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Rechercher dans le corpus des Mazarinades
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Résultat de votre recherche de l'expression "Democratie" dans le corpus des Mazarinades :


Occurrence 1. Anonyme. DISCOVRS CHRESTIEN ET POLITIQVE, DE LA... ([s. d.]) chez [s. n.] à [s. l.] , 32 pages. Langue : français, latin. Pièce 5 des 52 de Carrier.. Référence RIM : M0_1103 ; cote locale : A_2_48. le 2012-09-30 07:30:28. Ie n’ay garde de penser que l’on viue de la
sorte dans la Cour d’vn Roy tres-Chrestien, lequel
ne nous a esté si miraculeusement donné
du Ciel que pour nous apprendre, qu’il fera pour
ainsi dire doublement l’Oingt du Seigneur, &
qu’il en fera obseruer les Commandemens à son
Peuple apres les auoir religieusement obseruez
luy-mesme. Il sçaura que sa seureté & sa richesse
sont dans le cœur, & dans l’amour de ses Sujets: il
detestera l’Oligarchie qui s’introduit chez les
Princes mal conseillez, lesquels souffrent dans
leurs Estats des particuliers plus riches qu’eux.
Il connoistra par la sagesse infaillible qui illumine
le cœur des Roys, que la Iustice & la Paix, lesquelles se sont entrebaisées pour le salut du genre
Humain, rendent florissans les grands Empires
dont les colomnes inébranlables sont la punition
du vice & la recompense de la vertu; Il témoignera
que la misericorde & la clemence ont
tousiours esté les vertus des Roys, & que, (laissant
la fourberie aux ames basses & timides) la
verité est l’ornement de son Diademe, & la pieté
l’esclat de son Thrône. Misericordia & veritas
custodiunt Regem, pietas fulcit solium, c’est ce qu’a recõnu
le plus sage de tous les Princes: c’est ce qui
fera craindre le nostre des estrangers, c’est ce
qui le fera aimer de ses Sujets qui reuerent desia,
en son ame Royalle, les semences des hautes vertus,
lesquelles ils coniurent le ciel de faire croistre
à la perfection desirée: car la France n’ignore
pas que si les Roys ne sont heureux que par
l’obeïssance de leurs Peuples: Les Peuples sont
miserables sans la conduite de leurs Roys, Sans
cela, qu’est-ce que pourroit faire vne multitude
ignorante, dispersée de tous costez & abandonnée
à elle-mème, ainsi qu’vn trouppeau sans berger?
C’est vne horrible confusion & vne prodigieuse
misere de la brûtalité d’vne populace, sãs
guide & sans conducteur. Quand ce grãd Corps
a vn bon Chef c’est vne belle & diuine chose; autrement
plus les Nations sont nombreuses, &
plustost, pour ainsi parler, elles s’accablẽt de leur
propre poids, & tombent dans la confusion, &
le desordre.  

FIN.

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Occurrence 3. Anonyme. CONSOLATION AV PEVPLE DE PARIS, TOVCHANT LES... (1649) chez Morlot (Claude) à Paris , 8 pages. Langue : français. Référence RIM : M0_770 ; cote locale : B_20_15. Texte édité par Site Admin le 2012-05-20 08:39:29. Il me semble que tu devrois estre accoustumée aux ennuis,
& que tu dois auoir fait habitude auec la mauuaise fortune
qui te visite il y a si long-temps qu’on peut dire qu’elle est
ta domestique. Il y a si long-temps que tu portes des habits
de dueil, que tu ne dois point estre surprise de cet accident
qui te met en desordre, puis que ce n’est pas vne nouueauté
que tu sois persecutée. Ne sçais-tu pas qu’il en est des afflictions
à ceux qui en veulent faire vn bon vsage, comme des
vents aux grands arbres, qui ne seruent qu’à leur faire prendre
de plus profondes racines en terre ? Il me semble que
c’est auec raison que i admire la pensée de celuy qui a dit,
Ie ne me suis iamais fié à la fortune, bien qu elle ne me monstrast
qu’vn visage de paix & de charmes.   Tu deuois bien croire, ô ma chere Ville ! que le Vaisseau
que tu prens pour tes armes ne vogueroit pas tousiours sur
vne mer calme & tranquille, puis que les afflictions sont les
tempestes de nostre nauigation. Souuien-toy que c’est Dieu
qui t’afflige, & qu’il en est de luy comme d’vn Medecin qui ne
nous touche iamais que pour nous guerir. Souuien-toy, dis-ie,
de dire auec vn illustre persecuté, Beny soit le Seigneur qui
nous a enseigné des chansons pour la nuict. Ce mesme Dieu
qui a permis que le desir de la vengeance s’allumast dans le
cœur de tes persecuteurs, peut amolir ces mesmes cœurs,
& peut mettre au rang de tes Anges tutelaires ceux qui
s’efforcent de t’outrager auiourd’huy. Mais apres tout, ne
considere pas tant la force & le grand nombre des bras qui te
combattent, que tu ne regardes aussi en mesme temps, & la
sagesse des testes qui te maintiennent, & la valeur des Princes
que Dieu a fait voler à ton secours. Ne te souuient-il plus
qu’Andromede, dont tu es l’expresse peinture, quoy qu’elle semblast estre destinée pour estre la proye d’vn Monstre
Marin, fut secouruë par la diligence de Persée ? Ne vois-tu
pas que c’est vne verité dont tu vas faire l’espreuue, &
que ce que la fable a fait passer pour vn ieu d’esprit sera
en toy vne histoire fameuse ? Ne vois tu pas cet Auguste
Parlement dont tous ceux qui le composent peuuent
plus raisonablemẽt que ceux du Senat Romain passer pour
des Dieux en terre, n’auoir point d’autre pensee, que celle
de te proteger ; Ie pourrois faire icy les eloges des Princes,
& des grands Chefs d’Armée, que l’on peut comparer
aux Cesars des anciens, si cette matiere pompeuse
& fleurie pouuoit conuenir au suiet que ie traitte.
Les panegiriques sont de mauuaise grace auec le dueil
& la misere. Le nombre de leurs triomphes m’étonne,
& l’éclat de leur gloire m’éblouit ; & puis tu sçais bien
que le bruit des tambours a presque fait taire toutes
nos Lyres, les figures de la Rettorique, & toutes les
graces de la Pœsie, seroient peu considerées, parmy les
tumultes de la guerre & des seditions. Remarque donc,
ô ma chere patrie, que tout ce que tu souffres est vn
des effets de ce Roy des Roys, qui se iouë des Couronnes
& des sceptres, & deuant qui les plus grands Monarques
ne sont que des grains d’arene, ou des atomes.   De sorte qu’il t’est bien seant, & fort vtile de te soumettre
à ses volontez sans murmurer. Ie sçay que tu ne t’es
iamais departie de l’obeïssance qui est deuë à ton Prince
legitime, c’est par elle que les trônes sont affermis, &
c’est ce qui a fait dire à vn Ancien, Nisi fide stat Respublica,
opibus non stabit, on peut dire que c’est elle qui rend les
Empires immortels, & qui leur donne vne consistance
de longue duree. Ie sçay que tu as beaucoup de tendresse pour ton Roy,
& que lors que tu prens les armes, c’est pour te vanger de
l’affront que l’on te fait en te l’enleuant, & que tu n’en
veus qu’à la tyrannie estrangere. Sçache que cette main
toute puissante y apportera le remede, & qu’il n’y a
rien qui aigrisse d’auantage la douleur de nos playes, que
l’impatience de les supporter. Il en est des peuples,
ainsi que des animaux farouches, leurs coliers s’impriment
en leur chair s’ils se remuent par trop, au lieu qu’ils
leur seruent d’ornement & de deffence s’ils demeurent
en repos. Ne t’etonne donc pas de te voir auiourd’huy
armée, & de voir que l’on veille à tes portes, il en sera
sans doute de tous ces mouuemens comme des pieces
de Theatre qui commencent par des actions lugubres &
sanglantes & qui finissent par des mariages. Ce sont les
ieus & les intermedes de cette vie mortelle, & apres tout
(comme dit vn bel Esprit de nos iours) les Princes qui
taschent de faire du bruit dans le monde n’ont point de
tourmens qui passent le corps ny de recompense qui regarde
l’ame : Vn bon courage doit mespriser leurs promesses
& se rire de leurs supplices. Sois seulement fidelle à ton
Monarque, & souuien toy que c’est Dieu qui establit les
Roys, que c’est par luy qu’ils regnent, que les diademes
& les sceptres sont de son domaine, & que c’est luy qui
fait asseoir les Princes sur leurs trônes, & que ces Souuerains
sont les Images viuantes du Tres-haut. Comme les
Grands se font aymer à leurs sujets par l’amour qu’ils leur
tesmoignent, les sujets contribuent à l’affermissement
de leurs Couronnes par l’obeïssance, & de ces deux
choses, il se forme vn concert admirable dont l’harmonie resiouyt toute la terre. C’est pour cela que Salluste
admonestoit Cesar, que comme il estoit bon & vaillant,
qu’il eust soin aussi de commander à des gens de bien.   Ne crains donc rien desormais, ô ma chere Patrie,
puis que tu te conserues auec quelque espece de scrupule
& de Religion dans l’obeïssance que tu dois à ton Monarque.
Cela estant ie me promets vn heureux changement,
& que de tes espines il naistra des rozes, pour se
mesler à tes lis, & pour en faire des bouquets de bonne
odeur, & que leur fraischeur demeurera tousiours, & fera
enuie aux Nations estrangeres. C’est vn bien que ie te
presage & que ie te souhaite, afin que dans le calme, apres
auoir fermé le Temple de Mars, nous puissions caresser
ces belles Muses, que le son des trompettes a espouuentées.
Il y aura plaisir de chanter à l’ombre des palmes
les triomphes de nos Heros, & le retour de la paix si long-temps
souhaittée. Ce n’est pas que ie pretende auoir place
parmy ces nobles genies qui possedent ce qu’il y a de
beau & de rare dans les sciences & dans les arts. Ie voy
auec plaisir les couronnes du Parnasse sur les fronts de
ces nouueaux Orphées pour qui la France a produit de
fameux Iasons. Reuenez donc, ô belle Nymphe, parée de vos rameaux
d’Oliuiers, & faites couler icy les eaux dorées de ces
fleuues si vantez. Faites reuoir en nos iours la pompe
de ces siecles, à qui la fable a donné le nom du plus
riche & du plus brillant de tous les metaux. Il me semble
que ie la voy qui se prepare pour venir chez toy,
ô mon aymable Patrie, & qu’elle vient secher tes larmes,
& chasser les tenebres & la nuict qui te couurent, par l’heureux retour de ton ieune Prince. C’est vn bien
pour qui ie fais incessamment des vœux, & pour m’aller
prosterner au pied des Autels, pour prier Dieu qu’il
nous octroye cette faueur. Ie cesse de t’escrire.  

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Occurrence 5. Anonyme. LA DISCVSSION DES QVATRE CONTROVERSES... (1652 [?]) chez [s. n.] à [s. l.] , 24 pages. Langue : français, latin. Pièce 10 des 52 de Carrier. Référence RIM : M0_1154 ; cote locale : B_2_32. Texte édité par Patrick Rebollar le 2012-11-18 14:13:29.

les Loix de
cette societé. Il demeure donc euident que cette
Auth. Souueraine est de droict Diuin, que si vous
adioustez à ce discours, que cette mesme Authorité
deuient Royalle quand elle reside dãs vn seul
Aristocratique quand elle se trouue en plusieurs,
& Democratique quand elle demeure en tout le
corps de la societé, vous serez entierement persuadé que l’authorité Royalle, formaliter est de droict
diuin naturel.   Pour accorder donc tous les deux partis, vous
pouuez vser de ces deux distinction de droict diuin
naturel & positif. Et de la Royauté selon sa forme
& ce qui luy est essentiel & selon sa matiere &
ce qui luy est accidentel, & ainsi vous respondrez
à l’authorité & au raisons sus alleguees & de mesme
à ceux qui vous apporteront des tesmoignages
ae l’Escriture, par lesquels Dieu nous commande
d’obeyr aux puissances Souueraines, cela se doit
expliquer de cette authorité souueraine qui dispense
auec Iustice les recompenses & les chastimens.
Ainsi les plus meschans Monarques comme
Neron & ses semblables auoient droict d’exiger
l’obeïssance de leurs subjects quand ils leur commandoient
d’obeyr aux Loix Romaines, & S. Paul
mesme dit qu’on y estoit obligé pour la conscience
& par consequent la chose commandée deuoit
estre iuste. Car d’obliger les hommes à faire vn
commandemẽt iniuste, & de faire croire que Dieu
l’y oblige, c’est faire Dieu complice de nos crimece
qui ne se peut penser sans sacrilege. Voyla pour
nostre premiere Controuerse. Quand à la deuxiesme qui regarde la force de
la puissance Royalle dans laquelle on demande si
elle est absoluë & par dessus les Loix. I’ay à dire que l’authorité Royalle estant Souueraine elle est
absoluë, & qu’estant absoluë, elle est par dessus les
Loix. Ie parle icy de la Royauté formaliter. Ie veux
dire que le Monarque a vne puissance souueraine
& absoluë sur la vie, & sur les biens de ses sujects,
pour la conseruation de l’Estat, c’est à dire de la
societé ciuile. Ie ne veux pas dire que les Roys
ayent aucun legitime pouuoir sur la vie ou sur les
biens de leurs sujects hors le bien de l’Estat. Le
domaine arbitraite ne peust estre legitime, que sur
les bestes, aussi les serfs & les esclaues ne sõt point
sensez hommes par les Iurisconsultes, & cette sentence
d’Aristote, qui ne donne la domation qu’à
la Loy & à la raison, doit estre la deuise des honnestes
gens, Iustum est legem dominari non hominem.
La Royauté ne laisse pas d’estre absoluë, puis
qu’elle n’a aucune authorité par dessus elle, & les
volõtez du Monarque sont souueraines lors qu’elles
ont pour principe la raison & non les passions.
Quand ie dis que l’authorité Royale est vne puissance
absoluë, ie n’entend pas qu’elle soit tellement
detachée qu’elle n’aye aucun esgard, mais
ie veux dire qu’elle ne depend point d’vne autre,
quoy qu’elle ait vn esgard au bien de l’Estat qui
luy est essentiel. Ie parle aux Doctes & dis que
l’estre de la Royauté estant relatif & le terme de sa
relation estant le bien & la felicité des sujets, cette
Souueraineté ne peust estre dispensee de l’esgard
qui la constituë : aussi les Politiques voulant definir
le Roy, disent que c’est celuy qui se sert de l’authorité
Souueraine pour le bien commun, c’est à dire
de tous les sujects, & le Tyran au contraire, celuy
qui s’en sert pour son bien propre ou pour le bien
de quelque particuliers. Nostre Louys XII auoit
apris du Ciel cette haute sagesse, qui luy fit respondre
à ceux qui luy donnoient conseil de leuer
de l’argent sur le Peuple pour suruenir aux frais de
la guerre qu’il deuoit faire pour recouurer le Royaume
de Naples. Mes Sujects, dit-il, ont bien affaire
que nous allions despenser leur bien pour acquerir ce
Royaume ?   Comme donc le caractere de la Tyrannie est
de ne chercher que le bien du Tyran, c’est à dire
de detacher ses interests de ceux du publiq, aussi
la Royauté les a communs & pour le soustien de
l’Estat, le Monarque a vne puissance absoluë sur
les biens & sur la vie des sujects. Ainsi nos vies &
nos biens sont au Roy Non qu’il en puisse disposer
comme bon luy semble ; mais pour le bien de
l’Estat, c’est à dire pour le bien de ceux qui ont
leurs vies & leurs biens entre ses mains puis qu’ils
composent cét Estat. Ainsi les Roys qui abusent
de leurs puissance se rendent criminels aussi bien
que les autres hommes. Dauid a esté vn meurtrier & adultere, ayant soüillé la couche d’Vrie & l’ayãt
fait exposer par loab au siege de Rabba pour le
faire tuër par les Assiegez. Certes si la vie & les
biens d’Vrie, suject de Dauid, eussent esté au Roy,
le Roy n’auroit esté n’y meurtrier n’y adultere. Et
ceux qui alleguent ces paroles du Pseaume de sa
Penitence, Tibi soli peccaui, les expliquant comme
si Dauid n’auoit offensé que Dieu seul, & non pas
Vrie, & les Israëlites se trompent dans leur exposition.
Le pecheur veritablement repentant n’extenuë
iamais son crime deuant Dieu, parce qu’il le
considere comme Pere plein de Misericorde, &
non comme Iuge. Ainsi ces paroles de Dauid, Tibi
soli peccaui, doiuent estre entenduës comme Agrauant
son peché, & non pas le diminuant, comme
s’il vouloit dire, les crimes que i’ay commis sont en
tous esgards des sacrileges.   Achab veut auoir la Vigne de Naboth, qui
ioignoit sa Maison Royale pour en faire vn Iardin.
Ie t’en bailleray, dit le Roy, vne meilleure, ou s’il te
semble mieux, ie te bailleray de l’argent autant qu’elle
vaut, mais Naboth respondit à Achab, Ia n’aduienne
de par l’Eternel que ie te baille l’heritage de mes Peres ;
le Roy demeure si fasché de ce refus, qu’il ne voulut
point manger. Mais sa femme Izebel luy dit, leue toy,
mange, ie te bailleray la vigne de Naboth Israelite, serois
tu maintenant Roy sur Israel ? Voylà Izebel qui pretend que ce soit vn droict de la Couronne de
pouuoir entrer en possessiõ de la vigne de Naboth :
Elle fait lapider ce pauure Innocent par les Anciẽs,
les Magistrats & le Peuple, ayant escrit des Lettres
au nom du Roy, seellees de son Cachet ou de son
Sceau. Mais le Prophete Elie fit entendre à Achab
& à Izebel, que tout ainsi que les chiens auoient
leché le sang de Naboth, ils lecheroient le leur propre,
& que Dieu racleroit du tout & retrancheroit
ce qui appartient à Achab.   Outre ces exemples tirez de l’Escriture, qui
nous sert de Reigle de nostre Foy, ie pourrois en
alleguer de l’Histoire Romaine, ou nous voyons
que la Puissance des Empereurs, quelque absoluë
ou Souueraine qu’elle fur, neantmoins elle ne regardoit
que le bien de la Republique. Trajan establissant
le General de ses Armées, lui dit en lui
donnant son espée, Ie te la mets entre les mains
afin que tu t’en serues pour moy tandis que ie procureray
la gloire des Romains, & contre moy si ie fais contre
la Republique. Pline aussi remarque dans le Panegyre
de cét Empereur, qu’il auoit commis au Senat
le iugement des causes qui se leueroient entre
lui & les sujets, & que le plus souuent il les perdoit,
& apres tesmoignoit de la ioye de les auoir
perduës. Ce fut vne action lasche de Philippes II. Roy d’Espagne, d’auoir supprimé la Iustice d’Arragon,
ayant fait decoller dans son Carrosse Dom Pedro
de Lanusa, President de ce Parlement, il fit mettre
au bas de sa Statuë, Allano Arragon, comme si c’estoit
la plus belle action de sa vie : mais cette inscription
pourroit bien renuerser ses Statuts. Ses
Successeurs ont perdu le Portugal & le Comté de
Roussillon, parce qu’ils ont voulu traitter les sujets
en esclaues, & qu’ils vouloient introduire ce desordre
parmy les gens de Guerre, de viure par tout à
discretion.   II. De la Discussion de cette controuerse, nous
pouuons tirer aisément la Decision de la suiuante,
dans laquelle il est demandé si la Royauté est au
dessus des Loix. A quoy ie responds que la Royauté
estant vne puissance Souueraine, ayant pour fin
& pour object le bien de l’Estat, ie dis qu’elle est
par dessus les Loix, estant attachée à la premiere
Loy, qui est le salut du Public, comme il est dit
dans les douze Tables, Salus populi suprema lex. Ie
sçay bien que les plus sages Empereurs ont fait
gloire d’obeïr aux Loix. Gloriosius est, disoit Antonin,
legibus obedire quam hominibus imperare,
Il est plus glorieux d’obeïr aux Loix que de commander
aux hommes. Mais on peut dire que cette
obeïssance estoit de bien seance, & non pas vn deuoir.
Disons aussi que la Iurisprudence reconnoist trois sortes de Loix, dont les vnes sont naturelles
les autres Politiques & Ciuiles, & les autres Penales.
Et que les Roys ne sont point suiects aux
Loix Ciuiles & Penales, mais bien aux Loix naturelles
ou à celles qui concernent le bien de tout
l’Estat en general. La Loy n’estant autre chose
que la raison qui monstre ce que l’on doit faire,
tant sans faut que ce soit affoiblir la Royauté que
de l’assuiettir aux Loix, qu’au contraire c’est autant
outrager le Prince que les suiects, que de maintenir
qu’il n’est Souuerain que lors qu’il est irraisonnable,
& que ceux cy pour estre des bõs suiets
doiuent rendre vne obeissance aueugle, & se laisser
mener comme de bestes. Vn Roy Chrestien ne
peut penser qu’il soit par dessus la Loy de Dieu.
Nous ne voulons point assuiettir sa Maiesté à
d’autres Loix, qu’à celles que Dieu a escript de ses
doigts sur les deux Tables. Nous dirons apres
Sainct Augustin, qu’il fasse tout ce qu’il lui plaira,
& qu’il aime Dieu, Deum ama & fac quod volueris.
Que si cette Theologie n’est pas la bien venuë à
la Cour, & qu’on y reçoiue plustost quelque maxime
d’Estat, disons auec Machiauel, qu’vn Prince
peut faire tout ce qu’il lui plaira, pourueu qu’il ne
despoüille point ses suiets de leurs biens & de leur
honneur, tout lui est permis ; quelque insuffisance
qu’il ait pour le gouuernement, il n’en sera iamais
depossedé. Mais s’il viole les Loix fondamentales
de son Estat, s’il despoüille ses sujets de leurs biẽs,
son Throne ne sera iamais asseuré. Samuël escriuit
premierement vn Liure, auquel il mit les Loix selon
lesquelles le Royaume d’Israel deuoit estre
gouuerné, & puis il oignit Saul pour Roy, & l’obligea
lui & ses Successeurs de prendre de ces sacrez
Cayers la forme de leur gouuernement.   III. Quand à la troisiesme Question, dans laquelle
il est proposé si le peuple ou les Estats generaux
qui le representent sont par dessus le Roy, il
se trouue deux opinions cõtraires, lesquelles nous
tacherons d’accorder, la premiere dit que les Rois
ayant esté ordõnez de Dieu, ou choisis par les peuples,
ou intrus dans le gouuernement pour deffendre
les suiets contre les ennemis & pour leur
administrer la Iustice, ils ne sont que comme les
Officiers de Dieu, ou comme des moyens & des
instrumens pour paruenir à la fin de la societé Ciuile,
qui est de rendre les hommes heureux, & par
ainsi la fin estant par dessus les moyens, il demeure
euident que le Roy est au dessous des peuples, puis
que son authorité regarde leur felicité comme sa
propre fin, ils alleguent encore ces paroles qui se
trouuent dans les plus anciennes Panchartes, où se
trouuent les institutions des Rois, & les Loix fondamentales
des Royaumes, à sçauoir que le Prince est plus qu’vn chacun en particulier mais moins
que tous en general. Maior singulis Minor vniuersis.
2. Ils disent que les Roys n’õt esté legitimes qu’apres
qu’ils ont esté receus par le consentement des
Peuples, & que mesme souuent ils ont esté depossedez
par leurs sujects lors qu’ils ont esté trouuez
incapables de Gouuerner. Autremẽt ceux qui sont
maintenãt assis sur le Throsne ne pourroient estre
les legitimes Monarques. Il faut aussi que les Roys
tiennẽt leur puissance ou deux mesmes, c’est à dire
qu’elle ne releue que de leur espée ou des peuples ;
s’ils la tiennent de leur espée, & que la force leur
ait donné cét authorité, les Peuples pretendent
ayant la force d’auoir le mesme droict de les deposseder,
parce que, vim vi repellere licet, & se seruent
aussi de cette Loy, quo quisque erga alterum iure
vtitur eodem & ipse iure vtatur. Quelques-vns
aussi alleguent que quand vn seruiteur contestoit
sa liberté contre son Maistre, les Loix ordõnoient
que pendant le procez il estoit censé libre, & par
ainsi les Peuples estant en contestation de l’authorité
de leur Souuerain, doiuent estre censez pendant
la contestation, comme n’estant point sujects.   Neantmoins ie maintiens que le Roy formaliter
est par dessus le Peuple. Ie prends icy l’authorité
Royale, & ses interests non comme opposez à ceux du Peuple, car ce n’est plus Royauté lors
qu’il y a de l’opposition où contrarieté de l’vn à
l’autre. Car alors cette Reigle doit venir en pratique,
salus populi suprema lex. Mais ie prends la
Royauté dans son essence, & le Prince comme reuestu
d’vne haute Sagesse, qui le releue par dessus
tous. Le Souuerain donc reuestu des vertus Royalles
doit estre consideré cõme l’ame du corps Politique
qui luy donne l’estre & le mouuement, de
façon que les Estats Generaux n’estãt qu’vn corps
organisé pour ainsi dire ne peuuẽt estre par dessus
le Roy. Mais si le Monarque est d’estitué des vertus
Royalles, & qu’il se trouue dans l’impuissance
de faire sa charge ou qu’il s’en serue sans cause legitime
contre ses sujects, c’est alors aux Princes &
Magistrats ou bien aux Estats Generaux de remedier
à ce deffaut. Ainsi les enfans ont droict d’arrester
la fureur de leur Pere lors qu’il se sert de l’authorité
paternelle pour les ruiner ou pour les destruire.
On ne doit point laisser l’espée entre les
mains d’vn furieux. Aussi plusieurs peuples qui sõt
sous le Gouuernement Monarchique, ont tellement
pourueu à la seureté de leurs Loix qu’ils
n’ont rien à craindre. Le Souuerain ne peut leuer
ny argent ny hommes sans le consentement de
ceux qui ont interest à la conseruation de l’Estat &
auec cela tout est en repos.   IV. Il reste maintenant à conclure tout ce discours
par la Discusion & Decision de la derniere
controuerse, laquelle est & la plus importante & la
plus difficile à resoudre. Selon les Loix & Coustumes
de nostre Royaume, il n’y peut auoir de Regẽt
que dans trois occurrences. La premiere pendant
la Minorité du Roy, le deffaut de l’aage ne lui donnant
que le droict de l’authorité Souueraine, &
l’vsage deuant estre à vn autre qui sçache commãder,
Sapientis est imperare. La seconde est vne maladie
qui priue pour tousiours le Monarque de l’vsage
de la raison, comme il arriua à Charles VI. lequel
allant faire la guerre contre le Duc de Bretagne,
fut surpris d’vne fievre chaude qui le mit au
lict, & lui laissa vne manie qui le rendit incapable
du Gouuernement. La troisiesme est l’esloignement
du Prince ou volontaire, cõme quand Louys
IX. entreprit le voyage de la terre Saincte, ayant
laissé le Gouuernement entre les mains de sa mere
la Royne Blanche, ou inuolontaire, comme durant
la prison du Roy Iean & de François I. Or graces
au bon Dieu, nostre Monarque n’a aucun de ces
trois empeschemens. Il est Majeur, il est sain de
corps & d’esprit, il est au milieu de son Royaume ?
& neantmoins on n’a pas laissé de proposer au Parlement
s’il falloit faire vn Regent ou vn Lieutenãt
de Roy. Cette proposition a esté d’abord rebutée Pourquoy ? parce que la pluspart de nos Senateurs
craignent, & les autres sont plus portez pour leur
interest que pour celuy de l’Estat. Ie veux biẽ que
suiuant les Loix ordinaires on ne puisse point faire
de Regent ou de Lieutenant de Roy, mais neantmoins
dãs l’Estat ou nous sommes à present, i’estime
que le salut du public qui est la souueraine Loy
le permet & l’ordonne. La Morale reconnoist outre
la Iustice, l’Epikeje pour reigler les actions humaines
dans des accidens ausquels la Loi n’a point
pourueu. Qui doute que dans le desordre ou se
trouue maintenant l’Estat de la France, que les
Estats ou les Parlemẽs ne puissent créer vn Regent
ou Lieutenant du Roy, puis que sa Maiesté est entre
les mains d’vn Estranger qui luy fait faire la
guerre cõtre ses Princes, ses Magistrats & son Peuple ?
On peut dire qu’il y a de la manie en ceux qui
gouuernent la ieunesse du Roy & qu’ainsi le bien
de l’Estat, le seruice du Roy, la tranquillité publique
semblent donner la Regence ou la Lieutenãce
à S. A. R. qui peut par sa haute sagesse remettre la
France dans son premier esclat, l’authorité du Roy
n’en sera point pour cele diminuée. Les Iurisconsultes
disent que, Iura sunt indiuisa, que les droicts
ne se peuuent pas partager. Et ainsi l’authorité
Royale restera toute entiere dans le Monarque.
Les mesmes Iurisconsultes disent que, is possidet cuius
nomine possidetur. Celuy là est le seul possesseur
au nom duquel on tient la possession. Tout se faisant
au nom du Roy, sous l’authorité & commandement
du Duc d’Orleans, rien ne se trouuera alteré
quand à l’authorité Souueraine. Mais auant
toutes choses, il faudroit aller retirer d’entre les
mains de ce Sicilien nostre Monarque, faisant mettre
tout Paris en armes, & puis on pouruoiroit au
reste.  

FIN.

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Occurrence 7. Anonyme. ADVERTISSEMENT DONNÉ A MONSIEVR LE PRINCE... (1652) chez Halline (Gilles de) à Paris , 16 pages. Langue : français. Avec permission.. Référence RIM : M2_33 ; cote locale : B_7_35. Texte édité par Morvan Perroncel (La page 4 est illisible (trop sombre, encrage défectueux, etc.). Il conviendrait d'en récupérer le texte sur un autre exemplaire.). le 2012-12-02 09:28:49. Et on tua le veau gras au retour de l’enfant prodigue : mais quand on veut noyer son chien on luy arrache
la rage.   Vous dites que Monsieur le Prince s’attaque aux Gouuerneurs
pour regner : cette raison seule, sans les ressentimens
communs de vos injustices, fait euidemment reconnoistre
le plaisir que vous auez de regner : Et que vos si furieuses
émeutes ne procedent, que de la crainte de sortir de
ce gouuernement si absolut, qui vous fait persecuter les
Princes : par la force duquel, plus que par l’authorité de la
Reine, vous auez tellement ruiné le fond des finances,
qu’en ayant totalement épuisé le dernier quartier de l’année
passée, vous fustes prest par le diuertïssement des deniers
du peuple, d’émouuoir vne sedition par toute la Ville,
qui eust esté suiuie du reste de la France. Et si telles
plaintes n’en sont venuë du temps du deffunt Roy : C’est
que la cause n’en estant née, elle n’en pouuoit produire
d’effet ny de sujet. Ce grand Roy estoit vrayement François, & qui trauerse
par tant d’années des ruses Siciliennes, en auoit découuert
& tellement rompu les desseins, qu’a peine en auoit-on
la memoire. Il auoit par les rudes assauts de sa diuerse
fortune, si parfaitement acquis la connoissance de ses affaires,
qu’il n’en a iamais eu autre Gouuerneur que luy-mesme.
Mais comme vn bon Musicien qui sçait de differentes
voix, composer les accords d’vne douce armonie, & comme
vn jardinier expert, cueillir les roses sur les espines. Il
sçauoit prendre vne bonne resolution des differents conseils,
& tirer vn bon sens des mauuaises opinions. Tous les
mouuemens de cette Monarchie auoient bien d’autres contrepoids
qu’ils n’ont aujourd’huy. La Reine ne tient pas
comme vous dites cette place, elle est trop prudente pour
le presumer : Elle n’est pas ignorante de cette loy Salicque
qui interdit les femmes de la Royauté. Elle a bien entre ses
mains le principal Gouuernement de l’Estat, que vous luy
auez persuadé absolut, tant qu’il a tourné à vostre profit.
Mais Dieu qui iuge de ses droites intẽtions, a bien fait recõnoistre
que si de son tẽps toutes choses n’ont esté si vtilemẽt administrées que sa tutelle Regence le desitẽt pour bien public,
contentemẽs des grãds, seureté & repos des subjets.   Elle n’en est la cause : mais vous qui faisant sonner si haut
le rabais du sel par vostre entremise, en prenez dix fois autant.
On remet d’vne main au peuple plusieurs imposts, &
d’vne autre main on les leue à vostre profit, souz le nom du
Roy par des Commissions secrettes & particulieres. Vous
amusez les simples, par vos glorieuses vanteries d’auoir fort
bien gouuerné l’Estat : Mais y a il iamais eu de Regne, ou la
Iustice ait plus esté opprimée, par toutes sortes d’euocatiõs &
interdictions. On esleue la Iurisdiction du Preuost de l’Hostel
à la diminution des autres, pour estouffer tous genres de
crimes, au scandale de la France. Vous mesmes dites que les
Officiers font des rapines, mais où sont ceux que vous auez
faict punir ; A-il este veu aux temps passez des pensionnaires
du Clergé des associez des partisans tenir des premieres
charges ; A il esté prins des hardiesse d’establir des imposts
sur le seau & contraindre les subiects du Roy a prendre des
Officiers imaginaires, pour en tirer vn million de liures ? A-il
esté du temps du feu Roy verifié en la Chambre des Comptes,
des dons de cent soixante, & de trente mil liures, quasi
tous les ans pour les Gouuerneurs d’Estat. Mais ces remarques
& autres plus pregnantes encore, que l’on pourroit
apporter, vous sont dire que c’est borner la puissance des
Roys que de controler leurs liberalitez, & d’y vouloir mettre
des bornes, c’est les priuer d’estre Rois. Ce crime de leze
Majesté n’a point esté commis en vostre temps, le Roy a eu
trop peu de pouuoir sur ses finances, pour en faire liberalité.
C’est aussi vne ruse trop peu artificielle de parler de luy, puis
qu’il n’y a pas iusques aux petits artisans, qui ne sçachent que
le Roy n’a le pouuoir d’employer vn escu en aumosnes des
pauures. Vous luy monstrez bien qu’il n’est pas en aage d’ordonner
de ses finances : C’est vous qui en disposez comme
il vous plaist, à vostre profit & des vostres, soubs l’authorité
de nostre bonne Reine. Et toutes fois apres tant de bienfaits,
vous l’accusez vous mesmes, en disant que ce n’est pas
Monsieur le Prince, qui la peut accuser d’auoir espuisé les finances du Roy, & d’estre venuë a vne necessité d’en exiger
d’autres sur le peuple, & en se faisant faire tort à beaucoup
pour en obliger bien peu.   C’est faire griefuement sentir les traicts de vostre ingratitude,
& monstrer fort appertement que vous n’en voulez
pas seulement à Monsieur le Prince, mais à toute la maison :
Puis qu’ayant voulu blesser la renommée du deffunct Roy,
par le reproche du Duc de Bourbon, vous attaquez encore
la Reine par cette accusation de mauuais mesnage. Chacun
sçait bien que les finances du Roy n’appartiennent point à la
Reine, & qu’elle est de trop bonne conscience pour mal-
vser du bien d’autruy. Elle a le bien du Roy en main, pour en
vser tres bien comme elle faict. Et sa particuliere œconomie,
pour en faire ce qu’il luy plaist, sans subjection d’en
rendre compte à personne. Ce n’est pas aussi d’elle que la
plainte est faicte : mais de vous, qui causez la necessité. On
ne s’ad dresse point au Roy ny à la Reine, comme vous
dittes, dont l’vn n’a l’aage de disposer, ny l’autre la volonté
d’abuser. Mais à vous, Mazarin, qui trop licentieusement
ordonnez de toutes choses soubs leurs noms. En telle occurrence
de desordres on ne s’est point au temps passé addressé
aux Rois, qui ne veulent iamais que le iuste, mais aux
Gouuerneurs, qui déguisans la verité de toutes sortes de
masques, surprennent la pieuse creance & volonté de leurs
maistres. Ainsi que le témoignent les Ordonnances de ce
Royaume, qui enjoignent si expressément aux Iuges de n’auoir
aucun égard a plusieurs Lettres & Edicts, comme obtenus
par importunitez & surprises. Et les Histoires qui racontent
les punitions d’vn Remy, d’vn Pierre de la Bresche,
Enguerrand de Marigny, Landais, Montagu, Samblancey,
& autres Gouuerneurs des affaires d’Estat.

FIN.

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Occurrence 8. . Et on tua le veau gras au retour de l’enfant prodigue : mais quand on veut noyer son chien on luy arrache
la rage.   Vous dites que Monsieur le Prince s’attaque aux Gouuerneurs
pour regner : cette raison seule, sans les ressentimens
communs de vos injustices, fait euidemment reconnoistre
le plaisir que vous auez de regner : Et que vos si furieuses
émeutes ne procedent, que de la crainte de sortir de
ce gouuernement si absolut, qui vous fait persecuter les
Princes : par la force duquel, plus que par l’authorité de la
Reine, vous auez tellement ruiné le fond des finances,
qu’en ayant totalement épuisé le dernier quartier de l’année
passée, vous fustes prest par le diuertïssement des deniers
du peuple, d’émouuoir vne sedition par toute la Ville,
qui eust esté suiuie du reste de la France. Et si telles
plaintes n’en sont venuë du temps du deffunt Roy : C’est
que la cause n’en estant née, elle n’en pouuoit produire
d’effet ny de sujet. Ce grand Roy estoit vrayement François, & qui trauerse
par tant d’années des ruses Siciliennes, en auoit découuert
& tellement rompu les desseins, qu’a peine en auoit-on
la memoire. Il auoit par les rudes assauts de sa diuerse
fortune, si parfaitement acquis la connoissance de ses affaires,
qu’il n’en a iamais eu autre Gouuerneur que luy-mesme.
Mais comme vn bon Musicien qui sçait de differentes
voix, composer les accords d’vne douce armonie, & comme
vn jardinier expert, cueillir les roses sur les espines. Il
sçauoit prendre vne bonne resolution des differents conseils,
& tirer vn bon sens des mauuaises opinions. Tous les
mouuemens de cette Monarchie auoient bien d’autres contrepoids
qu’ils n’ont aujourd’huy. La Reine ne tient pas
comme vous dites cette place, elle est trop prudente pour
le presumer : Elle n’est pas ignorante de cette loy Salicque
qui interdit les femmes de la Royauté. Elle a bien entre ses
mains le principal Gouuernement de l’Estat, que vous luy
auez persuadé absolut, tant qu’il a tourné à vostre profit.
Mais Dieu qui iuge de ses droites intẽtions, a bien fait recõnoistre
que si de son tẽps toutes choses n’ont esté si vtilemẽt administrées que sa tutelle Regence le desitẽt pour bien public,
contentemẽs des grãds, seureté & repos des subjets.   Elle n’en est la cause : mais vous qui faisant sonner si haut
le rabais du sel par vostre entremise, en prenez dix fois autant.
On remet d’vne main au peuple plusieurs imposts, &
d’vne autre main on les leue à vostre profit, souz le nom du
Roy par des Commissions secrettes & particulieres. Vous
amusez les simples, par vos glorieuses vanteries d’auoir fort
bien gouuerné l’Estat : Mais y a il iamais eu de Regne, ou la
Iustice ait plus esté opprimée, par toutes sortes d’euocatiõs &
interdictions. On esleue la Iurisdiction du Preuost de l’Hostel
à la diminution des autres, pour estouffer tous genres de
crimes, au scandale de la France. Vous mesmes dites que les
Officiers font des rapines, mais où sont ceux que vous auez
faict punir ; A-il este veu aux temps passez des pensionnaires
du Clergé des associez des partisans tenir des premieres
charges ; A il esté prins des hardiesse d’establir des imposts
sur le seau & contraindre les subiects du Roy a prendre des
Officiers imaginaires, pour en tirer vn million de liures ? A-il
esté du temps du feu Roy verifié en la Chambre des Comptes,
des dons de cent soixante, & de trente mil liures, quasi
tous les ans pour les Gouuerneurs d’Estat. Mais ces remarques
& autres plus pregnantes encore, que l’on pourroit
apporter, vous sont dire que c’est borner la puissance des
Roys que de controler leurs liberalitez, & d’y vouloir mettre
des bornes, c’est les priuer d’estre Rois. Ce crime de leze
Majesté n’a point esté commis en vostre temps, le Roy a eu
trop peu de pouuoir sur ses finances, pour en faire liberalité.
C’est aussi vne ruse trop peu artificielle de parler de luy, puis
qu’il n’y a pas iusques aux petits artisans, qui ne sçachent que
le Roy n’a le pouuoir d’employer vn escu en aumosnes des
pauures. Vous luy monstrez bien qu’il n’est pas en aage d’ordonner
de ses finances : C’est vous qui en disposez comme
il vous plaist, à vostre profit & des vostres, soubs l’authorité
de nostre bonne Reine. Et toutes fois apres tant de bienfaits,
vous l’accusez vous mesmes, en disant que ce n’est pas
Monsieur le Prince, qui la peut accuser d’auoir espuisé les finances du Roy, & d’estre venuë a vne necessité d’en exiger
d’autres sur le peuple, & en se faisant faire tort à beaucoup
pour en obliger bien peu.   C’est faire griefuement sentir les traicts de vostre ingratitude,
& monstrer fort appertement que vous n’en voulez
pas seulement à Monsieur le Prince, mais à toute la maison :
Puis qu’ayant voulu blesser la renommée du deffunct Roy,
par le reproche du Duc de Bourbon, vous attaquez encore
la Reine par cette accusation de mauuais mesnage. Chacun
sçait bien que les finances du Roy n’appartiennent point à la
Reine, & qu’elle est de trop bonne conscience pour mal-
vser du bien d’autruy. Elle a le bien du Roy en main, pour en
vser tres bien comme elle faict. Et sa particuliere œconomie,
pour en faire ce qu’il luy plaist, sans subjection d’en
rendre compte à personne. Ce n’est pas aussi d’elle que la
plainte est faicte : mais de vous, qui causez la necessité. On
ne s’ad dresse point au Roy ny à la Reine, comme vous
dittes, dont l’vn n’a l’aage de disposer, ny l’autre la volonté
d’abuser. Mais à vous, Mazarin, qui trop licentieusement
ordonnez de toutes choses soubs leurs noms. En telle occurrence
de desordres on ne s’est point au temps passé addressé
aux Rois, qui ne veulent iamais que le iuste, mais aux
Gouuerneurs, qui déguisans la verité de toutes sortes de
masques, surprennent la pieuse creance & volonté de leurs
maistres. Ainsi que le témoignent les Ordonnances de ce
Royaume, qui enjoignent si expressément aux Iuges de n’auoir
aucun égard a plusieurs Lettres & Edicts, comme obtenus
par importunitez & surprises. Et les Histoires qui racontent
les punitions d’vn Remy, d’vn Pierre de la Bresche,
Enguerrand de Marigny, Landais, Montagu, Samblancey,
& autres Gouuerneurs des affaires d’Estat.

FIN.

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Occurrence 9. Anonyme. LE POLITIQVE VNIVERSEL, OV BRIEVE ET ABSOLVE... (1652 [?]) chez [s. n.] à [s. l.] , 39 pages. Langue : français. Partie 1. Voir aussi B_17_31 (partie 2), B_17_32 (partie 3) et B_17_33 (partie 4). Référence RIM : M0_2818 ; cote locale : B_17_30. le 2013-10-06 17:12:40.

y trauaille)
quelle forme de gouuernement est la plus vtile
aux peuples, ou la Monarchie, ou l’Aristocratie,
ou la Democratie, Solon, Licurge, Demosthenes,
& Ciceron sont pour l’Aristocratie :
Dion, Eufrates, Othanes, Hermicius, & Polidamus,
sont pour la Democratie : & Platon,
Aristote, Apollonius, S. Hierosme, S. Ciprien
& plusieurs autres, sont pour la Monarchie. Il est vray que cette puissance, qui ne differe
en quoy que ce soit, ny de la naturelle, ny de
la surnaturelle, passera tousiours pour la plus noble & pour la plus excellente, parmy les
plus grands Politiques de toute la terre habitable.
Mais il faut confesser aussi que si le gouuernement
Monarchique est le seul conforme
à celuy de Dieu, & qu’il soit le seul tiré apres le
naturel d’vn original infaillible, qu’il est aussi
le plus glissant de tous, & celuy duquel il arriue
plus de mal heurs dans l’Estat, quand le Prince
ou le Ministre qui conduit les affaires de la
Monarchie, sont tant soit peu portez au mal.
Car par ce moyen la les peuples sont à la merci
de certaines puissances, qui sçachant parfaitement
bien que leurs crimes seront impunis, &
que personne du monde ne leur ozeroit contredire,
ne font pas conscience d’establir le
throsne de leur ambition demesurée, sur la ruine
des subjets, & quelquefois sur la perte generale
de toute la Monarchie.   Si peu que cette puissance Souueraine se
porte à mal-faire, l’on ne void que des deluges
de sang & de flamme sur toute la surface de
l’Estat ; des meurtres, des vols, des sacrileges,
& des impietez, aux quatre coins & au milieu
de l’Empire. C’est pourquoy, pour tenir le
Prince & ses fauoris en estat de ne pas causer
tous ces desordres, & pour empescher que ce
gouuernement Monarchique, ne se porte à
tant de mal-heurs, ie trouue qu’il est tres-necessaire d’establir sous l’authorité de ce Souuerain
vne forme de gouuernement Aristocratique,
par le moyen d’vn bon Conseil composé
des plus gens de bien de tout le Royaume ;
parce que c’est là où les voix & les suffrages
des vns & des autres sont également considerez,
sans apprehention de desobliger vn
Ministre d’Estat, ainsi que ie le feray voir
à la huictiesme & neufiesme Question de la
suitte que ie donneray, à ce que ie vous offre
desia par auance de trante autre. Questions
que ie veux faire voir au public sur des matieres
de cette nature.   Il faut veritablement que l’Estat soit Monarchique
pour l’ordre qui se raporte à l’vnité ;
car si vous considerez l’Vniuers tout entier,
vous y verrez vne souueraine & vniuerselle
puissance, de laquelle toutes les autres de pendent :
si vous le diuisez en Royaumes, en Empires,
ou en Principautez, vous y trouuerez en
chacune vn Souuerain qui leur con mande. Il
n’y a pas vne famille dans tout l’Vniuers qui
n’ait vn chef à qui elle doit toute sorte d’obeïssance
Mais l’administration de ce mesme
Estat, il faut necessairement pour bien faire,
qu’elle soit Aristocratique : qui n’est autre chose
que conduire & deliberer les affaires de la
Monarchie par les plus nobles, par les plus riches, par les plus sages, & par les plus anciens
du Royaume, afin que le Roy ou le Fauory, ne
puissent rien faire par ignorance, par passion,
par malice, ou par complaisance, ny contre
l’Estat, ny contre le peuple.   C’est pourquoy on assembloit autrefois les
Estats, & nos premiers Roys auoient accoustumé
de les conuoquer souuent afin de remedier
par ce moyen la aux desordres de la Couronne.
Ce n’estoit ny vn Fauory, ny vn premier
Ministre qui disposoient des affaires à leur
fantaisie pour voler le public & rendre le gouuernement
Monarchique. C’estoit par leur
moyen que le Roy demandoit du secours à ses
peuples, ou du monde, ou d’argent, quand il
en auoit besoin : qu’il donnoit ordre aux gens
de guerre, aux appanages des enfans de France
& au gouuernement du Royaume, & non
pas par le ministere d’vn Conseil, qui n’est qu’ẽ
la teste d’vn seul Fauory qui disposent du bien
des charges, de l’honneur & des dignitez de la
Couronne comme bon luy semble. Et quoy
qu’en puisse dire les ennemis de cette forme de
gouuernement, la France n’a iamais esté
que dans les guerres Ciuiles & dans les diuisions
depuis qu’on a negligé de tenir les Estats
en France. & si le gouuernement de ce Royaume
n’est conduit par cette façon d’agir, ou par vn Conseil composé des trois Estats, ou
tous les ministres ayent vne egale puissance, ie
ne croy pas que l’Estat puisse subsister encore
plusieurs années.   Si tost que le gouuernement de l’Empire
Romain fut retiré de l’administration des trois
Estats, & que la puissance de tout faire fut mise
entre les mains d’vn seul Monarque, l’Empire
commença de chanceler, & il ne trouua sa fin
que par la conduite d’vn Souuerain qui ne le
vouloit regir qu’à sa fantaisie, & selon les pernicieuses
intentions d’vn premier Ministre.
C’est pourquoy il est necessaire que si l’Estat
est Monarchique que le gouuernement soit
Aristocratique, conduit par vn nombre de Ministres
pris dans les trois Estats, & des plus
gens de bien de tout le Royaume, à qui l’on
donnera vne egale puissance, afin d’empescher
qu’vn chef trop penché au desir de regner
n’emporte le reste du corps dans le principe
de son ambition demesurée. Heliogabale, Maximian,
Tybere & plusieurs autres ne sont que
des exemples trop pressans sur ces matieres.
Quand on repassera vn peu les yeux sur les
tyrannies & sur les cruautez que ces indignes
Souuerains ont exercées sur leurs subiets, faute
d’vn bon conseil, & d’vn bon gouuernement
Aristocratique pour refrener l’insolence de ces demons incarnés, l’on trouuera que si l’Estat
doit estre Monarchique pour l’ordre & pour
l’execution, que le gouuernement doit estre
Aristocratique pour le Conseil, pour l’administration,
pour les constitutions, & pour
la solidite de la prouidence.   QVESTION VI. Sçauoir si les Roys doiuent auoir des
Fauoris. C’EST mettre icy vne question sur le tapis
qui paroist estre sans aucune difficulté
& tres inutile de la placer au rang des autres.
Car en vertu dequoy sçauroit-on priuer
vn Souuerain à qui toutes choses semblent
estre permises d’auoir vn Fauory pour se diuertir,
ou pour luy seruir d’vn autre Atlas à
luy aider à porter la pesanteur des affaires de
sa Monarchie ? A moins que de le vouloir
mettre au nombre des esclaues, il me semble
que cela ne luy peut pas estre dénie, &
que comme Souuerain independant de la
part des hommes, principallement en ces
choses là il peut absolument disposer de ses
volontez, de mesme que le reste de ses peuples. Mais aussi quand ie considere d’vn autre
coste, qu’il y va de l’education du Souuerain,
du salut de l’Estat, & vniuersellement de tout
le bien public, ie songe qu’on n’a pas mauuaise
raison d’y trouuer à redire. Vn Fauory à
moins que d’estre éleu de Dieu, peut inspirer
des pernicieux desseins au Souuerain, & le porter
à l’entiere ruine de toute sa Monarchie. S’est-il iamais veu Fauory, qui n’ait absolument
abusé des graces de son Maistre ? Cinna
Mignon de Cesar Auguste, ne conspira t’il pas
contre ce grand Prince, apres l’auoir comble
de biens, & apres luy auoir sauué la vie, tant
l’ame des Fauoris est pernicieuse à ceux mesmes
de qui ils reçoiuent des graces toutes extraordinaires ?
Seianus, Fauory de Tybere, que
ne fit il pas contre ce grand Monarque, & contre
le peuple de Rome, qui l’auoient eleué dans
des charges & dans des honneurs incroyables ?
Ne voulut-il pas attenter sur la vie de son Souuerain ?
& ne bastit-il pas sa prodigieuse grandeur
sur les ruines de l’Empire ? Et Mazarin,
sans nommer le Mareschal d’Ancre, ny le Cardinal
de Richelieu, ny vn nombre infiny d’autres
pernicieux Fauoris, dont les Histoires sont
toutes remplies. N’a t’il pas mis le Roy, le
peuple & l’estat sur le peu chant de leur perte,
pour establir sa fortune ? Et apres cela doit on conclure que les Roys ayent des Fauoris, veu
qu’ils sont si traistres à leurs Souuerains, si funestes
à l’Estat, & si tyrans à tous les peuples du
monde.   Si les Roys n’auoient que des inclinations
moderées. & des liberalitez vn peu raisonnables
pour ces sangsuës publiques, que tous les
Fauoris fussent gens de bien, c’est à dire, qu’ils
fussent sans orgueil, sans ambition, & sans flaterie,
la question se pourroit resoudre en leur
faueur : mais ces grandes & ces sublimes qualitez
ne se trouuent que par miracle en des personnes
de leur sorte. Ils ne suscitent les Souuerains
qu’à s’armer les vns contre les autres,
pour triompher de nos dépoüilles. Ce sont les
instrumens dont les ennemis de l’Estat se seruent
ordinairement, lors qu’ils veulent consacrer
les Prouinces estrangeres à leur ambition
demesurée : Autant de Fauoris dans vn
Estat, autant de pensionnaires de ceux qui ont
dessein de l’enuahir, ou de l’accabler de guerres
ciuilles. Et quoy que le Cardinal de Richelieu
fust veritablement exempt d’vne si
noire perfidie, il ne laissa pas, de simple Cadet
qu’il estoit, de vouloir estre Cardinal, Duc &
Pair de France, Grand Maistre & Surintendant
general de la Nauigation & Commerce du
Royaume, Lieutenant general pour le Roy en Bretagne, de chasser la Reyne Mere Marie d
Medicis sa bonne Maistresse, & les premiers
Princes du Sang de l’Estat, & de declarer la
guerre aux deux plus grandes Puissances de
l’Europe, afin de se maintenir dans le gouuernement
absolu qu’il auoit vsurpé à Louis le
Iuste.   Et pour demeurer tousiours dans les exemples
de nostre temps, Mazarin, pour les deportemens
duquel toute la France est sur le
penchant de sa ruine, abusant de la trop grande
& trop funeste confiance que la Reyne
prend en luy, quoy que de tres bas lieu, ne
s’est il pas emparé de la personne du Roy, sous
vn nouueau titre de l’éducation Royale ? Ne
s’est il pas approprié tous les tresors de l’Estat ?
N’a t’il pas empesché la Paix pour profiter de
nos malheurs ? & n’a t’il pas fait la guerre aux
Princes du Sang pour mettre sa tyrannie à couuert
de la iustice de leurs armes. Il est certain que si le Roy estoit aussi fidellement
seruy de ses Fauoris, qu’il en est trahy,
qu’il en pourroit auoir tousiours auprés de sa
personne : mais comme sa Maiesté, par vne
bonté trop funeste à ses Estats, donne vne trop
grande liberté à des miserables Antropophages
qui aiment mieux accroistre leur fortune,
que la gloire du Roy, ny les bornes de sa Couronne ; en vn mot, qui sont si auares, & si peu
fideles qu’vn Mazarin, qui n’a iamais voulu
faire la Paix, afin d’auoir vn pretexte à voler
toutes nos finances : ie ne trouue pas qu’il soit
fort à propos qu’on luy en doiue donner, attendu
les grands malheurs qu’ils causent à l’Estat
& aux peuples. Son Altesse Royale, les
Princes du Sang, les Officiers de la Couronne,
& le Parlement de Paris, qui tous ensemble
sont chargez du gouuernement du Royaume,
ont droict de s’y opposer, en tout temps, en
toute saison, & en quel âge que le Roy puisse
estre Le salut du peuple doit estre preferé à
toutes les volontez des Princes.   QVESTION VII. Sçauoir si les Fauoris doiuent entrer dans le
Conseil, pour connoistre & pour gouuerner
les affaires. S’IL est tres-dangereux aux Roys d’auoir
des Fauoris, ie trouue qu’il est encore
bien plus dangereux (quand ils en ont) de
souffrir qu’ils entrent dans le Conseil, & qu’ils
prennent le gouuernement des affaires : Appuyez
de la faueur du Souuerain, ils se rendent
si insolens, & si temeraires, qu a moins de faire ployer toutes les puissances de l’Estat sous le
moindre de leurs commandemens, leur satisfaction
ne peut pas estre pleinement assouuie.   Mais à qui est-ce que les Roys se doiuent le
plus confier qu’à ceux qu’ils ont tirez du neant
& qu’ils ont esleuez au plus haut faiste de la
fortune ? sur la foy de qui est-ce qu’ils se peuuent
plus seurement reposer que sur celle de
ceux qu’ils ont comblez de thresors, de charges
de dignitez, de grandeurs, & de toutes
les felicitez que l’homme sçauroit desirer icy
bas sur la terre Si les biens faits n’ont pas des
charmes assez puissans pour attacher dignemens
vn seruiteur aux interrests de son maistre,
ie ne croy pas qu’il soit licite d’en attendre
d’ailleurs, n’y desperer qu’il puisse viure
parmy ses subjets, dans vne parfaite asseurance. Nous voyons apparemment que les tygres,
les Pantheres & les Ours, quelques feroces
qu’ils puissent estre, ne laissent pas d’auoir de
l’amour & de la fidelité pour ceux qui leur
rendent quelque seruice. L’exemple d’Androde
de Dace suffit pour conuaincre ceux
qui auroient quelque repugnance a croire
vne chose si veritable. Il ne faut pas estre fort sçauant aux affaires
d’Estat, pour ne pas sçauoir que ces sangsuës publiques n’entretiennent iamais la guerre
dans vne Monarchie, qu à dessein de faire
des leuées extraordinaires & excessiues de deniers
sur tous les subjets du Souuerain, afin
de s’enrichir de ses sommes immenses quelles
leuent de toutes parts, en sucçent le pauure
peuple iusques au sang, & en faisant mourir
vn nombre infiny de pauure innocens d’vne
estrange famine. Le Cardinal de Richelieu ne
fit il pas bastir vne ville & vne maison qui contiennent
les plus riches & les plus superbes
dépoüilles de toute cette pauure Monarchie ?
sans compter plus d’vn million de liures de reuenu
qu’il a laissé, ou à ses nepueux ou à sa niepce,
ny les prodigieuses despenses qu’il a faites
durant son regne. Et Mazarin suiuant les
traces de son illustre Coriphée, n’a t’il pas enleué
tous les tresors de l’Estat, & placé la bassesse
de sa condition sur la plus haute fortune
des hommes ? Et pourquoy cela ? parce que ce
sont des fauoris qui sont entrez dans le Conseil,
pour s’emparer du gouuernement des affaires
de France. Voyez apres cela de grace, si
les trois Estats ont droit de s’opposer à la prodigieuse
ambition de ces tyrans, & aux malheurs
qu’ils causent à toute sortes de personnes.   Pourquoy souffrir des choses iniustes, toute sorte de tyrans & d’vsurpateurs, ne meritent
ils pas vn chastiment tres seuere, & n’est-ce pas
deuenir en quelque sorte coupable des atentats
qu’ils font contre l’Estat, que de les tolerer
en aucune sorte ? Il n’est point d’indulgence
en des pareilles occasions, qui ne soit
mille fois plus dangereuse que la violence
mesme. C’est pourquoy l’on ne deuroit iamais
permettre que les Fauoris entrassent dans le
Conseil & moins encore qu’ils s’emparassent
du gouuernement des affaires.  

FIN. I’Ay, Cher Lecteur, quelque trente ou quarante
questions du temps, toutes d’vne mesme suite ; si
i’apprends que celles que ie te donne presentement te
soient agreables, ie te promets sur la foy d’vn ennemy
mortel des premiers Ministres d’Estat, & par
consequent des tyrans du peuple, de te faire voir le reste.
Adieu.

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Occurrence 11. Anonyme. ADVERTISSEMENT FAIT PAR MONSIEVR DE... (1649) chez Morlot (Claude) à Paris , 8 pages. Langue : français. Avec permission.. Référence RIM : M0_457 ; cote locale : A_2_4. le 2012-12-02 13:59:17.

ADVERTISSEMENT
FAIT PAR MONSIEVR DE
CHASTILLON
REVENV DES CHAMPS
ELISEES, A MONSIEVR LE PRINCE
DE CONDE
A S GERMAIN
EN LAYE.

A PARIS,
Chez CLAVDE MORLOT, ruë de la Bucherie,
aux vieilles Estuues.

M. DC. XLIX. AVEC PERMISSION. Aduertissement fait par Monsieur de Chastillon, reuenu à
Champs Elisées, à Monsieur le Prince de Conaé, à S.
Germain en Laye. PRINCE, N’aye point de peur, c’est Chastillon qui te parle, & qui
reuient de son tombeau de la part de Dieu, pour te faire reproche
de la promesse que tu as fait à sa priere dans le lict de
sa mort; ne tremble point, escoute moy, & fais pour ton
bon-heur ce que ie te commande en ce rencontre. Si tu auois autant d’amour pour la France, & de pieté
pour ta Patrie, que tu as de passion pour flestrir la blancheur
des Lys de l’vne, & de cruaute pour deschirer les entrailles
de l’autre, tu n’irois pas auec tant de temerité dans vn precipice
ou tu cours sans ressource, pardonne à ton amy s’il n’a
pas de la complaisance pour flatter ton ambition, aussi peu
sur son tombeau que sur le lict de la mort. La ville de Paris
n’est pas si mesprisable, que tu te doiue hazarder en des perils
plus grands que ceux ou tu la veux reduire. Le deuoir
de ta naissance, le rang de ta condition, & l’experience de
ta valeur luy promettoient les esperances de ta protection,
& l’asseurance d’vn bon-heur nom pareil, & tu la frustre de
ses attentes: & se promettant d’estre releuée de ses miseres
par ton secours tu la menace de bouleuersement. Paris à
vne multitude de Princes pour les opposer à tes desseins, &
vn monde de Citoyens pour renuerser ton ambition. Les entre prises ne doiuent iamais se commencer auec
precipitation. La sagesse doit moderer toutes choses, &
principalement ces projets où l’on preuoit plus de danger
que de salut, plus de dommage que de profit, plus de blasme
que de loüange, & plus de honte que de gloire. La prudence
du plus celebre Parlement du Royaume, a longtemps
temporisé dans ses diuerses Assemblées pour entreprendre
vne affaire de si grande importance, & tu l’as resoluë
en vn moment par vne precipitation innoüye. Ce Parlement
de Paris, qui s’est rendu recommendable par sa Iustice
dans ses Arrests, par sa fidelité enuers le Roy, & par son zele au bien public, selon la connoissance & l’adueu
mesme des ennemis de l’Estat, n’a pas eu la hardiesse de se
plaindre dans ses souffrances, & tu le veux obliger à prendre
les armes pour se deffendre contre la violence & l’iniustice
des tiennes. Croy moy, la guerre que tu as entreprise
ne peut pas estre authorisée du Ciel, puis qu’elle est contre
des innocens; ny secondée de la fortune, puisque tu la persecute
dans le temps qu’elle s’estoit renduë plus fauorable à
tes desirs, par la conqueste des cœurs de ceux dont tu recherche
la mort, & moins encore tu peux attendre le secours
de Dieu, contre ceux qui sont aussi bien que toy des
ouurages sortis de ses mains; ne pretend pas les deffaire, ce
seroit luy rauir sa propre gloire, en tirant ta grandeur de sa
soubmission, & ta vengeance de sa bonté; Dieu aura plustost
des foudres que des tonnerres pour lancer sur ta teste,
(& ce plustost que tu ne pense.)   Ie ne vois pas maintenant, dans cette vie plus clair-voyante,
que leurs armes soient si coulpables, qu’ils puissent
prouoquer l’ire de Dieu, à leur oster la chose la plus pretieuse,
qui est leur vie, tant de maximes du Christianisme,
& de veritez de l’Euangile ne permettent pas la ruine des
Suiets à leurs Souuerains; moins encore des plus fidelles,
& des premiers de l’Estat. Certainement ce n’est pas le sentiment de Dieu, que
les Roys desolent les peuplés qu’ils doiuent conseruer, n’y
qu’ils employent le Sceptre qu’il leurs a mis en main pour
les mettre en poudre, au lieu de les proteger. Les mauuaises
interpretations que l’on donne à l’Euangile ne peuuent
prouenir que d’vne ame perfide, sors qu’elles sont contraires
au salut de la patrie, dont l’amour n’est pas encore
esteint dans le cœur du mauuais Riche; qui sollicite encore,
tout damné qu’il est, d’autres Patriarches, comme jadis
il faisoit Ahrabam, d’enuoyer quelque autre, comme
moy, du Purgatoire, pour aduertir les freres, de peur qu’ils
pesoient, comme luy, condamnez au feu malheureux des
peines eternelles. Peut-estre, que, ce qui te donne l’ambition d’entreprendre
cette guerre, c’est pour preuenir par ton propre
malheur ta perte infortunee. Celuy qui ne sçait que procurer
du mal, doit veritablement l’attendre aussi. Tu merite
toute sorte de miseres, en ce que par ta cruauté tu veux reduire
Paris à la faim, la plus grande de toutes les calamitez,
& que par ton impieté, tu veux donner à ta passion l’explication
des Otacles de Dieu, qui ne peuuent estre interpretez
de ceux, qui portent les armes dés long temps comme
toy, ou qui viuent à la Cour. Considere comme l’opinion, ou vn defaut d’experience
t’a trompé; si l’auidite de la gloire te faict respandre le
sang humain, ce ne doit estre que des ennemis du Royaume.
De quel œil la Patrie regardera-telle tes enfans? quelle
obligation aura-telle à ta valeur? & quel effect de ta vertu,
rendra tes descendants aymables à ta Patrie? tu n’as autre
chose que le support fondé sur les esperances de ta naissance
sur les grandeurs de ta pretention, & sur les exemples
de ta cruauté. Tu as consommé, comme moy, les plus belles années de
ta vie, à estendre les bornes de ce Royaume, & resister genereusement
aux puissants efforts des ennemis, tu as fait vn
bouclier de ta poitrine aux armées du Roy, tu as achepté
aux prix de ton sang les plus fortes places ennemies; & la
France peut encore receuoir quelque aduantage de toy, &
estre appellé le pere de ta Patrie; cette verité ne met point
en doute: Ie cognois que tu ez poussé d’ambition, de presomption,
& de gloire, croyant, que le salut de l’Estat, &
la paix du public ne consiste qu’en toy; mais tu t’en rend le
Perturbateur, soustenant l’ennemy, qui luy a enleué ce
qu’elle auoit de plus precieux. I’ay vn cœur pour aymer, & seruir ta Patrie, & tu en as
vn pour la hayr, & l’offenser. Tu veux peut-estre poursuisuiuant
cette guerre, faire voir ta cruauté enuers ta Patrie
n’a point de semblable. Que Paris seroit malheureuse si
ton frere la hayssoit comme toy, & si sa sagesse & son affection,
ne surpassoit ta generosité. Vne ville qui n’est haye que d’vne personne, n’est point du tout à plaindre, & celle
qui n’a qu’vn ennemy à combattre, n’est en danger en aucune
façon.   Mais tu és d’autant plus esloigné d’aymer la ville de Paris,
que tu as consenty à la priuer de son Roy, & que tu trauaille
tous les iours a esteindre le Parlement, seul appuy de
l’Estat. Qui ayme sa Patrie, doit desployertous les efforts
de son pouuoir, & toutes les preuues de sa vertu, à luy conseruer
ceux qui la soustiennent; & ce d’autant plus, que dans
ce temps malheureux, elle a mal-aisement peu conseruer vn
amour, qui ait preferé à son interest le salut de sa Patrie, & à
son ambition la conseruation de la mesme. Si tu espere d’immortaliser ton nom par cette action, tu te
trompe: tu n’aprehende pas de mon amitié ny de mon estat,
que ie regarde maintenant de trauers ta generosité; il n’y a
que les Papillons qui se plaisent de se brusler dans la lumiere,
dont ils ne peuuent souffrir l’esclat. Ces pensées si basses
ne peuuent sortir que des personnes de peu de merite, & qui
n’ont iamais rencontré que le mespris dans leurs pays; mais
ie diray encore que tu te trompe, par ce que ton entreprise
passe chez les plus vaillans & sages Guerriers de ce temps,
pour temerité, pour ambition & pure folie. Ces personnes qui peuuent plaire aux viuants de leur siecle,
ont vn grand bon heur; c’est ce qui leur donne le courage
pour faire des actions heroïques & se mettre en credit,
mais ton entendement ne croit pas peut-estre les choses, de
l’execution desquelles il ne peut tien sçauoir que par le sort;
peut-estre que tu crois que la verité & la cognoissance des
choses ne peut est e presentée aux Princes par la main des
hommes de plus basse condition que toy à cause qu’ils sont
tes inferieurs, mais par celle de quelque esprit bien-heureux.
C’est pour cela que ie suis venu icy en sortãt du Purgatoire. Ie preuois que la posterité ne representera pas cette action
aux siecles futurs pour vn excez de cruauté, & pour vne surabondance
d’ambition, mais la fera passer pour vne feinte
des Escriuains & vne fable du peuple. Ie parle auec liberté, parce que la generosité de Chastillon ne peut desguiser les sentimens que toutes les lumieres diuines
luy donnent: tu és dans vne vie où tout te doit estre suspect, parce
que tout y est obscur, & dans tes interests, tu és obligé de
croire ceux qui viuent parmy les immortels, & qui voyent clairement
la verité de toutes choses. L’aduertissement de mon ombre
est vn fort bon sujet pour te soust aire de cette guerre; & te
dis, que ce seroit vne grande faute à toy de presumer sçauoir
mieux de quel costé la iustice peut estre, que ceux qui en ont ressenty
& la correction & la peine. L’amour de ta patrie ne doit
pas estre vne chaleur de ton cœur, c’est vn deuoir de la nature
qui n’exempte aucune personne, & moins encore ceux qui auec
la naissance en ont retiré leur grandeur.   Ie me resioüis en moy mesme de voir que Paris trouue encore
dans ton ieune frere cette vertu & sagesse qui deuroit reluire en
toy, & cét amour dans des Princes estrangers que tu reiette de
ton cœur. Mais que diront de toy les nations estrangeres, quel iugement
en formeront les ennemis de l’Estat & les enuieux de sa grãdeur?
qu’vn Prince du sang Royal est le Prince de l’iniustice; qu’vn
Prince de France est le persecuteur de ses peuples; qu’vn Prince
de Condé est le seul protecteur des ennemis, que ses ayeuls ont
chassè du Royaume, par vn sermẽt qu’ils auoiẽt dõné de ne poser
iamais les armes qu’ils ne les eussent chassé, & tu les veux retenir. Prince, si tu ayme la France comme tu t’en glorifie, tu dois suspendre
les effects de tes armes, pour ne pas réueiller dans les
cœurs des peuples de semblables desirs, & pource que ce seroit
vn moindre mal que Paris fut en cendre, si en l’y mettant tu ne
te reduisois en la poussiere. C’est sans raison & sans iustice que ie te vois encore soustenant
le party de l’ẽnemy de l’Estat, soit que tu croye que Paris perisse
dans ton siege d’vne calote rouge, soit que tu presume de laisser
à la posterité vn exemple d’auoir vaincu en la fleur de tes ans la
ville la plus forte & plus inuincible du monde, tu peche en toutes
façons, en presomption, & en superbe. Despoüille ces armes, puisque tu n’as à cõbatre que cõtre l’iniustice
de tes entreprises, ces ornemens militaires ne sõt pas propres
pour vne actiõ que i’ay estimé lache, & qui n’est cõmune qu’à
ceux qui portent l’iniustice ou la cupidité veulent te precipiter. Si tu estois asseuré de subiuguer cette grande ville par tes forces,
Si Dieu t’auoit reuelé ce dessein tu ne deurois pas l’executer,
pour ne rendre pas si fort mesprisable les forces de Paris, qu’elles
puissẽt estre abbatuës par les menées d’vn Estrãger, tu ne deurois
pas le faire par des peuples qui sont ses vaincus, ou ses subjets. Ne t’aueugle pas desormais dauantage dans la poursuitte de
ton ambition, auec l’esperance de remporter vn comble de loüange,
vn excez d’aplaudissements, & vne infinité d’eloges, les
actions qui ne sont pas iustes d’elles mesmes, quoy que faictes
à bonne fin, ne se loüent point, on ne doit iamais entrepréndre
vne guerre illegitime auec esperance, que la fin en deuienne bonne
pour vne incertitude suiuie de mille accidents, & exposer à
mille dangers; on ne doit pas donner consentement à vne faute
presente à vne i ne manifeste, & à vn excez exercrable; si tu pense
faire genereusemẽt tu t’abuse, la cruauté ne fut iamais force; si tu
pense faire iustement, tu te trompe, l’ambition n’est iamais vertu. Dy moy de grace, Prince, par ou pretend-tu acquerir du merite
d’vn dessein qui ne contient en soy mesme qu’vn fantosme
de la vertu: mais qui emporte conjoinctement auec soy la tache
d’vne lascheté indigne de ton ame. Quel iugement fais-tu d’vne
action où il n’y a de prudence, que pour hazarder vn estat de iustice;
que pour violer toutes les loix de moderation; que pour
la fourberie: & de force que pour la cruauté: & de conduite;
que pour tout perdre. Ton iugement est aueugle, si tu ne change de resolution; efforce-toy
donc à cueillir plustost des Couronnes de laurier dans
les campagnes des ennemis, que de cyprez dans les tetres des
François; ces palmes qui sont nées dans les precipices ne sont
pas de grande estime, ny de profit, d’ordinaire elles sont sterilles,
où si elles portẽt du fruict, il ne sert qu’à la pasture des corbeaux. Ne te laisse point piper desormais aux applandissements des flateurs,
ny aux promesses des estrangers, ses affections sont des enchantemẽs,
& ses promesses sont des ruines. Il seroit meilleur que
la mort te frappast cõme moy, plustost que d’estre flatté d’vn tel
ennemy, celle là ne peut que t’oster les sentimens de la vie, au lieu
que celuy-cy recherche à flestrir la reputatiõ de ta maison, souiller
la gloire de ta naissãce, & d’obscurcir l’esclat de tes proüesses. Prince, tu es malheueeux, si les cris de l’ẽnemy de l’Estat retiennent
ton cœur à cette guerre, cette voix te trahit, & cette langue
ne t’encourage que par ce que tu vas au tombeau; vois combien
ses loüanges sont trompeuses, qui te persuadent la cruauté; s’il
t’aimoit il n’eust exposé ta vie à tant de dangers, ton honneur à
tant de campagnes, ny rendu auec ioye les deuoirs à ton pere, que
toute la France luy a rendu auec regret. Mais Prince, i’ay trop estendu mõ discours, touché de l’amour
de ton salut autant que de la patrie, Adieu ie me retire au lieu ou
mon Sauueur m’appelle, & par ce que tu me manque de parole,
ie te cite & t’aiourne dans trois mois deuant son Parlement.

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Occurrence 13. Anonyme. L’HERACLITE COVRTISAN. Væ, væ, væ,... (1649) chez Coulon (veuve d'Antoine) à Paris , 8 pages. Langue : français, latin. Avec permission. Voir aussi C_5_49. Référence RIM : M0_1621 ; cote locale : A_3_80. Texte édité par Site Admin le 2013-02-06 02:03:35.

de nostre connoissance,
& puis nostre salut: Ie parle en general, d’autant que ce vice a
son principe enraciné si fort en la masse de toute nostre Nature
humaine, qu’il seroit aussi difficile de l’arracher comme de tirer
vn thresor hors de terre.   Democrates grandement chargé d’années, s’efforçoit vn jour
de monter en vne haute forteresse, qui estoit dans la ville d’Athenes,
& luy plust de dire, en perdant halaine, qu’il faisoit ne
plus ne moins que tous les Citoyens de cette ville, c’est qu’il respiroit
beaucoup, & faisoit peu. Ne plus ne moins aussi qu’vn
membre enslé de mal n’est pas bien propre à faire seruice: de
mesme vn Esprit enflé de Superbe & d’Orgueil est mal propre à
tout bien: car il est emporté d’vn desir desordonné d’auoir & de
jouïr de l’honneur que luy mesme deuroit rendre à vn autre: ce
qui est vn defaut fort remarquable en ce que principalement il
heurte la Diuinité, & ne peut se borner ny captiuer dans aucune
regle ou mesure finie. Mais ie dis bien plus, comme ce vice a esté
le premier pour ces Esprits, qui ont perdu la gloire, il est aussi le
dernier pour ceux qui en veulent approcher La Palme (qui est le
symbole de la vertu) a cela de propre, que plus elle est affaisée &
abbattuë, plus elle se releue, & se remet en son premier estat: la
Superbe pareillement se veut faire voir d’autant plus, que l’on la
veut cacher & affoiblir: Mais au lieu de porter la personne à la
vertu, elle la rend du tout indisposée & inhabile à icelle. Nous remarquons auec plusieure, que la Superbe ruine toute
sorte de bons desseins; & quant aux biens de la Fortune elle est
comme vn vermisseau qui les ronge; aussi est-il impossible à vn
superbe de les conseruer. Quant à ceux de l’esprit & du corps
par succession de temps elle les fait perdre. Elle est mere du Diable dans le Ciel, & a donné la mort à l’homme, qui se pouuoit
attendre à la Beatitude qui luy auoit esté promise. Bref, c’est la
mere de tous maux; la fontaine de toute impieté, & de toute meschanceté.
Elle a mis bas Goliath; fait pendre Aman; tué Nichanor
& Antiochus; submergé Pharaon; perdu Sennacherib, auec
plusieurs autres Grands. L’on dit aussi, que les foudres tombent
plus souuẽt sur les hauts edifices; & pour l’ordinaire nous voyons
aussi, que ceux qui ayant surmonté leurs ennemis, viennent à s’enorgueillir,
sont en peu de temps plus estonnez que ceux qu’ils brauoient
& moquoient. Artabanus dissuadoit par cette remontrance
le Roy Xerxes, de faire la guerre contre les Grecs. Phylisthion
disoit aussi, Que la Fortune se joüoit de l’hõme, l’esleuant
bien haut, pour luy donner vne cheute plus grande & plus rude:
ce qui est beaucoup plus remarquable que la comparaison faite
par saint Ierosme, qui dit, que comme le vin fait tort au beuueur,
lequel estant releué, n’a pied ny esprit qui puisse faire son office
ou deuoir; & que toute tristesse & réjouissance cesse alors: L’hõme
superbe qui est plein de desseins ne viendra aussi jamais à bout du
plus aisé & plus facile. Il ressemble (dit Folengius) à la fumée, laquelle
veut toûjours monter: enfin estant paruenuë à l’air, s’éuanoüit,
& ne se connoist plus: le superbe a aussi cette volonté d’estre
par dessus tout; & lors qu’il a bien monté, il se trouue perdu
& égaré, ce n’est plus luy. Et ne plus ne moins que le feu qui veut
estre seul, il n’a voulu se mesler ou joindre à quelque chose; il est
passé, & où?   Chacun sçait bien toutefois, que la Superbe a coustume de s’associer
auec les richesses. Mais quelle ingratitude est-ce (dit saint
Ierosme) de se bander contre celuy duquel on tient la vie, & de
mespriser ses commandemens, puis qu’il ne cherche que les occasions
& les sujets de recompenser? Ne faut-il pas juger que c’est
manque de jugement? Le Superbe est tel; car il mesprise les Commandemens
de Dieu, duquel il tient tout ce qu’il est. Quant à la
Superbe, qui est voilée de quelque signe d’humilité, elle est encores
beaucoup plus estrange & difforme, d’autant qu’elle bat &
attaque les vertus, qui la ternissent de telle sorte, qu’à peine la
connoist-on que par quelques signes, comme par vne rudesse en
paroles, vne amertume au silence, vne dissolution meslée dans la
joye; vne fureur dans la tristesse; vne honnesteté en l’apparence deshonneste en l’action, vne aigreur parmy la reprehension: & pour
peu qu’il y ait de superbe meslée auec la vertu, elle perd son Iustre, ainsi
que peu de fiel est suffisant de rendre amer tout suc pour doux qu’il
soit. Platon ayant vn jour conuié certains Philosophes, & entre autres
Diogenes; Il auoit fort bien preparé sa maison, & orné la salle en laquelle
il les deuoit traitter, de licts couuerts de beaux tapis, auec ses
plus precieux meubles. Diogenes si tost qu’il fut entré, il commença à
fouler aux pieds ses beaux tapis: Auquel Platon s’adressant, luy dit;
Que fais tu là Diogenes? Ie foule aux pieds, respondit-il, l’orgueil de Platon.
Mais Platon repartit de bonne grace, Voire, mais e’est par vn autre
orgueil. Le tenant d’vn plus grand fast & orgueil, dont il estoit saisi en
foulant ses tapis, que non pas luy mesme en les possedant. Que dirai-je
de cét autre Philosophe tant fameux, auquel à cause d’vn manteau
tout deschiré qu’il portoit, son compagnon reprocha qu’il voyoit par
les trous de son vestement, la Gloire & la Superbe qui estoit cachée
dessous. Et dit-on qu’il n’appartient qu’à vn Esprit grandement malade
de se laisser emporter dans le chariot de superbe, duquel les quatre
cheuaux attelez sont le desir de commander, la joye de sa propre
loüange, le mespris & la desobeïssance: & les roües sont l’ambition
& l’arrogance: le Cocher ou Conducteur, c’est l’homme meschant.   Ha! si l’homme, qui n’est que terre & cendre, regardoit souuent, &
jettoit les yeux sur soy, sur les ordures & immondices qui sortent de
ses oreilles, de ses yeux, de son nez, de sa bouche, où passent les choses
qui chatouillent plus son appetit, & de tout son corps: quelle occasion
trouueroit-il au monde de s’enorgueillir? De son Esprit, non: car
il est muable, changeant, inconstant, ignorant tout ce qu’il peut: Il
n’emporte que l’escorce des sciences, & ne sçauroit jamais venir à la
perfection; & encores s’en esloigne-il lors qu’il se rend superbe: car ce
vice émousse la pointe de son Esprit, & obscurcit la verité de toutes
choses. Plusieurs Roturiers veulent faire les Nobles: plusieurs pauures
contrefaire les riches: plusieurs se contentent de changer d’habits, &
non pas de mœurs. Ce qu’ils ont acquis à prix d’argent, ils veulent faire
croire qu’ils l’ont obtenu par leurs merites: & le plus souuent sont si
fols, qu’ils s’imaginent estre aussi éleuez que les plus hautes tours du
monde, & plus encores. L’oiseau qui vole bien haut par dessus les filets
n’est pas pour cela plus hors de danger d’estre pris, que celuy qui
ne vole point du tout, ou du moins fort peu: d’autant que l’Oiseleur
l’attrape au glud, lors qu’il s’abat, & ainsi le prend à la main bien plus facilemẽt que s’il estoit dans ses filets. L’Orgueilleux & Superbe aussi,
bien qu’il marche sur la terre, & ne passe qu’en imagination par dessus
les buissons qui l’accrochent, il se trouue bien souuent enlassé dãs ses
passions, en sorte qu’il ne s’en peut dépestrer: Mais, qui plus est, il est
tellement enyvré & aueuglé de ses mesmes passions, que, comme vn
aueugle peut estre trompé facilement de tout le monde; aussi est-il
aisé de le tromper. Or pour empescher de l’estre, il faut chasser ce
vent de faste & d’ambition, qui enfle sa presomption, & le fait pretendre
à tout ce qu’il se peut imaginer; d’autant que ses desirs ne sont
point bornez.   Le Superbe ne butte pourtant qu’à choses grandement hautes &
dans le Ciel, comme à son origine, sans y pouuoir paruenir, pour autant
que l’Orgueil en a esté chassé, & que l’entrée luy en est interdite:
d’autant aussi qu’il en a perdu la piste & la voye, & s’est pleu depuis
aux injures, ne s’est peu accommoder à les supporter, il est deuenu paresseux
pour obeïr; fort importun & fascheux enuers les vns & les
autres. Bref, il corrompt tellement la volonté des hommes, qu’on ne
les connoist plus, & semble que pour cela mal à propos on blasme les
richesses, disant, qu’elles orgueillissent l’homme. Et deuroit-on s’attaquer
à sa volonté, qui n’est pas conduite de la sorte qu’elle deuroit
estre. Car si le Superbe pouuoit, je dis pouuoit, mais il ne peut, il voudroit
paroistre beaucoup plus excellent, beaucoup plus riche, & beaucoup
plus grand qu’il n’est, qu’il ne peut, & ne pourra estre. O aueuglement!
ô fol appetit! Saint Bernard dit, Que c’est vne honte effrontée,
& vne inciuilité intollerable que l’hõme, qui n’est qu’vn vermisseau
de terre, vueille estre prisé & estimé. Et le Fils de Dieu égal au Pere
Eternel, qui prend la forme de Seruiteur, veut estre humilié & deshonoré;
& moy (homme) qui ne suis que poudre & cendre, qu’ordure
& que pourriture, veux estre loüé & estimé de tout le monde! Il y a quatre moyens principaux & particuliers pour reconnoistre
l’orgueil d’vne personne: sçauoir lors qu’elle s’estime auoir quelque
bien comme de sa Nature, ou lors qu’elle croid le tenir du Ciel pour
recompense de ses merites: Ou lors qu’elle se vante & fait gloire de
jouïr de ce qu’elle n’a pas en sa possession: Ou lors qu’en méprisant les
autres, elle veut paroistre, tenir & posseder ce qui est hors de son pouuoir.
On y en ajouste encores quelques autres, cõme quand quelqu’vn
prefere son jugement à celuy de tous ses Confreres, se flatant dans la
bõne estime qu’il fait de soy, & se laissant emporter à l’opinion que son Esprit seul est Esprit de Dieu. Quãd aussi celuy-là se sert des dons ou graces
qu’il reconnoist en luy, sans penser qu’il en doiue sçauoir gré à persõne, non
pas mesme à Dieu. Or cõme d’vne vieille playe ou vlcere il n’en sort qu’ordure
& pourriture; d’vne ame qui sera ambitieuse & superbe il n’en sortira
aussi jamais qu’ordure, que pechez, que vices; soit en la proprieté des possessions
& des biens; soit en la gloire des vestemens, en la volupté du corps,
par la bouche, en murmurant de quelque trauerse ou affliction; ou en commendant
par trop arrogamment, se voyant dans les commoditez & les
prosperitez du monde: par le cœur en agissant d’vne propre volonté; & par
son conseil ou aduis particulier. On dit d’Antisthenes, Qu’estant vn jour
auec Platon, il vit vn cheual qui bondissoit, & faisoit plusieurs ruades en
l’air, sans estre poussé de son Escuyer; tournant apres sa veuë sur Platon, il
luy dit, Tu aurois esté, ce me semble, vn tres-beau cheual. Car le cheual est vn
animal merueilleusement superbe. Que Zenon voyant vn jeune mignard
& poupin, lequel allant par la ville, estoit vne heure à songer, où il mettroit
vn pied deuant l’autre, de peur qu’il auoit de se soüiller & gaster, dit, que ce
gentillastre auoit bonne raison de fuïr & se garder de la fange & de la bouë,
ne s’y pouuant voir comme dans vn miroüer. Esope s’adressant à vn jeune
homme tout semblable, luy dit, Que s’il s’attiffoit & mignardoit si curieusement
pour plaire aux hommes, il employoit le temps mal à propos: Que
si c’estoit pour plaire aux femmes, il auoit vn mauuais dessein. La femme
de Phocion estant vn jour en vn Bal, où il y auoit belle assemblée, & quantité
de femmes superbement vestuës, & habillées richement, fut veuë toute
seule n’auoir sur elle aucunes pierreries; non pas mesme vn anneau d’or à
son doigt: quelqu’vn de la compagnie, qui fut plus hardy que les autres,
à luy demander pourquoy elle n’en portoit point? respondit sagement
qu’elle faisoit gloire de la vertu, pour l’ornement de laquelle elle vouloit
plaire à son mary. Nous lisons, que Sulpitius ayant pris garde que sa femme
voulant sortir de sa maison, s’accõmodoit vn peu trop superbement, il la repudia,
& luy dit aigrement, que la Loy n’ordõnoit, & ne luy permettoit pas
qu’elle s’estudiast de plaire à d’autres qu’à ses yeux, & que de vouloir paroistre
belle aux yeux d’autruy, ce n’estoit pas sans soupçon & sans crime. Vn
nommé Pambo se pourmenant vn jour dans la ville d’Alexandrie, apperceut
vne femme superbement habillée, se prit à pleurer, & dire, qu’il regrettoit
la perte de cette fẽme; & que faisant profession du Nom de Chrestien,
elle ne s’estudioit pas tant de plaire à Dieu par vne bõne & sainte vie, qu’elle
s’efforçoit de plaire aux hõmes débauchez par son luxe. Mais que n’eust-il
pas dit à la response de Iulia, fille de l’Empereur Auguste, laquelle estant
conseillée par quelqu’vn de quitter vne si grande pompe, qu’elle faisoit en
ses habits, pour s’accommoder à l’humeur de son Pere, qui estoit vn grand
mesnager, respondit: Mon Pere ne se souuient pas qu’il est Cesar: mais quant à
moy je me souuiens bien d’estre la fille de Cesar. Hé! que n’eust-il pas dit aussi à
Rhemnius Palaemon Grammairien, qui se vantoit, que les sciences estoiẽt
nées, & deuoient mourir auec luy: comme aussi lors qu’il appella Marc Varron
vn vray pourceau. Mais de Domitian, qui commanda vn jour qu’on
l’appella Dieu. Du jeune Maximin, qui faisoit baiser ses mains & ses pieds
aux Senateurs. Du Roy de Perse nommé Sabor, qui se fit appeller Roy des
Rois, frere du Soleil & de la Lune. De Menecrates & Salmoneus, qui vouloient
qu’on les prist pour Iupiter.   I’oserois bien dire auec saint Augustin, qu’il est vtile & profitable au glorieux
& superbe de tomber en quelque faute notable, afin qu’il en conçoiue
vn desplaisir bien grand; voire plus grand que n’est le plaisir qu’il reçoit
en y tombant & la commettant. L’histoire de saint Pierre, auec plusieurs
autres, desquels la Superbe a passé toute raison, nous fait assez connoistre
combien Dieu & les hommes voyent & souffrent à contre-cœur. Et plust
à Dieu que nous ne vissions tous les jours ceux qui de grandemẽt humbles,
deuiennent superbes aussi-tost qu’ils sont paruenus à quelque qualité autre
qu’ils n’auoient: Nous n’aurions sujet de dire d’eux ce que l’on dit aussi de
l’Auaricieux, lequel est insatiable, & ne trouue rien qui puisse assouuir son
appetit: on ne verroit non plus ce que l’on a veu en ce grand Marius, & en
cét Empereur Diocletian, desquels l’ambition & la Superbe n’ont point eu
de tenuë. Mais qu’arriue-il, & que peut-il arriuer à ceux qui seront humbles:
c’est de connoistre que la Superbe precipite les orgueilleux du Ciel
au profond des Enfers: & au contraire l’humilité éleue de la Terre au Ciel:
L’Ange qui estoit au Ciel par sa Superbe est cheu dans les Enfers, & l’homme
qui est en Terre, monte au Ciel par l’humilité. Que l’humilité rend les
hommes semblables à Dieu & aux Anges: Et au contraire la Superbe rend
les Anges semblables aux Diables. Esope disoit vn jour à Chion, qui luy demandoit
ce que Iupiter faisoit dans le Ciel, qu’il abaissoit les choses par trop
hautes, & éleuoit les basses. Et bien que ce soit chose ordinaire à l’homme
de s’éleuer & s’estimer quelque chose, il faut toutefois se conduire auec
vne grande prudence, afin que voulant monter trop haut, on ne s’engage à
vne cheute tres-honteuse, outre qu’il faut que l’homme s’estudie d’establir
vne eternité par sa vertu, & non pas par la vanité de ce qu’il possede. Or,
comme nous auons dit, la fin de ce discours sera pareille au commencement,
pource que nous ne sõmes point sortis hors du sujet, & que le cõmencement
du peché de Superbe en l’Ange est le cõmencement de la gloire en l’hõme.
Vah, vah, vah.

FIN.

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Occurrence 15. Anonyme. CONSOLATIONS TIREES DV TABLEAV DE LA PASSION... (1649) chez Henault (Jean) à Paris , 9 pages. Langue : français. Avec permission.. Référence RIM : M0_776 ; cote locale : C_1_34. le 2012-05-20 11:43:41.

CONSOLATIONS
TIREES
DV TABLEAV
DE LA PASSION
DE NOSTRE SAVVEVR.

A LA REINE
DE LA
GRANDE-BRETAGNE
D’ESCOSSE ET D’IRLANDE.

A PARIS,
Chez IEAN HENAVLT,

M. DC. XLIX. Auec Permission. CONSOLATIONS
TIREES DV TABLEAV
de la Passion de Nostre
Sauueur, A LA REINE DE LA GRANDE
Bretagne, d’Escosse & d’Irlande. MADAME, Vostre Affliction toute extraordinaire, & la
plus grande qui fut iamais, rend vos plaintes si iustes,
que de vouloir entreprendre de les faire cesser
par les forces de la raison, ce seroit deuenir irraisonnable. Aussi vos extremes mal-heurs rendent vos larmes
si legitimes, qu’à peine ay-ie medité les moyens
d’en arrester le cours, que i’ay ouuert le passage
au torrent des miennes, & si tost que ie me suis
mis en deuoir de sauuer vostre esprit des desordres où vos maux l’ont plongé, i’ay ietté insensiblement
le mien dans vn abysme de confusion.   Vos Sceptres brisez, vos Couronnes foulées aux
pieds, vos Throsnes renuersez, la perte de l’vn
des meilleurs Rois de la terre, & d’vn mary le
plus aymable de tous les hommes, sont des sujets
de douleurs si grands, qu’ils passent au delà de
l’imagination. Apres la separation de la moitié de vous-mesme,
par l’insatiable cruauté de vos Leopards,
fuyez, Madame, fuyez la malice des hommes,
pour aller chercher vostre satisfaction dans l’inepuisable
bonté de Dieu. Maintenant que l’estat
déplorable où vous estes réduite, attaque toutes
les puissances de vostre ame, iettez la veuë sur le
Tableau de la Passion de nostre Sauueur, & repassant
en vostre esprit le nombre infiny des trauaux
qu’il a souffert, pour vous acquerir le repos, vous
gousterez les douceurs d’vn agreable contentement,
dans l’amertume de vos plus rigoureux déplaisirs. Si vos yeux versent vne abondance de pleurs,
pour voir vos mains dépourueuës de leurs Royales
marques, afin d’en faire tarir les ruisseaux contemplez,
s’il vous plaist, ce Souuerain du ciel &
de la terre, qui mocqué & baffoüé, n’a pour Scepte
qu’vn fresle roseau. Les Diadesmes qui sont tombez de la teste de
vostre Maiesté, ont pû auoir precipité vostre cœur dans vn abysme de tristesse, mais pour l’en retirer,
remarquez que le chef de ce Roi des Rois,
n’a pour Royal bandeau qu’vne couronne d’espines.   C’est entre les pointes de ces rigoureuses espines
teintes du Sang de Iesus-Christ, que mal-gré
vos fascheux soucis, & vos mortelles pensées, vous
pouuez cueillir des roses d’vne immortelle durée,
& par consequent, plus considerables que celles
dont l’Angleterre fait tant de cas. C’est en ces rouges flots, qui pour mieux nettoyer
nos ames defigurent le visage de nostre Seigneur,
que vous trouuerez où noyer vostre desespoir,
& bien loing de plaindre cet autre sang que
l’iniustice & la cruauté ont fait respandre ignominieusement,
vous trouuerez en celuy-cy tant
de delices, que vous benirez le Ciel de ce qu’il ne
vous abaisse que pour vous éleuer, & ne vous afflige,
que pour vous mettre en possession de l’eternelle
felicité. Entrant dans la consideration des peines de ce
Fils de Dieu, vous trouuerez vostre affliction douce,
en comparaison des rudes tourmens que l’on
luy fait souffrir, & faisant vne reflexion de son incomprehensible
grandeur & de la vostre, vous
iugerez, que c’est bien peu de chose que ce que vous
en auez perdu. Bien que la violence, auec laquelle on a choqué
vos Throsnes, aye beaucoup ébranle l’ordinaire constance de vostre ame, & que leur importante
cheute aye presque accablé vostre raison :
neantmoins vous cesserez d’estre inconsolable, si
tost que vous considererez ; que non point vn
homme, mais vn Dieu ; non point vn Roy d’vne
petite partie de la terre, mais le Maistre absolu de
tous les Monarques, & de plus le Createur de toute
la Machine vniuerselle, n’a pour thrône qu’vn
bois ignominieux, destiné pour le suplice des meschans.   Admirez, Madame, ce Tout-puissant, qui du
moindre trait de son foudre, peut reduire ses ennemis
en poussiere, voire mesme d’vn petit souffle
faire rentrer l’Vniuers dans son neant, & qui
toutes-fois a la face couuerte de crachats, est persecuté
de toutes sortes d’iniures, batu d’vn orage
de coups de verges & de foüets, a la teste percée
de pointes d’épines, les mains & les pieds trauersez
de cloux, le costé ouuert du fer d’vne lance,
& qui pour satisfaire aux rigueurs d’vne incroyable
soif, ne rencontre que du fiel & du vinaigre ;
& comme quoy au milieu de ces tourmens, il fait
gloire de negliger cette haute qualité de Tout-puissant,
pour conseruer celle de patient. En suitte de cette admiration, iugez que le remede
infaillible de vos maux, est la prattique de
cette victorieuse patience, dont vostre Redempteur
au plus fort de ses souffrances, vous aprend
l’vsage. Embrassez donc, Madame, cette vertu toute
diuine, sans doute qu’à sa consideration Dieu
prendra vostre cause en main, & peut-estre suscitera
l’Empereur & tous les Rois de l’Europe, à
prendre les armes contre vos ennemis, si bien qu’ayant
immolé les plus coulpables à vostre vengeance
par les mains des bourreaux, vous verrez
leurs corps supliciez & entassez les vns sur les autres,
seruir de degrez à vostre Maiesté, pour remonter
sur ses Trônes releuez, & plus asseurez que iamais.

FIN.

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