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Mazarinade n° A_5_13a

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Anonyme [1649], LETTRE D’VN GENTIL-HOMME DE LA COVR, A vn Seigneur qui est à l’Armée, TOVCHANT L’ATTENTAT COMMIS AVX FILLES DIEV A PARIS, En la personne de Madamoiselle de sainte Croix, & toute la suite des procedures dont on a vsé contre-elle. , françaisRéférence RIM : M0_1868. Cote locale : A_5_13a.


de celle à qui elle eust voulu tousiours estre inseparablement vnie ; à
son defaut, elle s’attacha plus fortement à vne piece de bois qui tenoit
le comble de la maison, comme pour luy seruir en cette rencontre de
bastion & de rampart. Et en effet elle y demeura si lõg-temps & si fortement
attachée que cinq ou six hommes ensemble eurent peine à l’en separer,
aprés plus d’vn quart d’heure de combat & de resistance. Mais
à la fin elle fut contrainte de ceder à la force & à la multitude, dont les
vns luy tenoient les pieds & les autres les bras, vn troisiesme qui luy portoit
la teste, plus étourdy que tous les autres, la laissa tomber si rudement
qu’en ayant ressenty pour lors vne douleur tres violente, elle ne s’est
point encore du tout appaisée par la longueur du temps, ny amoindrie
par la violence du mal. Tandis qu’à chaque pas elle se pasmoit de douleur
& de tristesse, son miserable Assaillant triomphoit d’aise, de se voir
au plus haut poinct de ses desirs & en possession de celle qu’il auoit si
long-temps inutilement pour suiuie. Il s’efforce premierement de la
consoler par la douceur de ses paroles, & tesmoigne luy mesme qu’il
improuue son action en ce qu’elle ne luy plaist pas. Mais elle d’vn regard
furieux & farouche Tu n’as que le corps (dit elle) la meilleure partie
de moy mesme est ailleurs ; En vain tu penses me tenir, sçaches qu’vn poignard
diuisera vn iour cette affaire entre nous. Cependant ils la tirent de là, de gré
ou de force, & la traisnant impitoyablement de degrés en degrés
ils luy font souffrir tant de douleurs dans vn seul supplice, qu’on peut
dire en verité qu’ils surent beaucoup cruels en ce qu’ils ne la tuerent
pas. L’vn la tient par la robbe, l’autre la tire par le bras, tandis qu’elle
s’embarasse entre tous les deux qu’elle ne veut ny preceder ny suiure,
où ils la veulent mener.
 
Considerant que le temps pouuoit apporter quelque remede au peril
où elle se trouuoit, elle leur en fait perdre le plus qu’elle peut, & se fait
traisner par tout au lieu de les suiure, s’attachant à tout ce qu’elle rencontroit
d’embarassé & de difficile en son chemin, pour leur faire peine
en s’en faisant à elle mesme. Enfin apres auoir souuent échappé de
leurs mains, & soit au iardin ou dans le logis, apres auoir resisté au de
là du sexe & de l’aage, on peut dire qu’elle fut plustost lassée que vaincüe,
& tombant à chaque pas elle fit voir que la rigueur de leurs coups
plustost que l’acces de sa fieure luy causoit cette deffaillance. Encore
dans ce desordre ne perdit-elle iamais ny le cœur ny le iugement, pour
se defendre de leurs coups, ou pouruoir à sa conseruation.
Ne croyés pas (Monsieur) que ie die rien icy dont ie n’aye des
preuues aussi certaines que la veüe, & dont ie ne puisse donner des tesmoignages
aussi asseurés que ceux que l’on peut acquerir par l’experience
des sens. Estans arriués au pied de la muraille qui sert d’enceinte
au Monastere, ce sur là où sa constance deuint plus forte par le plus
grand peril, & comme ils redoublerent tous leurs efforts pour la perdre,