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Mazarinade n° A_5_13a

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Anonyme [1649], LETTRE D’VN GENTIL-HOMME DE LA COVR, A vn Seigneur qui est à l’Armée, TOVCHANT L’ATTENTAT COMMIS AVX FILLES DIEV A PARIS, En la personne de Madamoiselle de sainte Croix, & toute la suite des procedures dont on a vsé contre-elle. , françaisRéférence RIM : M0_1868. Cote locale : A_5_13a.


pas de la pudeur ny de la vertu ; autrement il eust fallu passer pour rebelle
aux ordres des superieurs, que l’on ne peut enfraindre sans vne espece de
reuolte, ni mesme les retarder sans quelque sorte de desobeissance. Tout ce
qu’elle peût faire en cet accez ; fut qu’ayant présenty la malice de son Persecuteur
dans la poursuite de cet iniuste dessein, de vouloir rompre vn ordre
qu’il auoit fait luy-mesme, & l’appellãt à Paris de l’enleuer sur le chemin ;
Elle resolut auec sa Mere de s’opposer puissamment à tous ses efforts,
& les rendant inutiles, les faire tomber sur leur autheur. Cette Dame prudente
& auisée en moins de vingt & quatre heures qui luy furent données
pour dresser tout l’appareil de ce voyage, mesnagea si vtilement tous les
momens de ce temps precieux, qu’elle amassa pres de trois cens Gentilshommes
qui peussent seruir d’escorte à sa fille, & d’asseurance mesme à ses
Gardes. En quoy certainement parut d’vn costé la iustice de sa cause, qui
se trouua si puissamment authorisée d’vne prouince entiere ; Et d’ailleurs
l’affection de la Noblesse à son seruice, se rendit si sensible, que toute cette
belle troupe ne sembloit estre composée que d’amis ou de Parens.
 
A peine le carosse, qui conduisoit en deux personnes toute la fortune
de ce Courtisan malheureux en ses amours, estoit sorti des portes de la ville,
qu’vne troupe de cinquante Gentilshommes s’approche de la portiere,
& saluë celles ausquelles ils deuoient seruir en mesme temps de compagnie
& de defense. Il n’y eut que ses Gardes & leur Exempt, qui furent
alors surpris de la peur. Cet obiet qui estoit par tout rauissant, donnoit à
ceux qui le consideroient plus d’amour & de respect, qu’il ne leur causoit
de terreur & d’épouuante : Et à voir l’asseurance de leur visage, on iugeoit
assez qu’ils portoient par tout le peril, & qu’ils le faisoient eux mesmes. Ils
n’auoient pas encore fait vne lieüe de chemin, qu’vne seconde Troupe se
ioignit au carosse, encore plus leste que la premiere, laquelle par les cris
d’allegresse, & par les demonstrations de respect qu’elle rendit aux Dames,
parut aussi tost estre amie. Ceux-cy furent suiuis d’vn gros de Caualerie,
où il estoit difficile de discerner par les armes le maistre de son valet, pource
qu’ils estoient tous également bien armez. Toute cette belle Troupe
marchoit deuant & apres le caresse dans vn ordre si reglé, qu’elle sembloit
auoir la multitude d’vne armée iusques dans l’appareil d’vn triomphe.
Cette florissante Noblesse que l’on doit auouër estre l’vne des plus belles
& des plus lestes de ce Royaume, ne tenoit point d’autre rang en cette
rencontre, que celuy que l’agilité de leurs cheuaux leur donnoit sans debat
les vns sur les autres : & de vray leurs casaques en broderie ou chamarrées
d’or, faisoient assez iuger qu’ils estoient plustost equippez pour le
repos de la maison, que pour vn voyage d’entreprise & de combat, n’estoit
qu’en cette occasion ils conseruoient à la campagne la mesme bien-seance
& les mesmes deuoirs de ciuilité, qu’ils gardoient d’ordinaire à la Cour.
En cet estat ils arriuent à Paris, n’ayant par tout éprouué dans leur chemin,
qu’vn accueil fauorable des amis, & de ceux mesmes qui leur estoient contraires,