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Mazarinade n° C_6_26

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Anonyme [1649], LES MOTIFS DE L’VNION DV BOVRGEOIS DE PARIS, AVEC LE PARLEMENT, REPRESENTEZ A LA REYNE, Seruans de response aux Libelles jettez dans Paris. Où est descouuerte la fausse Politique des deux Ministres Cardinaux. , françaisRéférence RIM : M0_2500. Cote locale : C_6_26.



Mais ayant veu, Madame, que ce mesme conseil prenoit aduantage de nostre silence,
pour nous persuader à nous mesme, & au reste de la France, que gemissans sous la domination
du Parlement, la liberté d’expliquer nos pensées nous estoit absolument interdite ;
veu que tant de particuliers vous ayans expliqué leurs plaintes sous les noms
de Gentils hommes, Cheualiers, Religieux deuots, & autres, qui ont tous trauaillé à
mesme fin, & pour faire voit que cet Auguste Senat auoit autant d’approbateurs qu’il
y a de bons citoyens en France, il ne restoit que le bon Bourgeois de Paris, qui n’osoit
mettre auiour ses sentimens, parce que, vous disoit-on, ils sont contraires aux desseins
de ceux qui abusans de leur authorité, gouuernent cette bonne ville, en opprimant
leur liberté.
Nous auons resolu de vous desabuser, Madame, & vous professer hautement, que
nous n’auons depuis long-temps si bien gousté la liberté auec laquelle nous sommes nez,
estans naturels François, que depuis que ce Cardinal Estranger a tasché de nous l’oster
entierement, en nous enuironnant de gens de guerre : ausquels il a donné charge d’acheuer
le pillage de la France, qu’en son particulier il a si bien commencé, parce que
nous voyons bien qu’il representera le principal personnage de cette sanglante tragedie
qu’il a luy-mesme preparée : Et recognoissant, Madame, aussi bien que tous ceux qui ont
quelque inclination pour la France, que ce pretendu Ministre n’a iamais trauaillé que
pour ses propres interests, au preiudice de ceux du Royaume, dont il semble auoir embrassé
la protection, vous serez la premiere qui en pour suiurez la vengeance, & qui vous
ressentirez iustement de l’injure qu’il a faite au bon gouuernement que tous les François
esperoient de vostre Regence.
C’est de cette sorte que nous attendons que vous rendrez le repos à la France, &
qu’oubliant les fausses maximes, dans les quelles on a tasché de vous entretenir depuis
quelques années, vous continuërez le reste du tẽps de vostre administration, auec la bonté
& les sentimens dans lesquels nous vous auons tousiours admirée, & que detestant, comme
vous auez fait autrefois la dangereuse Politique des deux derniers Ministres, vous
enseignerez à vostre Fils, nostre Roy & le vostre, que les François estiment plus que toute
autre chose la bonté de leur Roy.
Car il faut que vostre conseil, Madame, cesse de croire que sous de vaines apparences
il nous souleuera les vns contre les autres, & que nous serons les instrumens par lesquels
nous leur appresterons à triompher de nous mesmes, en abandonnans ce Corps illustre
de Parlement, que nous recognoissons tres-bien ne trauailler, que pour les interests du
Roy, & de ses fideles subiets.
C’est toutefois ce que vostre Ministre se promettoit de tant d’artifices, dont il s’est
seruy, pour nous faire croire qu’en pratiquant la perte de ce grand Senat, il cherchoit
nostre repos, & le soulagement de toute la France : afin qu’en nous separans d’auec luy,
il pût tirer aduantageusement la vengeance aussi bien de nous, que de ce Senat illustre :
puis que nous auons esté les premiers à nous plaindre de sa conduite, & de son ministeriat ;
& que iamais le Parlement n’a prononcé sa condemnation, qu’apres qu’elle a esté
tant de fois reïterée par le peuple. Mais ces moyens si grossiers & cette foible Politique
n’ont seruy qu’à nous faire voir la bassesse de son genie, & que bien loin que la France
aie besoin de chercher des Ministres chez les Estrangers, que les enfans de ce Royaume
seroient capables de faire leçon aux plus subtils de ceux de sa Nation, puis que nous leur
apprenons en sucçans la mammelle, qu’autrefois les brebis furent deuorées par les loups,
pour leur auoir premierement abandonné les matins qui les gardoient, sous pretexte de
former vne nouuelle amitié & vnion de ceux entre lesquels la Nature a mis vne absoluë
repugnancé.