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Édition annotée d’une mazarinade : « La Trompette de la Fronde »

Mémoire de master 1 de Juliette Brunet, préparé dans le cadre du séminaire de Myriam Tsimbidy, « Écritures du passé : Les représentations de l’événement au XVIIe siècle » (2016-2017, Université Bordeaux Montaigne). [Mise en ligne : Patrick Rebollar le 04/05/2019. Voir aussi version numérique de la mazarinade dans le site Séléné de la BM de Bordeaux. MàJ de l’adresse de Séléné le 04/06/2023]

Édition annotée d’une mazarinade intitulée
La Trompette de la Fronde,
par Juliette Brunet

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Notice

La Trompette de la Fronde ou Le Miroir qui ne flatte point est une mazarinade écrite en octobre 1651 par un certain Peuche, dit Pesche, du parti des Condéens. Elle se compose de trois textes distincts : une lettre adressée à son dédicataire, Gaston d’Orléans ; un éloge du Grand Condé ; une diatribe contre Gondi, futur cardinal de Retz. Il est à savoir que celui-ci fait plusieurs fois mention, dans l’un de ses libelles[1] puis dans ses Mémoires, d’un agent et propagandiste de Condé répondant au nom de Pesche[2].

Pour comprendre les circonstances dans lesquelles la Trompette a été rédigée, il nous faut remonter un peu plus de deux ans en arrière, quand prend fin la fronde parlementaire. La paix de Saint-Germain a pu être signée, le 1er avril 1649, entre le Parlement et la Cour, grâce au soutien que le prince de Condé a apporté à la reine régente, Anne d’Autriche, et à son premier ministre, le cardinal Mazarin. Le prince entend qu’on lui attribue, en récompense de ses services, un rôle important au sein du gouvernement. Mais la reine et le cardinal, redoutant ses ambitions, s’allient contre lui avec le coadjuteur Gondi, proche conseiller du duc d’Orléans, auquel est promis le chapeau de cardinal. Au début de l’année 1650, la cour unie à la vieille Fronde décide donc de l’arrestation du prince de Condé, de son frère, le prince de Conti, et de leur beau-frère, le duc de Longueville. Les fidèles condéens tentent alors de soulever des régions de province, notamment la Guyenne.

L’automne venu, Mazarin craint que le duc d’Orléans, sous l’influence de Gondi, ne tente de s’emparer du pouvoir. La libération des princes, requise au Parlement par les Frondeurs, est négociée en janvier 1651 entre la reine, qui demande le dépôt des armes, le duc d’Orléans, qui réclame la haute main sur les conseils et l’éloignement de Mazarin, et Gondi, qui veut être nommé au cardinalat. L’Union des Frondes est scellée et la rupture entre Mazarin et le duc d’Orléans, rendue publique trois jours plus tard. Mazarin, forcé de fuir Paris, libère les princes emprisonnés au Havre puis s’exile à Brühl.

En octobre 1651, la lutte se poursuit entre la Cour, la Vieille Fronde, et les Condéens. Le prince de Condé, qui a gagné son gouvernement de Guyenne en septembre et dispose des forces de cette région ainsi que de celles de la Saintonge, de l’Aunis, du Poitou et de l’Anjou, cherche à déporter le conflit en direction de Paris. Il entraîne avec lui Gaston d’Orléans — auquel Pesche, suivant la logique de cette alliance, dédie la Trompette.

Cependant, plutôt que dans la lettre louangeuse adressée au duc, plutôt que dans le panégyrique de Condé, plutôt que dans la dénonciation du machiavélisme de Mazarin, qui, toute véhémente qu’elle soit, consiste en un ressassement de poncifs, c’est dans l’attaque dirigée contre la personne du coadjuteur Gondi que se situe, nous semble-t-il, l’efficace, l’originalité et le grand intérêt de ce texte.

En effet, les accusations que Pesche adresse à Gondi se fondent sur des faits concrets, exemplaires et précis ; tout au long de l’énumération des charges nous sont livrées certaines données à caractère privé : noms, adresses, sommes d’argent, dont nous avons tenté, dans la mesure de nos moyens, de vérifier l’exactitude. De par sa rigueur, sa méthode et sa rédaction en style procédurier, cette diatribe produit sur le lecteur l’impression d’un véritable réquisitoire de procès.

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LA TROMPETTE DE LA FRONDE[3] ou
LE MIROIR QUI NE FLATTE POINT[4] :
POUR LA CONSERVATION DE L’ÉTAT,
et tranquillité publique.

Dédié
À SON ALTESSE ROYALE,
Conservateur et Restaurateur de l’État.

EN SUITE DE CE EST L’ADDITION
et ce qui a été omis de dire, contre les deux pièces dressées par M. le Coadjuteur de Paris[5], et contre les factionnaires[6] Mazarinistes.

Jouxte la copie imprimée à Paris[7] M. DC. LI.

À SON ALTESSE ROYALE[8].

MONSEIGNEUR,

Puisque Votre ALTESSE Royale par sa bonté ordinaire, m’a fait l’honneur depuis l’injuste détention de Messieurs les Princes[9] jusques à présent, de me donner autant d’audiences que je lui en ai demandé : lesquelles dans mon petit raisonnement pur et sincère, et détaché d’intérêts, n’ont eu autre fondement, que de contribuer à la conservation de la Monarchie, la réunion de la Maison Royale[10], le rétablissement de l’État, l’exécution de la Déclaration du mois d’octobre 1648[11] et anciennes Ordonnances, la paix générale[12], et le soulagement du pauvre peuple ; de quoi en mon particulier je suis éternellement obligé à V. A. d’avoir écouté si souvent les plaintes de tous les bons Français par ma bouche, lesquels maintenant avec moi publient de vive voix, et par écrit dans une pure vérité, que Vous êtes, MONSEIGNEUR, le seul Conservateur et Restaurateur de cet État, par le grand Génie de Votre esprit merveilleux ; ce qui m’a obligé de prier très humblement V. A. Royale de vouloir agréer ce petit discours que j’ai fait sur ce sujet que [je] lui dédie ; ce que je n’ai pu faire jusques à présent, ni la mettre au jour à cause de la persécution des ennemis de l’État, qui sont les miens, afin de lui donner votre protection. C’est-à-dire, que puisque V. A. a malgré les Espagnols[13], Italiens[14], et autres ennemis de cette Monarchie, conservé la Couronne à notre grand

Monarque[15] à[16] ces derniers mouvements de guerre, de vouloir continuer, et par la prudence de vos bons conseils, joints à ceux de Messieurs les Princes du Sang[17], Vous puissiez la maintenir éternellement. Votre Altesse sait le zèle, et affection que j’ai pour la Maison Royale, et la réunion d’icelle, et que je suis le Miroir qui ne flatte personne, aussi dans ce petit ouvrage je dis hautement la vérité contre les favoris des Rois, leurs Ministres et flatteurs[18], qui ont été jusques à présent les vrais ennemis de l’État, ayant abusé de l’autorité Royale par les tyrannies qu’ils ont faites (sous ce sacré nom) pour leur intérêt et faire leurs fortunes[19]. Vous en avez, MONSEIGNEUR, ressenti en Votre Personne leurs injustes fureurs, dont le souvenir vous en doit être toujours présent, afin d’empêcher ceux de leurs factions, qui prétendent d’entrer dans leurs places, pour continuer de pis en pis la tyrannie, n’ayant en usage que les maximes diaboliques de Machiavel Italien[20], afin d’établir l’Inquisition[21] en France. Bref, pour faire honte et horreur à ces Monstres, et en laisser à la postérité des marques par écrit, j’ai été obligé en déduisant la vérité, d’en dire leurs noms[22], ce qu’ils sont, et ce qu’ils ont fait, afin que V. A. R. et Messieurs les Princes du Sang s’unissant avec Sa Majesté, pour son bien et utilité, et vu son bas âge[23], Vous puissiez gouverner sous son nom[24] cette grande Monarchie, en chassant des Conseils les prétendants tyrans créatures de ce pernicieux Monstre Mazarin, qui sont les Sieurs premier Président[25], Châteauneuf[26], Coadjuteur, et autres Disciples dudit Machiavel, sans quoi la ruine d’icelle serait infaillible. C’est pourquoi tous les bons Français espèrent, MONSEIGNEUR, qu’étant Enfant de la Maison et Oncle de Sa Majesté, que[27] Vous réunirez la Maison Royale, en faisant éclater partout l’innocence de Monsieur le Prince[28], et calmer tous les désordres que ce Porte-enseigne[29] de l’Antéchrist[30] et perturbateur du repos public et ses créatures ont excité dans l’État. Ce faisant la Maison Royale en recevra l’utilité, les Sujets le repos, et la paix générale, laquelle V. A. et les Messieurs les Princes feront conclure à nos ennemis les armes à la main à l’avantage de la France. Ce sont les moyens d’assurer la Monarchie, tous les bons Français attendent ce bien de V. A. Royale. Pour la prospérité, santé, longue et heureuse vie d’icelle, et de tous ceux de votre Illustre Maison, ils prieront incessamment Dieu, et moi particulièrement, qui suis avec tous les respects.

MONSEIGNEUR,

Votre très humble, très obéissant, et très fidèle serviteur,

De Mont-rond[31], ce 5. PEUCHE, dit PESCHE.

Octobre 1651.

AVIS À TOUS LES BONS

Français, Disciples du Prophète Royal

David Roi des Frondeurs[32], afin de conserver la Monarchie Française, et la faire durer éternellement.

Les Monarchies se sont toujours maintenues et conservées lorsque les Souverains ont rendu, ou fait rendre également la justice à leurs sujets sans exception, joint la piété, clémence et la bonne union des Princes. Au contraire par l’injustice, impiété, désunion et tyrannies que les favoris et flatteurs des Rois, et sangsues des Peuples y ont fait régner par la négligence et bonté des Souverains, on a vu souvent défaillir les unes, et d’autres en ont été dans les penchants[33] : notamment cette grande Monarchie Française, qui au point de faire naufrage a été heureusement conservée par le seul génie de ce grand Duc d’Orléans tout rempli de zèle et de vertu, lequel par une conduite, sagesse, et prudence merveilleuse, a chassé de l’État ce Monstre, Sorcier, Apostat, Monopoleur et infâme Ministre Mazarin, ennemi de Dieu, du Roi, et de l’État. En suite S. A. R. travaille incessamment à réunir la Maison Royale désunie depuis quarante ans[34] par ces favoris Machiavéliques et tyrans, desquels il en veut faire ôter la racine, afin que dorénavant les Princes qui sont les Enfants de la Maison Royale, les vrais et légitimes Favoris et Héritiers ; l’Ornement, l’Éclat et l’Appui de la Couronne, étant unis à leur Souverain, et gouvernant ensemblement l’État ; tous les bons Français sont assurés qu’il n’y aura plus de tyrannie, n’y ayant plus de favoris absolus. Car le Roi est le Père universel de tous les Français, lequel ne regarde son Royaume que pour le fortifier et améliorer, et les favoris font le contraire. D’autant que durant qu’ils sont en faveur, ils ne visent et ne le regardent que pour le ruiner, à dessein de faire leurs fortunes des dépouilles des Français, leur étant indifférent que les Rois leurs Maîtres soient détrônés, les Princes massacrés, et les peuples réduits à mendicité. Pour y parvenir, ils ont toujours tâché de détruire et perdre tous ceux qui sont au-dessus d’eux, qui sont nos Princes du Sang, en ternissant leur éclat auprès des Rois par des fourberies, fausses suppositions de crimes, malices, et méchancetés inouïes, bannissant les uns de la Cour, faisant emprisonner, empoisonner, et faire mourir d’autres par faux témoins et autrement. Et afin qu’on ne reconnût leurs méchancetés, [ils] ont depuis trente ans contre l’ordre de justice, fait sceller au grand sceau des commissions extraordinaires d’attribution de juridiction à des juges à leur dévotion[35], ministres de leurs passions, pour faire et parfaire le procès aux gens de bien qui leur nuisent, et par ces moyens empêcher que les Cours Souveraines et Juges naturels, n’eussent la connaissance de leurs inventions diaboliques. Vu que telles commissions extraordinaires sont contraires aux ordonnances Royales, qui sont les lois fondamentales de l’État, et lorsque les Parlements et Cours Souveraines s’y sont voulu opposer, et à dix mille Édits pour des impositions nouvelles, les tyrans de Favoris ont fait interdire des Parlements entiers, d’autres en particulier maltraités, interdire des chambres des Enquêtes, exiler des Conseillers et des Présidents en divers endroits pour avoir dit la vérité, empoisonner le Sieur P. Barillon[36] à Pignerol par l’ordre du Mazarin, fait mourir publiquement et inutilement de notables personnages, qui seraient bien nécessaires à présent. Bref, on a vu que le Conseil a eu connaissance jusques à des procès de criées[37], procès criminels, et de toutes matières par les évocations qu’ils en faisaient contre tout ordre de Justice ; néanmoins on a toléré toutes ces tyrannies. Entre toutes ces vérités, nous en avons une mémorable, qui fait saigner les cœurs et dresser les cheveux aux gens de bien, qui est la mort innocente de feu Monsieur le Maréchal de Marillac[38], lequel plein d’honneur, de gloire et d’innocence, par la seule jalousie et ombrage que le Ministre et Favori du feu Roi lui portait, et à feu Monsieur le garde des Sceaux son frère, pour s’en défaire avec injustice, [Richelieu] fit supposer audit Sr. de Marillac, Maréchal, une accusation de crime de péculat[39], et autres imaginaires. Et au lieu de le faire traiter par-devant Messieurs du Parlement les Juges naturels, [il] fit commettre des Juges à sa poste[40], lesquels demeurent dix-huit mois entiers, pour informer et instruire, bien qu’un procès extraordinaire doit être instruit de toutes ces formes dans huit jours, en laquelle procédure il y a eu des centaines de faux témoins ; car quand un homme est véritablement coupable, il ne faut que trois témoins sans reproches. Et pour cet effet ce Ministre et le Sieur de Châteauneuf garde des Sceaux[41], Diacre et Bénéficier, trompèrent le Pape[42], en ce que par suppositions qu’ils lui firent entendre de leur part aux fins d’avoir dispense pour assister au procès et non donner sa voix, ce qu’ils obtinrent, contre la disposition de laquelle il se rendit juge de l’innocent[43]. Dans cette procédure on y a commis des violences du tout-extraordinaire, les juges qui n’ont voulu suivre leurs passions emprisonnés et maltraités, et ceux qui les ont suivies ont été récompensés de charges, bénéfices et argent. Enfin pour prétendu crime de péculat, l’innocent est condamné à mort au Village de Ruel[44], bien que la plus grande partie des Juges par le seul remords de leurs consciences, n’opinèrent qu’au bannissement[45]. Mais ledit Sieur de Châteauneuf qui se voulait baigner dans le sang de l’innocent, fit revenir les voix, et [celles-ci] se trouvèrent mi-partie, l’une allait au bannissement, et l’autre à la mort, [Châteauneuf] prononça l’arrêt, et se leva à[46] même temps, et dit que ce qui avait été jugé serait exécuté. Monsieur le Président de Nesmond[47], le Sr. Mourangis Conseiller d’État[48], et autres en rendront certain témoignage de ce que dessus, lesquels lui reprochèrent que c’était une injustice, et contre l’ordre de fermer la bouche aux Juges. C’est par là que l’on voit que c’est lui seul qui en a été le bourreau, la mort innocente duquel doit être toujours présente devant les yeux des gens de bien, et en laisser les marques à la postérité, afin de chasser ces Favoris, Tyrans et sanguinaires, comme a été et est ledit Sr. de Châteauneuf et ces factionnaires. Il exerça presque la même passion et injustice envers Monseigneur de Montmorency, à la maison duquel il avait été élevé et mangé longtemps du pain. Maintenant au lieu de faire pénitence des injustices et maux qu’il a commis sur la fin de ces jours, il[49] fait tous ses efforts, et autres ses factionnaires[50], avec les Dames de Chevreuse[51], et de Roddes[52], pour entrer dans le ministère, à dessein d’y continuer sa vie passée. Si cela arrivait, la France serait en grand danger, laquelle sera secourue par nos Princes qui l’empêcheront formellement, quoi qu’il soit établi. Le feu Roi l’avait enfin bien connu, aussi l’avait-il noté en son testament, et n’a eu connaissance de la vérité de ces maudits Ministres que sur la fin de ses jours. Mais maintenant que toutes vérités se peuvent dire et le masque levé, et que son A. R. ne se devinera jamais des justes intérêts de Monseigneur le Prince, ayant en partie décillé les yeux au Roi et à la Reine par bons raisonnements, et fait voir clairement que sans ses travaux et bonne conduite l’État était perdu, on le doit qualifier avec vérité le seul Conservateur et Restaurateur de l’État, lequel avec Mrs. les Princes feront bannir du Royaume les Tyrans favoris, et monopoleurs, et la tyrannie par leurs bons conseils, et les personnes de probité qui seront par eux choisies ès conseils pour le bon maniement des Finances, qui est le nerf de la plus grande partie de toutes choses, afin de rétablir la Monarchie, en y faisant observer les anciennes Ordonnances Royales qui sont les Lois fondamentales de l’État, et que chacun se mêle de ce à quoi Dieu les a appelés. C’est-à-dire aux Princes d’être toujours unis à sa Majesté, en lui donnant de bons conseils judicieux pour le bien de l’État. Aux Prélats et gens d’Église de prier Dieu, prêcher, donner des aumônes du bien qui leur a été laissé pour les pauvres, dont ils n’en sont que dépositaires, remettre à la voie de salut ceux qui en sont hors, et non se mêler des affaires d’État, comme ils ont fait depuis trente ans, et lesquels par leur ambition et avarice ont tiré le dernier quart-d’écu des paysans, laboureurs et autres Sujets du Roi, en ayant contraint la plupart d’abandonner leurs terres et biens, à cause des grandes surcharges et impositions. D’autres sont morts dans les prisons, tant pour la solidité des Tailles[53], emprunts sur les Villes, taxes d’aises, et autres nouveaux monopoles, le tout à dessein de s’enrichir, et leurs parents qui possèdent deux fois plus que les Princes, ayant mis en usage des maximes diaboliques, indignes de les dire, notamment cet infâme Ministre Mazarin, dont son A. R. et Messieurs les Princes travailleront pour les supprimer, étant constant que le seul point de l’autorité Royale du Souverain consiste à la justice, clémence, union, et débonnaireté envers les Sujets. Et les Sujets en ce faisant, doivent au Souverain l’obéissance, les respects, les reconnaissances et tribus anciens : même les biens lorsque par l’assemblée des États, les Princes, la Noblesse, les Cours Souveraines trouvent être nécessaire de lui donner entièrement ; les Forteresses, Citadelles, et Bastions de la France. Ce sont les cœurs des Français qui sont naturellement enclins à aimer leurs Princes, la tyrannie des Favoris n’ayant pu les désunir, lesquels ont fait tous leurs efforts pour les faire entrer dans la rébellion par les rigueurs inouïes, dont ils ont usé notamment à Paris, et en la Province de Guyenne, laquelle a toujours obéi à sa Majesté avec tous les respects imaginables. Néanmoins ce maudit Ministre Mazarin et les Factionnaires, pour se venger de Paris et assouvir la cruauté, fit résoudre le Roi d’abandonner Paris, la Champagne et la Picardie pour y faire entrer l’ennemi, et d’aller assiéger la Ville de Bordeaux[54], ce qu’il fit, et y réussit si mal, que MONSEIGNEUR LE DUC D’ENGHIEN Général des Bordelais à l’âge de sept ans[55], conduit par les sages conseils de MADAME LA PRINCESSE sa mère remplie de piété et de vertu[56], joint les conseils de ses Lieutenants Généraux, imitant David défit plus de dix mille Goliaths[57] Mazarins[58]. Et n’eût été l’honneur et les respects dus à leurs Majestés, tout y serait demeuré, c’est-à-dire le Mazarin et ses créatures, lequel espérait que venant à bout de Bordeaux, tyranniquement croyait venir triomphant, faire mourir grand nombre de gens de bien à Paris, et établir l’inquisition en France, il a été déçu en l’un et en l’autre de ces pernicieux desseins. VOTRE ALTESSE ROYALE en a fait clairement voir la malice de ce Traître Italien, l’ayant pour cet effet tôt après son retour fait chasser du Royaume par Arrêt, dont S. A. R. a assisté son opinion, ayant été suivie de tous Messieurs, lequel Arrêt a été trop doux. Mais V. A. l’a fait pour faire connaître à ceux ou celles qui le soutiennent sans raison leur aveuglement ; et [à] S. A.[59] ses respects. Et de vouloir contraindre les Rois de n’avoir des favoris[60] : cela ne serait raisonnable. Aussi le dessein des bons Français n’est tel, cela s’entend pour donner plaisir à sa Majesté, et les gratifier d’honnêtes dons sans fouler le peuple. Mais de se rendre même absolus de la France, des Princes, des Sujets, et des Finances, comme ils ont fait jusques à présent à l’exclusion desdits Princes du Sang, cela n’est aucunement juste ni raisonnable. Aussi, par la reformation qui se fera par les États Généraux[61], lesquels sont nécessaires de faire tenir promptement à Paris par l’ordre du Roi, et consentement de son A. R. et Messieurs les Princes qui le désirent avec passion, pour l’amour qu’ils portent au peuple, afin de le soulager, en laquelle assemblée tous les députés des Provinces feront unanimement leurs justes plaintes, afin de faire abolir l’usage de ces Ministres Favoris Machiavélistes, et en laisser à la postérité l’horreur, lesquels n’ont établi en France que le vol, la guerre, la division, le sang, le feu, le brigandage, les fourberies, et autres méchancetés et tyrannies, afin de pêcher en eau trouble, abattre les Princes et ruiner les Sujets de sa Majesté, à dessein de donner entrée aux ennemis de l’État, notamment ce traître Étranger Mazarin et ses Créatures, lequel depuis qu’il est en France a été toujours pensionnaire de l’Espagnol[62], que si ce malheur n’est arrivé, Dieu y a pourvu par l’organe de S. A. R., laquelle avec Messieurs les Princes, pour de plus en plus fortifier l’État, et le rendre inébranlable, feront conclure par un des principaux articles des États, que dorénavant les enfants de France ne se pourront allier avec les Italiens et Espagnols, ce qui a causé joint aux pernicieuses inclinations des Favoris, tant de malheurs que la France a souffert depuis François premier : on n’aurait jamais fait pour en déduire toutes les particularités. Partant, pour un affermissement assuré, c’est la réunion des Princes du Sang avec sa Majesté, la bonne administration de la Justice en exécutant les anciennes ordonnances, la piété, la clémence, et la paix générale, afin de soulager les peuples, ce sont les seuls et assurés moyens pour assurer la Monarchie éternellement, et Dieu auteur de toutes choses sera servi, glorifié, adoré et honoré.

AVIS ET ADDITION,

et réponse à ce qui a été omis, contre deux pièces dressées par M. le

Coadjuteur de Paris, et contre ses factionnaires Mazarinistes et Machiavélistes.

Pour répondre succinctement aux deux pièces dressées par M. le Coadjuteur[63], et qui ne peut recevoir de réplique ni de contredits ; c’est que par tout son discours vous ne voyez que vanité, gloire, présomption, fourberies, et calomnies. Bref il veut faire croire que c’est lui seul en France qui ait esprit, et qui ait par ses conseils et remontrances fait revenir M. de Broussel Conseiller[64], tiré Messieurs les Princes des prisons. Tous les bons Français savent le contraire, ledit Sr. de Broussel en ayant été libéré par l’ordre du Parlement, et Messieurs les Princes par les travaux de S. A. R. joints aux suffrages de Messieurs de la Cour, et de tous les peuples gens de bien, notamment leur innocence qui en a été la principale cause, et non ledit Coadjuteur, qui avec M. de Chevreuse[65] ont été les principaux instruments de son emprisonnement, trois jours auparavant[66] . Lequel Coadjuteur allait toutes les nuits déguisé, travesti et habillé en Cavalier trouver le C. Mazarin, ayant des plumes sur son chapeau, pour les loger, comme ils ont fait, et les faire mourir, si Dieu n’eût arrêté leurs pernicieux desseins. Et lorsque celui-ci Coad. a vu que S. A. R., la Cour, et tous les peuples avaient entière connaissance de toutes leurs malices, et que pour la conservation de l’État il était nécessaire dans la justice de les libérer hautement, ledit Sieur Coad. a fait semblant d’y contribuer, pour faire l’homme de bien, pour la forme, étant semblable au Crocodile, qui attire les passants par des pleurs à dessein de les dévorer, comme il croyait faire de nos Princes, pour n’avoir jamais voulu consentir qu’il entrât dans les Conseils[67], ni autres factionnaires et créatures de cet infâme Ministre, ce qui l’aurait obligé, poussé de haine et de violence, joint aux conseils de M. de Châteauneuf et autres Mazarins, de faire trouver bon à la Reine de les faire de nouveau arrêter, ou les contraindre de trouver un asile hors du Royaume, afin de faire revenir le Mazarin, ou du moins prendre sa place, et se rendre Maître des Conseils, les ayant avec ses Factionnaires fait accuser de crimes imaginaires[68], dont on a attendu jusques au jour de la Majorité pour les déclarer innocents[69], au dessein qu’avait ledit Coadjuteur, joint à ceux des Sieurs P. Président, Châteauneuf, Le Tellier, Servient, et autres créatures du Mazarin, espérant que Monseigneur le Prince viendrait tenir son rang, de le faire arrêter prisonnier par une lettre de Cachet, ou ordonnance verbale du Roi, et sur les refus qu’il aurait faits, comme telles lettres et ordonnances contraires à la déclaration du moins d’Octobre 1648 et anciennes ordonnances, la proposition des Mazarins était de l’assassiner[70]. Les gens de bien voient bien par là que Monseigneur le Prince ne peut trouver sûreté à la Cour ni dans Paris, qu’au préalable toutes les créatures du Mazarin ne soient chassées hors du Conseil et de la Cour, même du Royaume, et y joignant tous les Maltôtiers[71], et leur prendre tout ce qu’ils ont volé au Roi, pour donner la paix générale au pauvre peuple, rétablir l’État, et décharger les peuples en rétablissant toutes choses au même état qu’étaient lors[72] de ce grand ROI HENRI IV[73], ce qu’il proteste faire[74] avec l’assistance de S. A. R. et le secours des bons Français. Ce sont les crimes que les Créatures du Mazarin et autres Maltôtiers ont voulu imputer à ce grand Prince débonnaire, lequel prendra de nouveau les Bordelais et autres bons Français, afin de mettre à bas tous les Mazarins[75] et Maltôtiers, en quoi les gens de bien reconnaissent clairement l’ambition, fourbe et malice de ce Prélat, et ses adhérents qui ne tendent qu’à corrompre les gens de bien par des illusions trompeuses, pour avoir le Chapeau de Cardinal[76] en entrant dans le ministère, et y régner plus tyranniquement que les autres Ministres favoris, gens d’Église.

Les gens de bien sont suppliés d’observer, pour de plus en plus faire voir ses malices, [que] c’est que depuis qu’il voulut tromper M. le Duc de Beaufort[77], tous ceux qui étaient du côté dudit Coad. l’ont abandonné qui sont les bons Français, tant de Paris que d’ailleurs. Il a pourtant quelque raison de se dire habile homme, faisant en deux heures deux sermons, en l’un il prêche le sang et le feu, et en l’autre la charité, étant confiant que s’il entrait dans les Conseils ce serait un Lion rugissant, comme un des plus violents des hommes. Monsieur le Maréchal de la Mothe[78] l’a manifesté assez souvent à beaucoup de gens de bien. Par surabondance de preuve, est à remarquer que sa violence fut si grande, que le Lundi Saint au lieu de faire le service divin et prier Dieu pour la paix générale, il vient à un Conseil qui fut tenu ledit jour au Palais d’Orléans[79], son opinion et conclusion fut sur ce qui fut proposé qu’on avait donné les Sceaux au Sr. premier Président Mollé, que s’il y avait dans Paris huit cent mille combattants, qu’il se faisait fort d’en avoir sept cent quatre-vingts mille, auxquels il ferait prendre les armes, afin d’aller de blanc en blanc[80] dans la maison dudit Sieur premier Président lui ôter les Sceaux par force et violence. Son avis et opinion fut condamnée, tant par S. A. R. Messieurs les Princes, Duc de Beaufort et autres du Conseil, comme le plus pernicieux qui ait jamais été donné, et qui ne tendait qu’à faire une révolte et reddition générale dans Paris, où la sacrée personne de sa Majesté eût été en grand danger, par les conséquences et suites qui étaient grandes. Ce n’est pas que le Sieur premier Président ne soit autant et plus grand fourbe que ledit Sr. Coadjuteur, voire le plus méchant, malin, corrompu, flatteur, hypocrite, bigot, et rusé homme qui soit en France, lequel pour s’agrandir, ses enfants, et ses parents aux dépens du peuple, se ferait Turc, ayant si souvent trompé depuis trois ans dans les assemblées et conférences, le Roi, les Princes, sa compagnie et tous les peuples, pour obéir aux passions diaboliques et sanguinaires de ce Scélérat et infâme Mazarin, pour son avarice et intérêt particulier et [ceux] de ses enfants. Le Mazarin ayant donné à l’un des Évêchés, Abbayes et Prieurés, à l’autre la Trésorerie de la Sainte-Chapelle[81], et autres Bénéfices, et à l’autre qui est le Sr. Champlatreux des pensions secrètes, et l’office de Secrétaire qu’il lui faisait espérer, et ce qu’il attend encore à présent ; et à la grande Barbe du P.[82] des grosses pensions secrètes qui se montaient à plus de soixante mille livres par ans, à dessein d’opprimer les Princes, ruiner l’État, et sacrifier les peuples qui ont résisté à leur Tyrannie. Et à présent [il] se veut rendre Ministre et chef absolu de tous les Conseils, pour prendre connaissance de toutes les affaires du Royaume, et y régner en renard[83] et en Lion sanguinaire, aussi est-il le plus rusé et méchant ès maximes infernales de Machiavel. Bref tous trois ensemble et leurs factionnaires, ce sont les vraies pestes de l’État, que si Messieurs les Princes secourus par tous les bons Français ne s’opposaient à leur établissement, la France serait perdue sans ressource. Les Princes et les peuples animeront leurs courages pour venger une querelle si juste, où il y va de l’intérêt de Dieu, du Roi, et du public, et chasseront tous les Mazarins.

Revenant à la définition des violences et malices de ce beau Pasteur, qui ont toujours continué depuis le blocus de Paris, ayant au [mois] d’Août dernier eu l’effronterie et l’insolence d’avoir fait venir au Palais des Gendarmes, des Soldats et autres personnes inconnues, gens de sac et de corde[84], au nombre de plus de quatre mille, à dessein de faire une insulte, et égorger les Gentilshommes et amis de Monseigneur le Prince, où il y avait de dessein formé contre sa personne, que si Dieu n’y eût mis sa main toute puissante, il y fût arrivé non seulement la mort de plus de cinquante mille hommes, mais même la ruine totale de Paris, et peut-être du Royaume. Quelles violences ne ferait-il exécuter s’il entrait dans les Conseils, tant contre Messieurs les Princes, que sujets : bref, il faudrait des volumes entiers pour rédiger par écrit sa malice et son ambition. Néanmoins par ces discours venimeux et pédantaires[85] remplis de fourberies et calomnies, [il] voudrait s’acquérir l’honneur qui est dû à Son A. R. et mettre division s’il pouvait entre Elle et Messieurs les Princes, et imprimer dans les esprits des peuples, qu’il est homme de bien, pour couvrir ses violences ci-dessus représentées, qui ne sont que trop connues. Un bon sens commun dans la pure vérité, dicté d’un homme de bien, vaut mieux que toute la Philosophie déliée[86] de ces perturbateurs. Aussi a-t-il été reçu Conseiller pendant les troubles et mouvements de guerre, sans quoi il ne l’aurait jamais été. Aussi n’aime-t-il que le trouble et la division.

Cette vérité est si constante, qu’il n’a autre dessein et exercice, que de diviser la Maison Royale ; car par l’une de ces deux pièces au 69. article[87], il met insolemment en avant que Monseigneur le Prince veut être le seul arbitre pour l’établissement des Conseils du Roi[88]. C’est la plus haute calomnie qu’on saurait s’imaginer, attendu que l’intention de Monseigneur le Prince n’a été, et n’est que suivre les bons sentiments et conseils de Son Altesse Royale, qui est d’établir un bon Conseil auprès de Sa Majesté, auquel ils seront les Chefs principaux, afin de rétablir l’État ; ce qui ne se peut faire que par leur libre consentement, ce qui est juste. Il a bien cru qu’on y répondrait : aussi comme calomniateur et méchant homme [il] n’a voulu mettre son nom en approuvant ses pièces, comme fait l’Auteur, qui n’a craint rien en disant la vérité.

Quant à sa qualité, sa naissance et sa race, il se doit ressouvenir, que la tige[89] vient d’Italie, qui a toujours porté malheur aux Français, la Reine Catherine de Médicis[90] les a nichés en France. Qui fut son bisaïeul ? qui était un homme sans qualité et sans bien, par la libéralité de laquelle, et par les premiers monopoles qu’il a introduits en France, la maison de Gondi s’est relevée en l’état qu’on la voit aujourd’hui en France. L’histoire de ladite Reine, ensemble les Remontrances faites au Roi Henri III[91] contre cette Maison, et contre celle du sieur d’Épernon[92] (inventeur des Impôts et des Ordonnances de Comptant) sur les affaires de ce temps, justifient cette vérité avec celles qui ont été déduites par la pièce du Bon Frondeur, contre ledit Coadjuteur : lequel oubliant sa naissance a voulu mesurer son épée avec celle du plus vaillant et généreux Prince qui ait jamais été, ce qui est notoire à un chacun[93]. La vraie épée d’un bon Pasteur tel qu’il devrait être, ce serait d’avoir une Crosse de bois en sa main, et son Étole, vivre en Apôtre, et marcher sous l’enseigne de JÉSUS Crucifié, en priant Dieu pour la paix, et pour la réunion des Princes Chrétiens[94] : et non se mêler des affaires d’État, et de songer à faire rétablir une Chambre de Justice, c’est aux Princes et aux Parlements d’en faire faire l’établissement après les États tenus. Mais comme il est sanguinaire, il ne s’entretient que de vanité, de violence et de sang.

Outre ce que dessus, icelui Sr. Coadjuteur prend le bien d’autrui à toutes mains. Les sieurs Guillier Marchand Linger dans la Galerie du Palais, de Vailly aussi Marchand Linger rue Aubriboucher, Servant gendre du Sr. Giraut Notaire, ledit Sr. Giraut demeurant rue de la Calandre, un Chasublier sur le Pont Notre-Dame, le sieur Sauvé chez Madame d’Éguillon[95], et cinquante autre personnes gens de bien, tous créanciers de trois cents mille livres et plus de la Dame du Fargis[96] et du Sr. de la Rochepost son fils, parents dudit Coadjuteur[97], témoigneront et justifieront aussi la tromperie et mauvaise foi, leur ayant fait perdre plus de trois cents mille en ce que par fraude, surprise et intelligence, icelui Sr. Coadjuteur s’est fait adjuger depuis un an la terre et Seigneurie de Commercy et Souveraineté d’Euville, en qualité d’héritier et légataire universel desdits Sieur et Dame du Fargis et Rochepost, pour la somme de trois cents mille livres, bien qu’elle soit de valeur de plus de six cent cinquante mille livres du moins, le revenu par an étant de 36 000 livres[98]. Ce qui cause la ruine totale desdits créanciers, la plupart d’iceux sont réduits à la mendicité, à cause des fourberies et méchancetés dudit sieur Coadjuteur, pour avoir fait liquider plusieurs sommes imaginaires, et non dues, qu’il a prétendu que lesdits Sieurs et Dame lui devaient pendant l’exil de ladite Dame du Fargis hors du Royaume[99], qu’il a fait monter à autant et plus lesdites terres, Seigneuries et Souverainetés lui ont été adjugées. Par ces moyens diaboliques [il] espère ne payer aucune chose à aucun créancier, s’étant nanti de tous les titres et papiers, ayant joui desdites Terres, Seigneuries, et Souverainetés huit années par bail judiciaire pour deux mille livres sous les noms des nommés Rousseau Chavincourt, Agent de ses affaires, et de son Laquais. C’est la charité qu’il fait, que si le Roi, S. A. R. et Mrs. les Princes n’ont pitié d’eux, en faisant ordonner que nouvelle adjudication sera faite, et faire casser en conséquence de cause lesdites dettes frauduleuses, la plus grande d’iceux[100] ne s’en relèveront jamais. Bref, ledit Sr. Coadjuteur n’a religion ni humanité, et se veut mêler de toutes choses, jusques à proposer des mariages des Princes, afin d’en séduire les prétendues femmes[101], faisant le passionné Dameret[102], ce qui a de plus en plus fait connaître sa mauvaise vie.

Reste à faire voir, que l’esprit d’icelui sieur Coadjuteur est tellement embarrassé, tant d’affaires d’État, d’ambition, malices, calomnies, fourberies, de haine, de sang et d’amour, qu’il est assez facile à juger par l’un des derniers articles de l’une de ses deux pièces, qu’il commence à s’aliéner, en ce qu’il met calomnieusement en avant pour couvrir ses malices, notamment celles du Palais, que l’Auteur l’a voulu tuer[103], étant inouï, qu’on puisse tuer un homme qu’on n’a vu ledit jour, pensé ni observé. C’est la rage qui lui a fait dire ces faussetés. D’autant que les nommés Gardon son Secrétaire et Matharel, ont été quatre mois entiers pour corrompre ledit Pesche, pour prendre le parti dudit sieur Coadjuteur. Même ledit Gardon lui voulut faire bailler six mille livres ; et sur le refus que ledit Pesche fit en colère, ledit Coadjuteur a depuis toujours tâché de le perdre, la conduite duquel fera voir le contraire, ayant incessamment travaillé pour l’intérêt du public depuis six ans sans discontinuer, tant contre le traître Mazarin, Deymeric, et autres factionnaires, pour faire révoquer l’Édit du Toisé[104] et autres impositions et tyrannies dont il a toujours combattu contre ces Monstres, et soutenu de tous les gens de bien avec raison et justice, ayant toujours eu en haine les tyrans et favoris, et une amour singulière et merveilleuse pour la Maison Royale, afin de contribuer de tout son cœur à la réunir, ce qu’il continuera jusques à la dernière période de sa vie sans intérêt, n’étant personne à faire lâcheté, c’est bon aux Italiens, dont ledit sieur Coadjuteur est un rejeton, n’ayant fait couler cette calomnie, que pour pallier ses crimes, et aux malheurs qu’il a si souvent pensé causer, ne se ressouvenant pas, que dans la grande salle du Palais d’Orléans, en présence de son Altesse Royale, et de deux cents personnes d’honneur, il déclara hautement audit Pesche qu’il n’avait jamais cru aucune chose de lâche ni de mauvais de lui sur ce sujet ; mais qu’il le priait et commandait dorénavant, de ne parler jamais de lui, s’il n’était las de vivre. En quoi on peut juger que vu l’embarras de cet esprit confus et malin, joint à ce qu’il est dénoncé[105] avec Mademoiselle Rollin[106], l’une de ses Maîtresses, de laquelle il a deux poupons qu’il fera nourrir chez le Curé de S. Mande[107] ; qu’il sera maintenant plus digne de pitié que d’ennui, puisque son esprit s’égare si fort, qu’il prend effort du côté des petites Maisons[108]. Dieu le veuille amender et convertir. Amen.

FIN

 

[1] Dans ledit libelle, écrit entre le 16 juin et le 4 juillet 1652 et intitulé Le vrai et le faux de Monsieur le Prince et de Monsieur le cardinal de Retz, Gondi attaque violemment Condé, l’accusant d’être du parti de Mazarin.

[2] Cardinal de Retz, Mémoires. Paris : Gallimard (« Bibliothèque de la Pléiade »), 1956, p. 556, p. 649, p. 662, p. 981.

[3] Par le choix de ce titre, Pesche annonce la teneur guerrière de son libelle, la trompette étant un instrument qui évoque un champ de bataille et peut servir à donner l’alarme, sonner le ralliement des troupes, accompagner la charge…

[4] Ce titre, qui affirme le caractère objectif du regard de Pesche (nous verrons que ce n’est pas le cas, son regard est au contraire très partial : flatteur à l’égard du duc d’Orléans et du Grand Condé, calomnieux vis-à-vis de Gondi et de Mazarin), fait écho aux titres de deux précédents pamphlets de Gondi, non signés, diffusés au cours des mois précédents, dans lesquels l’auteur se présentait comme « un désintéressé » : Avis désintéressé sur la conduite de Monsieur le Coadjuteur et Le Solitaire aux deux désintéressés. Entre ces deux libelles était encore paru, sans mention de lieu d’édition ni de nom d’auteur, une Réponse d’un véritable désintéressé à l’avis du faux désintéressé… En employant la métaphore du « miroir qui ne flatte point », Pesche enchérit donc de désintéressement.

[5] Jean-François Paul de Gondi, futur cardinal de Retz. Entre 1644 et 1654, il est coadjuteur de son oncle, Jean-François de Gondi, évêque de Paris, et intrigue pour obtenir sa nomination au cardinalat.

[6] Les partisans de Mazarin. Factionnaire : « qui est obligé à faire faction », faction signifiant ici « parti, cabale dans un État » (Dictionnaire de l’Académie française, première édition, 1694).

[7] La préposition jouxte est issue du latinisme juxta et signifie ici conformément à. Mais il est peu probable que la Trompette ait pu être imprimée à Paris (Pesche se trouve alors dans le château berrichon de Montrond, assiégé par les troupes royales) et qu’il s’y trouvât une copie. Il faut donc voir, dans cette mention, une ruse de l’auteur pour donner à son pamphlet l’aspect d’une publication officielle.

[8] Gaston de France (1608-1660), duc d’Orléans, troisième fils d’Henri IV et de Marie de Médicis, oncle de Louis XIV.

[9] Le prince de Condé, son frère le prince de Conti et leur beau-frère le duc de Longueville ont été arrêtés le 18 janvier 1650, sur ordre de la reine régente, et emprisonnés à Vincennes, puis à Marcoussis, enfin au Havre. Le 7 février 1651, Mazarin les a lui-même libérés avant de partir en exil à Brühl, près de Cologne.

[10] La réunion de la Maison Royale : c’est-à-dire la réconciliation du roi et de la reine avec les princes de sang et le duc d’Orléans.

[11] Déclaration de la Chambre Saint-Louis, visant à la réformation de l’État (en particulier, à la limitation du pouvoir monarchique dans le domaine financier), élaborée durant la Fronde parlementaire, au printemps et à l’été 1648, par le Parlement de Paris, la Chambre des comptes, le Grand Conseil et la Cour des aides, et signée par la régente Anne d’Autriche le 22 octobre de la même année.

[12] En réaction à l’emprisonnement des princes, plusieurs régions se sont soulevées contre l’autorité royale pour obtenir leur libération et le départ de Mazarin : l’Aquitaine, le Poitou, le Limousin, la Normandie, la Bourgogne. Le Royaume est en proie à la guerre civile.

[13] Pendant la minorité de Louis XIV, Gaston de France a mené la guerre contre l’Espagne.

[14] Gondi et Mazarin sont d’origine italienne, comme l’était l’ancien surintendant des finances Michel Particelli d’Émery.

[15] Louis XIV, également désigné par le titre Sa Majesté.

[16] À : durant.

[17] Louis II de Bourbon-Condé (1621-1686), dit le Grand Condé, prince de Condé, gouverneur de Guyenne, et son frère cadet, Armand de Bourbon (1629-1666), prince de Conti. Le 9 octobre, les deux princes, ainsi que leur sœur la duchesse de Longueville, La Rochefoucauld et Nemours, ont été déclarés criminels de lèse-majesté.

[18] Autrefois Richelieu, aujourd’hui Mazarin et ses affidés, tels que les secrétaires d’État Servien, Lyonne et Le Tellier, dont Condé a obtenu le renvoi par la reine régente le 18 juillet 1651.

[19] Par tyrannies, il faut ici entendre actions cruelles, violentes, oppressives décidées par Mazarin, principal ministre d’État, dans son propre intérêt.

[20] Nicolas Machiavel (1469-1527), penseur italien de la Renaissance, auteur du Prince, parangon du politicien froid, cynique et dépourvu de sens moral. Mazarin étant lui aussi italien et réputé pour sa fourberie, les Frondeurs le considèrent comme un épigone de Machiavel ; au point que machiavélisme et mazarinisme, à cette époque, deviennent synonymes.

[21] Tribunal créé par l’Église catholique romaine dans le but de lutter contre l’hérésie. Par extension : autorité étrangère menaçant de faire ingérence dans les affaires du Royaume et de limiter le pouvoir du souverain. En 1651, l’inquisition est établie à Rome, en Espagne et au Portugal ; au contraire, la France est attachée à l’édit de Nantes (promulgué en 1598), édit de tolérance qui a mis fin aux guerres de religion. Pesche, en accusant Mazarin, italien et homme d’église, de vouloir soumettre la France, comme est soumise Rome, à l’inquisition, associe donc xénophobie, anticléricalisme et défense de la liberté de conscience.

Ajoutons que Le Prince, traité de Machiavel sur l’exercice du pouvoir, a été mis à l’index par l’inquisition romaine. En rapprochant Mazarin à la fois de Machiavel et de l’inquisition, Pesche fait-il montre d’incohérence ? ou met-il au contraire l’accent sur la duplicité de Mazarin, qui tel nous apparaît traître au royaume de France aussi bien qu’à l’Église romaine ?

[22] D’en dire leurs noms : redondance grammaticalement incorrecte de nos jours, le pronom relatif en et le déterminant possessif leurs se rapportant tous deux aux factionnaires mazarinistes. Le lecteur remarquera de nombreux autres cas de redoublement dans la suite du texte.

[23] Louis XIV est âgé de 13 ans. Toutefois, conformément aux lois fondamentales, sa majorité a été proclamée près d’un mois plus tôt, le 7 septembre 1651.

[24] Louis XIV étant majeur, il règne en son nom propre. Gaston d’Orléans ne pourrait donc exercer le pouvoir qu’officieusement, en conseillant le jeune souverain à la place de Mazarin.

[25] Mathieu Molé (1584-1656), Premier Président du Parlement de Paris.

[26] Charles de l’Aubespine (1580-1653), marquis de Châteauneuf, garde des sceaux de France.

[27] Répétition erronée de la conjonction de subordination que.

[28] Le Grand Condé.

[29] Porte-drapeau.

[30] Faux-prophète ; homme qui nie le Christ et tenter de s’y substituer. On n’imagine désignation plus infamante pour Gondi, homme d’église en passe de devenir cardinal.

[31] Au château de Montrond, situé dans le Cher, sur la commune de Saint-Amand-Montrond, et tenu par les Frondeurs. En ce mois d’octobre 1651, l’armée royale, sous le commandant du maréchal de Palluau, investit la ville et commence d’assiéger la forteresse : ses occupants ne se rendront qu’onze mois plus tard, le 1er septembre 1652.

[32] Le duc d’Orléans est ici identifié à David. Un peu plus loin dans le libelle, Mazarin se verra comparé à l’ennemi de David, Goliath (cf. infra, p. 11).

[33] Au XVIIe siècle, être dans les penchants signifiait, au figuré, être sur le déclin.

[34] Soit depuis l’assassinat d’Henri IV, le 14 mai 1610, qui fut suivi de la régence troublée de Marie de Médicis et de l’immixtion de conseillers (dont certains d’origine étrangère) dans le gouvernement du royaume.

[35] À leur dévotion : qui leur étaient favorables.

[36] Ici, Pesche fait erreur sur l’initiale du prénom : ce Sieur P. Barillon est Jean-Jacques de Barillon (1601-1645), magistrat, opposé à l’absolutisme royal et aux politiques de Richelieu et de Mazarin, arrêté sur ordre de la reine Anne d’Autriche le 28 mars 1645, conduit dans la forteresse de Pignerol (province de Turin), et mort en ce lieu le 30 août de la même année.

[37] Les criées sont des proclamations annonçant la vente de biens en justice.

[38] Louis de Marillac (1572-1632), comte de Beaumont, maréchal de France, exécuté sur la place de Grève à Paris pour avoir participé, avec son frère Michel de Marillac, garde des sceaux, à un complot fomenté contre Richelieu.

[39] Péculat : vol des deniers publics, commis par ceux qui en ont le maniement et l’administration.

[40] À sa poste : à son gré, à son avantage, qui lui étaient favorables (nous parlons de Richelieu).

[41] Charles de l’Aubespine, marquis de Châteauneuf (1580-1653) a succédé à Michel de Marillac au poste de garde des sceaux.

[42] Urbain VIII, pape de 1623 à 1644.

[43] L’innocent : Louis de Marillac ne sera plus désigné autrement par Pesche.

[44] À Rueil, plus précisément dans le château de Richelieu.

[45] Louis de Marillac a d’abord été jugé à Verdun, à partir de mai 1631, par une commission extraordinaire de justice. Celle-ci ayant été révoquée en novembre 1631, une nouvelle commission a été formée, qui a poursuivi son procès à Rueil, à partir de mars 1632 et l’a reconnu coupable de crime de péculat. Châteauneuf, fidèle serviteur de Mazarin, a obtenu du Pape l’autorisation d’assister à ce procès mais ne devait pas donner sa voix ; or il l’a donnée, fait décisif car l’application de la peine de mort emportait avec elle la majorité des suffrages (13 voix sur 24).

[46] À : en.

[47] François-Théodore de Nesmond (1598-1688), Second Président de la cour de Parlement du Roi Louis XIII.

[48] Antoine de Barillon, marquis de Morangis (1599-1672), frère de Jean-Jacques de Barillon, conseiller d’État et directeur des Finances depuis le 9 juillet 1648.

[49] Il s’agit encore du marquis de Châteauneuf.

[50] Comprendre : et ses factionnaires fournissent aux aussi des efforts qui complètent les siens.

[51] Marie de Rohan (1600-1679), duchesse de Chevreuse, séductrice et intrigante, et sa fille CharlotteMarie de Lorraine (1627-1652), demoiselle de Chevreuse, qui joua tout au long de la Fronde le rôle de gage d’alliance : elle fut d’abord promise en mariage au prince de Conti, puis à Paolo Mancini, neveu de Mazarin.

[52] Louise de Rhodes, fille naturelle du cardinal de Lorraine, nièce de Marie de Rohan, maîtresse de Châteauneuf, elle aussi intrigante.

[53] Taille : imposition levée sur le peuple.

[54] Ces événements remontent à l’année 1650. Bordeaux était alors partagé entre deux camps : d’un côté, les Frondeurs ou Bordelais, que la princesse de Condé avait rejoints avec son fils après l’arrestation de son époux ; de l’autre, les Épernonistes, du nom du gouverneur de Guyenne, allié de Mazarin, le duc d’Épernon. Ces deux partis se sont affrontés dans la région bordelaise de juin à septembre.

[55] Henri Jules de Bourbon (1643-1709), duc d’Enghien, fils du Grand Condé.

[56] Claire-Clémence de Maillé, nièce de Richelieu. Quand le Grand Condé, son époux, fut emprisonné, elle poursuivit la lutte et participa au rassemblement des Frondeurs en province.

[57] Pesche emploie ici les noms propres Mazarin et Goliath comme des noms communs ; nous conservons donc la marque du pluriel.

[58] Pesche vient d’évoquer la prise du château de l’Isle-Saint-Georges, propriété du duc d’Épernon située sur la Garonne. Au mois de juin 1650, Bordeaux étant aux mains des Frondeurs, d’Épernon a fait occuper militairement son château pour contrôler le trafic fluvial et priver la ville de ravitaillement.

Les Frondeurs se sont emparés de l’Isle-Saint-George le 27 juin, avec le concours de la population. Cent cinquante Épernonistes ont été tués ; deux cents, faits prisonniers.

[59] Louis XIV.

[60] Comprendre : Et maintenant Gaston d’Orléans s’efforce de contraindre les rois à n’avoir plus de favoris. En ce sens, le 3 avril 1651, le Parlement de Paris a imposé à la régente une déclaration royale excluant les cardinaux des conseils du roi.

[61] Assemblée extraordinaire réunissant les trois ordres de la société : la noblesse, le clergé et le tiers-état.

[62] Il n’est pas rare que Mazarin soit incriminé, dans les pamphlets dont il est l’objet, d’entretenir des intelligences avec le Royaume d’Espagne, contre lequel la France est en guerre depuis 1635 (et le restera jusqu’en 1659), et d’en recevoir des pensions.
Ainsi, dans un libelle écrit en 1649 par Nicolas Bessin et intitulé Sommaire de la doctrine curieuse du cardinal Mazarin par lui déclarée en une lettre qu’il écrit à un sien confident, pour se purger de l’arrêt du Parlement et des faits dont il est accusé. Ensemble la réponse à icelle, par laquelle il est dissuadé de se représenter au Parlement, nous trouvons développé ce chef d’accusation :
« Si je n’ai pas eu intelligence avec l’ennemi de l’État, et à cette occasion interrompu le cours des heureux succès de la France ? […] Si, pour faire perdre l’armée du Roi, conduite par Monsieur le Prince devant Lérida, je n’avertis pas les Ministres d’Espagne de ce siège, de sorte que s’y étant préparés, Monsieur le Prince trouva autant de monde dans la ville pour la défendre, qu’il en avait conduit pour l’attaquer ? […] Et enfin, si, pour tous ces services que j’ai rendus à l’Espagne, je n’ai pas reçu des pensions de lui, et souffert que d’autres sujets du Roi en reçussent, ayant été averti qu’il y avait dans Paris un agent du Roi d’Espagne, lequel payait les gages des pensionnaires qu’il avait en France, sans que je m’en sois mis en peine et averti le Conseil ?
Que la réponse à tous les chefs de cet article dépend de la plus sublime Politique, qui a même été inconnue du divin Machiavel, et que peu de personnages pourront comprendre, à moins que de pénétrer bien avant dans les secrets de cet art ; que néanmoins […] je dirai […] que le meilleur moyen que j’aie inventé pour la conservation de l’État, depuis que s’exerce le ministère, a été de pratiquer ces intelligences avec l’Ennemi, par le moyen de quoi en lui faisant aller quelquefois de petits avantages, afin de paraître affectionné à son service, rien des secrets du Conseil d’Espagne ne m’était caché. »

[63] Pesche indique plus loin que ces deux « pièces » de Gondi ont paru sans nom d’auteur. Au cours de l’année 1651, répliquant aux attaques dont il était l’objet, Gondi a écrit trois pamphlets qu’il n’a pas signés : Défense de l’ancienne et légitime Fronde, libelle diffusé à Paris au mois de mai, puis, en septembre, Avis désintéressé sur la conduite de Monseigneur le Coadjuteur et Le solitaire aux deux désintéressés : ces deux dernières « pièces » sont vraisemblablement celles auxquelles Pesche entend répondre.

[64] Pierre Broussel (1575-1654), surnommé le « Père du peuple », conseiller au Parlement de Paris, acteur de la Fronde parlementaire : les Frondeurs l’ont nommé gouvernement de la Bastille en 1648, puis prévôt des marchands en 1651.

[65] Claude de Lorraine (1578-1657), duc de Chevreuse, époux de Marie de Rohan.

[66] Voici les faits : le 24 août 1648, Gondi a été reçu par Mazarin et la régente, auxquels il avait accoutumé de rendre compte de « la vérité des dispositions qu'[il] voyait[t] dans Paris » (Cardinal de Retz, Mémoires. Paris : Gallimard (« Bibliothèque de la Pléiade »), 1956, p. 85). Broussel a été arrêté et emprisonné par ordre de la régente deux jours plus tard, le 26. Des émeutes ont aussitôt éclaté dans Paris, durant la journée dite des Barricades, tandis que Gondi se rendait au Palais-Royal pour demander sa libération ; il en a obtenu la promesse, mais non sa mise en action. Broussel a finalement été remis en liberté le 28.

[67] Explicitons : les Princes n’ont jamais consenti à ce que Mazarin entrât dans les Conseils, raison pour laquelle il se venge d’eux.

[68] En mai-juin 1631, la Cour et la Vieille Fronde ont comploté ensemble à dessein de faire emprisonner Condé une seconde fois.

[69] Le 5 septembre 1651, Anne d’Autriche a adressé au Parlement de Paris la déclaration de l’innocence de Condé, lequel, dans le même temps, se préparait à la guerre civile. Mais cette déclaration n’a été officiellement promulguée que le 7 septembre 1651, après que Louis XIV eut été déclaré majeur par le Parlement et qu’il eut nommé sa mère, Anne d’Autriche, à la tête du Conseil. Ainsi Condé se trouvait-il privé à la fois de tout motif de rébellion légitime et de toute chance d’exercer un pouvoir.

[70] Dans la nuit du 5 au 6 juillet, Condé, averti d’un complot fomenté par la reine et Gondi contre sa personne, craignant d’être arrêté sinon assassiné, s’est réfugié au château de Saint-Maur. Le 8, le Parlement décide que la reine doit garantir la sûreté de Condé et donner l’assurance qu’elle ne rappellera pas Mazarin.

[71] Est un maltôtier celui qui exige des droits qui ne lui sont pas dus ou, par extension, celui qui recueille de nouvelles impositions.

[72] Lors : à l’époque.

[73] Henri IV, roi de France, père de Louis XIII, régna de 1589 à 1610.

[74] Proteste faire : promet fortement de faire.

[75] Nom propre ici employé comme nom commun.

[76] Gondi recevra le chapeau de cardinal des mains du pape Innocent X quelques mois plus tard, le 19 février 1652.

[77] François de Vendôme (1616-1669, duc de Beaufort, cousin germain de Louis XIV, surnommé le « Roi des Halles » par le peuple de Paris durant la Fronde parlementaire.

[78] Philippe, comte de La Mothe-Houdancourt (1605-1657), Frondeur, ennemi de Mazarin.

[79] Résidence de Gaston de France, que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de palais du Luxembourg.

[80] De blanc en blanc : de but en blanc.

[81] Chapelle palatiale édifiée sur l’île de la Cité et abritant des reliques de la Passion du Christ.

[82] Le pape Innocent X.

[83] Allusion au Prince. D’après Machiavel, les deux piliers du pouvoir sont les lois et la force. Or la force peut pendre deux formes, l’une physique, l’autre psychologique : les armes, que symbolise le lion, et la ruse, que symbolise le renard. Cette allégorie du renard et du lion, Machiavel l’emprunte au Traité des devoirs de Cicéron. Mais tandis que l’Ancien exaltait la noblesse de la force, ayant à cœur de concilier la morale avec les exigences de la vie politique, Machiavel, plus soucieux d’efficacité, recommande également l’usage de la ruse. Dans le chapitre XVIII du Prince, nous lisons : « Le prince, devant donc agir en bête, tâchera d’être tout à la fois renard et lion : car, s’il n’est que lion, il n’apercevra point les pièges ; s’il n’est que renard, il ne se défendra point contre les loups ; et il a également besoin d’être renard pour connaître les pièges, et lion pour épouvanter les loups. Ceux qui s’en tiennent tout simplement à être lions sont très malhabiles. »

[84] Scélérats méritant le gibet.

[85] Adjectif disparu. Aujourd’hui, l’on dirait pédants ou pédantesques.

[86] Déliée : habile.

[87] Au 69e paragraphe.

[88] À la quinzième page de l’Avis désintéressé sur la conduite de Monseigneur le Coadjuteur écrit par Gondi et paru sans mention de nom d’auteur (sans pour autant que son identité fasse aucun doute dans l’esprit de Pesche et de ses contemporains), nous lisons en effet : « Monsieur le Prince n’entrera point dans le Conseil tant qu’on y mettra des gens contre son consentement. C’est donc tout de bon (comme a dit son premier Manifeste) que M. le Prince veut être aujourd’hui lui seul l’Arbitre et le Modérateur de l’état. Cette protestation est une irréconciliation jurée avec la Cour. Tellement que si nous entrons dans ses intérêts, quelque bon Conseil que le Roi choisisse à sa Majorité, et quand il prendrait les plus gens de bien du Royaume, il faudra nous y opposer avec M. le Prince, et nous priver ainsi d’un bien que nous attendons avec tant d’impatience, et sans lequel l’autorité s’en va perdue, et peut-être la Monarchie. » (cf. Myriam Tsimbidy, Les Pamphlets du cardinal de Retz, Paris, Éditions du Sandre, 2009, p 61-72.)

[89] Rappel des origines italiennes de Gondi.

[90] Catherine de Médicis (1519-1589), épouse du roi Henri II, mère des rois François II, Charles IV et Henri III.

[91] Henri III, dernier des Valois, régna de 1574 à 1589.

[92] Jean-Louis de Nogaret (1554-1642), duc d’Épernon, personnage important de la noblesse française sous les règnes de Henri III, Henri IV et Louis XIII.

[93] Le 21 août 1651, une séance du Parlement, où Gondi et Condé s’étaient rendus escortés de gens armés, dégénéra en émeute. À en croire ce que Gondi rapporte dans ses Mémoires, lui et Condé s’insultèrent — à la suite de quoi, La Rochefoucault, du parti de Condé, manqua tuer Gondi en coinçant sa tête entre les deux battants d’une porte.

[94] Pesche rappelle ici que le devoir d’un homme d’Église tel que Gondi est d’imiter l’exemple des apôtres et de se tenir à l’écart des affaires politiques et guerrières.

[95] Marie-Madeleine de Vignerot, dame de Combalet, duchesse d’Aiguillon, nièce de Richelieu, dame d’atours de la reine Marie de Médicis.

[96] Madeleine de Silly (morte à Louvain en 1639), comtesse de la Rochepot, épouse de Charles d’Angennes du Fargis (conseiller d’état sous Louis III), dame d’atours de la reine Anne d’Autriche.

[97] La mère de Gondi était Françoise Marguerite de Silly, parente de la Madeleine de Silly.

[98] Explicitons ces agissements dont Pesche nous renseigne en détail : Gondi, ayant hérité de dettes, les met en vente aux enchères pour les racheter moins cher qu’elles ne valent. Nous apprenons par là même qu’il contracte des crédits, non pas seulement pour financer son engagement dans la Fronde (notamment la publication de libelles), mais pour acheter de nouveaux biens et accroître ainsi sa fortune personnelle.

[99] Alors qu’elle était dame d’atours d’Anne d’Autriche, Madeleine de Fargis a été, sur ordre du roi, exilée à Bruxelles pour avoir intrigué, avec la reine, contre Richelieu. À Bruxelles, son mari et elle ont fréquenté la cour de Gaston d’Orléans et de sa femme Marguerite de Lorraine.

[100] Comprendre : la majorité de ses créanciers.

[101] Allusion au projet de mariage, fomenté par Gondi et par lui négocié en janvier 1651, du prince de Conti avec Charlotte-Marie de Lorraine, demoiselle de Chevreuse, qui était alors la maîtresse du coadjuteur. Il était également prévu — au contrat conclu entre les différentes parties, sommes-nous tentée d’écrire — que le duc d’Enghien, fils du Grand Condé, épousât l’une des filles du duc d’Orléans.

[102] Homme qui, soucieux de plaire aux dames, soigne sa mise.

[103] En effet, dans son Avis désintéressé sur la conduite de Monseigneur le Coadjuteur, Gondi a écrit : « Voulons-nous assister de nos forces un nommé PESCHE, et lui fournir des moyens d’achever l’attentat et le parricide qu’il commença Lundi dernier en la personne de notre Prélat et de notre Père ? » (cf. Myriam Tsimbidy, Les Pamphlets du cardinal de Retz, Paris, Éditions du Sandre, 2009, p. 72, et note 68, p. 358.) Et dans ses mémoires, il relate que le jeudi 17 août 1651, « Pesche, un fameux séditieux du Parti de Monsieur le Prince [de Condé], [le] cherchait des yeux, le poignard à la main, en disant : « Où est le Coadjuteur ? » » (Cardinal de Retz, Mémoires. Paris : Gallimard (« Bibliothèque de la Pléiade »), 1956, p. 556.)

[104] Projet d’impôt foncier royal né en 1644.

[105] Comprendre : notoirement compromis.

[106] Bien que nous ayons effectué des recherches en ligne dans les registres d’état civil de la Ville de Paris (mais une grande partie de ceux-ci ont été détruits durant la Commune) et dans ceux de la commune de Saint-Mandé, nous n’avons pu identifier ni cette Mlle Rollin, ni les deux enfants qu’elle aurait eus avec Gondi. Il serait bon d’approfondir les recherches en consultant d’autres documents d’archives.

[107] Nous présumons qu’il s’agit du prieuré de Saint-Mandé, situé sur la commune du même nom, dans le Val-de-Marne, et dont Gondi avait fait prendre possession en 1640 pour qu’il fût réuni à la manse de l’archevêché de Paris.

[108] Les Petites Maisons sont alors un asile d’aliénés du VIe arrondissement de Paris fondé en 1557.

 

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