. l. 2. ann. Nous voyons que chacun y vse de circonspection & de prudence ;
que chacun y cherche ses mesures, comme le petit Herisson,
qui tourne tousiours la porte de sa maison, du costé que
tourne le vent. Cognosce, Elige, Matura, disoit vne vieille monnoye de Ferdinand de Bauiere ; Pesez bien, Discernez bien,
Laissez bien meurir vostre conseil ; car il n’y a que ceux qui ont
fait cette mal-heureuse experience, qui sçachent auec quelle
seruitude on commande à des rebelles, parmy lesquels outre
que les meilleures actions ont besoin d’abolition, que les victoires
sont des parricides, & qu’il n’y a pas seulement esperance
de receuoir vne mort honneste, il ne se peut encore ny apporter,
ny trouuer de confiance, à cause qu’il y a du merite à
tromper, & qu’en quittant son party, on fait tousiours son deuoir.   C’est là le premier desespoir de celuy qui a pris les armes
contre son païs, que d’estre reduit en quelque façon à la necessité
de mal faire, pour le peu de seureté qu’il trouue à faire bien :
Il est tousiours fascheux aux ames bien nées de craindre de paruenir
mesme iusqu’à l’innocence, de perseuerer dans l’erreur,
de peur de ne pouuoir iamais assez satisfaire de la repentance.
C’est vn precipice où dés qu’on est vne fois tombé, on n’en
remonte plus : on trouue plus de danger à cesser, qu’à commencer
d’estre coupable ; & quoy qu’à cét instant où l’on s’engage
il y ait beaucoup de lumieres du Ciel à écarter, beaucoup d’attaches
du deuoir naturel à rompre, tous ces tourmens pourtant
dont vne ame est agitée sur le poinct de son choix, n’égalent pas
ces meffiances & ces craintes qui la déchirent quand elle veut
tout à bon se deffaire d’vne iniuste authorité ; & ce Tiran qui
demandoit vn Dieu pour caution de sa vie, quand il auroit quitté
la tyrannie, auoit quelque raison de chercher ses seuretez,
sur la chose du monde la plus perilleuse dont on se saisit encore
auec bien moins de peine qu’on ne s’en dépoüille. C’est ce qui me persuade que la plus mauuaise place aupres
du Roy vaudra tousiours infiniment plus que vostre Generalat
en Flandres, & celuy du Duc de Boüillon en Guyenne, & que
l’vn & l’autre considerans l’auenir, qui ne vous montre rien que
de funeste, portera quelquefois enuie aux prisonniers du Bois
Vincennes, qui attendent pour le moins en repos la misericorde
du Roy. Quelques habiles, quelques laborieux que vous soyez
l’vn & l’autre : vos entreprises sont semblables aux efforts des
gens qui songent. Vous trauaillez, vous vous debattez inutilement ;
vous ne sçauriez rien faire en dépit du Ciel. S’il luy plaist
vous échoüerez dans vn vaisseau, & s’il luy plaist aussi vous voguerez
sur vne claye : mais i’ay bien de la peine à croire auec toute la promptitude & la facilité des plus grands hommes, que
vous puissiez iamais meriter vne pareille deuise à celle qu’Vrbain
II. ordonna de porter à ces genereux Liberateurs de la
Terre saincte dans leurs drappeaux, DIEV LE VEVT.   Toutes ces choses m’obligent à croire sainement que l’vn &
l’autre pensera à sa condition presente, & s’il ne s’est écarté de
son deuoir que pour y rentrer auec ceremonie & auec éclat,
qu’il aimera mieux se fier à vne parole qui ne peut manquer,
qu’à des murailles que se peuuent prendre, qu’à des ennemis
qu’on a accoustumé de battre, qui ont vn dessein constant &
perpetuel de se rendre maistres de la France, dont tous les Traitez
sont fardez & frauduleux, dont les commandemens sont
tousiours superbes & outrageux, les pensées vastes & infinies,
l’esprit tousiours armé, & occupé à des méchantes & tragiques
inuentions ; qui diront que le Mareschal de Turenne apres
auoir poussé plus auant ses armes que les Romains n’auoient
poussé leurs desirs, a passé seulement pour vn homme qui estoit
à vendre : Le Duc de Boüillon en qui vne haute estime s’estoit
consacrée parmy les siens, deuenu pensionnaire du Roy d’Espagne. C’est ce qui n’est pas encore si considerable, comme la fragilité
des exemples, la fortune qui fait le ioüet des plus ambitieux,
le defaut des amis qui se rebutteront, la dureté de la matiere
qu’ils ont entreprise, l’éternelle sinderese de leur cõscience,
qui leur donnera des rudes attaques au milieu d’vn profond
repos, & dans vne asseurance étudiée ; dont l’image menaçante
leur fera voir le respect de la Majesté royale violé, l’amour
de la patrie profané, les Loix impunément foulées, & vn Roy
dans son indignation, qui verra des yeux de trauers leur posterité,
& se rendra le meurtrier aussi-tost que le pere de leurs enfans.

A PARIS, De l’Imprimerie de PIERRE VARIQVET,
ruë Sainct Iacques.


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