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Occurrence
27. Ailly-Annery, Charles d'... . HARANGVE FAITE AV ROY, Par Messieurs les... (1652) chez Guillemot (veuve de Jean) à Paris , 8 pages. Langue : français. Signature au colophon. Voir aussi B_1_29. Référence RIM : M0_1593 ; cote locale : B_19_1. Texte édité par Site Admin le 2012-10-29 06:29:16.
HARANGVE
FAITE AV ROY,
Par Messieurs les Deputez du Corps
de la Noblesse.
Monsieur de Nossey portant la parole.
A. PARIS,
De l’Imprimerie de la Vefue I. GVILLEMOT,
Imprimeuse ordinaire de son Altesse Royale, & de
la Ville, ruë Marmouzets, proche
l’Eglise de la Magdelaine.
M. DC. LII.
HARANGVE
FAITE AV ROY
Par Messieurs les Deputez du Corps
de la Noblesse.
Monsieur de Nossey portant la parole.
SIRE,
Novs exposerons à Vostre Majesté en peu de mots le
sujet de nostre deputation, les longs discours ne sont ny de saison ny bien
seans en la bouche d’vn Corps, dont le zele & la fidelité à vostre seruice, dois
se faire paroistre par des effets.
C’est le dessein de tous ceux qui le composent, qui attendent auec impatience
esgale à leur deuoir les ordres de Vostre Majesté pour se rendre aupres
d’Elle.
Ils auoient tousiours esperé que l’honneur qu’ils ont seuls dans l’Estat
de vous auoir pour Chef les garantiroit d’opression, & l’on peut dire qu’ils
sont accablez.
Cette verité paroistra à Vostre Majesté, par le Cahier duquel ils la supplient
tres-humblement que lecture soit presentement faite, & de leur faire
justice.
Ensuit le Cahier.
SIRE,
Il n’y a point de deuoir plus legitime & plus naturel que nostre fidelité
pour Vostre Majesté, non seulement parce que vous estes nostre Roy, mais
aussi parce que nous auons seuls des trois Ordres l’honneur de vous auoir
pour Chef. Cette verité nous persuadoit, qu’ayant iugé necessaire pour le remede
à nos besoins de nous assembler, nos intentions ne pouuoient estre
tenduës suspectes à Vostre Majesté, bien que nous en eussions pas eu vne
expresse permission, & neantmoins ce malheur nous est arriué apres en auoir
successiuement obtenu plusieurs de bouche & par escrit.
La premiere de nos Assemblées tenuë à Paris en 1649. en fait foy, le projet
s’en fit dans le Cabinet de la Reyne lors Regente, apres son consentement,
& fut sollicitée par les personnes qui auoient l’honneur de l’approcher de
plus pres, Vostre Majesté l’approuua de l’aduis de la Reyne vostre Mere, ce
que nous sceusmes de la bouche de Messieurs les Mareschaux Destrée,
de Chombert, de l’Hospital & de Villeroy, qui furent enuoyez d’Elle vers
nous, auec pouuoir de nous en asseurer.
La susdite Assemblée ne se separa qu’apres auoir obtenu Breuet de Vostre
Majesté signé de sa main & des quatre Secretaires d’Estat, portant seureté de
la promesse qui nous estoit faite, que nulle maison de Gentilhomme n’auroit
le rang de Prince, ny n’en pourroit prendre la qualité ; & qu’apres auoir deputé
vers Vostre Majesté, en laquelle deputation Monsieur le Mareschal
Destrée portant la parole exposa nos plaintes, ausquelles & particulierement
aux excez des gens de guerre, la Reyne promit au nom de Vostre Majesté vn
remede present, comme aussi à l’vsurpation injuste de la qualité de Gentil-homme,
& promit de rassembler en cas d’inexecution desdites promesses
données par escrit & de bouche.
En vertu de quoy les mesmes oppressions ayant multiplié les souffrances
ausquelles le soulagement nous auoit esté promis, nous fusmes contraints de
nous assembler à Paris en 1651. où pour remedier à tant de desordres pressans,
il fut resolu de demander l’Vnion à Messieurs du Clergé, nous l’obtinmes
facilement de leur pieté pour la solicitation d’vn si juste dessein de concert
entre nos deux Ordres. Il fut arresté de demander à vostre Majesté par
l’entremise de Monsieur le Duc d’Orleans, lors Lieutenant General de
l’Estat, & de Messieurs les Princes du Sang, la tenuë des Estats generaux que
Vostre Majesté eut la bonté de leur accorder par escrit signé de sa main, de
celle de la Reyne Regente, & des quatre Secretaires d’Estat, & de leur donner
aussi pouuoir de s’engager à nous de vostre part à ladite tenuë ; ce qu’ils
firent par d’autres escrits signez de leurs mains, & qui portoient pouuoir de
nous donner en Vostre Nom permission expresse de nous rassembler, si l’ouuerture
ne s’en faisoit dans ce temps promis en ces termes. Et ce pour nous
joindre à Monsieur le Duc d’Orleans, & à Messieurs les Princes du Sang,
pour aduiser ensemblement à tout ce qui sera necessaire pour le bien & seruice
de Vostre Majesté, & à la tenuë desdits Estats, sans que nous en puissions
estre blasmez ny estre imputez à aucune faute ou manquement de ce que
nous deuons à Vostre Majesté, quelques ordres ou commandement mesme
que nous puissions lors en receuoir au contraire.
Les temps de tenir les Estats ayans passe sans que l’ouuerture en aye esté
faite, le pillage, violences, & actions execrables des gens de guerre estant
arriué au point qu’vn chacun les sçait & les sent, nous aurions creu estre coupables
des maux aduenir, si en ayant obtenu la promesse par la voye de nos
Assemblées. Nous le continuons pour en demander à Vostre Majesté l’execution
auec tout le respect & la submission que nous luy deuons dans le besoin
que nous auons de restablir Vostre Authorité, & de la maintenir contre
les entreprises de vos Ennemis, ne connoissant que ce seul moyen efficace
pour y paruenir, tiret vos peuples de l’opression, & particulierement nous
qui ne pouuons estre affoiblis, ayans l’honneur d’estre vos membres, que
vous ne vous en ressentiez.
Le fondement de nos Assemblées ainsi establysans nous seruir de celuy que
nous fournissent les Ordonnances sur les reglemens des gens de guerre qui y
sont expresses. N’auons-nous pas vn extréme sujet de douleur de voir que
les Lettres escrites par Vostre Majesté à Messieurs du Clergé & à Monsieur de
Liancourt, Nous traitent comme si nous n’auions ny permission ny cause de
nous assembler, & de voir que nos Calomniateurs ont fait de tres-fortes impressions
sur Vostre Esprit ; nous le connoissons par leurs termes pleins de
soupçons sur les particuliers de nostre Assemblée, de doute que les resolutions
ne soient contraires à vostre seruice, comme si la lascheté de l’abandonner
n’estoit pas nostre ruine. Nos franchises & nos immunitez y sont nommez
priuileges ; & faisant l’honneur d’escrire à tous les Ordres du Royaume, an
Clergé presentement qui nous est vny, à celuy qui nous est inferieur, lors
que vous desirerez de luy quelque obeissance. Vous vous seruez à nostre seul
esgard de moyens pour nous informer de vostre volonté, & declarez dans les
susdites Lettres, que la bien-seance empesche que nous ne receuions de Vous
ce mesme honneur. Vostre Majesté y nomme nostre conduite vne faction,
vne cabale, vne entreprise directement contraire aux loix de Vostre Royaume,
laquelle blesse Vostre Authorité, renuerse l’ancien ordre de Vostre
Estat, & est preiudiciable à nostre Corps, qui seul ne peut subsister sans vous
estre vny.
Nos Assemblées, SIRE, ne peuuent estre condamnées ; la resolution de
nos dernieres les iustifie suffisamment par l’Arresté de demander la Paix, &
d’employer nos soins & nos vies pour la faire conclurre à la satisfaction de
Vostre Majesté, & au bien du Public.
Qui dans l’Estat, SIRE, a plus de droict que nous à faire cette demande,
puisque la guerre ne peut continuer qu’au prix de nostre sang, & que dans la
Paix nous deurions exercer les Charges, & faire les fonctions les plus releuées.
Ce seroit Vostre seureté, SIRE, & Vostre grandeur, d’employer des
sujets Nobles incapables d’actions indignes de leur naissance. Vostre Majesté
s’en souuiendra, s’il luy plaist, pour remedier au déplaisir de Vostre Noblesse,
de n’estre pas employez dans Vostre seruice Elle vous demande encor cette
Paix tant desirée, s’offre d’y trauailler, & supplie tres-humblement Vostre
Majesté de luy vouloir donner part à la consommation d’vn bien si necessaire.
Tous ces bons mouuemens, SIRE, ne nous ont pû empescher d’estre
blasmez de Vostre Majesté, comme nous amusans à dresser des escrits & des
projets d’vnion nullement necessaire, au lieu d’estre en ce temps proche de
nostre Roy pour chasser les estrangers de son Estat, sans qu’aucun vous aye
fait entendre qu’il y eust autre moyen pour produire le seruice que Vostre
Majesté a tesmoigné desirer de nous dans les Assemblées generales ; l’esprit
du Corps tout Noble, & partant tout Royal, y preside & se communique
à tous les particuliers, desquels en detail il y en peut auoir qui n’ont pas le
mesme sentiment. Ainsi jamais Vostre Majesté ne peut tirer de secours si
puissant, laissant agir chacun seul à seul, que lors qu’ils seront assemblez, la
preuue en est éuidente par la suite de nostre conduite ; laquelle ayaut inspiré
nos resolutions dans toutes vos Prouinces, par la communication de nos Arrestez
& par nostre lettre Circulaire, Ils se sont trouuées en estat pour la
pluspart de monter à cheual, ou en volonté de trauailler pour s’y mettre
auec toute la promptitude possible. Ils nous en ont donné des asseurances en
la derniere tenuë à la Rocheguyon : mesme nous en auons esté sollicité par les
Deputez presens de diuers Bailliages selon leur sentiment, & pour obeїr aux
termes de vostre Lettre escrite à Monsieur de Liancourt ; Nous resolûmes de
monter incessamment à cheual pour courir sus à vos Ennemis, esloigner de
vostre Estat selon vos Ordres ce qui en trouble le repos, mourir plustost que
de souffrir qu’il demeure interrompu, & effacer de vostre Esprit par nos seruices,
les impressions que nos Calomniateurs y ont portées.
Si l’effet de ce mouuement genereux de nostre Corps a esté differé iusques
icy, ceux qui n’auoient pas nostre mesme dessein, & qui s’y sont opposez en
sont sans doute les coupables, & sont les veritables factieux & cabalistes ;
qui ayant trauaillé parmy nous à ruiner la fin de nos bonnes intentions, auec
autant de malice, que vos vrays seruiteurs auoient de chaleur pour en solliciter
l’accomplissement, Ont semé de mesme temps par leurs Emissaires aupres
de Vostre Majesté tout ce qui l’a pû preuenir de soupçon contre nostre
fidelité, parce que ne voulant concourir auec nous au maintien de Vostre
Authorité, ils nous en vouloient empescher la gloire.
La deference, SIRE, que nous auons eüe au sentiment de Monsieur de
Liancourt d’en surseoir l’execution, qu’il n’a pas creu estre suiuant l’intention
presente de Vostre Majesté n’a rien diminué de l’impatience que nous auons
de marcher au premier Ordre que nous en receurons d’Elle ; & par cette
marque de nostre obeїssance, nous esperons en obtenir le commandement.
Alors l’on connoistra l’vtilité des Assemblées de Vostre Noblesse, & l’on
jugera qu’au lieu d’estre seules condamnées dans Vostre Royaume, elles deuroient
estre seules establies, parce que ce Corps estant vostre bras droit, il
ne peut manquer à la Royauté, & ne doit iamais aussi estre diuisé pour la
soustenir plus fortement, & que ceux qui les ont sollicitées, ont l’auantage
de nous auoir ouuert vn chemin que nous deuons tousiours suiure, puisque
rien ne peut plus solidement affermir Vostre Couronne. Ce qui nous donne
la liberté de supplier tres-humblement Vostre Majesté de nous en continuer
la permission, & trouuer bon qu’elles s’establissent par des Deputez de chaque
Bailliage.
L’vnion inseparable de nos interests auec les vostres, SIRE, nous donne
lieu de faire sçauoir à Vostre Majesté quelques-vns des points les plus pressans,
& qui vont à l’entiere ruine de nostre Ordre que vous estes obligez de
soustenir pour en estre soustenu seurement ; Pour vous faire connoistre que
ce n’est pas sans sujet, que nous cherchons quelque soulagement à nos maux.
Et d’autant que les autres Ordres y sont interessez, nous desirons ardemment
que la distribution des graces que nous vous demandons & vostre protection,
ne soit pas bornée à nostre seule vtilité, & qu’elle coule abondamment
sur tous vos sujets. La reformation des excez que commettent les gens
de guerre des concussions de quelques Gouuerneurs des Ordres en blanc, est
vne des plus grande.
A ces plaintes, SIRE, Nous demandons à Vostre Majesté vn remede
pressant, par la deffence expresse à tous gens de guerre & Gouuerneurs, de
commettre à l’auenir rien de semblable, & le permettre par escrit en forme
donné à toute la Noblesse de Vostre Royaume, de s’assembler en cas d’inexecution
de ce present Commandement, & se seruir des Communes pour y
faire obeїr.
Nous faisons particuliere instance à Vostre Majesté de faire justice à toute
Vostre Noblesse, de l’outrage qu’elle a receuë à Chartres, dont l’impunité
depuis neuf mois passe aux Ennemis pour vn mespris de vostre part, & pour
vne insensibilité de la nostre, qui augmente de iour en iour leur insolence,
dont la consequence n’est pas moindre pour vostre authorité, que pour nostre
seureté.
Les Commissions données pour les Tailles, dans lesquelles les Gentils-hommes
sont compris, & celle par lesquelles nostre seureté a esté abandonnée
aux Preuosts des Mareschaux sont encores tres-essentielles. Il ne nous est
pas moins necessaire de supplier tres-humblement Vostre Majesté, de reuoquer
toutes lettres de Noblesse accordées sans connoissance de cause, & par
argent, Et declarer nulle toutes possessions vsurpées ou achetées par plusieurs
particuliers, en vertu dequelles ils joüissent de nos franchises & immunitez,
au deshonneur de nostre Corps, & à la foule de Vostre Peuple. Ces dernieres
lezions moins violentes & toutesfois tres-importantes, peuuent attendre
leur remede dans les Estats Generaux qu’il vous a pleu nous indiquer à
Tours le premier Nouembre prochain : Dont nous rendons nos tres-humbles
remerciemens à Vostre Majesté, & la supplions, que puis qu’elle a eu
la bonté de nous les accorder comme necessaires à la reformation des abus,
le pouuoir de nous assembler soit confirmé en forme, si l’ouuerture desdits
Estats n’est pas faite au jour indiqué, & de nommer dés à present six de chaque
Bailliage pour les solliciter par tous les moyens qu ils jugeront à propos,
Afin que par la negligence de les requerir, plusieurs mal-intentionnez,
ou qui en craignent les decisions n’essayent lors à persuader à Vostre Majesté
qu’ils ne sont pas desirez, & qu’à l’exemple present l’on ne noircisse dans
vostre estime ceux, qui sans autre interest que vostre seruice & du bien general
de la Monarchie le voudroient entreprendre.
Apres quoy, ayant tres-humblement supplié Vostre Majesté de receuoir
fauorablement ce Discours, que nostre zele à vostre seruice a produit pour
nous justifier aupres d’Elle, luy rendre quelques-vnes de nos plaintes, luy
faire nos demandes, & pour luy prouuer tout ensemble nostre obeissance &
nostre soûmission, Nous la supplions encore tres-humblement de nous informer
de ses volontez par sa bouche, auant que de nous retirer de sa Cour ;
afin de les communiquer à ceux qui nous ont deputé, & qui la desirent impatiemment.
Il nous reste, SIRE, d’adjouster l’offre de nos personnes, de nos vies, &
de celles des Gentils-hommes de nos Bailliages, qui attendent les Ordres
de Vostre Majesté ; afin qu’ils se puissent montrer dignes successeurs de ceux,
qui par la force de leurs armes ont mis la Couronne que vous portez, sur
la teste des Roys vos predecesseurs, & qui la conseruant au prix de leur sang
& de leur vie, ont merité le titre glorieux de bras droit de leur auhorité.
Signé de l’ordre exprés de l’Assemblée,
CHARLES D’AILLY-ANNERY.
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Occurrence
29. Anonyme. LE CENSEVR POLITIQVE. AV TRES-AVGVSTE... (1649) chez Colombel (Matthieu) à Paris , 28 pages. Langue : français. Avec permission. Voir aussi C_2_27. Référence RIM : M0_668 ; cote locale : E_1_120. le 2013-06-30 11:45:02.
plus rien qu’vn supplice
Pour seruir de pressoir infame à l’auarice.
Depuis qu’vn debiteur à faute de comptant,
Des biens qui sont à luy baille vn estat constant.
Et que s’il en celoit, il accepte la risque,
Que pour ses creanciers tout le reste on confisque.
A ce compte il n’est plus besoin de caution,
Puisque c’est faire encor plus que la cession.
Car celuy qui la fait n’est point tenu d’instruire
De l’estat de ses biens ceux qui veulent luy nuire.
D’ailleurs à quel propos parler de caution,
Veu que c’est ordonner vne condition,
Qui pour le prisonnier est souuent impossible,
Tant l’horreur des prisons en ce poinct est nuisible.
A quel propos encor la garde des Huissiers,
Quand on veut exposer les biens aux creanciers.
Veu mesme que souuent faute de cognoissance,
Le riche mal-aisé s’en voit dans l’impuissance,
Et priué du moyen prescrit par vostre Arrest :
Il souffre cependant vn notable interest ;
Notable, c’est trop peu, disons irreparable,
Pour ce que la prison en fait vn miserable.
C’est là tout le succez qu’on peut en esperer,
Et c’est ce que le moins on veut considerer.
S’il a pourtant du bien qui soit en heritage,
Ou si tous ses effets il vous donne pour gage,
Estans tous exposez & mis deuant vos yeux,
Creanciers inhumains qu’esperez-vous de mieux ?
Tirerez-vous d’vn corps ou d’vne ame affligée
L’argent dont la personne est par corps obligée
Et quand bien en prison vous la verriez mourir,
Sa mort vous pourroit-elle au besoin secourir ?
Mais si vous monstrant tout elle fait son possible,
Pourquoy vous rendez vous à ses maux insensible ?
En declarant ses biens fait-on pas son pouuoir,
Et faisant ce qu’on peut fait-on pas son deuoir ?
On croit donc que ces maux dont on n’a la science,
Qu’à souffrir des prisons la dure experience,
Rencontreront vos cœurs disposez à pitié,
Moderans ses rigueurs au moins d’vne moitié.
Que la raison qu’on voit aujourd’huy dans sa pompe,
Chassera loin de vous l’imposteur qui vous trompe.
Que vous ferez enfin qu’vne execution
Ne sera plus pillage & persecution.
Et que tout debiteur offrant ce qu’il possede,
De son oppression trouuera le remede.
Que sous plege ou sous garde on n’eslargira point,
Si celuy qu’on detient n’est d’accord de ce point,
Afin qu’à vos Arrests on preste obeïssance,
Car toute Loy se doit regler a la puissance,
Autrement c’est choquer le sens & la raison,
Et renforcer en vain les murs de la prison.
C’est l’horreur qui la suit qui fait les banqueroutes,
Son objet effroyable en a fait les déroutes.
Et tel homme d’honneur se voit souuent contraint,
D’éuiter s’absentant ce desordre qu’il craint.
Aymant mieux voir perir sa maison desolée,
Que d’aller en prison trouuer son Mausolée.
Et c’est ce qu’vn grand Sainct le plus sainct de nos Roys,
Ce sage sainct Louys reconnut autresfois,
Alors qu’il ordonna que pour cause ciuile,
Tout debiteur auroit liberté dans la Ville,
Et qu’il pourroit ainsi faire valoir ses biens,
Enfin que ses Sujets viuroient comme Chrestiens.
Sans vser desormais de la cruelle rage
Dont les persecuteurs vsoient auec outrage.
En sorte qu’à la fin la Loy de sa bonté
Deffendit d’opprimer la bonne volonté.
Vous Tuteurs de l’Estat, assemblez dans sa Salle,
Tirez les gens de bien du funeste Dedale,
Où l’Edit de Moulins les a precipitez,
Et moderez l’excez de ses seueritez.
Il est vray, les prisons souuent sont necessaires,
Alors qu’vn debiteur veut cacher ses affaires,
Ou lors qu’estant prodigue, ou bien vn negligent,
Il ne veut pas bailler du bien au lieu d’argent.
Mais faites qu’en offrant & le bien & les tiltres,
Et pour en transporter de conuenir d’arbitres.
Ou bien pour l’estimer sur vn prix de raison,
Le debiteur d’abord soit tiré de prison.
Ce sera le moyen d’en tirer l’aduantage
Qu’on voit injustement tourner à son dommage :
Puisque cette rigueur assujettit sous soy,
Ainsi qu’vn affronteur l’homme de bonne foy.
Imposant au mal-heur qui forme vne déroute,
La honte du prodigue ou de la banqueroute,
Ou force le captif qui cherit son honneur,
De quitter de son bien au tiers de sa valeur,
Afin de s’exempter d’vn outrage sensible.
Qui cause à son credit vne perte infaillible.
Alors que le mocqueur le regarde en public
De ses yeux plus cruels que ceux d’vn basilic.
Donnez donc sauf-conduit à qui vous le demande,
En declarant ses biens à peine de l’amande,
Et que l’amende soit que le bien recelé,
On confisque à celuy qui l’aura reuelé.
Le deub des creanciers déduit au prealable,
Et par le receleur à ce deffaut payable.
Ainsi vous preuiendrez par vn moyen aisé,
Qu’vn creancier loyal ne se trouue abusé.
Mais arriere Tyrans qui voulez qu’on vous cede
Les biens qu’vn prisonnier ou pretend, ou possede :
Et qui bien qu’il en offre à leur iuste valeur,
S’il ne les cede tous est traité de voleur.
Quand mesme il n’en faudroit aux rigueurs les plus grandes
Que la vingtiesme part pour toutes vos demandes.
Vous voulez, dites-vous, argent ou cession,
Ou qu’il fournisse au moins soluable caution.
Qu’il cherche des Marchands si ses biens il veut vendre,
Et que vous pour Marchands il ne doit pas pretendre,
Mais comment voulez-vous qu’estant ainsi captif,
Il attire vn Marchand qui fait le fugitif ?
Et qui s’aduantageant de le voir dans l’abisme,
De la iuste valeur à peine offre la disme.
D’ailleurs vous ne voulez d’arbitres ny d’amis,
Et pour vous ajuster iamais de compromis.
Car selon vos discours la Loy que l’on obserue
Veut qu’il cede ses biens sans faire de reserue,
Sinon c’est vn mutin, & l’on doit par raison
Le faire (dites-vous) perir dans la prison.
Puisqu’au lieu de ioüir de la grace du Prince,
Il prefere insensé, quelque bien de Prouince,
Qui mesme en non valeur est saisi dessus luy,
Et qui l’abandonnant le tireroit d’ennuy.
Bref qu’il vaut mieux quitter les biens de la fortune,
Que de souffrir tousiours la prison importune.
Ouy certes ; mais voleurs, dites à quel propos
Vous luy vendez si cher cét estrange repos.
Pourquoy vous quitter tout si la moindre partie.
Peut en vous asseurant procurer sa sortie ?
Et pourquoy serez vous seuls Iuges de son sort ?
En vous offrant assez n’auez vous pas le tort ?
Que ferez-vous, Messieurs, de cette plus valuë,
Que vous voulez rauir de puissance absoluë ?
Car en vous cedant tout, il n’a plus d’action,
Et partant vous voulez faire vne exaction.
Mais qu’il vous baille donc à tout le moins vn plege,
S’il peut, repliquez vous, auoir ce priuilege.
Car n’ayant qu’vne part qui nous peut garantir,
Estans dépossedez d’vn soudain repentir ?
Dites moy, bons voleurs, si ce cas vous arriue,
Quel obstacle au recours s’oppose, ou vous en priue,
Le reste de ses biens n’en est il pas garant,
Peut-on pas s’éclaircir de tout en conferant.
Et faut-il cependant sous pretexte d’vn doute,
Et feint le plus souuent le mettre à la déroute.
Ie demeure d’accord qu’on doit tout exposer,
Et que pour vous payer on doit tout proposer.
Mais de vous quitter tout, & s’en aller aux Halles
Se sousmettre en public au plus grand des scandales,
Doit-on nommer cela benefice du Roy ?
Messeigneurs les brigans ; helas ! excusez-moy,
La peine du captif est fort illegitime,
Quand c’est pour excuser l’horreur de vostre crime,
Et quand contre son gré faute de caution,
Il s’y voit obligé par sa detention,
Qui seule le plongeant en ce desordre extrême,
S’il resiste, retourne, enfin contre vous mesme.
Les prisonniers encor viennent à iointes mains
Vous demander la fin de leurs maux inhumains.
Et puisqu’vn sainct desir de justice vous touche ;
Qu’il vous plaise, Messieurs, les entendre de bouche.
Qu’ils puissent proposer eux mesmes leurs raison,
Et que pour cét effet vous alliez aux prisons.
Non, comme à la seance, ou bien comme aux visites,
Où les seuls prisonniers pour des sommes petites,
Rencontrent quelquesfois grace deuant vos yeux,
Les autres prisonniers vous requierent de mieux,
Car mesme il vous faudroit des lumieres infuses
Pour iuger sans erreur tant d’affaires confuses.
A sçauoir que chacun de Messieurs de la Cour
Aille dans les prisons Royales tour à tour.
Et donner audiance à chacune partie,
Dresser procez verbal aux fins de la sortie,
Agiter, voir, traiter toutes les questions,
Sur les expediens & propositions.
Interroger chacun si c’est point par enuie,
Ou par motif secret venu de calomnie,
Si c’est par impuissance ou bien par dureté ;
Recognoistre le vray selon sa pureté ;
Rendre autant qu’il pourra la liberté facile,
Et conseruer à tous l’honorable & l’vtile.
Et si le creancier, ou bien son Procureur,
Tesmoigne tant soit peu de caprice ou d’aigreur,
Faisant dégenerer la contrainte en supplice,
Deslors la bonne foy preuale à sa malice,
Et le Iuge benin en fasse son rapport,
Ayant sçeu sans surprise à qui donner le tort.
C’est l’vnique moyen d’estouffer toute feinte,
Et de tant d’opprimez la déplorable plainte,
De plus, pour reprimer ce mal pernicieux,
Si l’emprisonnement paroist injurieux,
En tirant de prison la personne arrestée,
Que la mesme prison à l’autheur apprestée,
Punisse son dessein malin & violent,
Et donnez la risposte à cét homme insolent.
Par cette Talion vous preuiendrez l’outrage
Que met au desespoir vn homme de courage.
Et si vous exemptez son honneur de danger,
Vous l’exemptez encor du soin de se vanger.
Mais si le prisonnier se pouruoit par Requeste,
O que de tours auant que l’instance soit preste ?
Puisqu’au lieu de traiter à fonds la question,
Et de parler sur l’offre ou sur l’exception ;
On le diffame, absent, & l’on le calomnie,
Ainsi la liberté souuent on luy dénie.
Et sans voir son procez en estat de iuger,
Par mille faux rapports on le fait enrager.
En sorte qu’en prison à la fin il demeure,
A faute d’auoir eu l’audiance d’vne heure,
Que si l’infection & l’horreur de ces lieux,
Blessent vostre odorat aussi bien que vos yeux.
En tout cas, commettez quelqu’vn qui les entende,
Et qui sommairement instruise la demande.
Que le procez verbal dans la prison dressé,
Present ou conuenu chacun interessé.
Chacun dessus le champ soit tenu de produire,
Pour prouuer par escrit ce qu’il a fait escrire.
Et si ce qu’vn chacun allegue n’est prouué,
Qu’on presume de luy qu’il l’aura controuué.
Car mesme vn creancier pretend faire surprise,
Quand pour prouuer son faict il cherche vne remise :
D’autant qu’vn creancier doit tousiours estre prest
De monstrer par escrit où va son interest.
Enfin donnez, Messieurs, la fin à la misere,
Non pas selon le deub, mais pour ce qu’on peut faire :
Car l’impuissance exclud le pouuoir de la Loy,
Et la prison n’en veut qu’à la mauuaise foy.
Allez y donc, Messieurs, cognoistre sa puissance,
Quel bien il peut donner, ou bien quelle asseurance,
Et mettez-le dehors en faisant ce qu’il peut,
Et non pas en faisant tout ce que l’autre veut.
C’est ce que vous sçaurez dans vne conference,
Où l’on peut discerner le vray de l’apparence,
Et par vne raison exempte de la Loy,
Ordonner pour autruy ce qu’on voudroit pour soy.
On suiura, ce faisant, la Loy de la Nature ;
Mais on y contreuient, & l’on luy fait injure :
Puis qu’aucun creancier ne voudroit pas quitter
Au tiers de sa valeur son bien pour s’acquitter.
Et c’est pourquoy l’on doit par vn moyen tres-sage,
Imposer en ce cas la Loy de l’arbitrage.
Aussi bien les moyens de fournir de l’argent
Sont tres-pernicieux s’ils viennent du Sergent,
Veu qu’en vendant les biens il a tousiours attente
D’auoir part au butin qui vient de la méuente,
C’est pourquoy tel qui n’a qu’vne simple action,
Emprisonne d’abord pour faire exaction.
Et son projet peruers est de tirer par force
Ce qu’à peine à vos yeux il fait voir en écorce.
Et bien que l’equité deust monstrer sa vigueur.
Pour punir ces brigans auec toute rigueur :
La faueur bien souuent preuaut à la Iustice,
Et la vertu languit sous l’empire du vice.
Enfin pensez, Messieurs, que vous estes Chrestiens,
Qu’on n’arreste le corps que pour auoir les biens.
Et que de la prison la longueur trop funeste
Ne produit que des maux bien pires que la peste,
De ces discours trop vrais iugez donc apres tout,
Si ce mal inhumain doit point auoir de bout.
Et si monstrant les biens, & mesme offrant les tiltres,
Et pour en transporter de conuenir d’arbitres :
Ou pour les estimer sut vn prix de raison,
Le debiteur doit pas sortir de la prison.
Vn autre objet encor d’vne misere extresme,
Par son injuste sort me met hors de moy mesme :
Quand le riche en prison, toutefois indigent,
Ses biens estans saisis ne peut auoir d’argent.
N’y partant en ce cas obtenir la Iustice,
Car elle couste au moins tout autant que l’espice,
Puis qu’il faut de l’argent à qui veut l’obtenir,
Et c’est donc, ie rougis de vous entretenir.
Cependant il est vray qu’à faute d’assistance,
Le droict le mieux fondé perit sans resistence.
Pource que par deffauts ou par forclusion,
Le tort iette le droict dans la confusion.
Or quelle horreur, Messieurs, que le bon droict perisse,
Pour ne pouuoir fournir aux frais de la Iustice.
Faut-il pas de l’argent d’abord au Procureur,
Argent pour le Greffier, argent au Controlleur,
Argent pour les Huissiers, argent pour les Notaires,
De l’argent pour vos Clercs qu’on nomme Secretaires,
Sans compter ce qu’il couste enuers les Aduocats,
Qui par leurs beaux discours attrapent nos ducats,
Vos espices partant ne font comme ie pense,
Que la trentiesme part de toute la dépense.
Il faut donc de l’argent, car si l’on n’en a point,
L’on ne peut accomplir ce qui seroit enjoint.
Si bien qu’estant forclos & priué de deffence,
Les biens les mieux acquis tombent en decadence.
Et faute de pouuoir à ces frais subuenir,
Le droict le plus constant ne peut se maintenir.
Si bien que l’oppressé perd ses biens sans ressource,
Par ordre de Iustice, & desordre de bourse.
S’il aduient qu’on ad, ourne vn pauure prisonnier,
Qui pour auoir du pain n’a pas mesme vn denier.
Comment voulez-vous donc, Messieurs, qu’il se deffende ?
Et comment pensez-vous que le Iuge l’entende ?
Car point de Procureur si l’argent luy de faut,
Et s’il ne comparoist on luy donne le saut.
Or s’il doit comparoir, voyez de quelle sorte,
Puisque de la prison on luy ferme la porte.
Mais quoy ! les biens saisis & le corps en prison,
Ne pouuoir obtenir justice, ny raison,
Et voir l’homme de bien accablé sous l’empire
De celuy qui cruel sa ruïne conspire.
Comme si son pouuoir deuoit estre absolu,
Pour vous faire ordonner ce qu’il a resolu.
C’est vne Loy, Messieurs, qui deuient tyrannique,
Et que l’abus des temps a rendu trop inique.
Depuis que l’vsurier par trop interessé,
A pû d’vn debiteur en faire vn oppressé.
Apres cela, Messieurs, dites en conscience
Si vous auez iamais connu cette science :
Si vos esprits se sont quelques fois attachez
A penetrer à fonds ces desordres cachez.
Et que penserez vous que dans la France on die ?
Que seruiroit, Messieurs, icy de vous flatter,
Les plaintes de ces maux commencent d’éclatter.
Et si c’est par vous seuls que le Roy les écoute,
Ne sera ce donc pas causer nostre déroute ;
Si chacun Officier se voyant restabli,
Les maux des gens de bien demeurent dans l’oubli,
Car quel soulagement au bien de la Iustice,
De voir les Officiers remis en exercice.
Et leurs ordres reglez selon leurs fonctions,
Que sert de reuoquer toutes Commissions.
Si de tant d’Officiers le nombre tres-enorme,
N’est pas suppression reduit à la reforme.
Que sert de compiler des volumes de Lois,
Si l’on n’obserue plus l’Ordonnance des Rois.
Si l’vsure, le vol, la fraude, la malice,
La fausseté, l’outrage, & mesme l’injustice,
Fomentent les abus qui nous ont desoles,
Pour partager nos biens quand on les à volez.
Quelle honte de voir qu’on to lere l’ordure
De la mendicité, du change, & de l’vsure.
Que Dieu dont la parole est durable à iamais,
Ne soit pas mesme exempt de controlle & de mais :
Et que contre les Lois de sa Bible & du Code,
Il se trouue à Paris vne vsure à la mode,
Auec laquelle on puisse entrer en Paradis,
Combien que l’vsurier en fut priué iadis.
Que l’on voye enfin le Prestre & le Laïque
Exercer impuni ce trafic Iudaïque.
Que les deniers du Roy par roolles départis
Soient par les Receueurs encore diuertis ;
Que des decrets fraudeux les méventes peruerses
Ruïnent nos maisons par cent causes diuerses ;
Et qu’alors que nos biens on adiuge à l’encan,
On prise le drap d’or au prix du bourracan :
Que le style frippon & plein de brigandage
Qu’on tient au Chastelet par vn mauuais vsage,
Lors que les Procureurs procedent par defauts,
Fassent passer pour bon & l’iniuste & le faux.
Qu’on souffre l’attentat ainsi que les faussaires,
Et qu’ils soient impunis comme gens nécessaires,
Pource qu’ils font grossir le trouble des maisons,
Qu’on endure aux méchans d’employer les prisons,
Pour exiger par force & contre la Iustice,
Ce que veut leur vengeance, ou bien leur auarice.
En vn mot, quelle horreur si vous ne pouruoyez
Sur ces aduis certains qui vous sont enuoyez.
Messieurs, si ce discours vous semble temeraire,
Il est vray pour le moins autant que necessaire,
FIN.
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Occurrence
31. Anonyme. AVIS AV MARESCHAL DE TVRENNE, SVR SON... (1650) chez Variquet (Pierre) à Paris , 24 pages. Langue : français. Le nom de l'imprimeur est au colophon.. Référence RIM : M0_478 ; cote locale : D_1_32. le 2012-04-13 16:18:20.
Vous auriez perdu la memoire de ce qui s’est passé, si vous
auiez encor quelque esperance en l’auenir. Il ne faut que faire
vne petite course dans nos deux dernieres guerres auec
l’Estranger ; en l’vne on void vn malheureux obstiné, qui croit
tousiours de iustifier ses fautes par la perseuerance, & ne continuë
de faillir (s’il faut ainsi dire) que par la peur de deuenir
innocent, & de se mettre à la mercy des loix qu’il auoit offensées :
il est accablé de faueurs par ceux de son party : mais
comme il ne prend aucun goust dans leur possession, soit qu’il
pense que quelqu’autre consideration que celle de son merite
les attire, ou que pour les reconnoistre il se sente obligé
plus qu’à vne sousmission gratuite, & n’estime l’amitié qu’on
luy porte qu’vne fascheuse dependance, ce desespoir l’entraisne
enfin iusques à vn exil ignominieux, où il n’a laissé
aucune trace de son nom : mais comme vne beste timide qui
abhorre le iour & la compagnie, il se cache de frayeur, laisse,
dit-on, aller quelques souspirs sur se mauuaise conduite, sans
auoir pû receuoir cette satisfaction, que de faire auoüer son
repentir à ceux de son païs.
Le Comte de
Candæle eu
Capdolat,
frere du Cõte
de Faix,
Cheualier
de l’Ordre de
la Iarretiere,
decedé en
Arrogé sous
CharlesVI.
En l’autre il se void vne pauure victime prise dans les filets
des Espagnols, sacrifiée à la credulité & à la ruse, qu’il tâchent
de tromper lors qu’il leur est du tout impossible de la vaincre ;
qu’il recherchent non pas d’vn amour licite, mais d’vn amour
adultere, à dessein seulement de s’en seruir, ne l’ayant accablé
d’offres & de promesses que pour luy oster plus facilement
l’honneur, la disposition de soy-mesme, & finalement
la vie qu’il perdit d’vne façon aussi peu connuë aux Sages,
qu’inéuitable aux plus heureux.
Le Connestable
de
Bourbon.
Vostre traitement ne sera pas meilleur. Leurs caresses vous
tueront ou elles vous corrompront. C’est vn corps (dit ce
mesme autheur que ie sorts d’alleguer, & duquel ie n’ay pû
m’empescher d’emprunter plusieurs belles reflexions sur cette
matiere) qui sallit & gaste tout ce qu’il touche : les endroits
qu’il ne ronge pas de ses morsures, il les infecte de son haleine.
Il ne faut pas estimer ses presens moins funestes que
ses menaces, & son amitié n’en a pas moins opprimez que sa
haine.
Il fait maintenant semblant de vous laisser quelque vaine
image de commandement sur ses Troupes, parce qu’il sçait
bien que vous n’en deuez iamais attendre vne vraye obeïssance,
& que pour en obtenir quelque chose, il faudra toûjours
que vous leur en promettiez vne autre ; que vous les
gouuerniez auec des artifices honteux, en quelque bonne
opinion que vous les ayez mises de vôtre suffisance pendant
vôtre Generalat en Allemagne ; que vous soyez le flatteur &
le corrupteur de vostre Armée ; que tous les iours vous inuentiez
des nouuelles pour entretenir leurs esperances ; que vous
composiez des Propheties de l’Etat populaire de Bordeaux
pour amuser les credules ; qu’en vn mot dans l’apprehension
de vostre prochaine ruïne & parmy les horreurs du desespoir,
vous ayez toutes les mines & toutes les apparences d’vn homme
content.
Quand vous seriez mesmes si heureux que de vous concilier
le respect & la veneration qui doit tomber dans vne puissance
legitime, ces Troupes qui se verront ainsi conduites
par vne crainte seruile, ne vous feront iamais maistre de leurs
affections. Il n’est pas possible que des gens qui prennent tant
de part à la grandeur du leur, qui ne se plaignent que rarement
de leurs miseres, conçoiuent iamais vn fauorable sentiment
d’vn homme qui s’oppose auec cette fureur à la gloire
du sien. Ils verront que vous auez couru iusques au bout du
monde pour chercher des ennemis à vostre patrie ; que vous
auez fait fort peu d’estat de la dignité du nom François ; que
vous n’estes bon qu’à exciter des orages dans la serenité des
plus beaux iours, & comme ces bestes ennemies du Soleil, qui
vont chercher dans la base & le limon des fontaines dequoy enlaidir
son image, vous allez prendre tout ce qu’il y a de l’hõme,
de terrestre & de pesant pour obscurcir les bienfaits du Roy,
décrier ses ouurages en la personne de ses Ministres, qu’il ne
faut pas considerer dans la splendeur qui les enuironne, mais
dans les aiguillons qui les percent ; non pas comme des Pilotes
oisifs, qui regardent dans la boussole, mais comme des pauures
forçats qui tirent la rame à force de bras.
Vous sçauez, M. ce qui se peut dire de nos Ennemis là-dessus.
Il seroit seulement à desirer que nous fussions aussi bons François,
comme ils sont bons Espagnols, & de nous piquer d’estre
en nostre espece, ce qu’ils sont dans vn genre de Brauour, plus
ridicule peut-estre en sa substance ; mais auec tout cela moins
souuent adjoustée à la cruauté & à l’insolence que la nostre. Ils
sçauent donner de la reputation aux plus petites choses : ils témoignent
de l’indifference dans leurs plus grandes douleurs : il
n’est d’outrage si cruel de la fortune qu’ils ne sçachent supporter
auec fierté & auec dédain : ils combattent la faim & le froid
tout ensemble : la prise d’vne Bicoque les transporte, & le Catelet
a fait allumer plus de feux de joye, que la perte de Dunkerque
ne fit voir de cierges larmoyans à Gant & à Bruxelles.
I’adjouste que si cette prosperité impetueuse de la France,
qui a tout emporté depuis trente ans continuë, il n’y aura sorte
de mauuais succés dans leur armée, soit qu’il sorte des arrests de
Ciel, ou du cours ordinaire de la Nature, qui ne vous soit aussi-tost
imputé. Vous serez comme vn Chrestien du temps de Domitien :
tout ce qui se leuera dans l’air de venimeux, ou par la
forcc des Sorciers, nous sera retorqué. Ils diront tousiours que
c’est vn Infidele qui leur pese ; que c’est le poids de cét Etranger,
qui surcharge le vaisseau ; qu’il s’en faut déliurer.
Pondus fugitiur
Prophetæ.
lon.
Et doutez-vous que ce qui reste d’eux couste beaucoup à
défaire, & qu’aux termes où sont les choses, il faille conclurre
à vn changement de fortune pour quelques ziphirs qui leurs
soufflent à la trauerse ? Le gain qu’ils font ne fait qu’augmenter
leur indigence, allumer leurs desirs ; le repos qu’ils prennent est
le premier sommeil des malades qui les peut bien rafraischir,
mais ne leur promet rien de leur santé. Il n’y a rien à faire oui
ne fut facile à executer à vn mal-heureux. C’est vn peu de desespoir
qui les porte, mais ils seront bien-tost consommez de
nos forces, de nostre courage, & de nostre bon-heur.
Si nos desordres publics nourrissent leur attente & leur credulité,
ce n’est plus comme autrefois cette premiere colere, qui
estoit suiuie de la prise des villes & de la desolation de la campagne,
la France estoit en vn autre temps espouuantée : « Si tost
que deux ou trois mécontents se retiroient de la Cour, elle se
figuroit qu’ils entrainoient des Prouinces entieres & des communautez,
sans trouuer de resistance : en suitte dequoy personne
se mettoit point en deuoir de les chastier, mais on taschoit
de les adoucir : au lieu de les visiter auec du canon & des soldats,
on leur enuoyoit des gens de robbe chargez d’offres &
des conditions, qui leur promettoient beaucoup plus qu’ils ne
pouuoient esperer de la victoire. »
Balz.
« Pour lors la bonté du Prince estoit le reuenu le plus certain
des coupables : elle payoit tous les iours ses ennemis : à la moindre
rumeur il descendoit de son Trône pour traiter auec ses Sujets ;
& apres auoir plusieurs fois declaré solemnellement que
tout auoit esté fait pour le bien de son seruice, il sçauoit bon
gré à ces seruiteurs infideles des affrons qu’il auoit receu d’eux. »
« Maintenant il ne se trouue plus tant de François languissans
à son seruice, si ennemis de leur patrie, si décriez parmy les
Nations estrangeres. » Le Prince a communiqué sa force & sa
vigueur à la Republique (comme on disoit autrefois de Tibere)
elle respire en toutes les parties de son corps, de l’esprit & de la
vie qu’il luy a pleu de luy respandre. Il s’est trouué graces à
Dieu des gens qui ont trauaillé virilement à cette serieuse reformation
tant souhaittée. Il y en a qui ont corrigé les fautes
de leurs siecles, qui ont trouué tout ensemble de la discipline
aux guerres, du secret au Conseil, de la prud’hommie aux negotiations.
Nostre bonne foy qui s’estoit perduë, est en meilleur
odeur parmy les autres ; & vn Etat malade & diuisé, qui ne
pouuoit se soustenir que par les peines & par les menaces, se
soustient à present par sa seule reputation, & n’est redoutable
que par son authorité.
Animam illum
esse dixit
cuius viuum
Reipublicæ
corpus
virtute
regeretur.
Tac. l. 2. ann.
Nous voyons que chacun y vse de circonspection & de prudence ;
que chacun y cherche ses mesures, comme le petit Herisson,
qui tourne tousiours la porte de sa maison, du costé que
tourne le vent. Cognosce, Elige, Matura, disoit vne vieille monnoye
de Ferdinand de Bauiere ; Pesez bien, Discernez bien,
Laissez bien meurir vostre conseil ; car il n’y a que ceux qui ont
fait cette mal-heureuse experience, qui sçachent auec quelle
seruitude on commande à des rebelles, parmy lesquels outre
que les meilleures actions ont besoin d’abolition, que les victoires
sont des parricides, & qu’il n’y a pas seulement esperance
de receuoir vne mort honneste, il ne se peut encore ny apporter,
ny trouuer de confiance, à cause qu’il y a du merite à
tromper, & qu’en quittant son party, on fait tousiours son deuoir.
C’est là le premier desespoir de celuy qui a pris les armes
contre son païs, que d’estre reduit en quelque façon à la necessité
de mal faire, pour le peu de seureté qu’il trouue à faire bien :
Il est tousiours fascheux aux ames bien nées de craindre de paruenir
mesme iusqu’à l’innocence, de perseuerer dans l’erreur,
de peur de ne pouuoir iamais assez satisfaire de la repentance.
C’est vn precipice où dés qu’on est vne fois tombé, on n’en
remonte plus : on trouue plus de danger à cesser, qu’à commencer
d’estre coupable ; & quoy qu’à cét instant où l’on s’engage
il y ait beaucoup de lumieres du Ciel à écarter, beaucoup d’attaches
du deuoir naturel à rompre, tous ces tourmens pourtant
dont vne ame est agitée sur le poinct de son choix, n’égalent pas
ces meffiances & ces craintes qui la déchirent quand elle veut
tout à bon se deffaire d’vne iniuste authorité ; & ce Tiran qui
demandoit vn Dieu pour caution de sa vie, quand il auroit quitté
la tyrannie, auoit quelque raison de chercher ses seuretez,
sur la chose du monde la plus perilleuse dont on se saisit encore
auec bien moins de peine qu’on ne s’en dépoüille.
C’est ce qui me persuade que la plus mauuaise place aupres
du Roy vaudra tousiours infiniment plus que vostre Generalat
en Flandres, & celuy du Duc de Boüillon en Guyenne, & que
l’vn & l’autre considerans l’auenir, qui ne vous montre rien que
de funeste, portera quelquefois enuie aux prisonniers du Bois
Vincennes, qui attendent pour le moins en repos la misericorde
du Roy. Quelques habiles, quelques laborieux que vous soyez
l’vn & l’autre : vos entreprises sont semblables aux efforts des
gens qui songent. Vous trauaillez, vous vous debattez inutilement ;
vous ne sçauriez rien faire en dépit du Ciel. S’il luy plaist
vous échoüerez dans vn vaisseau, & s’il luy plaist aussi vous voguerez
sur vne claye : mais i’ay bien de la peine à croire auec
toute la promptitude & la facilité des plus grands hommes, que
vous puissiez iamais meriter vne pareille deuise à celle qu’Vrbain
II. ordonna de porter à ces genereux Liberateurs de la
Terre saincte dans leurs drappeaux, DIEV LE VEVT.
Toutes ces choses m’obligent à croire sainement que l’vn &
l’autre pensera à sa condition presente, & s’il ne s’est écarté de
son deuoir que pour y rentrer auec ceremonie & auec éclat,
qu’il aimera mieux se fier à vne parole qui ne peut manquer,
qu’à des murailles que se peuuent prendre, qu’à des ennemis
qu’on a accoustumé de battre, qui ont vn dessein constant &
perpetuel de se rendre maistres de la France, dont tous les Traitez
sont fardez & frauduleux, dont les commandemens sont
tousiours superbes & outrageux, les pensées vastes & infinies,
l’esprit tousiours armé, & occupé à des méchantes & tragiques
inuentions ; qui diront que le Mareschal de Turenne apres
auoir poussé plus auant ses armes que les Romains n’auoient
poussé leurs desirs, a passé seulement pour vn homme qui estoit
à vendre : Le Duc de Boüillon en qui vne haute estime s’estoit
consacrée parmy les siens, deuenu pensionnaire du Roy d’Espagne.
C’est ce qui n’est pas encore si considerable, comme la fragilité
des exemples, la fortune qui fait le ioüet des plus ambitieux,
le defaut des amis qui se rebutteront, la dureté de la matiere
qu’ils ont entreprise, l’éternelle sinderese de leur cõscience,
qui leur donnera des rudes attaques au milieu d’vn profond
repos, & dans vne asseurance étudiée ; dont l’image menaçante
leur fera voir le respect de la Majesté royale violé, l’amour
de la patrie profané, les Loix impunément foulées, & vn Roy
dans son indignation, qui verra des yeux de trauers leur posterité,
& se rendra le meurtrier aussi-tost que le pere de leurs enfans.
A PARIS, De l’Imprimerie de PIERRE VARIQVET,
ruë Sainct Iacques.
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Occurrences 26-136:
26. Ailly-Annery, Charles d'... . HARANGVE FAITE AV ROY, Par Messieurs les... (1652) chez Guillemot (veuve de Jean) à Paris , 8 pages. Langue : français. Signature au colophon. Voir aussi B_1_29. Référence RIM : M0_1593 ; cote locale : B_19_1. Texte édité par Site Admin le 2012-10-29 06:29:16. [ Sub2Sect | Section]
A. PARIS, M. DC. LII.
HARANGVE
FAITE AV ROY,
Par Messieurs les Deputez du Corps
de la Noblesse.
Monsieur de Nossey portant la parole.
De l’Imprimerie de la Vefue I. GVILLEMOT,
Imprimeuse ordinaire de son Altesse Royale, & de
la Ville, ruë Marmouzets, proche
l’Eglise de la Magdelaine.
FAITE AV ROY
Par Messieurs les Deputez du Corps
de la Noblesse.
Monsieur de Nossey portant la parole.
SIRE,
Novs exposerons à Vostre Majesté en peu de mots le
sujet de nostre deputation, les longs discours ne sont ny de saison ny bien
seans en la bouche d’vn Corps, dont le zele & la fidelité à vostre seruice, dois
se faire paroistre par des effets.
C’est le dessein de tous ceux qui le composent, qui attendent auec impatience
esgale à leur deuoir les ordres de Vostre Majesté pour se rendre aupres
d’Elle.
Ils auoient tousiours esperé que l’honneur qu’ils ont seuls dans l’Estat
de vous auoir pour Chef les garantiroit d’opression, & l’on peut dire qu’ils
sont accablez.
Cette verité paroistra à Vostre Majesté, par le Cahier duquel ils la supplient
tres-humblement que lecture soit presentement faite, & de leur faire
justice.
Ensuit le Cahier.
SIRE,
Il n’y a point de deuoir plus legitime & plus naturel que nostre fidelité
pour Vostre Majesté, non seulement parce que vous estes nostre Roy, mais
aussi parce que nous auons seuls des trois Ordres l’honneur de vous auoir
pour Chef. Cette verité nous persuadoit, qu’ayant iugé necessaire pour le remede
à nos besoins de nous assembler, nos intentions ne pouuoient estre
tenduës suspectes à Vostre Majesté, bien que nous en eussions pas eu vne
expresse permission, & neantmoins ce malheur nous est arriué apres en auoir
successiuement obtenu plusieurs de bouche & par escrit.
La premiere de nos Assemblées tenuë à Paris en 1649. en fait foy, le projet
s’en fit dans le Cabinet de la Reyne lors Regente, apres son consentement,
& fut sollicitée par les personnes qui auoient l’honneur de l’approcher de
plus pres, Vostre Majesté l’approuua de l’aduis de la Reyne vostre Mere, ce
que nous sceusmes de la bouche de Messieurs les Mareschaux Destrée,
de Chombert, de l’Hospital & de Villeroy, qui furent enuoyez d’Elle vers
nous, auec pouuoir de nous en asseurer.
La susdite Assemblée ne se separa qu’apres auoir obtenu Breuet de Vostre
Majesté signé de sa main & des quatre Secretaires d’Estat, portant seureté de
la promesse qui nous estoit faite, que nulle maison de Gentilhomme n’auroit
le rang de Prince, ny n’en pourroit prendre la qualité ; & qu’apres auoir deputé
vers Vostre Majesté, en laquelle deputation Monsieur le Mareschal
Destrée portant la parole exposa nos plaintes, ausquelles & particulierement
aux excez des gens de guerre, la Reyne promit au nom de Vostre Majesté vn
remede present, comme aussi à l’vsurpation injuste de la qualité de Gentil-homme,
& promit de rassembler en cas d’inexecution desdites promesses
données par escrit & de bouche.
En vertu de quoy les mesmes oppressions ayant multiplié les souffrances
ausquelles le soulagement nous auoit esté promis, nous fusmes contraints de
nous assembler à Paris en 1651. où pour remedier à tant de desordres pressans,
il fut resolu de demander l’Vnion à Messieurs du Clergé, nous l’obtinmes
facilement de leur pieté pour la solicitation d’vn si juste dessein de concert
entre nos deux Ordres. Il fut arresté de demander à vostre Majesté par
l’entremise de Monsieur le Duc d’Orleans, lors Lieutenant General de
l’Estat, & de Messieurs les Princes du Sang, la tenuë des Estats generaux que
Vostre Majesté eut la bonté de leur accorder par escrit signé de sa main, de
celle de la Reyne Regente, & des quatre Secretaires d’Estat, & de leur donner
aussi pouuoir de s’engager à nous de vostre part à ladite tenuë ; ce qu’ils
firent par d’autres escrits signez de leurs mains, & qui portoient pouuoir de
nous donner en Vostre Nom permission expresse de nous rassembler, si l’ouuerture
ne s’en faisoit dans ce temps promis en ces termes. Et ce pour nous
joindre à Monsieur le Duc d’Orleans, & à Messieurs les Princes du Sang,
pour aduiser ensemblement à tout ce qui sera necessaire pour le bien & seruice
de Vostre Majesté, & à la tenuë desdits Estats, sans que nous en puissions
estre blasmez ny estre imputez à aucune faute ou manquement de ce que
nous deuons à Vostre Majesté, quelques ordres ou commandement mesme
que nous puissions lors en receuoir au contraire.
Les temps de tenir les Estats ayans passe sans que l’ouuerture en aye esté
faite, le pillage, violences, & actions execrables des gens de guerre estant
arriué au point qu’vn chacun les sçait & les sent, nous aurions creu estre coupables
des maux aduenir, si en ayant obtenu la promesse par la voye de nos
Assemblées. Nous le continuons pour en demander à Vostre Majesté l’execution
auec tout le respect & la submission que nous luy deuons dans le besoin
que nous auons de restablir Vostre Authorité, & de la maintenir contre
les entreprises de vos Ennemis, ne connoissant que ce seul moyen efficace
pour y paruenir, tiret vos peuples de l’opression, & particulierement nous
qui ne pouuons estre affoiblis, ayans l’honneur d’estre vos membres, que
vous ne vous en ressentiez.
Le fondement de nos Assemblées ainsi establysans nous seruir de celuy que
nous fournissent les Ordonnances sur les reglemens des gens de guerre qui y
sont expresses. N’auons-nous pas vn extréme sujet de douleur de voir que
les Lettres escrites par Vostre Majesté à Messieurs du Clergé & à Monsieur de
Liancourt, Nous traitent comme si nous n’auions ny permission ny cause de
nous assembler, & de voir que nos Calomniateurs ont fait de tres-fortes impressions
sur Vostre Esprit ; nous le connoissons par leurs termes pleins de
soupçons sur les particuliers de nostre Assemblée, de doute que les resolutions
ne soient contraires à vostre seruice, comme si la lascheté de l’abandonner
n’estoit pas nostre ruine. Nos franchises & nos immunitez y sont nommez
priuileges ; & faisant l’honneur d’escrire à tous les Ordres du Royaume, an
Clergé presentement qui nous est vny, à celuy qui nous est inferieur, lors
que vous desirerez de luy quelque obeissance. Vous vous seruez à nostre seul
esgard de moyens pour nous informer de vostre volonté, & declarez dans les
susdites Lettres, que la bien-seance empesche que nous ne receuions de Vous
ce mesme honneur. Vostre Majesté y nomme nostre conduite vne faction,
vne cabale, vne entreprise directement contraire aux loix de Vostre Royaume,
laquelle blesse Vostre Authorité, renuerse l’ancien ordre de Vostre
Estat, & est preiudiciable à nostre Corps, qui seul ne peut subsister sans vous
estre vny.
Nos Assemblées, SIRE, ne peuuent estre condamnées ; la resolution de
nos dernieres les iustifie suffisamment par l’Arresté de demander la Paix, &
d’employer nos soins & nos vies pour la faire conclurre à la satisfaction de
Vostre Majesté, & au bien du Public.
Qui dans l’Estat, SIRE, a plus de droict que nous à faire cette demande,
puisque la guerre ne peut continuer qu’au prix de nostre sang, & que dans la
Paix nous deurions exercer les Charges, & faire les fonctions les plus releuées.
Ce seroit Vostre seureté, SIRE, & Vostre grandeur, d’employer des
sujets Nobles incapables d’actions indignes de leur naissance. Vostre Majesté
s’en souuiendra, s’il luy plaist, pour remedier au déplaisir de Vostre Noblesse,
de n’estre pas employez dans Vostre seruice Elle vous demande encor cette
Paix tant desirée, s’offre d’y trauailler, & supplie tres-humblement Vostre
Majesté de luy vouloir donner part à la consommation d’vn bien si necessaire.
Tous ces bons mouuemens, SIRE, ne nous ont pû empescher d’estre
blasmez de Vostre Majesté, comme nous amusans à dresser des escrits & des
projets d’vnion nullement necessaire, au lieu d’estre en ce temps proche de
nostre Roy pour chasser les estrangers de son Estat, sans qu’aucun vous aye
fait entendre qu’il y eust autre moyen pour produire le seruice que Vostre
Majesté a tesmoigné desirer de nous dans les Assemblées generales ; l’esprit
du Corps tout Noble, & partant tout Royal, y preside & se communique
à tous les particuliers, desquels en detail il y en peut auoir qui n’ont pas le
mesme sentiment. Ainsi jamais Vostre Majesté ne peut tirer de secours si
puissant, laissant agir chacun seul à seul, que lors qu’ils seront assemblez, la
preuue en est éuidente par la suite de nostre conduite ; laquelle ayaut inspiré
nos resolutions dans toutes vos Prouinces, par la communication de nos Arrestez
& par nostre lettre Circulaire, Ils se sont trouuées en estat pour la
pluspart de monter à cheual, ou en volonté de trauailler pour s’y mettre
auec toute la promptitude possible. Ils nous en ont donné des asseurances en
la derniere tenuë à la Rocheguyon : mesme nous en auons esté sollicité par les
Deputez presens de diuers Bailliages selon leur sentiment, & pour obeїr aux
termes de vostre Lettre escrite à Monsieur de Liancourt ; Nous resolûmes de
monter incessamment à cheual pour courir sus à vos Ennemis, esloigner de
vostre Estat selon vos Ordres ce qui en trouble le repos, mourir plustost que
de souffrir qu’il demeure interrompu, & effacer de vostre Esprit par nos seruices,
les impressions que nos Calomniateurs y ont portées.
Si l’effet de ce mouuement genereux de nostre Corps a esté differé iusques
icy, ceux qui n’auoient pas nostre mesme dessein, & qui s’y sont opposez en
sont sans doute les coupables, & sont les veritables factieux & cabalistes ;
qui ayant trauaillé parmy nous à ruiner la fin de nos bonnes intentions, auec
autant de malice, que vos vrays seruiteurs auoient de chaleur pour en solliciter
l’accomplissement, Ont semé de mesme temps par leurs Emissaires aupres
de Vostre Majesté tout ce qui l’a pû preuenir de soupçon contre nostre
fidelité, parce que ne voulant concourir auec nous au maintien de Vostre
Authorité, ils nous en vouloient empescher la gloire.
La deference, SIRE, que nous auons eüe au sentiment de Monsieur de
Liancourt d’en surseoir l’execution, qu’il n’a pas creu estre suiuant l’intention
presente de Vostre Majesté n’a rien diminué de l’impatience que nous auons
de marcher au premier Ordre que nous en receurons d’Elle ; & par cette
marque de nostre obeїssance, nous esperons en obtenir le commandement.
Alors l’on connoistra l’vtilité des Assemblées de Vostre Noblesse, & l’on
jugera qu’au lieu d’estre seules condamnées dans Vostre Royaume, elles deuroient
estre seules establies, parce que ce Corps estant vostre bras droit, il
ne peut manquer à la Royauté, & ne doit iamais aussi estre diuisé pour la
soustenir plus fortement, & que ceux qui les ont sollicitées, ont l’auantage
de nous auoir ouuert vn chemin que nous deuons tousiours suiure, puisque
rien ne peut plus solidement affermir Vostre Couronne. Ce qui nous donne
la liberté de supplier tres-humblement Vostre Majesté de nous en continuer
la permission, & trouuer bon qu’elles s’establissent par des Deputez de chaque
Bailliage.
L’vnion inseparable de nos interests auec les vostres, SIRE, nous donne
lieu de faire sçauoir à Vostre Majesté quelques-vns des points les plus pressans,
& qui vont à l’entiere ruine de nostre Ordre que vous estes obligez de
soustenir pour en estre soustenu seurement ; Pour vous faire connoistre que
ce n’est pas sans sujet, que nous cherchons quelque soulagement à nos maux.
Et d’autant que les autres Ordres y sont interessez, nous desirons ardemment
que la distribution des graces que nous vous demandons & vostre protection,
ne soit pas bornée à nostre seule vtilité, & qu’elle coule abondamment
sur tous vos sujets. La reformation des excez que commettent les gens
de guerre des concussions de quelques Gouuerneurs des Ordres en blanc, est
vne des plus grande.
A ces plaintes, SIRE, Nous demandons à Vostre Majesté vn remede
pressant, par la deffence expresse à tous gens de guerre & Gouuerneurs, de
commettre à l’auenir rien de semblable, & le permettre par escrit en forme
donné à toute la Noblesse de Vostre Royaume, de s’assembler en cas d’inexecution
de ce present Commandement, & se seruir des Communes pour y
faire obeїr.
Nous faisons particuliere instance à Vostre Majesté de faire justice à toute
Vostre Noblesse, de l’outrage qu’elle a receuë à Chartres, dont l’impunité
depuis neuf mois passe aux Ennemis pour vn mespris de vostre part, & pour
vne insensibilité de la nostre, qui augmente de iour en iour leur insolence,
dont la consequence n’est pas moindre pour vostre authorité, que pour nostre
seureté.
Les Commissions données pour les Tailles, dans lesquelles les Gentils-hommes
sont compris, & celle par lesquelles nostre seureté a esté abandonnée
aux Preuosts des Mareschaux sont encores tres-essentielles. Il ne nous est
pas moins necessaire de supplier tres-humblement Vostre Majesté, de reuoquer
toutes lettres de Noblesse accordées sans connoissance de cause, & par
argent, Et declarer nulle toutes possessions vsurpées ou achetées par plusieurs
particuliers, en vertu dequelles ils joüissent de nos franchises & immunitez,
au deshonneur de nostre Corps, & à la foule de Vostre Peuple. Ces dernieres
lezions moins violentes & toutesfois tres-importantes, peuuent attendre
leur remede dans les Estats Generaux qu’il vous a pleu nous indiquer à
Tours le premier Nouembre prochain : Dont nous rendons nos tres-humbles
remerciemens à Vostre Majesté, & la supplions, que puis qu’elle a eu
la bonté de nous les accorder comme necessaires à la reformation des abus,
le pouuoir de nous assembler soit confirmé en forme, si l’ouuerture desdits
Estats n’est pas faite au jour indiqué, & de nommer dés à present six de chaque
Bailliage pour les solliciter par tous les moyens qu ils jugeront à propos,
Afin que par la negligence de les requerir, plusieurs mal-intentionnez,
ou qui en craignent les decisions n’essayent lors à persuader à Vostre Majesté
qu’ils ne sont pas desirez, & qu’à l’exemple present l’on ne noircisse dans
vostre estime ceux, qui sans autre interest que vostre seruice & du bien general
de la Monarchie le voudroient entreprendre.
Apres quoy, ayant tres-humblement supplié Vostre Majesté de receuoir
fauorablement ce Discours, que nostre zele à vostre seruice a produit pour
nous justifier aupres d’Elle, luy rendre quelques-vnes de nos plaintes, luy
faire nos demandes, & pour luy prouuer tout ensemble nostre obeissance &
nostre soûmission, Nous la supplions encore tres-humblement de nous informer
de ses volontez par sa bouche, auant que de nous retirer de sa Cour ;
afin de les communiquer à ceux qui nous ont deputé, & qui la desirent impatiemment.
Il nous reste, SIRE, d’adjouster l’offre de nos personnes, de nos vies, &
de celles des Gentils-hommes de nos Bailliages, qui attendent les Ordres
de Vostre Majesté ; afin qu’ils se puissent montrer dignes successeurs de ceux,
qui par la force de leurs armes ont mis la Couronne que vous portez, sur
la teste des Roys vos predecesseurs, & qui la conseruant au prix de leur sang
& de leur vie, ont merité le titre glorieux de bras droit de leur auhorité.
Signé de l’ordre exprés de l’Assemblée,
CHARLES D’AILLY-ANNERY.
27. Ailly-Annery, Charles d'... . HARANGVE FAITE AV ROY, Par Messieurs les... (1652) chez Guillemot (veuve de Jean) à Paris , 8 pages. Langue : français. Signature au colophon. Voir aussi B_1_29. Référence RIM : M0_1593 ; cote locale : B_19_1. Texte édité par Site Admin le 2012-10-29 06:29:16. [Page 1 SubSect | Section]
A. PARIS, M. DC. LII.
HARANGVE
FAITE AV ROY,
Par Messieurs les Deputez du Corps
de la Noblesse.
Monsieur de Nossey portant la parole.
De l’Imprimerie de la Vefue I. GVILLEMOT,
Imprimeuse ordinaire de son Altesse Royale, & de
la Ville, ruë Marmouzets, proche
l’Eglise de la Magdelaine.
FAITE AV ROY
Par Messieurs les Deputez du Corps
de la Noblesse.
Monsieur de Nossey portant la parole.
SIRE,
Novs exposerons à Vostre Majesté en peu de mots le
sujet de nostre deputation, les longs discours ne sont ny de saison ny bien
seans en la bouche d’vn Corps, dont le zele & la fidelité à vostre seruice, dois
se faire paroistre par des effets.
C’est le dessein de tous ceux qui le composent, qui attendent auec impatience
esgale à leur deuoir les ordres de Vostre Majesté pour se rendre aupres
d’Elle.
Ils auoient tousiours esperé que l’honneur qu’ils ont seuls dans l’Estat
de vous auoir pour Chef les garantiroit d’opression, & l’on peut dire qu’ils
sont accablez.
Cette verité paroistra à Vostre Majesté, par le Cahier duquel ils la supplient
tres-humblement que lecture soit presentement faite, & de leur faire
justice.
Ensuit le Cahier.
SIRE,
Il n’y a point de deuoir plus legitime & plus naturel que nostre fidelité
pour Vostre Majesté, non seulement parce que vous estes nostre Roy, mais
aussi parce que nous auons seuls des trois Ordres l’honneur de vous auoir
pour Chef. Cette verité nous persuadoit, qu’ayant iugé necessaire pour le remede
à nos besoins de nous assembler, nos intentions ne pouuoient estre
tenduës suspectes à Vostre Majesté, bien que nous en eussions pas eu vne
expresse permission, & neantmoins ce malheur nous est arriué apres en auoir
successiuement obtenu plusieurs de bouche & par escrit.
La premiere de nos Assemblées tenuë à Paris en 1649. en fait foy, le projet
s’en fit dans le Cabinet de la Reyne lors Regente, apres son consentement,
& fut sollicitée par les personnes qui auoient l’honneur de l’approcher de
plus pres, Vostre Majesté l’approuua de l’aduis de la Reyne vostre Mere, ce
que nous sceusmes de la bouche de Messieurs les Mareschaux Destrée,
de Chombert, de l’Hospital & de Villeroy, qui furent enuoyez d’Elle vers
nous, auec pouuoir de nous en asseurer.
La susdite Assemblée ne se separa qu’apres auoir obtenu Breuet de Vostre
Majesté signé de sa main & des quatre Secretaires d’Estat, portant seureté de
la promesse qui nous estoit faite, que nulle maison de Gentilhomme n’auroit
le rang de Prince, ny n’en pourroit prendre la qualité ; & qu’apres auoir deputé
vers Vostre Majesté, en laquelle deputation Monsieur le Mareschal
Destrée portant la parole exposa nos plaintes, ausquelles & particulierement
aux excez des gens de guerre, la Reyne promit au nom de Vostre Majesté vn
remede present, comme aussi à l’vsurpation injuste de la qualité de Gentil-homme,
& promit de rassembler en cas d’inexecution desdites promesses
données par escrit & de bouche.
En vertu de quoy les mesmes oppressions ayant multiplié les souffrances
ausquelles le soulagement nous auoit esté promis, nous fusmes contraints de
nous assembler à Paris en 1651. où pour remedier à tant de desordres pressans,
il fut resolu de demander l’Vnion à Messieurs du Clergé, nous l’obtinmes
facilement de leur pieté pour la solicitation d’vn si juste dessein de concert
entre nos deux Ordres. Il fut arresté de demander à vostre Majesté par
l’entremise de Monsieur le Duc d’Orleans, lors Lieutenant General de
l’Estat, & de Messieurs les Princes du Sang, la tenuë des Estats generaux que
Vostre Majesté eut la bonté de leur accorder par escrit signé de sa main, de
celle de la Reyne Regente, & des quatre Secretaires d’Estat, & de leur donner
aussi pouuoir de s’engager à nous de vostre part à ladite tenuë ; ce qu’ils
firent par d’autres escrits signez de leurs mains, & qui portoient pouuoir de
nous donner en Vostre Nom permission expresse de nous rassembler, si l’ouuerture
ne s’en faisoit dans ce temps promis en ces termes. Et ce pour nous
joindre à Monsieur le Duc d’Orleans, & à Messieurs les Princes du Sang,
pour aduiser ensemblement à tout ce qui sera necessaire pour le bien & seruice
de Vostre Majesté, & à la tenuë desdits Estats, sans que nous en puissions
estre blasmez ny estre imputez à aucune faute ou manquement de ce que
nous deuons à Vostre Majesté, quelques ordres ou commandement mesme
que nous puissions lors en receuoir au contraire.
Les temps de tenir les Estats ayans passe sans que l’ouuerture en aye esté
faite, le pillage, violences, & actions execrables des gens de guerre estant
arriué au point qu’vn chacun les sçait & les sent, nous aurions creu estre coupables
des maux aduenir, si en ayant obtenu la promesse par la voye de nos
Assemblées. Nous le continuons pour en demander à Vostre Majesté l’execution
auec tout le respect & la submission que nous luy deuons dans le besoin
que nous auons de restablir Vostre Authorité, & de la maintenir contre
les entreprises de vos Ennemis, ne connoissant que ce seul moyen efficace
pour y paruenir, tiret vos peuples de l’opression, & particulierement nous
qui ne pouuons estre affoiblis, ayans l’honneur d’estre vos membres, que
vous ne vous en ressentiez.
Le fondement de nos Assemblées ainsi establysans nous seruir de celuy que
nous fournissent les Ordonnances sur les reglemens des gens de guerre qui y
sont expresses. N’auons-nous pas vn extréme sujet de douleur de voir que
les Lettres escrites par Vostre Majesté à Messieurs du Clergé & à Monsieur de
Liancourt, Nous traitent comme si nous n’auions ny permission ny cause de
nous assembler, & de voir que nos Calomniateurs ont fait de tres-fortes impressions
sur Vostre Esprit ; nous le connoissons par leurs termes pleins de
soupçons sur les particuliers de nostre Assemblée, de doute que les resolutions
ne soient contraires à vostre seruice, comme si la lascheté de l’abandonner
n’estoit pas nostre ruine. Nos franchises & nos immunitez y sont nommez
priuileges ; & faisant l’honneur d’escrire à tous les Ordres du Royaume, an
Clergé presentement qui nous est vny, à celuy qui nous est inferieur, lors
que vous desirerez de luy quelque obeissance. Vous vous seruez à nostre seul
esgard de moyens pour nous informer de vostre volonté, & declarez dans les
susdites Lettres, que la bien-seance empesche que nous ne receuions de Vous
ce mesme honneur. Vostre Majesté y nomme nostre conduite vne faction,
vne cabale, vne entreprise directement contraire aux loix de Vostre Royaume,
laquelle blesse Vostre Authorité, renuerse l’ancien ordre de Vostre
Estat, & est preiudiciable à nostre Corps, qui seul ne peut subsister sans vous
estre vny.
Nos Assemblées, SIRE, ne peuuent estre condamnées ; la resolution de
nos dernieres les iustifie suffisamment par l’Arresté de demander la Paix, &
d’employer nos soins & nos vies pour la faire conclurre à la satisfaction de
Vostre Majesté, & au bien du Public.
Qui dans l’Estat, SIRE, a plus de droict que nous à faire cette demande,
puisque la guerre ne peut continuer qu’au prix de nostre sang, & que dans la
Paix nous deurions exercer les Charges, & faire les fonctions les plus releuées.
Ce seroit Vostre seureté, SIRE, & Vostre grandeur, d’employer des
sujets Nobles incapables d’actions indignes de leur naissance. Vostre Majesté
s’en souuiendra, s’il luy plaist, pour remedier au déplaisir de Vostre Noblesse,
de n’estre pas employez dans Vostre seruice Elle vous demande encor cette
Paix tant desirée, s’offre d’y trauailler, & supplie tres-humblement Vostre
Majesté de luy vouloir donner part à la consommation d’vn bien si necessaire.
Tous ces bons mouuemens, SIRE, ne nous ont pû empescher d’estre
blasmez de Vostre Majesté, comme nous amusans à dresser des escrits & des
projets d’vnion nullement necessaire, au lieu d’estre en ce temps proche de
nostre Roy pour chasser les estrangers de son Estat, sans qu’aucun vous aye
fait entendre qu’il y eust autre moyen pour produire le seruice que Vostre
Majesté a tesmoigné desirer de nous dans les Assemblées generales ; l’esprit
du Corps tout Noble, & partant tout Royal, y preside & se communique
à tous les particuliers, desquels en detail il y en peut auoir qui n’ont pas le
mesme sentiment. Ainsi jamais Vostre Majesté ne peut tirer de secours si
puissant, laissant agir chacun seul à seul, que lors qu’ils seront assemblez, la
preuue en est éuidente par la suite de nostre conduite ; laquelle ayaut inspiré
nos resolutions dans toutes vos Prouinces, par la communication de nos Arrestez
& par nostre lettre Circulaire, Ils se sont trouuées en estat pour la
pluspart de monter à cheual, ou en volonté de trauailler pour s’y mettre
auec toute la promptitude possible. Ils nous en ont donné des asseurances en
la derniere tenuë à la Rocheguyon : mesme nous en auons esté sollicité par les
Deputez presens de diuers Bailliages selon leur sentiment, & pour obeїr aux
termes de vostre Lettre escrite à Monsieur de Liancourt ; Nous resolûmes de
monter incessamment à cheual pour courir sus à vos Ennemis, esloigner de
vostre Estat selon vos Ordres ce qui en trouble le repos, mourir plustost que
de souffrir qu’il demeure interrompu, & effacer de vostre Esprit par nos seruices,
les impressions que nos Calomniateurs y ont portées.
Si l’effet de ce mouuement genereux de nostre Corps a esté differé iusques
icy, ceux qui n’auoient pas nostre mesme dessein, & qui s’y sont opposez en
sont sans doute les coupables, & sont les veritables factieux & cabalistes ;
qui ayant trauaillé parmy nous à ruiner la fin de nos bonnes intentions, auec
autant de malice, que vos vrays seruiteurs auoient de chaleur pour en solliciter
l’accomplissement, Ont semé de mesme temps par leurs Emissaires aupres
de Vostre Majesté tout ce qui l’a pû preuenir de soupçon contre nostre
fidelité, parce que ne voulant concourir auec nous au maintien de Vostre
Authorité, ils nous en vouloient empescher la gloire.
La deference, SIRE, que nous auons eüe au sentiment de Monsieur de
Liancourt d’en surseoir l’execution, qu’il n’a pas creu estre suiuant l’intention
presente de Vostre Majesté n’a rien diminué de l’impatience que nous auons
de marcher au premier Ordre que nous en receurons d’Elle ; & par cette
marque de nostre obeїssance, nous esperons en obtenir le commandement.
Alors l’on connoistra l’vtilité des Assemblées de Vostre Noblesse, & l’on
jugera qu’au lieu d’estre seules condamnées dans Vostre Royaume, elles deuroient
estre seules establies, parce que ce Corps estant vostre bras droit, il
ne peut manquer à la Royauté, & ne doit iamais aussi estre diuisé pour la
soustenir plus fortement, & que ceux qui les ont sollicitées, ont l’auantage
de nous auoir ouuert vn chemin que nous deuons tousiours suiure, puisque
rien ne peut plus solidement affermir Vostre Couronne. Ce qui nous donne
la liberté de supplier tres-humblement Vostre Majesté de nous en continuer
la permission, & trouuer bon qu’elles s’establissent par des Deputez de chaque
Bailliage.
L’vnion inseparable de nos interests auec les vostres, SIRE, nous donne
lieu de faire sçauoir à Vostre Majesté quelques-vns des points les plus pressans,
& qui vont à l’entiere ruine de nostre Ordre que vous estes obligez de
soustenir pour en estre soustenu seurement ; Pour vous faire connoistre que
ce n’est pas sans sujet, que nous cherchons quelque soulagement à nos maux.
Et d’autant que les autres Ordres y sont interessez, nous desirons ardemment
que la distribution des graces que nous vous demandons & vostre protection,
ne soit pas bornée à nostre seule vtilité, & qu’elle coule abondamment
sur tous vos sujets. La reformation des excez que commettent les gens
de guerre des concussions de quelques Gouuerneurs des Ordres en blanc, est
vne des plus grande.
A ces plaintes, SIRE, Nous demandons à Vostre Majesté vn remede
pressant, par la deffence expresse à tous gens de guerre & Gouuerneurs, de
commettre à l’auenir rien de semblable, & le permettre par escrit en forme
donné à toute la Noblesse de Vostre Royaume, de s’assembler en cas d’inexecution
de ce present Commandement, & se seruir des Communes pour y
faire obeїr.
Nous faisons particuliere instance à Vostre Majesté de faire justice à toute
Vostre Noblesse, de l’outrage qu’elle a receuë à Chartres, dont l’impunité
depuis neuf mois passe aux Ennemis pour vn mespris de vostre part, & pour
vne insensibilité de la nostre, qui augmente de iour en iour leur insolence,
dont la consequence n’est pas moindre pour vostre authorité, que pour nostre
seureté.
Les Commissions données pour les Tailles, dans lesquelles les Gentils-hommes
sont compris, & celle par lesquelles nostre seureté a esté abandonnée
aux Preuosts des Mareschaux sont encores tres-essentielles. Il ne nous est
pas moins necessaire de supplier tres-humblement Vostre Majesté, de reuoquer
toutes lettres de Noblesse accordées sans connoissance de cause, & par
argent, Et declarer nulle toutes possessions vsurpées ou achetées par plusieurs
particuliers, en vertu dequelles ils joüissent de nos franchises & immunitez,
au deshonneur de nostre Corps, & à la foule de Vostre Peuple. Ces dernieres
lezions moins violentes & toutesfois tres-importantes, peuuent attendre
leur remede dans les Estats Generaux qu’il vous a pleu nous indiquer à
Tours le premier Nouembre prochain : Dont nous rendons nos tres-humbles
remerciemens à Vostre Majesté, & la supplions, que puis qu’elle a eu
la bonté de nous les accorder comme necessaires à la reformation des abus,
le pouuoir de nous assembler soit confirmé en forme, si l’ouuerture desdits
Estats n’est pas faite au jour indiqué, & de nommer dés à present six de chaque
Bailliage pour les solliciter par tous les moyens qu ils jugeront à propos,
Afin que par la negligence de les requerir, plusieurs mal-intentionnez,
ou qui en craignent les decisions n’essayent lors à persuader à Vostre Majesté
qu’ils ne sont pas desirez, & qu’à l’exemple present l’on ne noircisse dans
vostre estime ceux, qui sans autre interest que vostre seruice & du bien general
de la Monarchie le voudroient entreprendre.
Apres quoy, ayant tres-humblement supplié Vostre Majesté de receuoir
fauorablement ce Discours, que nostre zele à vostre seruice a produit pour
nous justifier aupres d’Elle, luy rendre quelques-vnes de nos plaintes, luy
faire nos demandes, & pour luy prouuer tout ensemble nostre obeissance &
nostre soûmission, Nous la supplions encore tres-humblement de nous informer
de ses volontez par sa bouche, auant que de nous retirer de sa Cour ;
afin de les communiquer à ceux qui nous ont deputé, & qui la desirent impatiemment.
Il nous reste, SIRE, d’adjouster l’offre de nos personnes, de nos vies, &
de celles des Gentils-hommes de nos Bailliages, qui attendent les Ordres
de Vostre Majesté ; afin qu’ils se puissent montrer dignes successeurs de ceux,
qui par la force de leurs armes ont mis la Couronne que vous portez, sur
la teste des Roys vos predecesseurs, & qui la conseruant au prix de leur sang
& de leur vie, ont merité le titre glorieux de bras droit de leur auhorité.
Signé de l’ordre exprés de l’Assemblée,
CHARLES D’AILLY-ANNERY.
28. . [ Sub2Sect | SubSect | Section]
A. PARIS, M. DC. LII.
HARANGVE
FAITE AV ROY,
Par Messieurs les Deputez du Corps
de la Noblesse.
Monsieur de Nossey portant la parole.
De l’Imprimerie de la Vefue I. GVILLEMOT,
Imprimeuse ordinaire de son Altesse Royale, & de
la Ville, ruë Marmouzets, proche
l’Eglise de la Magdelaine.
FAITE AV ROY
Par Messieurs les Deputez du Corps
de la Noblesse.
Monsieur de Nossey portant la parole.
SIRE,
Novs exposerons à Vostre Majesté en peu de mots le
sujet de nostre deputation, les longs discours ne sont ny de saison ny bien
seans en la bouche d’vn Corps, dont le zele & la fidelité à vostre seruice, dois
se faire paroistre par des effets.
C’est le dessein de tous ceux qui le composent, qui attendent auec impatience
esgale à leur deuoir les ordres de Vostre Majesté pour se rendre aupres
d’Elle.
Ils auoient tousiours esperé que l’honneur qu’ils ont seuls dans l’Estat
de vous auoir pour Chef les garantiroit d’opression, & l’on peut dire qu’ils
sont accablez.
Cette verité paroistra à Vostre Majesté, par le Cahier duquel ils la supplient
tres-humblement que lecture soit presentement faite, & de leur faire
justice.
Ensuit le Cahier.
SIRE,
Il n’y a point de deuoir plus legitime & plus naturel que nostre fidelité
pour Vostre Majesté, non seulement parce que vous estes nostre Roy, mais
aussi parce que nous auons seuls des trois Ordres l’honneur de vous auoir
pour Chef. Cette verité nous persuadoit, qu’ayant iugé necessaire pour le remede
à nos besoins de nous assembler, nos intentions ne pouuoient estre
tenduës suspectes à Vostre Majesté, bien que nous en eussions pas eu vne
expresse permission, & neantmoins ce malheur nous est arriué apres en auoir
successiuement obtenu plusieurs de bouche & par escrit.
La premiere de nos Assemblées tenuë à Paris en 1649. en fait foy, le projet
s’en fit dans le Cabinet de la Reyne lors Regente, apres son consentement,
& fut sollicitée par les personnes qui auoient l’honneur de l’approcher de
plus pres, Vostre Majesté l’approuua de l’aduis de la Reyne vostre Mere, ce
que nous sceusmes de la bouche de Messieurs les Mareschaux Destrée,
de Chombert, de l’Hospital & de Villeroy, qui furent enuoyez d’Elle vers
nous, auec pouuoir de nous en asseurer.
La susdite Assemblée ne se separa qu’apres auoir obtenu Breuet de Vostre
Majesté signé de sa main & des quatre Secretaires d’Estat, portant seureté de
la promesse qui nous estoit faite, que nulle maison de Gentilhomme n’auroit
le rang de Prince, ny n’en pourroit prendre la qualité ; & qu’apres auoir deputé
vers Vostre Majesté, en laquelle deputation Monsieur le Mareschal
Destrée portant la parole exposa nos plaintes, ausquelles & particulierement
aux excez des gens de guerre, la Reyne promit au nom de Vostre Majesté vn
remede present, comme aussi à l’vsurpation injuste de la qualité de Gentil-homme,
& promit de rassembler en cas d’inexecution desdites promesses
données par escrit & de bouche.
En vertu de quoy les mesmes oppressions ayant multiplié les souffrances
ausquelles le soulagement nous auoit esté promis, nous fusmes contraints de
nous assembler à Paris en 1651. où pour remedier à tant de desordres pressans,
il fut resolu de demander l’Vnion à Messieurs du Clergé, nous l’obtinmes
facilement de leur pieté pour la solicitation d’vn si juste dessein de concert
entre nos deux Ordres. Il fut arresté de demander à vostre Majesté par
l’entremise de Monsieur le Duc d’Orleans, lors Lieutenant General de
l’Estat, & de Messieurs les Princes du Sang, la tenuë des Estats generaux que
Vostre Majesté eut la bonté de leur accorder par escrit signé de sa main, de
celle de la Reyne Regente, & des quatre Secretaires d’Estat, & de leur donner
aussi pouuoir de s’engager à nous de vostre part à ladite tenuë ; ce qu’ils
firent par d’autres escrits signez de leurs mains, & qui portoient pouuoir de
nous donner en Vostre Nom permission expresse de nous rassembler, si l’ouuerture
ne s’en faisoit dans ce temps promis en ces termes. Et ce pour nous
joindre à Monsieur le Duc d’Orleans, & à Messieurs les Princes du Sang,
pour aduiser ensemblement à tout ce qui sera necessaire pour le bien & seruice
de Vostre Majesté, & à la tenuë desdits Estats, sans que nous en puissions
estre blasmez ny estre imputez à aucune faute ou manquement de ce que
nous deuons à Vostre Majesté, quelques ordres ou commandement mesme
que nous puissions lors en receuoir au contraire.
Les temps de tenir les Estats ayans passe sans que l’ouuerture en aye esté
faite, le pillage, violences, & actions execrables des gens de guerre estant
arriué au point qu’vn chacun les sçait & les sent, nous aurions creu estre coupables
des maux aduenir, si en ayant obtenu la promesse par la voye de nos
Assemblées. Nous le continuons pour en demander à Vostre Majesté l’execution
auec tout le respect & la submission que nous luy deuons dans le besoin
que nous auons de restablir Vostre Authorité, & de la maintenir contre
les entreprises de vos Ennemis, ne connoissant que ce seul moyen efficace
pour y paruenir, tiret vos peuples de l’opression, & particulierement nous
qui ne pouuons estre affoiblis, ayans l’honneur d’estre vos membres, que
vous ne vous en ressentiez.
Le fondement de nos Assemblées ainsi establysans nous seruir de celuy que
nous fournissent les Ordonnances sur les reglemens des gens de guerre qui y
sont expresses. N’auons-nous pas vn extréme sujet de douleur de voir que
les Lettres escrites par Vostre Majesté à Messieurs du Clergé & à Monsieur de
Liancourt, Nous traitent comme si nous n’auions ny permission ny cause de
nous assembler, & de voir que nos Calomniateurs ont fait de tres-fortes impressions
sur Vostre Esprit ; nous le connoissons par leurs termes pleins de
soupçons sur les particuliers de nostre Assemblée, de doute que les resolutions
ne soient contraires à vostre seruice, comme si la lascheté de l’abandonner
n’estoit pas nostre ruine. Nos franchises & nos immunitez y sont nommez
priuileges ; & faisant l’honneur d’escrire à tous les Ordres du Royaume, an
Clergé presentement qui nous est vny, à celuy qui nous est inferieur, lors
que vous desirerez de luy quelque obeissance. Vous vous seruez à nostre seul
esgard de moyens pour nous informer de vostre volonté, & declarez dans les
susdites Lettres, que la bien-seance empesche que nous ne receuions de Vous
ce mesme honneur. Vostre Majesté y nomme nostre conduite vne faction,
vne cabale, vne entreprise directement contraire aux loix de Vostre Royaume,
laquelle blesse Vostre Authorité, renuerse l’ancien ordre de Vostre
Estat, & est preiudiciable à nostre Corps, qui seul ne peut subsister sans vous
estre vny.
Nos Assemblées, SIRE, ne peuuent estre condamnées ; la resolution de
nos dernieres les iustifie suffisamment par l’Arresté de demander la Paix, &
d’employer nos soins & nos vies pour la faire conclurre à la satisfaction de
Vostre Majesté, & au bien du Public.
Qui dans l’Estat, SIRE, a plus de droict que nous à faire cette demande,
puisque la guerre ne peut continuer qu’au prix de nostre sang, & que dans la
Paix nous deurions exercer les Charges, & faire les fonctions les plus releuées.
Ce seroit Vostre seureté, SIRE, & Vostre grandeur, d’employer des
sujets Nobles incapables d’actions indignes de leur naissance. Vostre Majesté
s’en souuiendra, s’il luy plaist, pour remedier au déplaisir de Vostre Noblesse,
de n’estre pas employez dans Vostre seruice Elle vous demande encor cette
Paix tant desirée, s’offre d’y trauailler, & supplie tres-humblement Vostre
Majesté de luy vouloir donner part à la consommation d’vn bien si necessaire.
Tous ces bons mouuemens, SIRE, ne nous ont pû empescher d’estre
blasmez de Vostre Majesté, comme nous amusans à dresser des escrits & des
projets d’vnion nullement necessaire, au lieu d’estre en ce temps proche de
nostre Roy pour chasser les estrangers de son Estat, sans qu’aucun vous aye
fait entendre qu’il y eust autre moyen pour produire le seruice que Vostre
Majesté a tesmoigné desirer de nous dans les Assemblées generales ; l’esprit
du Corps tout Noble, & partant tout Royal, y preside & se communique
à tous les particuliers, desquels en detail il y en peut auoir qui n’ont pas le
mesme sentiment. Ainsi jamais Vostre Majesté ne peut tirer de secours si
puissant, laissant agir chacun seul à seul, que lors qu’ils seront assemblez, la
preuue en est éuidente par la suite de nostre conduite ; laquelle ayaut inspiré
nos resolutions dans toutes vos Prouinces, par la communication de nos Arrestez
& par nostre lettre Circulaire, Ils se sont trouuées en estat pour la
pluspart de monter à cheual, ou en volonté de trauailler pour s’y mettre
auec toute la promptitude possible. Ils nous en ont donné des asseurances en
la derniere tenuë à la Rocheguyon : mesme nous en auons esté sollicité par les
Deputez presens de diuers Bailliages selon leur sentiment, & pour obeїr aux
termes de vostre Lettre escrite à Monsieur de Liancourt ; Nous resolûmes de
monter incessamment à cheual pour courir sus à vos Ennemis, esloigner de
vostre Estat selon vos Ordres ce qui en trouble le repos, mourir plustost que
de souffrir qu’il demeure interrompu, & effacer de vostre Esprit par nos seruices,
les impressions que nos Calomniateurs y ont portées.
Si l’effet de ce mouuement genereux de nostre Corps a esté differé iusques
icy, ceux qui n’auoient pas nostre mesme dessein, & qui s’y sont opposez en
sont sans doute les coupables, & sont les veritables factieux & cabalistes ;
qui ayant trauaillé parmy nous à ruiner la fin de nos bonnes intentions, auec
autant de malice, que vos vrays seruiteurs auoient de chaleur pour en solliciter
l’accomplissement, Ont semé de mesme temps par leurs Emissaires aupres
de Vostre Majesté tout ce qui l’a pû preuenir de soupçon contre nostre
fidelité, parce que ne voulant concourir auec nous au maintien de Vostre
Authorité, ils nous en vouloient empescher la gloire.
La deference, SIRE, que nous auons eüe au sentiment de Monsieur de
Liancourt d’en surseoir l’execution, qu’il n’a pas creu estre suiuant l’intention
presente de Vostre Majesté n’a rien diminué de l’impatience que nous auons
de marcher au premier Ordre que nous en receurons d’Elle ; & par cette
marque de nostre obeїssance, nous esperons en obtenir le commandement.
Alors l’on connoistra l’vtilité des Assemblées de Vostre Noblesse, & l’on
jugera qu’au lieu d’estre seules condamnées dans Vostre Royaume, elles deuroient
estre seules establies, parce que ce Corps estant vostre bras droit, il
ne peut manquer à la Royauté, & ne doit iamais aussi estre diuisé pour la
soustenir plus fortement, & que ceux qui les ont sollicitées, ont l’auantage
de nous auoir ouuert vn chemin que nous deuons tousiours suiure, puisque
rien ne peut plus solidement affermir Vostre Couronne. Ce qui nous donne
la liberté de supplier tres-humblement Vostre Majesté de nous en continuer
la permission, & trouuer bon qu’elles s’establissent par des Deputez de chaque
Bailliage.
L’vnion inseparable de nos interests auec les vostres, SIRE, nous donne
lieu de faire sçauoir à Vostre Majesté quelques-vns des points les plus pressans,
& qui vont à l’entiere ruine de nostre Ordre que vous estes obligez de
soustenir pour en estre soustenu seurement ; Pour vous faire connoistre que
ce n’est pas sans sujet, que nous cherchons quelque soulagement à nos maux.
Et d’autant que les autres Ordres y sont interessez, nous desirons ardemment
que la distribution des graces que nous vous demandons & vostre protection,
ne soit pas bornée à nostre seule vtilité, & qu’elle coule abondamment
sur tous vos sujets. La reformation des excez que commettent les gens
de guerre des concussions de quelques Gouuerneurs des Ordres en blanc, est
vne des plus grande.
A ces plaintes, SIRE, Nous demandons à Vostre Majesté vn remede
pressant, par la deffence expresse à tous gens de guerre & Gouuerneurs, de
commettre à l’auenir rien de semblable, & le permettre par escrit en forme
donné à toute la Noblesse de Vostre Royaume, de s’assembler en cas d’inexecution
de ce present Commandement, & se seruir des Communes pour y
faire obeїr.
Nous faisons particuliere instance à Vostre Majesté de faire justice à toute
Vostre Noblesse, de l’outrage qu’elle a receuë à Chartres, dont l’impunité
depuis neuf mois passe aux Ennemis pour vn mespris de vostre part, & pour
vne insensibilité de la nostre, qui augmente de iour en iour leur insolence,
dont la consequence n’est pas moindre pour vostre authorité, que pour nostre
seureté.
Les Commissions données pour les Tailles, dans lesquelles les Gentils-hommes
sont compris, & celle par lesquelles nostre seureté a esté abandonnée
aux Preuosts des Mareschaux sont encores tres-essentielles. Il ne nous est
pas moins necessaire de supplier tres-humblement Vostre Majesté, de reuoquer
toutes lettres de Noblesse accordées sans connoissance de cause, & par
argent, Et declarer nulle toutes possessions vsurpées ou achetées par plusieurs
particuliers, en vertu dequelles ils joüissent de nos franchises & immunitez,
au deshonneur de nostre Corps, & à la foule de Vostre Peuple. Ces dernieres
lezions moins violentes & toutesfois tres-importantes, peuuent attendre
leur remede dans les Estats Generaux qu’il vous a pleu nous indiquer à
Tours le premier Nouembre prochain : Dont nous rendons nos tres-humbles
remerciemens à Vostre Majesté, & la supplions, que puis qu’elle a eu
la bonté de nous les accorder comme necessaires à la reformation des abus,
le pouuoir de nous assembler soit confirmé en forme, si l’ouuerture desdits
Estats n’est pas faite au jour indiqué, & de nommer dés à present six de chaque
Bailliage pour les solliciter par tous les moyens qu ils jugeront à propos,
Afin que par la negligence de les requerir, plusieurs mal-intentionnez,
ou qui en craignent les decisions n’essayent lors à persuader à Vostre Majesté
qu’ils ne sont pas desirez, & qu’à l’exemple present l’on ne noircisse dans
vostre estime ceux, qui sans autre interest que vostre seruice & du bien general
de la Monarchie le voudroient entreprendre.
Apres quoy, ayant tres-humblement supplié Vostre Majesté de receuoir
fauorablement ce Discours, que nostre zele à vostre seruice a produit pour
nous justifier aupres d’Elle, luy rendre quelques-vnes de nos plaintes, luy
faire nos demandes, & pour luy prouuer tout ensemble nostre obeissance &
nostre soûmission, Nous la supplions encore tres-humblement de nous informer
de ses volontez par sa bouche, auant que de nous retirer de sa Cour ;
afin de les communiquer à ceux qui nous ont deputé, & qui la desirent impatiemment.
Il nous reste, SIRE, d’adjouster l’offre de nos personnes, de nos vies, &
de celles des Gentils-hommes de nos Bailliages, qui attendent les Ordres
de Vostre Majesté ; afin qu’ils se puissent montrer dignes successeurs de ceux,
qui par la force de leurs armes ont mis la Couronne que vous portez, sur
la teste des Roys vos predecesseurs, & qui la conseruant au prix de leur sang
& de leur vie, ont merité le titre glorieux de bras droit de leur auhorité.
Signé de l’ordre exprés de l’Assemblée,
CHARLES D’AILLY-ANNERY.
29. Anonyme. LE CENSEVR POLITIQVE. AV TRES-AVGVSTE... (1649) chez Colombel (Matthieu) à Paris , 28 pages. Langue : français. Avec permission. Voir aussi C_2_27. Référence RIM : M0_668 ; cote locale : E_1_120. le 2013-06-30 11:45:02. [Page 18 SubSect | Section]
plus rien qu’vn supplice
Pour seruir de pressoir infame à l’auarice.
Depuis qu’vn debiteur à faute de comptant,
Des biens qui sont à luy baille vn estat constant.
Et que s’il en celoit, il accepte la risque,
Que pour ses creanciers tout le reste on confisque.
A ce compte il n’est plus besoin de caution,
Puisque c’est faire encor plus que la cession.
Car celuy qui la fait n’est point tenu d’instruire
De l’estat de ses biens ceux qui veulent luy nuire.
D’ailleurs à quel propos parler de caution,
Veu que c’est ordonner vne condition,
Qui pour le prisonnier est souuent impossible,
Tant l’horreur des prisons en ce poinct est nuisible.
A quel propos encor la garde des Huissiers,
Quand on veut exposer les biens aux creanciers.
Veu mesme que souuent faute de cognoissance,
Le riche mal-aisé s’en voit dans l’impuissance,
Et priué du moyen prescrit par vostre Arrest :
Il souffre cependant vn notable interest ;
Notable, c’est trop peu, disons irreparable,
Pour ce que la prison en fait vn miserable.
C’est là tout le succez qu’on peut en esperer,
Et c’est ce que le moins on veut considerer.
S’il a pourtant du bien qui soit en heritage,
Ou si tous ses effets il vous donne pour gage,
Estans tous exposez & mis deuant vos yeux,
Creanciers inhumains qu’esperez-vous de mieux ?
Tirerez-vous d’vn corps ou d’vne ame affligée
L’argent dont la personne est par corps obligée
Et quand bien en prison vous la verriez mourir,
Sa mort vous pourroit-elle au besoin secourir ?
Mais si vous monstrant tout elle fait son possible,
Pourquoy vous rendez vous à ses maux insensible ?
En declarant ses biens fait-on pas son pouuoir,
Et faisant ce qu’on peut fait-on pas son deuoir ?
On croit donc que ces maux dont on n’a la science,
Qu’à souffrir des prisons la dure experience,
Rencontreront vos cœurs disposez à pitié,
Moderans ses rigueurs au moins d’vne moitié.
Que la raison qu’on voit aujourd’huy dans sa pompe,
Chassera loin de vous l’imposteur qui vous trompe.
Que vous ferez enfin qu’vne execution
Ne sera plus pillage & persecution.
Et que tout debiteur offrant ce qu’il possede,
De son oppression trouuera le remede.
Que sous plege ou sous garde on n’eslargira point,
Si celuy qu’on detient n’est d’accord de ce point,
Afin qu’à vos Arrests on preste obeïssance,
Car toute Loy se doit regler a la puissance,
Autrement c’est choquer le sens & la raison,
Et renforcer en vain les murs de la prison.
C’est l’horreur qui la suit qui fait les banqueroutes,
Son objet effroyable en a fait les déroutes.
Et tel homme d’honneur se voit souuent contraint,
D’éuiter s’absentant ce desordre qu’il craint.
Aymant mieux voir perir sa maison desolée,
Que d’aller en prison trouuer son Mausolée.
Et c’est ce qu’vn grand Sainct le plus sainct de nos Roys,
Ce sage sainct Louys reconnut autresfois,
Alors qu’il ordonna que pour cause ciuile,
Tout debiteur auroit liberté dans la Ville,
Et qu’il pourroit ainsi faire valoir ses biens,
Enfin que ses Sujets viuroient comme Chrestiens.
Sans vser desormais de la cruelle rage
Dont les persecuteurs vsoient auec outrage.
En sorte qu’à la fin la Loy de sa bonté
Deffendit d’opprimer la bonne volonté.
Vous Tuteurs de l’Estat, assemblez dans sa Salle,
Tirez les gens de bien du funeste Dedale,
Où l’Edit de Moulins les a precipitez,
Et moderez l’excez de ses seueritez.
Il est vray, les prisons souuent sont necessaires,
Alors qu’vn debiteur veut cacher ses affaires,
Ou lors qu’estant prodigue, ou bien vn negligent,
Il ne veut pas bailler du bien au lieu d’argent.
Mais faites qu’en offrant & le bien & les tiltres,
Et pour en transporter de conuenir d’arbitres.
Ou bien pour l’estimer sur vn prix de raison,
Le debiteur d’abord soit tiré de prison.
Ce sera le moyen d’en tirer l’aduantage
Qu’on voit injustement tourner à son dommage :
Puisque cette rigueur assujettit sous soy,
Ainsi qu’vn affronteur l’homme de bonne foy.
Imposant au mal-heur qui forme vne déroute,
La honte du prodigue ou de la banqueroute,
Ou force le captif qui cherit son honneur,
De quitter de son bien au tiers de sa valeur,
Afin de s’exempter d’vn outrage sensible.
Qui cause à son credit vne perte infaillible.
Alors que le mocqueur le regarde en public
De ses yeux plus cruels que ceux d’vn basilic.
Donnez donc sauf-conduit à qui vous le demande,
En declarant ses biens à peine de l’amande,
Et que l’amende soit que le bien recelé,
On confisque à celuy qui l’aura reuelé.
Le deub des creanciers déduit au prealable,
Et par le receleur à ce deffaut payable.
Ainsi vous preuiendrez par vn moyen aisé,
Qu’vn creancier loyal ne se trouue abusé.
Mais arriere Tyrans qui voulez qu’on vous cede
Les biens qu’vn prisonnier ou pretend, ou possede :
Et qui bien qu’il en offre à leur iuste valeur,
S’il ne les cede tous est traité de voleur.
Quand mesme il n’en faudroit aux rigueurs les plus grandes
Que la vingtiesme part pour toutes vos demandes.
Vous voulez, dites-vous, argent ou cession,
Ou qu’il fournisse au moins soluable caution.
Qu’il cherche des Marchands si ses biens il veut vendre,
Et que vous pour Marchands il ne doit pas pretendre,
Mais comment voulez-vous qu’estant ainsi captif,
Il attire vn Marchand qui fait le fugitif ?
Et qui s’aduantageant de le voir dans l’abisme,
De la iuste valeur à peine offre la disme.
D’ailleurs vous ne voulez d’arbitres ny d’amis,
Et pour vous ajuster iamais de compromis.
Car selon vos discours la Loy que l’on obserue
Veut qu’il cede ses biens sans faire de reserue,
Sinon c’est vn mutin, & l’on doit par raison
Le faire (dites-vous) perir dans la prison.
Puisqu’au lieu de ioüir de la grace du Prince,
Il prefere insensé, quelque bien de Prouince,
Qui mesme en non valeur est saisi dessus luy,
Et qui l’abandonnant le tireroit d’ennuy.
Bref qu’il vaut mieux quitter les biens de la fortune,
Que de souffrir tousiours la prison importune.
Ouy certes ; mais voleurs, dites à quel propos
Vous luy vendez si cher cét estrange repos.
Pourquoy vous quitter tout si la moindre partie.
Peut en vous asseurant procurer sa sortie ?
Et pourquoy serez vous seuls Iuges de son sort ?
En vous offrant assez n’auez vous pas le tort ?
Que ferez-vous, Messieurs, de cette plus valuë,
Que vous voulez rauir de puissance absoluë ?
Car en vous cedant tout, il n’a plus d’action,
Et partant vous voulez faire vne exaction.
Mais qu’il vous baille donc à tout le moins vn plege,
S’il peut, repliquez vous, auoir ce priuilege.
Car n’ayant qu’vne part qui nous peut garantir,
Estans dépossedez d’vn soudain repentir ?
Dites moy, bons voleurs, si ce cas vous arriue,
Quel obstacle au recours s’oppose, ou vous en priue,
Le reste de ses biens n’en est il pas garant,
Peut-on pas s’éclaircir de tout en conferant.
Et faut-il cependant sous pretexte d’vn doute,
Et feint le plus souuent le mettre à la déroute.
Ie demeure d’accord qu’on doit tout exposer,
Et que pour vous payer on doit tout proposer.
Mais de vous quitter tout, & s’en aller aux Halles
Se sousmettre en public au plus grand des scandales,
Doit-on nommer cela benefice du Roy ?
Messeigneurs les brigans ; helas ! excusez-moy,
La peine du captif est fort illegitime,
Quand c’est pour excuser l’horreur de vostre crime,
Et quand contre son gré faute de caution,
Il s’y voit obligé par sa detention,
Qui seule le plongeant en ce desordre extrême,
S’il resiste, retourne, enfin contre vous mesme.
Les prisonniers encor viennent à iointes mains
Vous demander la fin de leurs maux inhumains.
Et puisqu’vn sainct desir de justice vous touche ;
Qu’il vous plaise, Messieurs, les entendre de bouche.
Qu’ils puissent proposer eux mesmes leurs raison,
Et que pour cét effet vous alliez aux prisons.
Non, comme à la seance, ou bien comme aux visites,
Où les seuls prisonniers pour des sommes petites,
Rencontrent quelquesfois grace deuant vos yeux,
Les autres prisonniers vous requierent de mieux,
Car mesme il vous faudroit des lumieres infuses
Pour iuger sans erreur tant d’affaires confuses.
A sçauoir que chacun de Messieurs de la Cour
Aille dans les prisons Royales tour à tour.
Et donner audiance à chacune partie,
Dresser procez verbal aux fins de la sortie,
Agiter, voir, traiter toutes les questions,
Sur les expediens & propositions.
Interroger chacun si c’est point par enuie,
Ou par motif secret venu de calomnie,
Si c’est par impuissance ou bien par dureté ;
Recognoistre le vray selon sa pureté ;
Rendre autant qu’il pourra la liberté facile,
Et conseruer à tous l’honorable & l’vtile.
Et si le creancier, ou bien son Procureur,
Tesmoigne tant soit peu de caprice ou d’aigreur,
Faisant dégenerer la contrainte en supplice,
Deslors la bonne foy preuale à sa malice,
Et le Iuge benin en fasse son rapport,
Ayant sçeu sans surprise à qui donner le tort.
C’est l’vnique moyen d’estouffer toute feinte,
Et de tant d’opprimez la déplorable plainte,
De plus, pour reprimer ce mal pernicieux,
Si l’emprisonnement paroist injurieux,
En tirant de prison la personne arrestée,
Que la mesme prison à l’autheur apprestée,
Punisse son dessein malin & violent,
Et donnez la risposte à cét homme insolent.
Par cette Talion vous preuiendrez l’outrage
Que met au desespoir vn homme de courage.
Et si vous exemptez son honneur de danger,
Vous l’exemptez encor du soin de se vanger.
Mais si le prisonnier se pouruoit par Requeste,
O que de tours auant que l’instance soit preste ?
Puisqu’au lieu de traiter à fonds la question,
Et de parler sur l’offre ou sur l’exception ;
On le diffame, absent, & l’on le calomnie,
Ainsi la liberté souuent on luy dénie.
Et sans voir son procez en estat de iuger,
Par mille faux rapports on le fait enrager.
En sorte qu’en prison à la fin il demeure,
A faute d’auoir eu l’audiance d’vne heure,
Que si l’infection & l’horreur de ces lieux,
Blessent vostre odorat aussi bien que vos yeux.
En tout cas, commettez quelqu’vn qui les entende,
Et qui sommairement instruise la demande.
Que le procez verbal dans la prison dressé,
Present ou conuenu chacun interessé.
Chacun dessus le champ soit tenu de produire,
Pour prouuer par escrit ce qu’il a fait escrire.
Et si ce qu’vn chacun allegue n’est prouué,
Qu’on presume de luy qu’il l’aura controuué.
Car mesme vn creancier pretend faire surprise,
Quand pour prouuer son faict il cherche vne remise :
D’autant qu’vn creancier doit tousiours estre prest
De monstrer par escrit où va son interest.
Enfin donnez, Messieurs, la fin à la misere,
Non pas selon le deub, mais pour ce qu’on peut faire :
Car l’impuissance exclud le pouuoir de la Loy,
Et la prison n’en veut qu’à la mauuaise foy.
Allez y donc, Messieurs, cognoistre sa puissance,
Quel bien il peut donner, ou bien quelle asseurance,
Et mettez-le dehors en faisant ce qu’il peut,
Et non pas en faisant tout ce que l’autre veut.
C’est ce que vous sçaurez dans vne conference,
Où l’on peut discerner le vray de l’apparence,
Et par vne raison exempte de la Loy,
Ordonner pour autruy ce qu’on voudroit pour soy.
On suiura, ce faisant, la Loy de la Nature ;
Mais on y contreuient, & l’on luy fait injure :
Puis qu’aucun creancier ne voudroit pas quitter
Au tiers de sa valeur son bien pour s’acquitter.
Et c’est pourquoy l’on doit par vn moyen tres-sage,
Imposer en ce cas la Loy de l’arbitrage.
Aussi bien les moyens de fournir de l’argent
Sont tres-pernicieux s’ils viennent du Sergent,
Veu qu’en vendant les biens il a tousiours attente
D’auoir part au butin qui vient de la méuente,
C’est pourquoy tel qui n’a qu’vne simple action,
Emprisonne d’abord pour faire exaction.
Et son projet peruers est de tirer par force
Ce qu’à peine à vos yeux il fait voir en écorce.
Et bien que l’equité deust monstrer sa vigueur.
Pour punir ces brigans auec toute rigueur :
La faueur bien souuent preuaut à la Iustice,
Et la vertu languit sous l’empire du vice.
Enfin pensez, Messieurs, que vous estes Chrestiens,
Qu’on n’arreste le corps que pour auoir les biens.
Et que de la prison la longueur trop funeste
Ne produit que des maux bien pires que la peste,
De ces discours trop vrais iugez donc apres tout,
Si ce mal inhumain doit point auoir de bout.
Et si monstrant les biens, & mesme offrant les tiltres,
Et pour en transporter de conuenir d’arbitres :
Ou pour les estimer sut vn prix de raison,
Le debiteur doit pas sortir de la prison.
Vn autre objet encor d’vne misere extresme,
Par son injuste sort me met hors de moy mesme :
Quand le riche en prison, toutefois indigent,
Ses biens estans saisis ne peut auoir d’argent.
N’y partant en ce cas obtenir la Iustice,
Car elle couste au moins tout autant que l’espice,
Puis qu’il faut de l’argent à qui veut l’obtenir,
Et c’est donc, ie rougis de vous entretenir.
Cependant il est vray qu’à faute d’assistance,
Le droict le mieux fondé perit sans resistence.
Pource que par deffauts ou par forclusion,
Le tort iette le droict dans la confusion.
Or quelle horreur, Messieurs, que le bon droict perisse,
Pour ne pouuoir fournir aux frais de la Iustice.
Faut-il pas de l’argent d’abord au Procureur,
Argent pour le Greffier, argent au Controlleur,
Argent pour les Huissiers, argent pour les Notaires,
De l’argent pour vos Clercs qu’on nomme Secretaires,
Sans compter ce qu’il couste enuers les Aduocats,
Qui par leurs beaux discours attrapent nos ducats,
Vos espices partant ne font comme ie pense,
Que la trentiesme part de toute la dépense.
Il faut donc de l’argent, car si l’on n’en a point,
L’on ne peut accomplir ce qui seroit enjoint.
Si bien qu’estant forclos & priué de deffence,
Les biens les mieux acquis tombent en decadence.
Et faute de pouuoir à ces frais subuenir,
Le droict le plus constant ne peut se maintenir.
Si bien que l’oppressé perd ses biens sans ressource,
Par ordre de Iustice, & desordre de bourse.
S’il aduient qu’on ad, ourne vn pauure prisonnier,
Qui pour auoir du pain n’a pas mesme vn denier.
Comment voulez-vous donc, Messieurs, qu’il se deffende ?
Et comment pensez-vous que le Iuge l’entende ?
Car point de Procureur si l’argent luy de faut,
Et s’il ne comparoist on luy donne le saut.
Or s’il doit comparoir, voyez de quelle sorte,
Puisque de la prison on luy ferme la porte.
Mais quoy ! les biens saisis & le corps en prison,
Ne pouuoir obtenir justice, ny raison,
Et voir l’homme de bien accablé sous l’empire
De celuy qui cruel sa ruïne conspire.
Comme si son pouuoir deuoit estre absolu,
Pour vous faire ordonner ce qu’il a resolu.
C’est vne Loy, Messieurs, qui deuient tyrannique,
Et que l’abus des temps a rendu trop inique.
Depuis que l’vsurier par trop interessé,
A pû d’vn debiteur en faire vn oppressé.
Apres cela, Messieurs, dites en conscience
Si vous auez iamais connu cette science :
Si vos esprits se sont quelques fois attachez
A penetrer à fonds ces desordres cachez.
Et que penserez vous que dans la France on die ?
Que seruiroit, Messieurs, icy de vous flatter,
Les plaintes de ces maux commencent d’éclatter.
Et si c’est par vous seuls que le Roy les écoute,
Ne sera ce donc pas causer nostre déroute ;
Si chacun Officier se voyant restabli,
Les maux des gens de bien demeurent dans l’oubli,
Car quel soulagement au bien de la Iustice,
De voir les Officiers remis en exercice.
Et leurs ordres reglez selon leurs fonctions,
Que sert de reuoquer toutes Commissions.
Si de tant d’Officiers le nombre tres-enorme,
N’est pas suppression reduit à la reforme.
Que sert de compiler des volumes de Lois,
Si l’on n’obserue plus l’Ordonnance des Rois.
Si l’vsure, le vol, la fraude, la malice,
La fausseté, l’outrage, & mesme l’injustice,
Fomentent les abus qui nous ont desoles,
Pour partager nos biens quand on les à volez.
Quelle honte de voir qu’on to lere l’ordure
De la mendicité, du change, & de l’vsure.
Que Dieu dont la parole est durable à iamais,
Ne soit pas mesme exempt de controlle & de mais :
Et que contre les Lois de sa Bible & du Code,
Il se trouue à Paris vne vsure à la mode,
Auec laquelle on puisse entrer en Paradis,
Combien que l’vsurier en fut priué iadis.
Que l’on voye enfin le Prestre & le Laïque
Exercer impuni ce trafic Iudaïque.
Que les deniers du Roy par roolles départis
Soient par les Receueurs encore diuertis ;
Que des decrets fraudeux les méventes peruerses
Ruïnent nos maisons par cent causes diuerses ;
Et qu’alors que nos biens on adiuge à l’encan,
On prise le drap d’or au prix du bourracan :
Que le style frippon & plein de brigandage
Qu’on tient au Chastelet par vn mauuais vsage,
Lors que les Procureurs procedent par defauts,
Fassent passer pour bon & l’iniuste & le faux.
Qu’on souffre l’attentat ainsi que les faussaires,
Et qu’ils soient impunis comme gens nécessaires,
Pource qu’ils font grossir le trouble des maisons,
Qu’on endure aux méchans d’employer les prisons,
Pour exiger par force & contre la Iustice,
Ce que veut leur vengeance, ou bien leur auarice.
En vn mot, quelle horreur si vous ne pouruoyez
Sur ces aduis certains qui vous sont enuoyez.
Messieurs, si ce discours vous semble temeraire,
Il est vray pour le moins autant que necessaire,
FIN.