La Mère de Dieu, Pierre de (dit Bertius, Abraham) [1647], LES VERTVS ROYALES D’VN IEVNE PRINCE. , français, latinRéférence RIM : Mx. Cote locale : B_1_1.
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De la Royale Chasteté des Roys de France,
particulierement de Louys XIII.

CHAPITRE XLI.

S’Il faut attendre des Siecles, pour voir la
naissance glorieuse du Phœnix, ie crois que
celle d’vn Prince parfaittement chaste, n’est pas
moins rare, & extraordinaire, si les oyseaux du
Paradis ne batissent leur nid, qu’en des lieux solitaires,
vn Roy parfaictement chaste, est aussi vn
Thresor caché à la veuë des mortels, & le miracle
de grace, & de nature. Il se presẽte à mõ esprit vn
grãd nõbre d’excellens Monarques, qui ont tres-dignemẽt
manié le Sceptre de la Frãce ; les beaux
exploits d’armes, leur ont acquis le titre de Vainqueur,
comme à Charles VII. Les autres par leur
courage, ont merité la qualité d’Augustes, comme
Philippe II. La posterité publie hautement la
douceur des autres, quand elle les nomme Bien-aimés,
& Peres du peuple, comme François I. &
Louys XII. Ie sçay bien qu’Henry le grand, pour
ses rares perfections, est appellé la merueille des
Roys, & le Roy des merueilles ; ie n’ignore pas
que LOVYS XIII. d’heureuse memoire, a dignement
porté le titre de Iuste ; Mais entre vne
infinité de genereux Princes, ie n’en trouue aucun,
qui par sa continence, & la victoire de ses

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passions, ait obtenu le sur-nom de Chaste : tant il
est difficile de trouuer vn Monarque, qui sous sa
Pourpre Royale, couure vne ame pure, & innocente.

 

Vn ieune
Prince parfaitement
anssi
rare que
le Phœnix.

Il ne s’en suit pas que nos Lis soient moins feconds
en pureté, que les Aigles de l’Empire, & si
l’Allemagne a produit les Henrys, les Vvenceslas,
les Casimires, comme des Roses au milieu
des épines de la Cour, & de la stupidité de cette
nation grossiere ; Le terroir de France a enfanté
des esprits tres-purs, & tres-dignes de l’immortalité.
Quand il n’y auroit que Louys IX. placé au
Catalogue des saincts, il suffiroit pour témoigner
l’innocence de nos Fleurs de Lis : On remarque
de cette Ame toute Royale, qu’elle n’a iamais
esté souillée d’aucun peché mortel ! ô Dieu, quel
miracle de pureté ! quel prodigé d’innocence !
d’auoir toutes les occasions de tomber, & de ne
chopper iamais ! cela ne seroit pas peu remarquable,
dans vne personne de basse naissance, & de
condition mediocre ; mais qu’vn Roy de France,
dans vne Cour florissante en delices, agreable en
plaisirs, composée des plus charmantes voluptés,
ne gouste iamais celles qui luy sont interdites ;
c’est surpasser nos premiers parens dans le Paradis
Terrestre ; c’est faire la leçon aux Salomons, c’est
deffier la vertu de toute la posterité, & meriter la
gloire des Siecles immortels.

Les Roys
de France
n’ont pas
moins
fleury en
Chasteté
que les
Empereurs.

Nous lisons dans les memoires du sieur de

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Commines, que Louys XI. fit veu de garder la
chasteté ; depuis qu’il plût à nostre Seigneur, d’appeller
à soy vn de ses enfans ; Et on remarque de
ce Monarque, qu’il accomplist parfaitement sa
promesse, nonobstant les violentes inclinations
de sa nature, & les occasions continuelles de contenter
les ardeurs de sa passion. I’attribuë cette
victoire à la grande deuotion, que portoit ce Genereux
Prince, à la Vierge Sacrée, & à la confiance
qu’il auoit en ses prieres ; comme elle luy sist la
grace de mourir vn Samedy, iour consacré à son
seruice ; ie crois aussi que par ses merites, il auoit
obtenu du Ciel le precieux don de la Royalle
Chasteté.

 

Louys XI.
garda la
chasteté
par vœu.

De Commin.
lib. 6.
chap. 13.

I’estime beaucoup les Glorieuses conquestes
de Charles VIII. i’admire la grandeur de son
courage, qui le poussa dans le fonds de l’Italie,
luy fist passer les Alpes, & triompher de Naples,
& de Sicile : Ie me réjoüis de le voir couronné
Roy de ces abondantes Prouinces Mais ie prefere
à toutes ces sanglantes victoires, vne seule
action de Chasteté, par laquelle il a fait cognoistre
à la Posterité, qu’il ne s’estudioit pas moins à
commander ses propres inclinations, qu’à gouuerner
son peuple. On luy presenta donc vne sille,
belle par excellence, & pour qui il auoit de l’amour ;
cette pauure brebis estant entrée dans le
Cabinet du Roy, se ietta aux pieds de l’image de
la Sacrée Vierge, témoignant par ses larmes, &

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ses soupirs, l’extreme regret de son cœur, de se
voir sur le point de perdre la fleur de son innocence :
puis se tournant vers le Roy, luy dit d’vne
voix tremblante ; Sire ie vous coniure par cette
Vierge, de garder mon honneur, & de ne toucher
point à vne pauure vierge. Croiriés-vous que ce
grand Monarque reprima les sentimens de la
concupiscence, & qu’il estouffa en mesme temps
les flammes de l’amour charnel, sans offenser
celle, qu’il tenoit en sa discretion ? de quoy il merite
la gloire de la posterité.

 

Belle actiõ
de continence
de
Charles
VIII. Roy
de France.

Mais que dirons-nous de LOVYS XIII. surnommé
le Iuste, Fils Ainé de l’Eglise qui a montré
en ces derniers Siecles, qu’il n’est pas impossible,
de couurir sous le manteau Royal, vne ame
de Colombe, & que les Lis de France prennent
croissance, entre les épines de la Cour Mondaine ?
ce que nous rapporterõs de cet incomparable
Monarque, nous l’auons appris de témoins oculaires,
& de personnes tres-dignes de creance,
qui m’ont asseuré, que depuis le regne de sainct
Louys, le Sceptre de la France n’a point esté manié
par des mains plus pures, ny plus innocentes :
On lisoit dans les yeux, & sur le front de ce grand
Prince, les sentimens de son cœur ; on voyoit des
traicts de Maiesté sur son visage, qui marquoient
la qualité de ses pensées, & la bonne trempe de
son esprit. Sa bouche estoit l’organe de la continence,
sa langue ne proferoit iamais que des paroles

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chastes, & honnestes. Il n’abhorroit pas
seulement les discours impudiques, mais il ne
souffroit point qu’en sa presence, on entamast
semblables matieres.

 

Louys [illisible]
chaste.

Ie sçay qu’vn iour apres le repas, certains Courtisans
s’oublians de leur deuoir, ietterent sur le tapis
quelques discours lascifs, dãs la creance qu’ils
auoient de diuertir l’esprit du Roy ; Mais sa Maiesté
leur fit entendre, que cela ne luy estoit pas
agreable, & s’estant découuert ; rendit graces à
Dieu, de la nourriture qu’il luy auoit donnée. Il
estoit tellement ennemi de la caiollerie des Dames,
qu’il ne leur parloit qu’en public, & à la veuë
de ses Gentils-hommes, pour oster le mauuais
soupçon de sa personne : s’il en a cheri quelques-vnes,
si ce n’a esté que dãs les termes de la ciuilité,
& plustost pour les eminẽtes vertus de leurs ames ;
que pour les rares traicts de leur beauté corporelle :
iusques-là, que ses plus familiers le taxoient
souuent de trop de seuerité, auec le sexe feminin,
& de trop de retenuë en ses amours.

Exemple
de la Royale
chasteté
de Louys
XIII.

On donna vne autre fois aduis au Roy, qu’vne
Dame Angloise estoit arriuée à Paris, & que sa
beauté auoit mis en éclypse, tout ce qu’il y auoit
de plus charmant en la Cour de France ; qu’au reste,
la nature en plusieurs siecles, n’auoit rien produit
de plus agreable, & qu’en se ioüant, elle
auoit placé sur ce visage, tout ce qui estoit capable
de gagner les volontés, & de dompter les

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cœurs plus sauuages. Ce langage n’aboutissoit
qu’à porter sa Maiesté de curiosité, à voir cette
beauté pour contenter ses affections, en la contemplation
de ses perfections : Mais tant s’en
faut que LOVIS LE IVSTE, commãdast de la
mener au Louure, qu’il couppa le discours à ces
ieunes follastres, par vne replique digne de son
esprit : en leur demandant, si elle estoit plus accomplie,
que la Royne son Espouse, à qui il auoit
consacré toutes ses amours.

 

Autre exẽple
de la
Royale
chasteté de
Louys XIII.

Ie ne puis souffrir qu’on attribuë à la nature,
les effects de la grace, ny qu’on soutienne mal à
propos que LOVYS XIII. d’heureuse memoire,
estoit naturellement chaste, & insensible aux
pointes de l’amour : il a bien montré la fidelité de
son affection, en la personne de son ministre
d’Estat, le grand Cardinal Duc de Richelieu, &
a bien fait entendre, aux ennemis de sa prosperité,
la constance de son amitié : puis que rien n’a
ébranle sa Royale volonté : & que les loix du
sang, & de la nature, ont fait ioug aux principes
de la grace. Sa Maiesté a montré à ses mignons,
les ardeurs de ses affections, puis que leur
dereglement, & leur mauuaise conduitte, ne les
a pas effacé de sa Memoire, ny éloigné (qu’à regret)
de sa personne. Bref, pour voit l’amour
de LOVYS LE IVSTE, il faut considerer les
tendresses qu’il a tousiours conseruées pour la
Reyne, sa tres-digne Epouse : ou chercher vne

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vne fidelité pareille à la sienne ? ou trouuer des inclinations
plus puissantes, & qui luy ont duré iusqu’à
la fin de sa vie ? ayant la liberté d’aimer innocemment
sa chere moitié, il plaça en elle toutes
ses amours, & luy conserua l’honneur de sa
couche Royale.

 

Si on veut dire, que LOVYS XIII. ne s’attachoit
point aux obiects sales, & lascifs, qu’il ne
sçauoit aimer d’vn amour impudique, contraire
à celuy des Astres, & indigne d’vn Souuerain
Monarque, si on ne desire autre chose, i’en suis
d’accord, & c’est en cela, qu’il est plus loüable,
plus Iuste, & plus glorieux, & plust à Dieu que le
legitime successeur de son nom, de son Sceptre,
de sa Couronne, & de son Royaume, fust encore
heritier de sa Royale Chasteté ! plust à Dieu que
nostre Ieune Monarque ne fust iamais esclaue de
l’amour prophane, la ruine des peuples, la desolation
des Prouinces, & le des-honneur des
Souuerains ! plust à Dieu qu’il ignorast les malicieuses
atteintes de Cupidon, pour ne loger son
cœur, & ses pensées, qu’en des obiects dignes de
sa grandeur ! C’est ce que le public espere de sa
naturelle douceur, de ses rares qualités, de sa bonne
éducation, & des instructions de la Reyne
Regente, sa tres-digne Mere, qui consacre ses
soins, au progres, & à l’auancement de la Monarchie.

Louys XIII
n’aimoit
point d’amour
lascif,
ny impur.

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