La Mère de Dieu, Pierre de (dit Bertius, Abraham) [1647], LES VERTVS ROYALES D’VN IEVNE PRINCE. , français, latinRéférence RIM : Mx. Cote locale : B_1_1.
Sub2Sect précédent(e)

Sub2Sect suivant(e)

Que les Vertus Royales rendent vn Ieune
Prince aimable, & venerable
au Public.

CHAPITRE IV.

L’art le plus difficile entre tous les Arts, &
l’action la plus noble du Monde, est celle
du Gouuernement des Hommes ; Il n’est rien
sous le Ciel, qui represente plus naifuement la surintendance
generale de Dieu sur toutes les Creatures
que la domination des Princes sur leurs subjects :
aussi n’est-il rien de plus flattant, ny qui echauffe
dauantage l’ambition, que le desir de Regner,
& de commander sur les Nations. C’est le
peché des esprits plus deliés, qui s’aueuglent par
l’eclat de l’or, & de l’argent, & ne rêvent que des
Sceptres, & des Couronnes.

Rien de
plus noble,
ny de plus
difficile que
le Gouuernement
des
hommes.

Les plus grands cerueaux ont trauaillé, pour
trouuer le secret de gouuerner heureusement les

-- 39 --

Mortels : chacun s’est voulu méler de donner son
aduis dans vne affaire, qui regarde le repos des
Royaumes, & dont depend absolument la Felicité
de l’Vniuers. La clef des Sciences naturelles,
n’est pas tant necessaire aux Monarques, que
l’art de commander aux Peuples, & l’addresse de
regir les Estats.

 

Qui se pourroit rendre également aimable, &
venerable à ses subiects, auroit trouué le souuerain
moyen de reussir au Gouuernement des Hommes ;
& c’est à quoy vn ieune Prince n’arriuera
iamais, que par la Porte dorée des Royales vertus,
il ne faut point esperer, qu’vn Monarque
gaigne les affections des bons, ny qu’il iette de
la terreur dans les esprits des meschans ; si ce n’est
que ses subiects ayent conçeu vne tres haute opinion
de ses merites, & de ses belles qualités ; qui
ne le feront pas considerer comme vn homme
mortel, assis au Thrône de Iustice, mais comme
vne image viuante des perfections suradorables
de la Diuinité : & le Sceptre ne luy sera pas accordé
par vn simple accident de fortune, ou par vne
pure succession hereditaire, mais comme la veritable
recompense de ses merites, & l’effect de la
tres-sage prouidence qui veille perpetuellement
sur le bien des Estats, & sur le progrés des Monarchies.

Le vray
secret de
gouuerner
heureusement
les
Peuples.

C’est vne folle presomption à vn ieune Prince,
de penser qu’il puisse efficacement disposer

-- 40 --

des affections de ses subjects par les charmes sensibles,
tirés d’vne beauté passagere, de l’eclat de
sa Pourpre, & de ses habits, ou qu’il se fasse craindre,
par la force des Armes, & par la multitude
des Soldats qui enuironnent sa personne, il doit
oster cela de son esprit, & croire, que l’estude des
vertus Royales luy donnera incomparablement
plus d’ascendant sur les cœurs des Peuples, que
tous les artifices humains, ioints aux plus puissants
charmes de la Nature.

 

Si Philippe Auguste le DIEV-DONNÉ, &
sur-nommé le Conquerant, a merité entre les
Roys de France de porter de si glorieux titres,
les Royales vertus que sa diuine Majesté a dépeint
en son ame, luy ont acquis vne memoire immortelle,
entre les premiers Princes de la Couronne.
Si François I. fut qualifié Clement par les Peuples,
ce ne fut qu’apres des preuues irreprochables
de sa rare bonté ; & si en ce dernier Siecle, HENRY
IV. d’heureuse memoire a merité le sur-nom
de Grand, ce n’est qu’à cause de la grandeur de
son courage, & de sa grande conduitte dans les
affaires, qui sont des signes de la grandeur de ses
Royales vertus ; les Statuës erigées à sa Memoire,
dans les places plus remarquables de la France,
sont encore vne partie des recompenses de ses
merites.

Ignore-t’on que les Historiens, pour faire viure
les Puissans Heros, dans les esprits de leurs

-- 41 --

successeurs, & pour les rendre venerables à la Posterité,
ne se seruent que de leurs Royales vertus ?
ils dépeignent leur Generosité dans les Combats,
leur courage dans les hautes entreprises, leur Iustice
dans l’administration des affaires d’Estat,
leur valeur dans les Victoires ; voila dequoy nos
Annales font mention ; & s’il est question de
parler des Sepulchres, ou des Mausolées de nos
Roys, il est aisé à voir par les marbres qui couurent
leurs cendres, par les inscriptions, & les Epitaphes
qui contiennent l’abregé de leurs vies,
qu’on ne represente que les effects de leurs Royales
vertus, & les plus manifestes characteres de
leur valeur ; De sorte que non seulement durant
la vie, mais apres la mort, les Princes ont besoin
de se seruir des auantages des plus hautes vertus,
pour se rendre recommandables à la Posterité,
& pour conseruer l’honneur, qu’ils s’estoient
acquis par les Armes : les Payens faisoient mesme
difficulté de deïfier vn Prince vicieux, & ne tenoient
compte que de ceux qui s’estoient frayés
le chemin à l’Empire, par des actions dignes de
grands Personnages. Il est donc iuste qu’vn ieune
Monarque soit éleué dans ces sentimens, afin
que son Gouuernement puisse prosperer, & que
ses subiects le regardent d’vn œil plein d’amour,
de respect, & de veneration.

 

La seule
vertu rend
les ieunes
Princes
considerables
à la
posterité.

-- 42 --

Sub2Sect précédent(e)

Sub2Sect suivant(e)


La Mère de Dieu, Pierre de (dit Bertius, Abraham) [1647], LES VERTVS ROYALES D’VN IEVNE PRINCE. , français, latinRéférence RIM : Mx. Cote locale : B_1_1.