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Mazarinade n° A_5_13a

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Anonyme [1649], LETTRE D’VN GENTIL-HOMME DE LA COVR, A vn Seigneur qui est à l’Armée, TOVCHANT L’ATTENTAT COMMIS AVX FILLES DIEV A PARIS, En la personne de Madamoiselle de sainte Croix, & toute la suite des procedures dont on a vsé contre-elle. , françaisRéférence RIM : M0_1868. Cote locale : A_5_13a.


ce qu’il auoit trouué de ses hardes & de ses habits sur sa table, mouchoirs,
& cornettes de point de gennes, tresses & passemens, iusqu’à
son corps de juppe, comme pour se satisfaire en quelque façon d’auoir
ses habits, ne la pouuant pas auoir elle mesme. Elle cependant, que la
fieure n’auoit point quittée depuis plus de deux mois, estoit demi-nüe
dans ce grenier & trembloit autant de peur que de froid. Et certainement
il est à croire qu’elle eust eschappé pour ce coup des mains de ses
ennemis, & que la prison volontaire, où elle s’estoit engagée, leur
eust esté du tout inconnüe, si les seruiteurs du logis luy eussent esté
aussi fideles que leurs maistres.
 
Mais helas ! ou est ce que la trahison ne penetrẽ pas, où l’or peut
auoir de l’accés ? & qu’il est vray qu’vne ame de Valet à des qualités biẽ
differentes de celles d’vn Honneste homme ! Vn miserable Iardinier
ébloüy par l’éclat de l’or & des pistoles qu’on luy met à la main ; comme
par la necessité de son trauail il auoit vne libre entrée dans cette maison,
où elle estoit fermée à tout autre, qu’à luy ; sçachant par tout les
entrées & les issues, les adresses & les lieux à l’écart, aprés auoir inutilement
visité tout les endroits où il pensoit que cette pauure Damoyselle
se fust retirée, il les conduisit enfin au lieu qui luy seruoit de retraite ;
d’où ayant enfoncé la porte à force de coups, ils la firent sortir
auec la mesme violence, qu’ils y estoient entrés.
Dispensez-moy (Monsieur) de vous dire quels cris on entendit
alors, & quelles pleurs furent versées en cette rencontre, en laquelle il
estoit ineuitable de pleurer de compassion ou de douleur ! A la veüe
d’vn obiet si triste, cet Amant desesperé, plus raui d’aise que s’il eust
gaigné vne bataille ou conquis vn Empire ; A moy (dit-il) Amis ! nous
la tenons ! La pauure fille, qu’eust elle fait en vne occasion où les courages
des hommes les plus forts & les plus resolus eussent perdu toute
leur constance ? Faisant arme de tout ce qu’elle rencontroit de fauorable
en son mal-heur, tantost elle sautoit à l’épée de l’vn, puis elle prenoit
le Pistolet de l’autre, tenant pour amy celuy qui dans cette rencontre
luy seroit le plus cruel, & inuoquant souuent la mort qui ne
l’exauçoit pas. Elle auoit prié la Nouice sa confidente & sa compagne
en cette occasion, de la tenir tousiours estroitement embrassée dans ce
combat qu’elle deuoit souffrir pour luy rendre ses peines communes,
& à ses ennemis sa prise plus longue & plus difficile. Aussi quelques
efforts de bras & de mains qu’ils peûssent faire pour les disioindre, ils ne
la peurent iamais détacher de celle qu’elle tenoit si estroitement embrassée,
iusques à ce que par vne effronterie qui offense toute la pudeur
& qui feroit rougir les Anges mesmes, s’il auoient vn corps, ayant renuersé
à cette Nouice sa chemise sur la teste ; la honte de se voir nüe, obligea
cette pauute fille à quitter son associée pour pourueoir à elle mesme.
Alors cette genereuse & constante Damoyselle se voyant disiointe