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Mazarinade n° C_10_29

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Anonyme [1649], LE THEOLOGIEN D’ESTAT, A LA REYNE. POVR FAIRE DESBOVCHER PARIS. , français, latinRéférence RIM : M0_3770. Cote locale : C_10_29.


sçauoir. pas l’Escriture, qui dit, Que qui cherche la vengeance de l’homme,
trouuera celle de Dieu. Elle a trop de connoissance, pour ignorer que
la vengeance d’vn seul homme a cousté cher à plusieurs grands, &
que celle qui se porte sur tant de milliers de sujets, est extrémement
dangereuse. Si vn Roy n’y a du succez, il offense sa Couronne ; & s’il
y reussit, il déchire ses entrailles. Il arriue rarement que les appetits de
se venger succedent comme on les a projettez : Il y a vne main du Ciel
qui les arreste, & qui nous apprend, que lors qu’on delibere de la
fortune d’autruy, il faut appeller la sienne au conseil.
 
Qui vindicari
vult, à
2 Dom
inueniet.
vindictã
Eccli.
3 I.
Mais peut estre que vostre Majesté croit, que ce qu’elle fait est vne
œuure de iustice, qui ne tend point à d’autre but, que de maintenir
l’authorité Royale. Si c’est vne iustice qui vient de Dieu, pourquoy
l’estendez vous au delà des Arrests de Dieu ? Il a voulu pardonner à
vne grosse Ville pour dix hommes iustes. Et vous en voulez perdre
vne cent fois plus grande & plus illustre, pour quatre ou cinq hommes
que vous estimez iniustes. Il n’appartient qu’à Dieu d’estendre les
peines des coupables, mesme sur la posterité. Mais les Rois, quoy qu’ils
puissent priuer vne communauté entiere de leurs faueurs, pour le peché
d’vn particulier : ne peuuent toutesfois selon les Loix de la conscience,
liurer aux tourmens & à la mort des ames innocentes, en vengeance
de quelques criminels. Sainct Thomas dit expressément, qu’il
n’y a aucune raison ny de Religion ny d’Estat, de tuër vn homme non
coupable, sans offenser Dieu mortellement. Et quoy que cela s’excuse
auec peine en vne Guerre iuste ou il se fait indirectement, il ne se
peut pas toutesfois excuser en cette action, qui procede par voye de
chastiment, & non de Guerre legitime.
S. Thom 2. 2. q.
64. ar 6
In nullo
casu licet
occidere
innocentem.
Les Fauoris vsurpateurs font tout entreprendre aux Princes sous
couleur de la conseruation de leur Estat. Comme si cét Estat estoit vne
Diuinité independente de l’Euangile. Mais qui ne voit, que par ce
moyen on iustifieroit tous les crimes, & qu’il y auroit lieu d’excuser
Herode, apres auoir passé l’espée par le corps de quatorze mille innocens,
pour en tuër vn seul, en disant qu’il s’y sentoit obligé pour le bien
de son Estat. Mais qu’est-ce que l’Estat d’vn Roy, sinon son peuple,
qu’il conserue auec vne soigneuse espargne, pour se conseruer ?
Il est tres dommageable, de faire perir vne grosse Ville & vn grand
peuple, selon la cõscience, & selon l’Estat. Ie dis selon la cõscience, parce
que c’est entreprendre sur les pouuoirs de Dieu, qui est ialoux de sa
gloire, & qui sçait la mesure de ses vengeances. C’est vn coup qui n’est
propre qu’à la toute puissante main de Dieu, d’exterminer des Villes,
& des Natiõs entieres, & de punir vniuersellemẽt, parce qu’il est l’estre
vniuersel de toutes choses, & que selon que dit le Sage, quand il auroit
abysmé le monde, on n’auroit rien à luy reprocher : Et quoy que par sa
puissãce absoluë, il pourroit, sãs autre cause, perdre par le feu, par l’eau,
& par le fer, tous les habitans de la terre ; il n’a iamais toutesfois ruiné