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Mazarinade n° B_19_8

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Davenne, François [?] [1651 [?]], REFLEXION MORALE SVR LA SAPIENCE estimée folie des Sages du Monde, adressée à sa Majesté Regente, à leurs Altesses, & à l’Autheur d’icelle. , françaisRéférence RIM : Mx. Cote locale : B_19_8.


posture des foux sur le theatre du monde. Dauid fuyant la persecution de Saul,
fit l’insensé deuant le Roy de Syrie où il alloit chercher son refuge. Il eut peur que ce
Prince ne le fit mourir, parce qu’il auoit tué son Golliat, c’est pourquoy, comme il
est representé au Liure des Roys, il s’étudia à faire de telles postures qu’il s’en fit mépriser ;
de sorte qu’en cachant son interieure sagesse, pour éuiter la mort, il luy montra des extrauagances
dans ses deportemens, afin de conseruer sa vie.
 
Les justes en font de mesme, & pour ordonner les mœurs & les estats, ils se desreglent
tellement en paroles (si déreglement se doiuent appeller leur discours que
les plus déreglés s’en scandalisent, & sur le déreglement feint d’autruy, qu’ils croyent
veritable, ils se prescriuent des regles de mieux viure, lesquelles, comme le firmament
entraine tous les Cieux inferieurs, ils communiquent à toutes les Creatures sur
lesquelles ils ont vne absoluë puissance. Ce sont des maximes qu’on ne doit pas tousiours
prendre, mais Dieu les fait quelquefois extraordinairement suiure.
Dieu confond les sages du monde par cette voye, afin que nulle chair ne se glorifie deuant
luy. Il foudroye tous les Princes comme vn satyre, par la bouche de ceux qui se
feroient sacrifier pour luy plaire. Il ne faut que faire vn bon vsage de ses reprehensions,
afin de les conuertir en delices. C’est à quoy ie vous exhorte, MADAME, & à leurs Altesses,
parce que si à mesure qu’on a fait mal on fait bien, Dieu se fait sentir doux à proportion
qu’il a paru seuere.
Apellés auoit peint vn cheual les pieds en haut & la teste vers la terre, & comme ceux
qui luy auoient donné cét employ ne le voulurent pas receuoir en cette posture, il ne fit
que renuerser son tableau pour le faire agreer aux ignorants qui luy auoit fourny l’occasion
de le faire. Ainsi la charité, seule maistresse des peintres, par le moyen desquels le
Saint Esprit varie ses couleurs aux Royaumes qui composent son Eglise, veut que ie montre
dans sa naturelle beauté le visage de mon frere qui se méprise, & qu’en se mettant au
hazard de se faire la pider de tout le monde pour l’amour de Dieu, ie le releue au miroir
de sa propre idée, pour montrer le veritable Soleil de son humilité à plomb sur la glace
de son apparente superbe. Ie fais en cela ce que ie voudrois qui me fut fait à moy mesme,
si son zele & son amour m’eussent fait abandonner apres le feu dont il consomme.
Ie conclus auec ces paroles que ie repete à Vostre Majesté & à leurs Altesses. Ne regardés
pas du fiel dans vne Colombe, supportez l’abeille qui plaist & qui picque. Faites la
paix, MADAME, & si Dieu vous fait la grace & aux Princes de la donner aux Peuples,
asseurement sa Iustice vous a tansés pour vous faire misericorde. Mais s’il couppe
tous vos desseins, & qu’il les empesche, infailliblement la Iustice traine quelque grande
chose, à laquelle il faut necessairement se soûmettre pour ne mettre pas en bransle vn salut
de plus grande importance que mille throsnes.
Le temps, & l’experience seuls, feront voir à Vostre Majesté & à leurs Altesses l’vn ou
l’autre de ces contraires, suiuant la volonté diuine, l’accomplissement de laquelle ie souhaitte
sur la terre comme dans le Ciel, à la gloire de Dieu & à la sanctification du monde.