Anonyme [1649], LA SANGLANTE DISPVTE ENTRE LE CARDINAL Mazarin & l’Abbé de la RIVIERE. LE VISAGE DE BOIS AV NEZ DV MAZARIN, & son exclusion de la Conference de Ruel. ET LA SVPPLICATION FAITE AV ROY POVR auancer le procez des Partisans & Financiers. Sur l’imprimé à Paris. , françaisRéférence RIM : M0_3583. Cote locale : E_1_39.
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LE VISAGE DE BOIS AV NEZ DV MAZARIN,
& son exclusion de la Conference qui se tient à Ruel.

Bien que les vertus qui sont opposées aux vices les tiennent
tousiours sousmis à leur éclatante superiorité, & que ce cõbat
dõt l’issuë n’est iamais incertaine, fasse incessamment triõpher
les filles du Ciel, des monstres qu’engendre la terre : Toutesfois
ces foibles & lasches ennemis de la gloire de Dieu, les
vices osent bien encore armer des Geans de temerité pour déthrôner
les puissances Souueraines.

L’insolence & l’effronterie qui depuis la naissance du monde
persecutent incessamment la prudence & la retenuë, n’ont
point encore rougy de la confusion qu’ils remportent tous les
iours de leurs vains & ridicules efforts. Herennius qui par ses
dissolutions & ses desbauches enormes perdit les bonnes graces
de Cesar Auguste, se voyant honteusement chassé de l’Armée
de ce sage Empereur, eust encore assez d’effronterie pour
se plaindre de ce iuste traittement, & demander de quel pretexte
il couuriroit la honte de son prompt retour prés de son
Pere, dis luy, respondit l’Empereur, que ie ne t’ay pas esté
agreable : Et Ciceron voyant que Laberius l’ennemy des bons
Senateurs, auoit encore l’impudence de se presenter pour auoir
seance aupres de luy. Ie te receurois, dit-il, si ie n’estois placé
si à l’estroit. Ce Prince de l’Eloquence voulant témoigner par
cette responce, & le demerite de cét importun, & la trop grande
facilité de Cesar, qui admettoit pour lors trop de monde au
Senat.

Iamais nostre Roy de France Louys Hutin, n’eust permis que
l’on eust fait le procez à Enguerand de Marigny Grand-Chambellan
de France & Sur-Intendant des Finances, bien qu’il fut
accusé d’auoir eu intelligence auec les Flamans ennemis de cét
Estat, s’il n’eust eu l’audace de respondre insolemment à Charles
Comte de Valois, Oncle du Roy, lors qu’estant appellé au
Conseil pour rendre compte de l’administration des Tresors du
Royaume, il iura insolemment, que c’estoit ce Prince qui les
auoit enleuez.

Mais qui peut conceuoir vne temerité plus insupportable,
que celle d’auoir veu ces derniers iours le Mazarin à Ruel, se
presenter pour entrer dans la Conference, où les Deputez de

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nostre auguste Parlement se sont trouuez pour trauailler aux
remedes de l’Estat, & au recouurement de la Paix ? qu’elle arrogance
sans exemple, que le Criminel qui est desia mort ciuilement,
ose pretendre seance auec les Iuges qui l’ont condamné,
que ce coupable à qui toute l’Europe dénie la protection,
ose se presenter deuant ce Tribunal où la Iustice preside
auec tant de majesté ? cherche-t’il d’estre combatu par leurs paroles,
apres auoir esté vaincu par la force de leur integrité ? ou
bien, veut-il entrer dans cette Conference comme vn pecheur
humilié, qui veut rendre autant de larmes de repentir, qu’il a
fais répandre de ruisseaux de sang des meilleurs sujets de ce
Royaume ? Mais qui pourroit estre touché des pleurs de celuy
qui a fait verser sans horreur le sang de tant de bons François ?
Non, non ; il faut bien plus de temps à consummer la roüille,
dont la pratique des crimes a desia défiguré son esprit : quoy
donc ? veut-il voir le premier appareil que ces illustres Senateurs
estiment necessaire pour consolider les playes dont il
nous a navres ; & cette ame artificieuse croit-elle faire changer
de face à la bonace presente ? cét Hidre enuenimé contre la pureté
des intentions de nostre Parlement, veut-il r’alumer vn
nouueau flambeau de desordre & de rebellion, veut-il destrui-
la Nation Françoise s’il n’en peut empieter le gouuernement ?
mais il faut auparauant qu’il fasse perir tous ceux qui sont affectionnez
à cette Couronne, & le Roy n’a point de sujets qui
ne se sacrifient pour la conseruation de son authorité, si bien
qu’il faut massacrer tout vn peuple, pour occuper cette Monarchie.

 

Mais non, ces Illustres Heros dont les armes appuyans la
cause de la Iustice, trauaillent pour nostre commun repos,
prodigueront encore leur vie pour trouuer dans la continuation
de leurs trauaux la paix que nous demandons depuis si,
long-temps. C’est par eux que les murs de cette Ville sont hors
de l’escalade & ne redoute plus l’aproche de ce Tyran ; Ils ont
guaranty nos testes du coup qui les menaçoit : nous n’auons
plus à craindre pour nous ny pour nos familles, tandis que ces
viuans Boucliers des oppressez veilleront pour nostre deffense,
Decernons des triomphes à ces dignes Liberateurs de la Patrie,
faisons des vœux pour la longueur de leurs années, partageons
leur nos cœurs, & ne refusons rien à la gloire de ceux qui nous,
donnent tout.

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Mais tres-prudente, & auguste Compagnie, n’admettez point
dans vostre Assemblée ce Tyran qui s’est tant de fois efforcé de
vous diviser ; Ce monstre qui n’a point épargné le fer ny le poison
pour destruire cét auguste Corps, auquel sont aujourd’huy attachées
les plus nobles parties de l’Estat. Faites ressentir à ce Barbare,
que c’est la douceur & non pas la cruauté qui gaigne les cœurs
genereux. L’vne ne s’exerce iamais sans acquerir de nouuelles
creatures, & l’on ne se sert point de l’autre qu’elle ne suscite la haine
de tous les peuples. Qu’il vse à son gré de ses forces, nous aurons
assez de generosité pour ne point plier sous les honteux liens
de sa Tyrannie : la Vertu souffre trop de contrainte sous le gouuernement
des meschans, c’est lors qu’elle n’agir pas selon ses sentimens,
& qu’elle est forcée de ceder à la corruption des vices.
Celuy qui ne sçait pas corriger le déreglement de ses passions, est
inhabile à l’administration de la Monarchie Françoise.

Nous ne pouuons souffrir que le gouuernement de nos Roys,
qui n’a point de raport auec la seruitude, puisque la liberté des
bons sujets se conserue dans la iustice de leur Prince, & que l’iniuste
peut mesme quãd il veut se rendre libre sous vn semblable gouuernement :
En effet, la sujetion peut durer sous le regne d’vn Monarque ;
mais il n’en est iamais l’autheur : & si la liberté consiste
à faire ce que l’on desire, ce n’est que le mauuais sujet qui peut deuenir
Esclaue, pource que ne faisant ce qu’il veut, il n’agit que par
la crainte de la iustice de son Souuerain ; Mais si celuy-là n’est pas
libre, il est aussi indigne de l’estre & s’il deuient serf, ce n’est pas
par le gouuernement du Prince, puisque c’est le seul effet de son
peché qui change sa condition.

Cét Ennemy de tous les gens de bien, veut-il en s’approchant
de vous, combattre vostre prudente ciuilité, de son arrogance &
outrecuidance ? Ose-t’il encore se presenter deuant ceux qui ne le
peuuent iustement regarder que dessus la Selette ; vostre generosité
seroit-elle satisfaite de perdre l’inimitié sans perdre aussi l’Ennemy ?
Non, non, Messeigneurs, qui écrase la teste du Vipere
n’apprehende plus d’en este picqué : & vous ne pouuez separer le
venin de ce corps infecte de crimes, pour en composer vn bon antidote,
qui vous asseure contre la morsore de tous vos autres Ennemis.
Conseruez tousiours, Messeigneurs, cette mesme rigueur
contre l’approche des coupables. N’admettez iamais le Cardinal
Mazarin dans vostre illustre Assemblée, & tels que cet autre Senateur

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Romain, refusez vn siege à ce meschant qui nous tient assiegez
auec tant de cruauté. Il ne faut point donner lieu de repos à
celuy qui l’oste à tout vn Royaume. Fermez les portes de Themis
à celuy qui ayãt déchaisné tous les crimes que vostre iustice auoit
écartez, les fait aujourd’huy marcher en foule contre l’honneur
des Autels, contre la pureté des Vierges, & contre l’innocence des
oppressez, & que sa perte serue pour iamais de dictame aux blesseures
que vous trauaillez de guarir.

 

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