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Mazarinade n° C_6_59

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Anonyme [1649], LE POLITIQVE CHRESTIEN. DE S. GERMAIN. A LA REYNE. , françaisRéférence RIM : M0_2811. Cote locale : C_6_59.


nous menaçoient il y a long-temps : Puisque nos gens de guerre,
qui estoient capables de conquester tout vn monde, ont bien eu de
la peine à conseruer nos frontieres : Puisque nos victoires mesmes
meritoient plus de larmes que de ioye : Puisqu’on se glaçoit au feu
de nos trophées : Puisque les leuées de deniers, qui pouuoient suffire
à achepter toutes les terres de nos ennemis, n’ont pû payer la
monstre de nos soldats ; Puisque pour faire la guerre aux Estrangers,
il l’a premierement fallu faire à nos compatriotes, leur rauissant
& leur substance & leur subsistance ; Puisque sans nous fortifier
beaucoup au dehors, nous nous destruisions au dedans ; Puisqu’en
nous rendans odieux au Estrangers, nous deuenions insupportables
à nous mesmes : Puisque par vne conduitte du tout extraordinaire ;
on ne s’est point soucié d’estouffer l’amour & le respect
de l’authorité Royale dans le cœur des Peuples : quoy que ce
fut la derniere faute qu’on deust iamais faire : Puisqu’en fin on donuoit
sujet à la France de croire, que quelque changement qui pust
succeder, il ne pouuoit estre que tres heureux par comparaison de
l’estat où elle se voyoit ; & qu’il ne luy pouuoit arriuer pis que de
demeurer comme elle estoit : Puisque toutes les Remonstrances
qu’on pouuoit faire pour preuenir ou adoucir nos maux, ne seruoient
qu’à les fomenter & les accroistre.
 
Nous prions Dieu, MADAME, de donner de bons Conseils à
Vostre Maiesté. Nous prions le bon Ange de la France & le vostre,
de vous faire conceuoir, que le mestier du monde le plus perilleux,
c’est celuy de la vengeance, qu’on a voulu exercer sous le
nom de V. M. & sous le vain pretexte de l’authorité blessée. Souuẽt
on trouue la vengeance de Dieu, en cherchant celle des Hommes.
De sages Empereurs ont conserué leurs Couronnes en pardonnãt
ou dissimulant les iniures ; comme les Constantins & les Theodoses :
Et d’autres les ont perduës, pour auoir refusé à contre-temps
vne legere cõdescendance à leurs sujets : Comme le Roy Roboam,
qui risqua dix parties de son Royaume, pour s’opiniastrer à l’opression
de ses Peuples. Nous la prions de pẽser, que les Estats ont leur
periode, aussi bien que le reste des choses ; que le temps present se
monstre fatal sur les Sceptres : & qu’il ne faut quelques fois que la
mauuaise conduite de peu de iours, pour destruire vne Monarchie
de plusieurs siecles. Fasse le Ciel, MADAME, que celle que vous
gouuernez, n’ait point d’autres limites que celles de l’Eternité ;
comme nous desirons que nos respects & nos obeïssances n’ayent
point d’autres bornes pour V. M. que la fin de nostre vie.

FIN.