[retour à un affichage normal]

Accueil > recherche > Affichage d'une occurrence en contexte

Mazarinade n° D_2_36

Image de la page

M. L. [1650], DISCOVRS ET CONSIDERATIONS Politiques & Morales SVR LA PRISON DES PRINCES DE CONDÉ, CONTY, ET DVC DE LONGVEVILLE. , françaisRéférence RIM : M0_1120. Cote locale : D_2_36.


"/> Les sanglantes Tragedies que joüa autrefois dedans Rome
& dans toute l’Italie la fureur de Marius & de Sylla, & apres
elle, celle d’Auguste, d’Antoine & de Lepide faisoient considerer
ces cinq Tyrans comme cinq demons ; & si la force
n’eust soustenu leur rage, elle neust iamais eschappé la vangeance
& la haine du peuple. La seuerité obstinée ou plustost
la cruauté redoutable de Tarquin le superbe le perdit,
& Alexandre mesme qui commançoit à deuenir vn
peu trop seuere, eust peut-estre tombé dans vne mort violente
si la naturelle ne l’en eust garanty. Cette grande rigueur,
en vn Prince, donne ordinairement beaucoup de
crainte, mais elle ne donne iamais gueres d’amour. Si est-ce
toutesfois cet amour qui appuye les Throsnes & qui
est au Prince vne garde continuelle plus forte que celle de
mille bataillons C’est-elle qui fait marcher les Princes sans
gardes, parce qu’elle leur est elle-mesme vne garde qu’on ne
ne sçauroit forcer. Trajan sur la confiance qu’il auoit en elle
ne craignit point d’aller soupper tout seul chez vn homme
qu’on luy vouloit persuader estre de ses ennemis. Elle nous
fait entreprendre, pour nos Souuerains, des choses qui semblent
quelques fois impossibles ; la rapidité & la profondeur
des riuieres, ny l’actiuité de la flâme ne nous sçauroient arrester
quand il faut les seruir. Le bruit espouuantable des mousquets
& des canons, ny la pointe des picques & des espées
ne sçauroit rafroidir nostre courage, quand il est allumé par
vn si beau feu. Il y a de certaines Nations qui ce percent aussi
facilement le cœur pour montrer iusqu’où peut aller l’excez
l’amour qu’ils ont pour leurs Princes, que s’ils ne se picquoient
que le doit auec la pointe d’vne espingue. La crainte
que nous donne la rigueur n’inspire en aucun lieu de tels
mouuemens. On ne sert qu’auec desplaisir celuy qu’on ne
sert que par force, & les esclaues & les forçats ne rament
qu’à cause du fouët. Cependant qu’ils trauaillent ils ne meditent
qu’à se vanger de leur peine, & quant ils peuuent
rompre leurs chaisnes ils ne manquent pas d’en accabler ceux
qui les y mettent. Ainsi les Princes trop cruels sont encores