La Mère de Dieu, Pierre de (dit Bertius, Abraham) [1647], LES VERTVS ROYALES D’VN IEVNE PRINCE. , français, latinRéférence RIM : Mx. Cote locale : B_1_1.
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Que la chasteté doit tenir rang, entre les
Royales vertus d’vn ieune Prince.

CHAPITRE XXXVI.

SI ie voulois en ce suiet, prendre loy, de
toute sorte de personnes, & écouter les discours
des Esprits libertins ; il feroient le procés à
la chasteté, la condamneroient à ne iamais frequenter
la Cour, & luy defendroient l’entrée des
Palais des Princes Souuerains : ils la relegueroiẽt
dans les Cloistres, & dans les Monasteres, pour
demeurer auec les Cenobites, parmy les épaisses

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forests, & dans les tristes solitudes. La chasteté
(à leur auis) est trop hideuse, pour loger dans les
Louures, trop austere pour trouuer place parmy
les delicatesses des Roys, & les mignardises des
Courtisans : D’où vient qu’il me semble, que les
soldats qui assiegent les portes des Souuerains, &
font nuict & iour la sentinelle, pour garder l’entrée
de leurs Palais, ont ordre de ne point laisser
passer la chasteté, afin de ne point inquieter l’esprit
des Roys, ny troubler la douce iouyssance de
leurs plaisirs ; mais pour leur complaire, on ouure
les portes à Asmodée, le demon d’impudicité ;
qui entre en Triomphe, dans les maisons des
Souuerains Monarques : comme s’ils n’estoient
Roys que pour gouster les plaisirs, se prostituer
aux voluptés de la chair, & estre esclaues de leurs
passions.

 

La chasteté
semble
bannie de
la Cour des
ieunes
Princes.

I’ay entrepris de defendre les interets de la
Royale chasteté, & de monstrer en ce discours,
qu’elle est l’appennage des ieunes Princes, & merite
d’estre placée dans les plus superbes Palais,
puis que son origine vient d’en haut, du pere des
Lumieres, & que son seiour ordinaire est dans les
Cieux, entre les plus hautes intelligences ; il n’est
pas iuste de bannir de la Cour des Roys de la terre,
celle qui a coutume de demeurer dans la Hierusalem
Triomphante. La chasteté n’emprunte
point son éclat de la Pourpre Royale, & n’est pas
honorable par le lustre des plus puissans Seigneurs

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de l’Europe, mais c’est elle qui rend les
ieunes Princes aymables aux peuples, venerables
aux Courtisans, & recommandables à la posterité.

 

Comme cette Royale vertu, n’a pas beaucoup
de commerce auec la terre, & qu’elle retire
les Souuerains de la contagion des vains plaisirs,
il semble que ceux qui la possedent, n’ayent pas
des corps formés de bouë, & d’argille : mais que
leurs membres soient composés d’vne matiere celeste,
& incorruptible, ce qui iette le respect dans
les esprits de ceux qui ont l’honneur d’approcher
de leurs personnes. N’est-ce pas la raison, pourquoy
en la loy de grace, les Prestres, & les Ecclesiastiques
s’obligent à obseruer la chasteté, afin
de conuerser plus familierement auec la Diuinité,
& de se rendre plus venerables aux peuples ? n’est-ce
pas la continence qui fait honorer leur charactere,
comme au contraire, l’impudicité les reduit
dans le mépris, & les remplit de confusion ?
ainsi en est-il de la Pourpre Royale d’vn ieune
Prince, pour ne ternir point son éclat, il est necessaire
qu’elle soit enrichie de la chasteté, que
l’innocence l’accompagne, & luy serue d’ornement.

Les anciens Empereurs auoient grand tort,
de faire entendre aux peuples qu’ils estoient de la
race des immortels, & de se faire representer au
public, manians les foudres, comme Iupiter : assis

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dans vn Chariot flamboyãt, comme Phaëton :
Armés d’vn Casque, d’vne lance, & d’vn bouclier,
comme Mars ; commandans à l’Ocean,
aux vents, & aux tempestes, comme Neptune : il
n’estoit pas besoin de tant d’artifice, pour imprimer
le respect de leurs personnes au cœur de leurs
subiects ; la Royale chasteté suffisoit pour rendre
leur Maiesté redoutable à toutes les Nations.

 

Cõme les
Princes
Payens ont
tasché de se
Deїfier.

Peut-estre que les Roys d’Egypte, se seruoient
d’vne robe blanche, pour signifier la candeur, &
l’innocence de leurs Ames : Peut-estre que Clouis,
le premier de nos Roys qui a fait Profession
publique, de la Religion Catholique, changea
ses Armes, qui estoient de Sinople à trois Crapaux,
ou à trois Grenoüilles, (selon la fable
d’Humbaud, & de Tritéme) ou plustost (comme
remarque Paul Emile) de trois Couronnes
en champ d’argent ; & prit des Lis sans nombre
en champ d’azur ; pour témoigner à toute la Posterité,
que les Roys de France doiuent cherir la
blancheur des Lis, & aymer la chasteté, & l’Innocence,
comme le plus riche appanage de leur
Pourpre. Et nous voyons mesme encore à present,
que nos Monarques placent les Lis sur
leurs Sceptres, & leurs Couronnes, pour montrer
que la chaste innocence, doit demeurer dans leurs
cœurs.

Les Roys
de France
portent
trois Lys
en champ
d’azur,
pour marque
de leur
rare pureté.

Si nous respirions encore l’air du Paganisme,
ou si nous viuions sous le miserable Regne des

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Nerons, des Domitians, des Heliogabales, ou
des Princes infideles, ie ne trouuerois pas estrange
de voir la Chasteté mal-traittée, & bannie des
Cours Souueraines ; Mais à present, que la lumiere
de la grace a dissipé les tenebres de l’ignorance,
que les Princes Catholiques occupent les Thrônes,
il n’est pas iuste que cette Royale vertu soit
dans l’esclauage, qu’ayant esté prattiquée par
IESVS-CHRIST, Roy du Ciel, & de la Terre,
elle soit indignement traittée, par des Princes
Temporels qui luy doiuent hommage. Il n’est
pas raisonnable, que celle qui Couronne les Vierges,
dans l’immortalité, soit mise en éclipse, par
ceux qui connoissent ses merites. Asseurement
qu’vne telle faute est indigne de pardon, & sera
vn iour chastiée dans les abysmes.

 

Encore que la raison, & la Iustice combattent
en faueur de la Chasteté ; si est-ce que la corruption
du Siecle est si grande, qu’elle la veut priuer
de ses droits, & la bannir entierement de la
Cour : l’amour prophane assiege de si pres la personne
Sacrée d’vn ieune Prince, qu’il luy est bien
difficile d’éuiter ces charmes, estre Roy, & chaste,
c’est presque vne espece de miracle, la Royauté,
& la continence, sont deux qualités qui ne se rencontrent
pas aisement ensemble. I’espere pourtant
qu’elles se ioindront, en la Sacrée personne,
de LOVYS DIEV-DONNÉ, Nostre petit-grand
Monarque, comme elles ont éclatté, sous

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la Pourpre de LOVYS LE IVSTE, son tres-digne
Pere ; ie crois que par ses actions, il ne faira
pas moins fleurir en sa Cour, la Royale Chasteté,
que les autres vertus dignes d’vn tres-parfaict
Monarque. Ce sont aussi les souhaits, les vœux,
& les desirs de tous les veritables François.

 

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