[retour à un affichage normal]

Accueil > recherche > Affichage d'une occurrence en contexte

Mazarinade n° C_4_3

Image de la page

Laffemas, abbé Laurent de [?] [1649], L’ENFER BVRLESQVE, OV LE SIXIESME DE L’ENEIDE TRAVESTIE, ET DEDIÉE A MADAMOISELLE DE CHEVREVSE. Le tout accommodé à l’Histoire du Temps. , françaisRéférence RIM : M0_1216. Cote locale : C_4_3.



Ces gens, respondit maistre Anchise,
Sont ceux qui porteront chemise,
Et qui prendront vn second corps,
Ces esprits exprez sur ces bords,
Sont pour aualer vne tasse,
De ce fleuue Lethé qui passe :
Dont l’eau prise fait si grand bien,
Qu’on ne le souuient plus de rien.
Ce les sont tous, mon fils Enée,
Et depuis plus d’vne iournée,
Ie brusle d’vn ardent desir,
De vous y monstrer à loisir,
Ceux qui descendus de ma race,
Tiendront à leur tour vostre place :
A fin qu’vn iour quand vous serez
Au Royaume que vous aurez,
Vous y puissiez créuer de rire,
Des choses que ie vais vous dire.
Adonc le bon fils repartit,
Iamais mon pere ne mentit,
Mais que i’estime que l’enuie,
Les puisse prendre de la vie :
Pardonnez-moy pour cette fois,
Ils sont plus heureux que des Rois :
De penser qu’à moins qu’il soit yure,
Vn seul d’entr’eux veüille reuiure,
Ie n’ay pas l’esprit assez fort,
Et crois que Monsieur de Beau....
Pourroit auecque moins de peine,
Retourner au bois de Vincenne.
 
 
Anchise, qui craint en son cœur,
De passer icy pour menteur,
Demande à son fils audience,
Pour plus expresse connoissance,
Et luy dit vous verrez au bout,
Que ie vous ay dit vray par tout.
 
 
L’Air mobile, maison des Gruës,
La Mer le Palais des Moluës,
La terre le giste des veaux,
Le Ciel des Almanachs nouueaux,
(Entendez celuy de la Lune)
Les Estoiles, sans que pas vne
En soit exempte par escrit,
Furent pleines du mesme esprit ;
Ce mesme esprit qui les anime,
Qu’éloquemment Platon exprime,
Fait mouuoir par diuers ressorts,
De l’Vniuers tout le grand Corps :
Et s’insinuant dans ses veines,
Roule ces horribles Baleines.
De là les hommes sont venus,
Et cent animaux inconnus,
Les aquatiles, volatiles,
Iusques au moindre des reptiles,
Tous doüez de force & vertu,
Tant que l’esprit soit abatu,
Et que sortant d’vn lieu celeste,
Il treuue vn corps qui le moleste :
Corps dont les organes diuers,
Mettent le pauuret à l’enuers,
Et qui plus au carcan l’attache,
Que l’esprit leue la moustache,
(Tesmoin celuy-là de Scarron,
Pris par le col comme vn larron)
Corps qui bien qu’auec mille peines,
L’empesche de faire des siennes ;
Et qui luy cause la douleur,
Le desir, la ioye & la peur :
Corps enfin qui rend dessus terre,
Cét esprit prisonnier de guerre ;
Esprit qui mesme deliuré,
Et bien que la mort l’ait sevré,
Iamais n’en sortit si bien quite,
Qu’auec tache grande ou petite,
Et qu’il n’en demeurât soüillé,
Salle, vilain, ou barboüillé.
C’est le sujet qu’on le vergete,
Qu’on l’assomme, qu’õ le mal-traite,
Tant qu’il soit plus net qu’vn denier,
Et plus blanc que n’est vn Meusnier.
L’vn en l’air pendu se déroüille,
L’autre vit auec la grenoüille ;
L’autre sert de tison au feu,
Et c’est ce qui me plairoit peu ;
Auant qu’estre en cette contrée,
Où peu de gens treuuent entrée,
Ie sommes battus tous de rang,
Du plus petit iusqu’au plus grand :
L’on nous en donne auecques rage,
Tout nostre saoul & dauantage.
Pour celles-cy quãd fort long temps
Elles ont suby les tourments,