La Mère de Dieu, Pierre de (dit Bertius, Abraham) [1647], LES VERTVS ROYALES D’VN IEVNE PRINCE. , français, latinRéférence RIM : Mx. Cote locale : B_1_1.
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Qu’vn Ieune Prince peut Prattiquer l’humilité
Royalle, sans interresser sa
Souueraine Grandeur.

CHAPITRE XLIII.

C’est le propre office de la Prudence, de regler
tellement les actions des Monarques,
qu’ils n’entreprennent rien indigne de leurs personnes,
& que sous couleur de vertu, ils n’interessent
leur authorité : D’où vient que la prudence
est comme l’intendante des Royales vertus, pour
soutenir leur droit, & empescher vn ieune Prince,
de se tromper en son élection. Il n’est pas
decent, ny honneste, que les Souuerains se rendent
ridicules à leurs subiects, par des actions indignes
de leur grandeur.

Si Dauid contrefit l’insensé, en presence d’Achis
Roy de Geth, s’il baua comme vn folâtre,
en la Cour d’vn Prince estranger, ce fut pour des
considerations d’Estat, & pour la crainte qu’il
auoit d’estre arresté prisonnier. S’il dansa deuant

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l’Arche du Testament, par vn excés de ioye, &
d’allegresse : si Michol se mocqua de sa Maiesté,
ce sont des actions mysterieuses, & nullement
imitables aux Souuerains Monarques, dont
l’authorité est precieuse au Gouuernement de
l’Estat. Ce n’est pas humilité à nos Roys, d’auoir
souffert que les Maires du Palais, leur ayent fait
quelque temps la Loy ; & les ayent obligé d’épouser
la vie Monachale, ou de trainer dans vne
condition miserable, & indigne de la Souueraine
grandeur. C’estoit plustost stupidité, faineantise,
& brutalité, qu’humilité Royale, qui ne
souffre, & n’entreprend rien indigne d’vn puissant
Monarque.

 

1 Reg. 21.

2. Reg. 6. 16.

[illisible]

Scauez-vous en quoy vn ieune Prince peut
prattiquer cette vertu, sans interesser sa pourpre,
ny faire tort à sa renommée ? en ce qu’il ne presumera
pas vainement de sa personne, qu’il estouffera
les aiguillons de la superbe, & rapportera fidelement
à Dieu, la gloire de ses actions, &
l’honneur de ses victoires : ie ne vois pas que cela
luy puisse porter preiudice : au contraire, c’est le
souuerain moyen d’attirer les faueurs du Ciel sur
son Royaume, & de faire couler vn fleuue de bene
dictions sur son peuple. De plus c’est la gloire
d’vn ieune Prince, de se montrer courtois & affable
à ses subiects ; de condescendre à leurs requestes,
& d’estre de facile accez à tout le monde.
l’Humilité Royale enseigne tout cela aux Souuerains,

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elle assaisonne leurs discours de ciuilité,
& leur fait connoistre la folie des pompes seculieres,
que l’honneur mondain n’est qu’vn songe,
ses appas trompeurs, & qu’on ne peut aimer
sans crime, ce qui flatte les sens, & occupe
inutilement la pensée.

 

Est laus honoris,
virtus
[1 mot ill.]
[1 mot ill.] S. Aug.
serm. 215.
de Temp.

Quand vn Prince retrancheroit par humilité,
le luxe des habits, & qu’il se contenteroit d’estre
modestement couuert, selon sa qualité, croiés-vous
qu’il obscurcit sa gloire, & fit tort à sa
renommée ? ce ne sont point les habits qui font
les Roys, mais les Roys ornent les habits ; autrement
les Comediens achepteroient la Royauté à
bon marché, quand ils paroissent sur les theatres,
auec vne magnificence qui ébloüit les yeux des
spectateurs. Quand les Empereurs ne se couuroient
que de bure, ou de camelot, ils ne laissoient
de commander à vne infinité de peuples,
& de se rendre redoutables aux nations sauuages :
& puis les Historiens ne s’arrestent pas à décrire
les habits des Monarques, mais ils content leurs
batailles, rapportent fidelement leurs victoires,
& ne font mention que des actions tres-celebres.
Quel desauantage est-ce donc à vn ieune Prince,
de mépriser la baue des vers, & de negliger par vn
genereux dédain, ce qui ne le peut rendre recommandable
à la posterité ?

Les rencõtres
où vn
ieune Prince
peut
pratiquer
l’humilité
Royale.

Vn Roy humble est le miracle de nature, &
l’ouurage de la grace ; son exemple instruit les

-- 221 --

peuples, & enseigne sans parler, les maximes de
l’eternité : vn Roy humble, est l’ornement de la
Monarchie, le flambeau de l’Vniuers, & le mirouër
de perfection ; vn Roy humble régle sa
Cour, edifie la Noblesse, corrige les vices, & retablit
dans ses Estats l’ancienne innocence ; vn
Roy humble, merite de manier le Sceptre, & de
porter le diadéme ; & estant éleué au Thrône
Souuerain, il ne luy reste autre chose, pour croitre
dans les esprits des peuples que de s’abaisser par
vn excés d’humilité. Vn Roy parfaittement humble,
est l’image de la Diuinité, & nous represente
grossierement, les anneantissemens du Verbe
Humanisé, & les merueilles de son incarnation.
Il est donc constant que l’humilité Royale, est
l’ornement d’vn ieune Prince, & qu’elle n’interesse
point la Souueraine grandeur.

 

Vn Roy
humble est
vn miracle
de nature,
& de grace.

C’est vne erreur toute manifeste de dire, que
les Monarques soient dispensés de la prattique
d’vne si excellente vertu, & c’est faire iniure à leur
Pourpre, de la rendre incapable d’imiter le Sauueur
du Monde. Et si la sagesse incarnée a laissé
des exemples authentiques de cette vertu, si elle
est venue nous l’enseigner par paroles, pourquoy
voudroit-on persuader aux Roys, que ce seroit vn
des-honneur à leurs personnes, s’ils marioient
l’humilité à leur Sceptre, s’ils en prattiquoient les
actions ? c’est choquer les desseins de la diuinité,
& reprendre sa doctrine fondée sur l’humilité,

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c’est blamer les anneantissemens du Fils de Dieu,
publiés par les Oracles, predicts par les Prophetes,
& annoncés tous les iours aux peuples, comme
le comble de ses grandeurs. Ou si le Souuerain
Monarque de l’Vniuers, a trouué la veritable
gloire, dans la prattique de l’humilité, pourquoy
taschera-t’on de persuader aux Princes Temporels,
que leur dignité ne souffre pas les abaissemens,
ou que la Royauté reçoit du dechec par
l’exercice d’vne si éminente vertu ? A parler Chrestiennement,
c’est exclurre les Roys du partage
de l’eternelle felicité, la recompense des humbles,
& le prix de leurs merites : c’est les rendre incapables
de monter du Thrône mondain, à la
possession bien-heureuse.

 

Les Roy
& les Princes
ne sont
point dispensez
de
prattiquer
l’humilité
Royale.

Concluons donc en faueur de l’humilité
Royale, & disons qu’elle n’interesse point la Souueraine
dignité ; au contraire, nous voyons que
les Roys humbles meritent les honneurs de plusieurs
Siecles ; leur memoire vit dans les cœurs, &
dans les esprits de la Posterité ; il semble qu’en reconnoissance
de leur anneantissemens, la Diuine
prouidence prenne soin d’exposer au public
leurs merueilleuses grandeurs. On traitte auec
plus de respect des merites de Sainct Vvenceslas,
on parle plus auantageusement de ses humiliations,
& de ses austerités, que des victoires des
Cesars, & des conquestes des Augustes ; la seule
memoire de sainct Louys, surpasse les plus glorieuses

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entreprises des Roys de France. Vn Prince
humble est l’vnique obiect des admirations de
son peuple ; qui ne sçait ce qu’il doit aymer dauantage,
ou les aneantissemens de sa Maiesté, ou
les éclats de sa Pourpre Royale, puis que l’humité
honore l’honneur, & qu’elle est la dignité de la
dignité, & le plus riche ornement du Sceptre Imperial,
il ne faut pas qu’vn ieune Prince estime,
qu’elle retourne à sa confusion, ny que son exercice
luy soit peu fauorable.

 

Honor est
ipsius honoris,
& dignitatis
S. Bernard
Serm 34
in Cant.

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