[retour à un affichage normal]

Mazarinade n° B_4_13

Image de la page

Anonyme [1649], LETTRE D’VN GENTIL-HOMME A LA REYNE. , françaisRéférence RIM : M0_1866. Cote locale : B_4_13.

que la vertu dont ils font profession luy est si odieuse, qu’il ne
la peut souffrir : Sa fausse gloire & son auarice ont paru dans
quantité de rencontres ; mais iamais dans aucune qui les aye
plus fait remarquer que dans l’entreprise de Naples ; la conqueste
en estoit aisée, s’il eust voulu assister Monsieur de Guyse
de forces & d’argent, ce qui luy estoit tres-facile ; mais son dessein
en estoit bien esloigné : car il ne vouloit pas qu’il eust
l’honneur de vous rendre ce seruice, ny à l’Estat, ny qu’il en
receust la recompense, iugeant qu’vn homme de sa maison
estoit bien plus digne que luy de cét employ ; & peut estre il
se flatroit de cette esperance de paruenir à vne Couronne
qu’il s’imaginoit pouuoir soustenir de ce qu’il auoit si impunément
volé à celle du Roy vostre Fils. Il est constant & sçeu
d’vne infinité de personnes de toutes conditions de quelle
nature a esté son commerce, & les sommes immenses
qu’il a gaignées, tant sur l’armement que sur la vente des bleds
conduits de France en Italie : dans la Cour celle des charges
qu’il a euës : les profits des comptans, & la part qu’il a prise
dans tous les partis, qui ont esté si excessifs, que le Royaume en
est tellement appauury, qu’il est reduit dans la derniere misere.
Et parce que le Parlement s’est opposé à semblables abus,
comme son deuoir l’obligeoit, il a conceu contre luy vne haine
mortelle, & si ses pernicieux desseins eussent eu leur effet
le iour du Te Deum, d’vne victoire qu’il est indigne de partager
auec la valeur de Monsieur le Prince, auroit esté celuy du sacrifice
de la plus saine partie de ceux qui auoient si genereusement
resisté à sa tyrannie. Monsieur de Chauigny auroit aussi
esté sousmis à sa violence peu de temps apres, si les voyes qu’il
auoit tentées de le perdre luy eussent succedé selon qu’il le pretendoit ;
estrange mesconnoissance, Madame, des obligations
toutes extraordinaires dont il luy estoit redeuable. Entrez en
vous mesmes apres tant de lumieres, & n’y perdez point de
temps, puisque tous les momens vous sont si chers ; N’attendez
point qu’on aye recours à la fureur des armes dans tous les
endroits de ce Royaume, & que le sang y soit respandu par la
courageuse resistance d’vn party qui hazarderoit milles vies
pour vne cause si iuste contre celuy qui en voudra deffendre