M. L. [signé] [1650], LETTRE OV EXHORTATION d’vn Particulier A MONSIEVR LE MARESCHAL DE TVRENNE, Pour l’obliger à mettre bas les armes. , françaisRéférence RIM : M0_2249. Cote locale : D_2_38.
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nous ne pouuons sans vne audace insupportable blasmer
dedans nos Souuerains ce libre vsage de leur puissance.
S’il nous accordoient tous ce que nous leur demandons, outre
que nous les accablerions de demandes, la coustume de
tout receuoir nous feroit croire qu’ils seroient obligez de
nous tout donner ; & enfin, on les verroit deuenir nos esclaues,
parce que les croyans asseruis à cette necessité, nous
vserions de commandemens & n’aurions plus besoin de requestes.
Puis qu’ils sont Souuerains il faut que leurs actions
sentent la Souueraineté, & qu’elles s’esloignent infiniment
de la seruitude. Tellement que quiconque est refusé quoy
qu’il puisse auoir de pretentions ne doit pas le trouuer estrange.
Concluons, Monsieur, que si leur bonté ne respond pas
à nos premiers vœux, il ne sensuit pas que nous deuions nous
mettre en colere, & vser de la force & de la violence, ou la
douceur n’a pas esté heureuse.

 

Cette force reüssit encores bien moins que cette douceur.
Ordinairement les armes nous coupent les mains, que nous
prenons auec tant d’iniustice, & le flambeau que nostre despit
allume contre nos Monarques, ne sert rien qu’à nous consumer.
Combien cette verité nous a telle fait voir d’experience,
& combien de rebelles sont tombez sous leur rebellion ?
ie serois infiny si des Assiriens, des Perses, des Parthes,
des Romains, des Grecs, & des François, mesmes i’en voulois
tirer, & vous faire voir des exemples que tous les siecles passez
ont veus, & qui dans le nostre mesme n’ont esté que trop
ordinaires & trop frequans. La plus puissante rebellion est
comme vn tison allumé que l’on iette dans vne riuiere, il
fait du premier choc qu’il donne à l’eau, vn peu de bruit &
vn peu de fumée, mais la rapidité des ondes l’engloutist,
l’entraisne & l’esteint aussi tost qu’il y est entré. La fureur des
Roys irritez n’est pas moins terrible que celle des vagues esmeuës,
& il ne faut pas estre moins imprudent & moins furieux,
pour pretendre de luy resister que l’estoient ces anciens
& ces barbares Gaulois, qui ne pouuoient voir de tempestes
sans se precipiter l’espée à la main dans les ondes escumantes

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M. L. [signé] [1650], LETTRE OV EXHORTATION d’vn Particulier A MONSIEVR LE MARESCHAL DE TVRENNE, Pour l’obliger à mettre bas les armes. , françaisRéférence RIM : M0_2249. Cote locale : D_2_38.