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Mazarinade n° A_2_3

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Anonyme [1649], APOLOGIE POVR MONSEIGNEVR LE CARDINAL MAZARIN, TIREE D'VNE CONFERENCE ENTRE SON EMINENCE ET Monsieur ****** homme de probité & excellent Casuiste. , françaisRéférence RIM : M0_127. Cote locale : A_2_3.



Le Card. I’esperois que le pain manqueroit à Paris en deux iours de marché,
que le peuple murmureroit, & que le Parlement seroit contraint de
nous rappeller auec des conditions tres-auantageuses.
Le Casuiste. En des affaires de telle importance, il ne faut pas esperer, il
faut agir auec certitude. Il n’y en a point qui ait plus perdu que vous à cette
affaire là, & ie crois que ce vous est vne punition assez grande de n’auoir pas
reüssi.
Le Card. Il eust bien mieux valu que ie me fusse vn peu accommodé au
temps.
Mais pour vous dire vray, nous auons esté trahis, tout le monde
nous promettoit du secours, & ceux en qui nous auions plus d’esperance,
ont esté ceux qui nous ont manqué les premiers.
Le Casuiste. Vous fustes bien estonné quand Monseigneur de Longueville
& Monseigneur le Prince de Conty se vinrent ranger du costé de Paris.
Le Cardinal. Cela me surprit beaucoup.
Le Casuiste. Mais pourquoy accusastes vous par vne de vos lettres Messieurs
du Parlement, d’auoir intelligence auec les Espagnols ?
Le Card. C’estoit pour le rendre odieux au peuple, & si ie n’estois pas trop
loing de mon compte, vous voyez qu’ils luy ont du depuis donné entrée en
France.
Le Casuiste. Mais c’est lors que vous les y auez forcez, & si vous l’eussiez
pû attirer de vostre costé, ne l’eussiez vous pas fait ?
Le Card. Oüy-dea ? Mais Messieurs du Parlement n’en eussent-ils pas tiré
auantage contre moy, & n’eussent-ils pas declamé comme il faut. Monsieur
pour vous parler sainement des affaires, ie vous diray tout en deux mots ?
Entre personnes d’Estat toutes ces inuectiues & calomnies ne valent pas vn
clou à soufflet, ce sont les effects & la force qui font tout, les armes sont les
raisons des puissances. Si mon dessein eust esté de ruiner la France, comme
tout le monde m’accuse, il m’estoit tres-facile, car le petit desgast qu’on a
fait au tour de Paris.
Le Casuiste. Comment petit degast Monseigneur ? les Villages pillez, les
Temples prophanez, les Religieuses violées ?
Le Card. Oüy, que sçauez vous si elles n’en estoient pas bien aises ? peut-on
prendre vne fille par force ? Que vous estes encore bon homme ! Ie vois
bien que vous n’estes gueres sçauant en ces matieres-là, mais vous m’auez
fait perdre mon discours. Ie vous disois que si i’eusse eu dessein de ruiner la
France, il m’estoit tres-aisé. Car pouuez vous croire que l’Espagnol aime la
France ? ne sçauez vous pas le vieux prouerbe qui dit, timeo Danaos & dona
ferentes. Je crains les Grecs & particulierement lors qu’ils nous font des presents.
L’Espagnol qui voyoit vostre foiblesse & vostre timidité, vous fit offre
de toutes ses forces, pour vous encourager & allumer le feu. Mais si
nous n’eussions pas esté assez sages pour nous accommoder, ou que i’eusse
voulu faire deschirer la France de ses propres mains, croyez vous que l’Espagnol
n’eust pas fomenté nos desordres en secourant le plus foible party ? C’estoit
la son vray jeu.
Le Casuiste. Mais Monseigneur, il ne demandoit que la paix.