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Mazarinade n° E_1_58

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D. B. [signé] / Cyrano de Bergerac, Savinien de [?] [1649], LE GAZETTIER DES-INTERESSÉ, ET LE TESTAMENT DE IVLES MAZARIN , françaisRéférence RIM : M0_1466. Cote locale : E_1_58.


qu’il auoit entrepris de leur dérober toute la gloire, que l’enuie
mesme ne leur ose refuser, puis qu’il disputoit diuersement auec
eux l’auantage de se faire craindre : qu’il humilioit les François
iusques à la derniere consternation, lors qu’ils gaignoient des
places & des victoires sur les estrangers : qu’il rendoit icy redoutable
l’authorité qu’il y auoit prise, lors qu’ils faisoient ailleurs
des sujets ou des prisonniers : & qu’il oposoit au spectacle & au
ressouuenir de leur triomphes, celuy de nos funerailles. Nous
auons veu qu’il a precipité la mort de plusieurs personnes, pour
ne leur laisser pas mesme la langue libre : qu’il a faict des criminels
de tous ceux dont il n’a peu faire des bourreaux, & qu’il a
corrompu par ses maximes dangereuses la pluspart de ceux qui
l’ont approché ; comme on dit que les Thibiens infectoient ceux
qui auoient vne fois receu leur haleine. Nous auons veu qu’il a
chassé d’aupres du Roy ceux qui auoient esté commis dés longtemps
à la garde de sa personne sacrée, que leur retraite n’a gueres
esté meilleure qu’vn exil, & qu’ils n’ont esté malheureux que
pour auoir esté trop fideles. Nous auons craint dés lors que le
Cardinal Mazarin qui taschoit d’esloigner d’aupres du Roy tous
les gens de bien, & tous les hommes de remarque, & qui en approchoit
des personnes tres-suspectes, n’eut des desseins tres-pernicieux
à l’Estat, qu’il ne voulut faire vne Cour nouuelle, à force
d’y introduire des estrangers & des mercenaires : qu’ils ne deuorassent
les peuples apres les auoir suçez, & qu’ils n’en fussent les
tygres, apres en auoir esté les sangsues. Nos Plaintes n’eussent
pas esté iusques au desespoir, s’il n’eut pris de nos biens qu’en faisant
chemin comme on dit que le chien ne boit de l’eau du Nil,
qu’en passant, & s’il se fut contenté de nous tondre sans nous escorcher.
Mais il a fallu que nos ressentimens ayent esclatté auec
nos malheurs, quand nous auons veu qu’on ne pouuoit, n’y le
saouler, n’y le remplir : & nous auons reconnu, auec vn des Sages
de Grece, que celuy qui entreprendroit de guerir la conuoitise,
d’vn auare en le voulant rassassier de richesses : feroit la mesme
chose que le Medecin qui conduiroit vn hydropique aux fontaines.
La raison & l’experience nous ont fait voir qu’en luy fournissant
des tresors, nous lui fournissions des armes qu’il employoit