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Mazarinade n° C_6_67

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Anonyme [1649], LE PROCEZ, L’ADIOVRNEMENT PERSONNEL, L’INTERROGATOIRE, ET L’ARREST DE MORT DV ROY D’ANGLETERRE. Auec ce qu’il dit & fit deux iours auant sa mort: Et la Harangue qu’il prononça sur l’échaffaut. Selon le rapport de plusieurs Gentils-hommes Anglois qui y assisterent, & meirent le tout sur des tabletes. Fidelement traduit de l’Anglois, par le sieur DE MARCYS, Interprete & Maistre pour la langue Françoise du Roy d’Angleterre regnant à present, & de son Altesse Royale Mgr le Duc d’York son Frere. , françaisRéférence RIM : M0_2888. Cote locale : C_6_67.


venus là pour receuoir ses derniers commandements. Il passa par la galerie
de Withehall pour aller à la chambre, où il auoit coustume de coucher
du temps de sa splendeur. On luy demanda s’il ne vouloit pas disner.
Il répondit que non ; parce dit-il, qu’il auoit receu la Communion vne
heure auparauant, & que cét antidote suffisoit pour repousser tout le venim
de la mort, qu’il auoit Dieu mercy le cœur fort bon. Ayant employé
le temps du disner à prier Dieu dans le Cabinet, où il faisoit de tout temps
ses prieres, il passa auec sa garde ordinaire, & la Compagnie d’auparauant
à trauers la Cour de Withehall, qui estoit encore toute couuerte d’Infanterie.
Ce Prince, dont la constance triomphoit de tant d’ennemis, triomphoit
encore de la mort mesme, qui ne pouuoit effacer de son visage sacré
l’image viuante de Dieu pour y marquer la sienne, il marchoit la teste leuée,
auec vne Majesté pareille, que s’il eust esté dans quelque ceremonie
importante. Il estoit vestu d’vn satin noir & d’vne robbe de chambre de
mesme estoffe, & portoit le cordon bleu & l’Ordre de Saint Georges, autrement
dit de la Iartiere. L’eschaffaut estoit tendu de noir, & il y auoit
quatre anneaus de fer aux quatre coins, vne hache d’vn costé & vn billot
de bois de l’autre. Le Prince y monta assez resolument, & ne donna iamais
aucune marque de douleur ou de despit. Il parut d’abord deux bourreaux
mas quez, qu’on croit estre Fairfax & Crommwell, parce qu’ils ne parurent
point de tout le iour, soit qu’ils se defiassent de toute autre personne,
ou qu’ils voulussent eux-mesmes gouster ce detestable plaisir, de tremper
leurs mains sacrileges dans le sang Royal. Car vous sçaurez que les bourreaux
ordinaires, quoy qu’accoustumez au carnage, curent horreur de
prester leurs mains à cét horrible parricide, & s’enfuirent ou se cacherent.
Toute l’armée Fairfaxienne eftoit sous les armes, & les eschaffauts d’alentour
chargez de peuple, à qui l’on faisoit accroire que leur Roy n’en auroit
que la peur, & qu’il falloit vser de ses formalitez pour satisfaire à la
Iustice. Le Roy jettant l’œil sur le billot, demanda au Colonel Haker
s’il n’estoit pas possible d’en auoir vn plus haut. Vous sçaurez qu’en Angleterre
on se sert d’vne hache pour couper la teste, en posant le col sur vn
billot de bois. En apres le Roy parla en ces termes, addressant particulierement
son discours au Colonel Thomlinson.
  HARANGVE DV ROY D’ANGLETERRE
sur l’eschaffaut.

IE me tairois, si ie ne craignois que mon silence ne fust reputé pour vn
adueu des crimes, dont i’ay esté perfidement accusé ; Premierement
j’appelle Dieu à témoin, deuant le Tribunal duquel ie dois bien-tost
comparoistre, si i’ay iamais eu la pensée seulement de fouler mes peuples