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Mazarinade n° B_19_57

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Anonyme [1652], LES ENTRETIENS DE MESSIEVRS DE THVRENNE ET DE TAVANNES, SVR LES AFFAIRES PRESENTES. Ensuitte la Harangue à eux faite par Monsieur le Comte de Tonnerre. , françaisRéférence RIM : M0_1250. Cote locale : B_19_57.

Harangue de Monsieur de Tonnerre à Monsieur de Turenne
& de Tauannes.
PVIS que vous desirez, Messieurs, que ie vous die
mes sentimens, ie veux bien satisfaire à vos volonté :
Sçachez qu’il n’est plus de saison que vous
supportiez le party d’vn iniuste & d’vn vsurpateur :
Il y a assez long temps qu’il vous tient dans ses liens, & oserois
bien vous asseurer, qu’il ne manquera pas de vous ioüer,
ainsi qu’il a pensé de ma personne. Dieu est iuste, & n’a voulu
permettre en mon endroit la riguer de ses conseils ; cette
ame cauterisée c’est enfin rencontrée deceuë, le poison qu’il
m’auoit fait preparer ne sera pas inutile : car sans doute il
l’auallera luy mesme : Il y a temps dedifier, & temps de destruire :
Le Ciel ne regardera pas tousiours la France de mauuais
œil, il versera sur icelle sa plus pure rosée, & remplira
nos Lys de fecondité. Vos genereux courages fleuriront :
Ils seront nommez le support & soustien des Lys, & porteront
la terreur iusques dedans les plus esloignez confins de
l’Europe. Il est raisonnable que ie vous face sçauoir, Que
vos armes ne sont point esleuës pour dégrader la Monarchie
Françoise : iusques à present vous les auez soustenuë, & mesme
respandu vne tres-noble partie de vos genereux sangs :
Que dira-on de vous, si vous gauchissez pour l’amour d’vn
Estranger ? Pour luy complaire, & bref, pour luy donner
place sur le Trosne du plus florissant Empire de la
Chrestienté : Vous menassez vne puissante Ville, & vous ne
cognoissez pas que ses plus foibles forces, seront cause de
vostre ruine & detriment : Vostre courage est assez bon pour
entreprendre de plus nobles actions, vos vertus Heroïques
nous l’ont assez de fois tesmoigné : Il faut vous ranger du bon
costé, & vous verrez que les Astres feront tomber sur vos
testes leurs meilleures influances.
Cette Harangue finie, ils s’embrasserent tous trois auec vn visage
riant, lesquels ne tesmoignoient qu’vne tres-grande ioye, ils se
dirent les vns aux autres Dieu soit auec nous, & monterent en
leurs Caresses.

FIN.