La Mère de Dieu, Pierre de (dit Bertius, Abraham) [1647], LES VERTVS ROYALES D’VN IEVNE PRINCE. , français, latinRéférence RIM : Mx. Cote locale : B_1_1.
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De la Royale Liberalité des Roys
de France.

CHAPITRE XXXV.

LE langage des œuures a beaucoup plus d’ascendant,
sur les esprits des peuples, que la
vaine eloquence des Orateurs, les magnifiques
presens publient bien plus hautement la Royale
Liberalité d’vn ieune Prince, que tous les beaux
traicts de Rhetorique. Et pour porter vn solide
iugement de la magnificence de nos Roys, il
faut ietter les yeux sur les fleuues d’or & d’argent,
qu’ils ont fait couler sur leurs Estats, & sur les peuples
estrangers ; il ny a qu’à prester l’oreille aux
reconnoissances de ceux qu’ils ont obligés par
leurs Liberalités. Le naturel de nos Monarques,
est tellement porté à l’exercice de cette vertu, qu’il
ne peut subsister, sans faire du bien ; & tire plustost
du costé de la profusion, que de l’auarice : n’estoient
les sommes presque infinies d’or & d’argent,
qui se trouuent dans les finances, les Roys
de France paroistroient plustost prodigues que
Liberaux.

Le langage
des œuures
de tres-grand
efficace.

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Si nous considerons le patrimoine Ecclesiastique,
il est constant que les meilleures donations
viennent de nos Roys, & publient hautement
leur Liberalité. On ne doute point que la
Sicile, que Naples, la Romagne, (autrement
ditte Romandiole) Bologne, & vne partie de la
Lombardie, ne soient des presens des Roys de
France, & des effects de leur magnificence. Il
faut que nos Souuerains soient bien puissans, puis
qu’ils peuuent donner des Royaumes, sans estre
prodigues. Les plus riches Eglises Cathedrales
d’Italie, & de ce Royaume, ont esté bâties, &
fondées par nos Monarques ; & quand les hommes
se tairont, les pierres publieront à la posterité
leur Royale Liberalité : Les Abbayes, les Hospitaux,
les Colleges, les Seminaires, témoigneront
les sur-éminentes bontés de nos Roys, &
porteront sur leurs frontispices, les marques de
leurs bien-faits.

La Royale
Liberalité
des enfans
de France,
paroist dãs
les magnifiques
donations
faites aux
Eglises.

Où recompense t’on le courage des valeureux
Capitaines, comme en ce Royaume ? où reconnoist-t’on
richement les merites des Conquerans,
comme en France ? ou donne-t’on les premieres
charges de la Couronne, aux simples Gentils-Hommes,
apres de longs seruices, comme
sous le regne de nos Roys ? pour qui sont les batons
des Mareschaux, les Colliers de l’Ordre, les
Gouuernements des villes, & des Prouinces, si
non pour ceux que la Liberalité Royale iuge

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dignes de ces charges ? n’est-ce pas ce qui attire,
les estrangers en ce Royaume ? ce qui les engage
au seruice de nos Monarques ; ce qui les éleue à
vne haute fortune, & leur fait éprouuer les excellences
de la magnificence Royale ?

 

Ie n’aurois iamais acheué, si ie m’engagois à
depeindre en particulier, tous les rares traits de la
Liberalité de nos Roys, i’en fairois aisément vn
gros volume ; d’où vient que poursuiuant mon
dessein, ie me contenteray de rapporter quelques
actions de la Royale Liberalité d Henry le grand,
que l’enuie a voulu taxer d’auoir esté trop retenu
à bien faire ; comme si ce Prince de la maison de
Bourbon, qui nourrissoit le courage d’vn Mars,
& auoit vny en soy toutes les plus belles qualités
de ses ancestres, pouuoit manquer de Liberalité ?
il est bien vray, que ce sage Monarque n’estoit
pas prodigue, & sans vne iuste occasion, ne distribuoit
point ses Thresors, en quoy vous voyés
qu’il n’est pas à blamer, mais plustost digne de
gloire, & de Loüange.

Liberalité
Royale
d’Hẽry IV.
Roy de
France.

Ce genereux Prince fit bien paroistre dans
les rencontres, les marques de sa Royale magnificence :
comme en la solemnité de son mariage,
celebré à Lyon, auec Marie de Medicis, où sa
Maiesté fit present à la Reyne, d’vn carquant estimé
cent cinquante mille escus, & luy mit vne
Couronne Imperiale sur la Teste, chargée de perles,
enrichie de Rubis, & de Diamans, qui n’auoient

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point de prix : la fleur d’enhaut estoit composée
d’vne Pierre precieuse, taillée a plusieurs faces,
& enuironnée de cinq perles à poire, d’vne
incroyable beauté. Le Roy luy fit encore present
de plusieurs bagues, de brasselets, & d’autres raretés
dignes d’vne si grande Princesse. Mais
quels preparatifs auoit-il commandé de faire,
peu de iours auant sa tragique mort, dans le dessein
de Couronner la Reyne de France son Espouse,
l’or & l’argent n’estoit point épargné
dans semblables occasions, le Roy ne plaignoit
pas la dépense, quand il y auoit vrayment suiet,
de monstrer au public, les effects de sa Liberalité :
& ie m’estonne de ce que l’enuie a voulu entreprendre
sur sa memoire, comme si la magnificence
eut manqué à HENRY LE GRAND,
qui possedoit toutes les vertus dans vn tres haut
degré.

 

L’An 1600.
17. Decembre.

Nous auons remarqué aux précedents Chapitres,
que la Liberalité Royale se fait paroistre en
la reception des Ambassadeurs extraordinaires,
dont les Princes Souuerains ont coutume de se
seruir dans les plus importantes affaires de leur
Estat, c’est dans ces rencontres que le Roy HENRY
ne paroissoit pas moins GRAND d’effect,
que de nom, & de naissance : on voyoit les marques
de sa Royale Liberalité, dans les somptueux
presens, dont S. M. faisoit offre dans les magnifiques
festins, dans les solemnités publiques : bref,

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tout l’appareil qu’on pourroit souhaitter d’vn
Prince tres-Liberal, se trouuoit dans de pareilles
occasions, pour témoigner aux nations estrangeres,
que la France n’estoit pas moins splendide
en or, & en argent, qu’elle estoit abondante en
peuples, & en delices. Il me souuient d’auoir appris,
que Dom Pedre de Tolede, ayant fait son
Ambassede sous le regne D’HENRY IV. & ressenti
les effects de sa magnificence Royale, fut contraint
d’auoüer, Qu’il ne se pouuoit point rencontrer
au monde, de Prince plus Liberal, ny plus splendide,
que le Roy de France. Cette déposition seule n’est
que trop suffisante pour me persuader, QV’HENRY
LE GRAND possedoit hautement cette
vertu, puis que des personnes qui luy estoient peu
affectionnées, n’ont pas celé cette verité.

 

Reception
magnifique
des
Ambassadeurs
sous
Henry IV.

Cecy est tiré
d’vn imprimé,
qui
contient le
recit veritable
de la
reception
de cet Ambasadeur
extraordinaire.

Mais que seroit-ce si ie voulois rapporter en ce
lieu, les donations Royales que Sa M. à faites à
plusieurs Eglises ; Les fondations des maisons
Religieuses, comme de celle des Reuerends peres
Iesuistes de la Fleche, & de plusieurs autres ? les
somptueux Palais qu’elle a fait bâtir en diuers endroits
de la France ; les charges plus honorables
de la Couronne, qu’elle a donné Liberalement ?
Les reconnoissances Royales de ses fideles Domestiques,
ne sont-ce pas autant de monumens visibles
de sa magnificence, & des preuues infallibles
de sa Royale Liberalité ?

Si ce Prince, (que plusieurs estiment mal à

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propos, le moins Liberal de tous ceux de la maison
de Bourbon) paroist si magnifique, & donne
tant de traicts de sa Royale splendeur, quel iugement
faut-il former de la maison de France, &
des Roys qui ont manié le Sceptre, & ont porté
tres-dignement la Couronne de cette Florissante
Monarchie ? il n’est point de Souuerain, qui les
égale, ny qui merite de leur estre comparé. Et la
merueille est, que nos Roys obligent de si bonne
grace, qu’ils ne publient point leurs bienfaits ;
& n’en tirent point de vanité ; Ils ne reprochent
point les ingrats, & se plaisent a faire du
bien à tout le monde, par vne bonté naturelle,
signe infallible de la grandeur de leur courage, &
de leur Royale Liberalité.

 

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