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Mazarinade n° C_4_3

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Laffemas, abbé Laurent de [?] [1649], L’ENFER BVRLESQVE, OV LE SIXIESME DE L’ENEIDE TRAVESTIE, ET DEDIÉE A MADAMOISELLE DE CHEVREVSE. Le tout accommodé à l’Histoire du Temps. , françaisRéférence RIM : M0_1216. Cote locale : C_4_3.



des Centaures ioints à la Scylle,
Font le passage difficille :
Briarée auec ses cent bras,
Le portier de ces Pays-bas,
Soustenu par la beste lerne,
Tient le guichet de la cauerne :
Vne chimere vomit du feu
Deuant la porte de ce lieu :
Des harpies & des gorgonnes,
Qui n’ont point mine d’estre bonnes,
Auroient fait fuir le Duc d’Vs.
Quand il eut veu Geryon : mais
Pour le genereux fils d’Anchise,
Il les regarde sans surprise,
Virgille, qui le fait coyon,
Dit qu’il craint, moy ie dis que non,
Et pour nous accorder ensẽble,
Qu’il n’a pas de peur, mais qu’il tremble,
Soudain il met le fer au vent,
Et si ceux qui vont au deuant
Luy penser friser la moustache,
Il monstre qu’il n’est point gauache,
On le void aussi tost aprés,
Il pousse, il les ioints de si prés,
Que leurs portãt en tierce, en quarte,
Il les rompt, les suit, les écarte,
Or sans la guide qui luy dit,
Qu’on ne peut blesser vn esprit,
Ie croy qu’il feroit du carnage,
Tant il se porte de courage,
Acharné sur ces pauures morts,
Comme s’ils auoient vn vray corps ;
Mais la il est dans ces bourrasques
Reduit à les appeller masques.
 
 
De là l’on enfille de front
Le grand chemin de Acheront,
Acheront, de qui les marées,
Au fleuue Styx portẽt denrées,
Styx, qui n’est qu’vn marais bourbeux,
Où vous en auriez iusques aux yeux,
Et qui d’vne mare petite,
Fait par aprés le grand Cocyte.
Le Suisse qui garde ces eaux,
A qui Pluton les donne à baux
Nommé Charon, a sur la face,
Tout au moins quatre doigts de crasse :
Son poil du menton & du sein,
Est plus long [illisible] d’vn Medecin :
Son œil d’vne [illisible] trempe,
Eclaire noir comme vne lampe ;
Sur vn bras portant son pour point,
On croit d’abord qu’il n’en a point :
Tout son fait est noüé derriere,
Il est sanglé d’vne estriuiere,
Et le canapsat est tout tel,
D’vn Pelerin de sainct Michel ;
C’est luy seul qui conduit sa barque,
Au moins nul Autheur ne remarque,
Qu’autre meine les trepassez,
Encor qu’il soit vieil d’age assez,
Tant il retient de sa ieunesse,
Dans sa vigoureuse vieillesse,
Et son poil de neige couuert,
N’empesche pas qu’il ne soit vert,
Au bord de gros escadrons d’ames,
Comtes, Marquis, Barons, Vidames,
François, Polonois, Allemans,
Maris, femmes, pappas, mammans,
Courent comme en temps de prieres,
Les enfans deuant les Banieres.
Tout suit, les Gassions,du temps,
Les Nobles, les petites gens,
Les Princes, les pauures, les riches,
Les Beauforts, ainsi que les Guiches,
Les Chastillons, & les Clanleus,
Et les enfans mis dans les feus
En la presence de leurs peres,
Les pucelles, les sœurs, les freres,
Enfin les ieunes & les vieux
Font vn salmigondis piteux.
Tout ce monde se presse en trouppe,
Ainsi que les gueux à la souppe ;
Ou comme vers les premiers froids,
Les fueilles tombent trois à trois,
Ces pauures esprits peslemesle,
Fondent en ces lieux comme gresle,
Plus dru que ne font estourneaux,
Ou si vous voulez des moineaux,
A qui l’Hyuer donne la chasse,
Lors que leur trouppe la Mer passe,
Et leurs bataillons ébahis,
S’en vont chercher d’autres pays :