La Mère de Dieu, Pierre de (dit Bertius, Abraham) [1647], LES VERTVS ROYALES D’VN IEVNE PRINCE. , français, latinRéférence RIM : Mx. Cote locale : B_1_1.
Sub2Sect précédent(e)

Sub2Sect suivant(e)

Qu’il n’est rien de plus dangereux à vne
Monarchie, qu’vn Prince vicieux.

CHAPITRE V.

IE ne sçay à qui s’addressent ces paroles du Roy
Prophete, Pourquoy vous glorifiez vous dans la
malice, qui estes puissant dans l’iniquité ? Est-il possible
que des creatures raisonnables soyent tellement
ecartées du droit chemin de l’immortalité,
qu’elles mettent leur gloire en ce qu’elles deuroient
detester plus que la mort ? Mais à qui en
veut le Prophete ? de qui parle-t’il ? ou qui sont
ceux qui tirent de la vanité de leurs crimes, &
se montrent puissans dans la malice ? sinon les
Princes, & les Roys vicieux, qui ne se contentent
pas de faire seruir toutes les creatures, à la brutalité
de leurs Passions ; mais obligent souuent leurs
subiects à l’imitation de leurs impietés ; en quoy
paroist l’effect de leur malicieuse puissance, qu’il
faut nommer plustost, vn signe manifeste de leur
extreme foiblesse.

Quid gloriaris
in
malitia, qui
potens es in
iniquitate ?
Psal. 51.

Combien de fois a t-on veu les fournaises ardentes,
pour precipiter dans les flammes, ceux
qui refuseroient de sacrifier aux Idoles ? Combien
de fois a t-on publié les Edicts contre les veritables
seruiteurs de IESVS-CHRIST, pour les
contraindre par l’apprehension des supplices, à

-- 43 --

renoncer aux verités Euangeliques. Combien
de fois l’impieté armée de puissance, & assise
dans le Thrône de la gloire, a t-elle forcé la pureté
des Vierges ; & conduit solemnellement
dãs des lieux de prostitution de petites creatures,
dont l’innocence estoit consacrée au Fils vnique
de la Vierge ? Ce sont les fruicts mal-heureux
qu’enfantent les Roys vicieux ; & à chaque fois,
que le Sceptre est entre les mains d’vn mauuais
Prince, qui n’a point d’autre loy que celle de ses
passions, il faut craindre tous les deréglemens,
que ie viens de rapporter. C’est l’abomination de
desolation assise dans vn lieu Sainct qu’vn Souuerain
eleué au Thrône Royal, & qui abuse de
l’authorité que Dieu luy a mis entre les mains ;
c’est vne Statuë de Nabuchodonozor, soutenuë
par des pieds d’argille qui menacent les peuples
de ruine ; c’est vne Idole de Royauté, & vn veritable
Esclauage.

 

Ce que
fait vn ieune
Prince
ennemy de
la Royale
vertu, pour
corrompre
le peuple.

Matt. 24.
15.

Deniel. 2[1 chiffre ill.]
v. 32

I’accorde bien que les pechés des particuliers,
ne changent point d’essence ny de nature, estans
commis par des personnes de tres-éminente Dignité,
le blaspheme sorty de la bouche d’vn pauure
paysan est vn crime mortel : de mesme espece
que celuy du plus puissant Monarque : l’Adultere
de Dauid est de mesme nature que celuy du
moindre de ses Soldats. Ie remarque pourtãt plusieurs
circonstances dans les crimes des Roys &
des Princes, qui augmentent extremement leur

-- 44 --

malice, comme seroit le mauuais exemple, qu’ils
dõnent à leurs subiects en ternissant l’éclat de leur
Pourpre, le scandale de toute la Cour, qui se
moule sur leurs actions, & s’en sert comme
d’vne loy viuante. D’où vient qu’en l’Escriture
saincte nous trouuons que Dieu a chastié beaucoup
plus rigoureusement les pechés des Princes,
que ceux des personnes priuées : à cause qu’il
semble que tous les subiects trempent dans les
crimes des Souuerains.

 

Les pechés
des ieunes
Princes
plus dãgereux
au
public, que
ceux des
[2 lignes ill.]

Ainsi voyons nous toute l’Egypte affligée de
plusieurs fleaux, & estre l’obiect de la diuine vengeance
pour l’obstination enragée de Pharaon,
& de ceux qui auoient quelque sorte de commandement
dans son Royaume. Ainsi plusieurs
milliers d’ames payerent par leur mort, le peché
du Roy Dauid : ainsi la desobeïssance de Saül,
fut cause de la diuision de tout le Royaume, &
que le Sceptre de Iuda fut transferé à vne main
estrangere, au preiudice de ses legitimes successeurs.
Et si on a veu la Monarchie Françoise aller
en decadence, il en faut attribuer la faute au dereglement
des Souuerains. Dequoy nous auons
vn parfaittement bel exemple, lors que les Anglois
furent chassés de quelques Prouinces par
Charles VII. on leur demanda en partant de
Gascogne quand ils retourneroient en France ;
Lors que vos pechés (disoient-ils) seront plus grands
que les nostres. Témoignans par cette response que

-- 45 --

nos crimes les auoient attirés en ce Royaume, &
qu’ils seroient peut-estre causes de leur retour. Ie
prie Dieu que iamais nous ne leur puissions fournir
de pareilles occasions, pour les obliger de
nous venir troubler.

 

Exod cap.
9. & cap.
10.

2. Reg. 24.
14.

1. Reg. 13.
14.

Response
remarquable
des Anglois
sortans de
France.

Entre les pechés, ie n’en sçache point de plus
dangereux à vn Estat, ny qui cause plus de dommage
au public, estant placé dans l’esprit d’vn
ieune Prince, que le crime d’infidelité, ou d’Heresie ;
quand vn Souuerain quitte le seruice Diuin,
& qu’il est si aueuglé de se separer de la
saincte Eglise, pour espouser le party des Religionaires,
il inuente tous les moyens possibles pour
induire ses subiects à secouër le ioug de nostre
commune Mere, & à suiure les nouuelles erreurs,
au grand desauantage des Consciences, comme
on peut connoistre par la perte des Royaumes
Estrangers, où les Souuerains ont introduit les
Heretiques, pour fauoriser leurs crimes.

Quel peché
est plus
dangereux
à l’Estat,
quand vn
ieune Prince
en est
esclaue.

Les Princes ayans vn pouuoir absolu sur les
biens, & sur les vies de leurs subiects, ne mãquent
pas de moyens pour fleschir les esprits ; particulierement
de ceux qui ne sont pas trop bien fondés,
dans les vertus Catholiques, dont le nombre est
tres grand, & qui ne considerent que leur aduancement
temporel ; Vn Prince publiquement
Heretique, est tellement dangereux à l’Estat,
qu’il infecte de son venin, tout le corps de la Monarchie,
& par son mauuais exemple, attire les

-- 46 --

peuples à vne miserable apostasie, la passion luy
faisant vser de violence, pour contraindre les esprits
par l’apprehension des supplices, à espouser
le party de l’erreur.

 

Mais voicy vne remarque extremement glorieuse
à la Couronne de France ; c’est que depuis
tant de Siecles qu’elle a le bon-heur d’estre portée
par des Princes Catholiques, iamais il ne s’est veu
aucun de nos Roys(apres son Sacre) infecté
d’Heresie ; Depuis Clouis le Fils Ainé de l’Eglise,
& le premier de nos Monarques, qui a receu le
Baptesme, iamais la France n’a esté Gouuernée,
par vn Prince Heretique ; iamais elle n’a veu asseoir
dans le lict de Iustice, vn ennemy de la Foy
Catholique, iamais le Sceptre n’a este tenu que
par des mains tres-Chrestiennes. Nos Lis sont
Vierges en ce poinct ; & i’ay tant de confiance
en la protection des glorieux patrons de ce
Royaume, qu’ils ne souffriront pas qu’vn tel malheur
nous arriue, & qu’ils obtiendront plustost
la rosée de mille & mille benedictions, pour tous
les Enfans de France, le Fils Ainés de l’Eglise, les
Protecteurs des verités Catholiques, & les principaux
defenseurs des legitimes Successeurs de
sainct Pierre, & des Immunitez Ecclesiastiques.

Remarque
fort glorieuse
à la
Couronne
de France.

Où si par
mal-heur,
quelqu’vn
de nos Monarques,
a
esté nourri
dans l’Heresie,
arriuant
à la
Couronne,
& prenant
possession
de tous ses
Estats, il a
desauouë
publiquement
son
Erreur.

-- 47 --

Sub2Sect précédent(e)

Sub2Sect suivant(e)


La Mère de Dieu, Pierre de (dit Bertius, Abraham) [1647], LES VERTVS ROYALES D’VN IEVNE PRINCE. , français, latinRéférence RIM : Mx. Cote locale : B_1_1.