La Mère de Dieu, Pierre de (dit Bertius, Abraham) [1647], LES VERTVS ROYALES D’VN IEVNE PRINCE. , français, latinRéférence RIM : Mx. Cote locale : B_1_1.
Sub2Sect précédent(e)

Sub2Sect suivant(e)

Que l’humilité, est le fondement des vertus
Royales, d’vn ieune Prince.

CHAPITRE XLII.

IE croyois que la vertu d’humilité, estoit seulement
méconnuë des Princes Idolatres, & iniustement
bannie de la Cour Payenne, pour estre
receuë plus fauorablement des Princes Chrestiẽs,
& trouuer meilleure place dans les Palais de nos
Monarques ; Mais à ce que ie puis connoistre, il
semble que l’entrée des Louures luy est encore interdite,
& quoy que les Souuerains ayent grand
besoin d’humilité, ils rougissent neantmoins de
sa pratique, & sa compagnie leur paroist peu honorable :
Comme si la vertu fondamentale du
Christianisme, enseignée par IESVS-CHRIST,
prechée par les Apostres, couchée dans les Oracles,
signée du sang des Martyrs, pouuoit donner
de la confusion à vn Prince Fidele ? ne sçait-on
pas que les anneantissemẽs du Verbe Incarné, luy
ont seruy d’échelle pour monter à sa gloire ?
N’est il pas infallible, que l’édifice de son Eglise,
est basti sur le fondement solide de son humilité,
& que les plus paissans Monarques ont tasche d’imiter
son exemple ?

L’Humilité
souuent
méconnuë
des Princes
Chrestiẽs.

Les Vertus Royales d’vn ieune Prince, tomberont
bien tost en ruine, si elles ne sont soutenuës

-- 234 --

de l’humilité, comme d’vn roc inébranlable
aux tentations mondaines ; & leur cheute sera
d’autant plus dangereuse, que leur personne
estoit éclattante en merites. Si les celestes intelligences,
n’ont pas esté en asseurance sur les voutes
d’azur ; si l’agreable presence de la Diuinité,
n’a peu souffrir des esprits bouffis d’orgueil, &
portés d’ambition, iusqu’au plus haut du Firmament,
Faut-il s’estonner de la ruine des ieunes
Princes, qui refusent de pratiquer la Royale humilité ?
ou trouuer estrange, s’ils tombent d’vn
Thrône fondé en l’air, & qui n’est supporté que
des fumées de vanité ?

 

In cœlum
conscendũ,
super astra
Dei, exaltabo
solium
meum, &c.
Isai. 14. 13.

Delà est venu la cheute deplorable de l’Empereur
Domitian, & que celuy qui se flattoit du
faux titre de Diuinité, & forçoit le peuple à l’adoration
de ses Statuës, ne trouua pas apres sa tragique
mort, vn poulce de terre, pour reposer sa
carcasse. Delà est encore arriuée la ruine des
Herodes, des Marc-Aureles, des Diocletians, des
Iuliens Apostats, & de plusieurs grands Capitaines,
qui se sont follement flattés du faux tiltre de
Dieu, & ont eprouué par leurs propres miseres,
combien il est dangereux, de ne point fonder le
Thrône, sur l’humilité Royale.

Vn ieune Prince est ordinairement subiect à
des saillies d’esprit, qui le portent au dessus de sa
condition, & luy font oublier sa naissance. Il n’enuisage
que les hautes entreprises, sans en considerer

-- 235 --

la fin, il ne respire que les magnificences, &
les Pompes seculieres. Mais la vertu d’humilité,
reprime ces sentimens de vanité, elle estouffe les
mouuemens de complaisance, & tient vn cœur
tousiours égal parmi les éclats de l’honneur, & de
la gloire mondaine. Comme les personnes de
neant, ne se trouuent point dans les applaudissemens
populaires, que les arcs de triomphe ne
leur sont point dressés, que les villes, & les prouinces
ne les viẽnent pas receuoir auec des signes
d’vne satisfaction publique ; elles n’ont pas tant
de necessité de l’humilité, qu’vn Prince Souuerain,
éleué en la Cour, nourri dans le sein de la
fortune, exposé à la veuë de tout le monde, assis
dans vn magnifique Thrône, & enuironné de la
fleur de sa Noblesse.

 

Il faut proportionner l’humilité à l’excellence
de la personne, & tirer la mesure de la gloire,
de celle de la bassesse ; ie veux dire, que tant plus
les Roys sont éleués au dessus des mortels, d’autant
plus ont-ils besoin de cette Royale vertu, qui
seruira de fondement à leur Empire. Et si dans
les édifices materiels, nous voyons que les Architectes
ont coutume d’éleuer de puissans bastimens,
sur des fondemens inebranlables, & qu’ils
se contentent de bastir vne méchante cabanne,
sur deux ou trois pierres de taille ; De mesme, ny
a t’il point de danger, d’éleuer vne fortune assés
mediocre, sur vne humilité ordinaire : Mais

-- 236 --

quand il est question, de mettre le Gouuernement
d’vne grande Monarchie, entre les
mains d’vn ieune Prince, & que tout vn Royaume
s’employe à glorifier son Souuerain ; pour empescher
qu’vn tel edifice ne tombe en ruine ; il est
absoluëment necessaire, que la vertu d’humilité,
iette de tres-profondes racines en son esprit, &
que la splendeur de sa gloire, soit fondée sur les
sentimens de sa propre bassesse.

 

Mensure
humilitatis
cuique ex
mensura
magnitudiuis
data est,
S. Aug. lib.
de S. Virganit.

Cogitas
magnam
fabricam
construere
celsitudinis,
de fundamento
prius cogita
humilitatis,
&c.
S. Aug. ser
10. de verbis
Domini.

Nous remarquons dans les escritures Sainctes,
que Dieu n’a fait porter le diademe, qu’à ceux
qu’il auoit nourri dans l’échole de l’humilité
Royale, & ne les a fait monter dans le Thrône,
qu’apres de longues experiences de leur courage.
Moyse ne fut choisi du Ciel pour conduire les
Enfans d’Israël ; par les deserts d’Egypte, qu’apres
s’estre exercé plusieurs années, en l’office de
simple bergerot, en la maison de Iethro son beau-pere ;
encore que Saül fut d’vne riche taille, que
sa teste fust faconnée à porter la Couronne, &
que sa grandeur le fit paroistre au dessus des premiers
Capitaines de la Iudée ; toutefois il estoit
tres-humble, & s’estimoit indigne de manier le
Sceptre, quand nostre Seigneur luy donna le gouuernement
de son peuple. Le Thrône de Dauid,
fut aussi fondé sur sa tres-profonde humilité, &
cette Royale vertu attira sur luy, les Diuins regards,
pour le placer entre les plus puissans Monarques
d’Israël, & le rendre venerable à la Posterité.

Exod. 3. 1.

Cum paruulus
esses
in oculis
tuis, caput
in tribubus
Israël factus
es. I.
Reg. 15. 17.

-- 237 --

Il ne faut point douter que la tres-saincte
Prouidence, n’obserue encore à present les mesmes
desseins, & qu’elle ne choisisse les Princes, au
Gouuernement des Estats, qu’aprés des preuues
infallibles de leur humilité : Remarqués (s’il vous
plaist) que cela arriue quand l’élection vient du
Ciel, & que l’ambition des hommes n’a point
alteré les ordres de la sagesse Diuine ; c’est pour
lors que les Souuerains font des merueilles ; &
reussissent heureusement dans leur Empire. Comme
au contraire, quand les brigues ont pousse les
hommes dans les Thrônes, & que les Roys ont
esté portés à la fourche, sur les testes des mortels ;
il ne faut esperer autre chose de leur Gouuernement,
qu’vn desordre continuel, & vne desolation
generale de toutes les Prouinces : comme il
paroist dans les exemples tragiques, couchés dans
nos Histoires.

D’où vient qu’vn ieune Prince se doit rendre
l’humilité familiere, & se persuader que c’est l’vnique
fondement des Royales vertus, & que sans
cet appui, elles sont en danger de tomber en ruine.
La tigne de la vanité, le ver de la complaisance,
la satisfaction secrette, la fumée de l’ambition,
sont des mines sourdes, qui infectent les
bonnes œuures, & font perdre le merite des
actions plus éclattantes. L’Humilité Royale enseigne
à estouffer les sentimens de la vaine gloire,
à triompher des passions dereglées, & à couurir

-- 238 --

subtilement, des cendres de la propre cognoissance,
le brillant des plus excellens desseins ; elle
est inébranlable à tous les efforts de l’Orgueil, &
ne peut tomber, puis qu’elle est placée dans vne
profonde bassesse, & qu’elle est l’vnique fondement
des plus éminentes vertus.

 

Sub2Sect précédent(e)

Sub2Sect suivant(e)


La Mère de Dieu, Pierre de (dit Bertius, Abraham) [1647], LES VERTVS ROYALES D’VN IEVNE PRINCE. , français, latinRéférence RIM : Mx. Cote locale : B_1_1.