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Mazarinade n° C_5_28

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Anonyme [1649], APOLOGIE POVR MONSEIGNEVR LE CARDINAL MAZARIN, TIREE D’VNE CONFERENCE ENTRE SON EMINENCE ET Monsieur ****** homme de probité & excellent Casuiste. Tenuë Sainct Germain en Laye deux iours consecutifs. PREMIERE IOVRNEE. , françaisRéférence RIM : M0_127. Cote locale : C_5_28.



Le Casuiste. Hé pour quelle raison, Monseigneur ?
Le Card. Pour subuenir aux maux qui affligent maintenant la France.
Le Casuiste. Et comment cela, Monseigneur ?
Le Card. I’ay remarqué que tous les grands fleaux de la guerre sont venus
du North, comme Attila, le Roy de Suede, Mansfeld & les autres, selon le
vieux Prouerbe, Omne malum ex Aquilone. Ores preuoyant par le naturel ingrat
des François, & par les inspirations que Dieu donne aux grands hommes
pour le soin de leur conseruation, que la France me traitteroit vn iour
comme elle me traitte à present, apres tant de signalez seruices que ie luy ay
rendus, j’ay voulu obliger les Polonois, en les déchargeant du Turc que i’ay
inuité ailleurs, & par ce moyen j’ay mesme obligé le Turc, en luy facilitant
les moyens de venir à bout de ses ennemis les Venitiens. Vous voyez comme
les Polonois me seruent desia pour me venger des Parisiens, s’il en est besoin
le Turc est prest pour me rendre le mesme seruice.
Le Casuiste. Monseigneur, voila comme il fait bon obliger tout le monde.
Mais, Monseigneur, on vous dira que tout cela est bien preiudiciable à
toute la Chrestienté, & particulierement à la France.
Le Card. Que la France ne me laisse-t’elle viure en repos ? I’ayme mieux
que toute la terre perisse, que non pas que ie descende d’vn seul degré du
faiste de la grandeur, où mon merite & mes bons seruices m’ont esleué.
Le Casuiste. Mais la Charité Chrestienne, Monseigneur ?
Le Card. Mais la Charité Politique, Monsieur ? I’ay encore vne autre
raison qui m’oblige à me bien mettre auec le Turc. C’est que deuant vn iour
tenir le Siege de Sainct Pierre, ie seray voisin du Turc, & vous sçauez qu’il
fait bon estre en amitié auec ses voisins.
Le Casuiste. Quoy le Chef visible de l’Eglise, le Lieutenant de Dieu sur
terre, faire alliance & amitié auec l’Ennemy du Christianisme ?
Le Card. Ie seray ennemy du Turc entant que le Chef de l’Eglise, mais ie
seray son amy entant que Prince temporel.
Le Casuiste. Quittons s’il vous plaist l’Italie, Monseigneur, & passons
parla France, pour aller en Allemagne voir comme vous trauaillez à la
paix, & en Flandres comment vous mesnagez les affaires de la guerre. Ils
me demanderont sans doute, pourquoy ces ballets dans la plus grande necessité
du siecle ?
Le Card. C’est à cause de cette necessité que ie faisois toutes ces machines
& ces ballets. N’auez-vous iamais veu sur la place Navone, & mesme sur le
Pont-neuf comme les filous se separent, & qu’il y en a vne partie qui occupe
les yeux & les oreilles du peuple par des spectacles bouffons, & des chansons
lasciues, tandis que les autres leur coupent la bourse, & font des querelles
d’Allemand pour voler quelque manteau. Ie les imitois dans cette vrgente
necessité des affaires, & attachant les esprits, les yeux & les oreilles du
peuple à ces belles inuentions qui le tenoient d’autant plus attentif qu’elles
luy estoient nouuelles & estrangeres, ie tirois de l’argent de la bourse pour
subuenir aux affaires de l’Estat ; & faisois accroire aux vns qu’ils auoient
mangé le lard, afin d’en tirer de grandes sommes pour se reconcilier auec