La Mère de Dieu, Pierre de (dit Bertius, Abraham) [1647], LES VERTVS ROYALES D’VN IEVNE PRINCE. , français, latinRéférence RIM : Mx. Cote locale : B_1_1.
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En quels desordres l’incontinence a ietté les
ieunes Princes.

CHAPITRE XXXVII.

IE souhaitterois plustost que le feu fust aux quatre
coins d’vn Royaume, que de voir bruler
son Monarque des flammes de la concupiscence
charnelle : les guerres ciuiles, les seditions populaires,
ne sont pas si dangereuses à l’Estat, qu’vn Prince
captif de l’amour prophane : vne peste generale
ne deserte pas tant les Prouinces, qu’vn Roy
passionné de quelque beauté imaginaire, quand
il se rend furieux contre ses propres subiects : qu’il
dresse des rouës, ouure les cachots, plante les
gibets, affile les épées, & commet les plus horribles
crimes, pour arriuer à la fin de ses pretentions.
Si les chastes amours tendent à l’vnion,
produisent la Paix, & font germer toutes les Felicitez :
Les amours deshonnestes, n’en fantent
que des Monstres, & exposent au public, l’extreme
foiblesse des Souuerains.

Rien de
plus dangereux
à vn Royaume,
qu’vn
Prince lascif.

Errat oculus,
vbi errat
affectu[1 lettre ill.]
S. Ambro.
lib de Bene
Mortis cap.
9.

-- 208 --

Quelle compassion est ce de voir vn ieune
Prince, passer la fleur de son aage, à caioller les Dames,
à rechercher leurs bonnes graces, à leur découurir
les pensées plus secrettes de son cœur, &
leur confier les affaires plus importantes de ses
Estats ? quelle pitié est-ce d’entẽdre qu’vn Souuerain
placé dans le Thrône Royal, prenne plus
d’interest en la santé d’vne femme de neant, qu’en
la prosperité de son peuple, dont il doit respondre
deuant la Diuine Iustice ? N’est-ce pas vne confusion
de sçauoir qu’vn ieune Monarque, n’a des
soins que pour vne Courtisane, des desirs que pour
luy plaire, des finances que pour luy en faire present,
du loisir que pour écouter ses discours ? au lieu
de preter l’oreille aux plaintes des veufues, aux gemissements
des orphelins, qui crient vangeance,
& de s’exercer aux armes, d’en dosser la cuirasse,
de prendre des villes, de former des Sieges, de
marcher à la teste des Armées, & de moissonner
des Palmes, & des Lauriers, dans les sanglantes
Campagnes.

Fornicatio,
& vinum
& ebrietus,
auferunt
cor, Osée. 4. 11.

Que peut-on esperer d’vn Royaume, dont le
chef est chargé de poudre de Chipre, au lieu de
poudre à canon ? qui sent dauantage le musq, la
ciuette, & les delicieux parfums, que la fumée
des mousquetades ? qui ne manie point d’autre
lance, que la quenoüille, point d’autre épée pue
le fuseau, ne prattique point d’autres Capitaines,
que les filles, & les femmes, n’entend point d’autre

-- 209 --

tambour que le Luth, & les Epinettes ? cet
Estat menacera ruine, & sera dans peu de iours,
la proye de ses ennemis, le theatre des mal-heurs,
& le suiet d’vne infinité de desordres.

 

Combien
la muguetterie
est
éloignée
de la condition
d’vn
ieune Prince.

Il ne se trouue point de Prince debordé dont
le Gouuernement, n’ait esté tragique, & la fin
plene de desastres : l’Empereur Caligula ayant
soüillé sa Pourpre, par vne infinité de sacrileges,
& d’impuretés, fut tué par ses propres gardes, &
enseuely dans son sang. Neron n’acheua pas
moins heureusement son regne, autant lascif que
cruel, puis qu’il se tua soy mesme, pour éuiter le
chatiment que le Senat luy auoit preparé. Domitian
fut aussi massacré, & honteusement enseueli,
ayant mene vne vie toute brutale, & pour témoigner
combien sa memoire estoit odieuse au
public, on arracha ses Statuës, on foula aux pieds
ses boucliers, on cassa ses Edits ; comme estant
l’Anatheme de la posterité. Mais que diray-ie de
Marc-Aurele Antonin surnommé Heliogabale ?
qui renuersa tellement son Estat, & fut si execrable
au peuple Romain, pour ses infames voluptés,
qu’en l’aage de dix-huictans, il fut tué, &
sa charogne trainée par les ruës, & precipitée dans
le Tybre, afin de purifier dans les eauës de ce fleuue,
les impuretés de ses membres ? imaginés vous
le deplorable Estat d’vne Monarchie, qui voit
son Roy son Prince, son Souuerain, & son Empereur,
traitte auec tant d’indignités par ses propres
subiects.

l’An de Iesus
Christ.
43.

l’An de
grace. 70

l’An de N.
Seigneur.
98.

Il fut aussi
nommé
Sardanapale,
pour sa
gourmandise.

l’An. 220.

-- 210 --

Pour voir les desordres, qu’engendre l’incontinence
des ieunes Princes, il faut cõsiderer l’estat
de la Monarchie Françoise, sous le regne de
Louys troisiesme, & de Carloman son Frere,
deux Seigneurs esclaues de l’amour prophane, &
qui ne pensoient qu’à contenter leurs passions.
La France estoit le Theatre des Guerres Ciuiles,
le spectacle des miseres, & l’obiect de la Diuine
Iustice ; il sembloit que les Normans eussent iuré
l’entiere destruction de la Monarchie, & que
leur dessein fut de faire payer par le sang du peuple,
la luxure de ses Souuerains. Ils entrerent
dans le Braban, & dans la Flandre, brulerent les
villes d’Anuers, de Rodembourg, d’Osthbourg,
d’Harleberi, d’audenarde, de Tournay, de sainct
Omer, de Teroüenne, de sainct Richer, de
sainct Valeri, de tout le Boulonnois, & des contrées
circonuoisines, tellement que les peuples de
tant de villes desolées, furent contraints de se
sauuer dans les bois, & de se familiariser auec les
bestes, dont ils receurent plus de courtoisie que
des Normans.

Grands desordres
arriués
à la
France, par
l’incontinence
des ieunes
Princes.

l’An 882.
& 883.

Annal.
Fulden.

Cette nation infidelle, nullement contente
du sang de tant d’humains, mais enorguieillie de
ses conquestes, & animée par nos miseres, entreprit
(apres la mort de Louys) d’assieger la ville
de Paris, auec cinquante mille combattans, pour
s’emparer iniustement de tout le Royaume : Mais
Charles le Gras appellé en France, au Gouuernement

-- 211 --

de l’Estat, chassa honteusement les Normans,
qui obeїrent par force, pour recommencer
peu de temps apres leurs cruautés, qui leur ont acquis
peu d’honneur dans les esprits des peuples.
comme ce n’est pas mon dessein d’estendre ces
matieres, ie renuoie le lecteur curieux, aux Historiens
qui en traittent fort amplement. Il me suffit
de dire que selon le sentiment des sages, tous
ces fleaux ont esté enuoyés du Ciel, pour purger
l’impureté des Souuerains, & pour nous faire sçauoir
que ces desordres accompagnent l’innocence
des ieunes Princes.

 

Annal.
Fulden.
Aimon. l 5
c. 41.
Duplex
Tom. I. de
l’Histoi. de
France.

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