Anonyme [1649], LA SANGLANTE DISPVTE ENTRE LE CARDINAL Mazarin & l’Abbé de la RIVIERE. LE VISAGE DE BOIS AV NEZ DV MAZARIN, & son exclusion de la Conference de Ruel. ET LA SVPPLICATION FAITE AV ROY POVR auancer le procez des Partisans & Financiers. Sur l’imprimé à Paris. , françaisRéférence RIM : M0_3583. Cote locale : E_1_39.
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SVPPLICATION FAITE AV ROY, POVR
auancer le procez des Partisans & Financiers de son Royaume.

SIRE, Le titre de Roy Tres-Chrestiens vous estant essentiel, &
qui par les vertueuses actions que vous pratiquez dans vn a age
qui semble n’auoir aucun commerce auec la vertu, promettez à
toute la France d’estre le plus iuste de tous vos predecesseurs : C’est
à vostre Majesté que s’adresse cette supplication pour la prier de
jetter son œil de misericorde sur la face de ce Royaume, & de parcourir
toutes ses Prouinces, & s’arrester vn peu de temps à contempler
le deplorable estat dans lequel sont reduits tant de millions
de vos pauures sujets qui nuict & iour gemissent accablez sous le
faix de tant de miseres & de malheurs. Mais aussi qu’il luy plaise
dé tourner d’vne autre part celuy de sa colere & de son iuste courroux
sur ces infames Partisans, & sur tous les fauteurs & adherans
de ces inhumains Financiers, pour faire examiner leurs actions &
mœurs desreglez.

N’est-ce pas vne chose monstrueuse, Sire, de voir des personnes
de neant & de vile condition d’auoir fait en si peu de temps de si
grandes acquisitions, de si merueilleuse despenses, & de si superbes
bastimens qu’ils surpassent en magnificence vos Louures &
vos Palais. N’est-ce pas, dis-je, vne chose bien prodigieuse que ces
mesmes personnes se voyans esleuées au plus hautes charges & dignitez
de vostre Royaume foulent aux pieds le respect qu’ils doiuent
à vostre Majesté, saccagent & destruisent vos villes, bouleuersent
& ruinent vos Prouinces, desolent tout vostre Royaume,
volent vos tresors & vos finances, & enfin taschent d’arrester le

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cours heureux de vos armes & de renuerser vostre couronne
& vostre sceptre.

 

Coutez donc, Sire, & ne vous arrestez point à escouter la
voix charmante de ces Sirenes, qui par leur chant trompeux
taschent de vous surprendre si vostre prudence ne resistoit à
leur charmes, & ne vous faisoit éuiter leurs pieges.

Que vostre Majesté, Sire, ne traite point ce corps par compositions,
ny de main-morte, qu’elle n’esbranle point cét Arbre
par abolitions, mais qu’elle porte la coignée à la racine
qu’elle extirpe & foudroye cét imfame troupeau.

Vostre Majesté, Sire, n’ignore pas qu’il ne soit tres-dangereux
de mignarder de semblables Monstres qui suiuent apres
estre appriuoisez s’efforcent de perdre & de ruiner ceux mesmes,
ausquels ils sont redeuables de leur vie & de leurs biens.

Cette maudite race doit estre comparée à ces rats qui sont
dans ses minieres d’où l’on tire l’or, lesquels deuorent la mine,
& desquels neantmoins on ne peut tirer aucun seruice, sinon
qu’estans morts on en fait des anatomies. Et ie prie vostre Majesté
de considerer qu’vsant de sa clemence ordinaire à l’endroit
de ces sangsuës du peuple, & que leur conferant de nouuelles
faueurs, ils ne s’en seruiront que pour authoriser leurs
mauuais desseins, & pour entretenir leurs vices. Car si vous
pensez les obliger pour en auoir du secours en quelque extreme
necessité, vous experimenterez bien tost là verité du dire
de ce fameux & celebre Philosophe de l’Antiquité Crates, qui
asseure que l’argent de telles gens ressemble aux figues qui
croissent dans les hautes montagnes & lieu x inaccessible, ausquelles
les hommes ne peuuent attaindre, mais seulement les
Corbeaux & les Milans, & les autres oyseaux de cette nature
qui sont les viues Images de ces cruelles Harpies.

Toutes ces veritez, Sire, sont si connuës que personne n’en
peut douter, estans confirmées par vne infinité d’exemples qui
se rencontrent dans les Histoires, on remarque qu’Henry le
Grand vostre ayeul, quoy qu’il eust reconneu les tours ordinaires
de ces pestes de Royaume, esprouué au plus fort de
ses affaires leur infidelité, & receu les plaintes de leurs abus,
neantmoins par vn excez de bonté leurs auoir octroye le pardon
& l’abolition qu’ils luy auoient requise, mais ils sçeurent

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si mal vser de la clemence de ce grand Monarque que deuenans
de iour en iour plus insolens. Ils ne continuerent pas seulement
leurs maluersations, mais s’estudierent à les augmenter & à les
fomenter auec plus d’artifice qu’auparauant.

 

Tant il est vray, Sire, que telles personnes n’ont point d’autres
inclinations qu’au mal, qu’elles sont tout a fait incapables
de faire aucun bien, & bien qu’ils ayent espuisé toutes les finances
de vostre Royaume pour se rendre riches & puissans, ils
sont toutefois si barbares qu’ils ne sont touchez d’aucunes calamitez
publiques, mais tout au contraire ne respirent que le
sang & le carnage de vos peuples, & la ruine entiere de vos Provinces
pour accroistre leurs richesse, establir leur puissance, &
affermir leur souuerainetez. Ie diray de plus (si vostre Majesté
me le permet) que leur insatiable auidité est si grande que si vostre
personne estoit sur le penchant d’vn precipice de malheur
(dont Dieu la veille preseruer) tout vostre Royaume bouleuersé
ces traistres & perfides les laisseroient miserablement perir
plustost que de vous donner aucun secours.

Nous ne doutons point, Sire, que vous n’ayez assez de bonté
pour prester l’oreille aux iustes plaintes de vos pauures sujets, &
que bien tost ces malheureux & abominables ne ressentent les
effets de vostre Iustice, commencez donc, Sire, sans plus tarder
à l’ancer vos foudres sur ces testes criminelles, afin que par leur
aneantissement vous puissiez rendre à vostre Royaume cette
paix qui est desirée depuis vn si long-temps.

FIN.

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