La Mère de Dieu, Pierre de (dit Bertius, Abraham) [1647], LES VERTVS ROYALES D’VN IEVNE PRINCE. , français, latinRéférence RIM : Mx. Cote locale : B_1_1.
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Qu’vn Prince debordé en sa ieunesse, se
range bien difficilement du party
de la vertu Royale.

CHAPITRE VI.

Comme les Medecins ne tiennent pas que
toutes les maladies soient également dangereuses,
ny que toutes les playes soyent incurables ;
comme ils s’en rapportent à la diuerse constitution
des corps, & à la plus forte ou moindre
complexion naturelle ; ainsi sommes nous obligez
de porter vn iugement different des pechés,
que nous croyons estre les veritables maladies
des ames : le dereglement ordinaire d’vne ieunesse
mal-nourrie, & qui faute de conduitte s’est iettée
dans le desordre, n’est pas si dangereux que
celuy d’vn ieune Prince, à qui les parens ne manquent
pas de fournir tous les moyens possibles
pour former son esprit aux plus éminentes vertus.

Tellement qu’vn Roy, nous donne des preiugés
d’vn cœur de tres-mauuaise trempe, & incapable
de receuoir de bonnes teintures, depuis
qu’il se prostituë au peché, plustost par malice
que par foiblesse, tandis qu’vn pauure ieune
homme manque souuent faute d’instruction, &
de bonne nouriture. D’où vient qu’il reconnoist

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facilement son peché, & qu’il se dépouille
de ses mauuaises habitudes, aux premieres remonstrances
de son Maistre ; mais vn Prince ne
permet pas qu’on marque ses defauts : de sorte que
sainct Iean Chrysostome estime presque toutes
les imperfections des Princes incurables : ce n’est
pas qu’absolument parlant, la conuersion des
Souuerains soit desesperée, & qu’ils ne puissent
espouser de nouueau le party des Royales vertus ;
mais cette bouche d’or de Constantinople veut
dire, que cela leur est tres-difficile, & que les
exemples en sont tres rares.

 

Les fautes
des ieunes
Princes,
sont presque
toutes
sans remede.

Nous lisons dans les Histoires Sacrées, & Prophanes,
que plusieurs Roys se sont donné la liberté
d’offenser Dieu, & que leur folle ieunesse
s’est passée dans les dissolutions, & dans le debordement
des passions : les vns ont presenté des
Sacrifices, & de l’encens aux Idoles, les autres se
sont immolez aux infames voluptéz de la chair :
d’autres ont mis leur beatitude dans des honneurs
imaginaires : de ce nombre ont esté les Salomons
les Absalons, les Roboams, les Achaz,
les Herodes, & entre vne infinité de grands Princes
(que par respect ie passe sous silence) il n’y a
que Dauid dont les larmes penitentes ont laué
les ordures de la conscience. Ce que le glorieux
sainct Ambroise reprocha à l’Empereur
Theodose, lors qu’il demanda pardon du massacre
des Thessaloniciens, & l’absolution de son
crime.

Qui secutus
[1 lettre ill.]s errantè,
sequere pœnitentem
[illisible]. Ambro.

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Et puis comment voulez-vous que des ieunes
Princes, que le Monde adore, que la chair flatte,
qui ont tout à souhait, qui ne releuent de personne,
assiegez de Courtisans, couuerts d’écarlatte,
& charges d’vn Diadéme, changent de façõ de
viure ? Comment surmontroient-ils des passions
qui les tyrannisent s’ils mettent leur felicité dans
leur esclauage ? Comment estoufferoient-ils les
flammes de la concupiscence, qui les consomment
iusqu’à la moële des os ? comment quitteroient-ils
des habitudes changées presque en nature,
& qu’vne mal-heureuse coutume a conuerti
en vne déplorable necessité ? Ie veux que la
grace leur soit presentée, & que le secours du
Ciel ne leur manque pas ; toutefois à cause qu’ils
n’vsent pas d’vne saincte violence, ils demeurent,
& souuent meurent dans vn sommeil Lethargique ;
qui les fait descendre du Thrône de la gloire
Temporelle, dans les Cachots d’vne eternelle
confusion.

La Reyne Blanche Mere du glorieux sainct
Louys, apporta tant de soin à eleuer ce ieune
Prince, dans l’air des Royales vertus, dautant
qu’elle sçauoit que les fautes des Monarques, sont
presque irreparables ; & discourant vn iour auec
son Fils de l’enormité du peché mortel, elle prononça
ces paroles dignez d’vne Reyne de France ;
Mon Enfant (dit-elle) quoy que ie nourrisse
pour vous des tendresses plus que Maternelles, &

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que ie vous regarde, comme l’esperance de la Couronne,
le support de la Monarchie, & le successeur
legitime du Sceptre de la France : quoy que vostre
bon-heur me soit plus cher que le mien, & que ie prefere
vos interests à mon profit, & vostre vie Royale,
à la mienne qui panche dans le Tombeau, si est-ce que
i’aymerois mille-fois mieux, vous voir expirer à mes
pieds, & priué en mesme temps de toutes les prosperitez
du Monde, que soüillé d’vn peché mortel, qui
vous rauiroit le precieux thresor de la grace, & vous
rendroit l’obiect de la Diuine Iustice. On ne peut
exprimer le profit que ce ieune Monarque retira
des Sainctes instructions d’vne si sage Princesse.
Asseurement que sa Majesté durant sa Regence,
eleuera LOVIS XIV. dans les mesmes sentimens,
& qu’elle distillera dans le cœur de nostre
petit grand Roy, vne telle auersion du peché,
qu’il preferera tousiours la Mort sensible, à l’ombre
d’vne offense Venielle.

 

Beau discours
de la
Reyne Blãche
au Roy
S. Louys.

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