Anonyme [1652 [?]], QVATRIESME PARTIE DV POLITIQVE VNIVERSEL, OV BRIEVE ET ABSOLVE DECISION de toutes les Questions d’Estat les plus importantes. SCAVOIR EST, XVIII. Si les Tyrans du peuple & de l’Authorité Royale; auec leurs Partizans peuuent estre sauuez. XIX. Si les heritiers de ces sangsuës publiques peuuent estre sauuez, sans restituer les voleries que leurs predecesseurs leur ont laissées. XX. Si la restitution peut estre bonne, n’estant pas faire à ceux à qui la chose appartient. XXI. Si l’on doit souffrir des Partizans dans vn Estat. XXII. Si les trois Estats ont droit de se mesler des affaires du Prince. XXIII. Si les trois Estats ont droict de remedier aux desordres du Royaume. , françaisRéférence RIM : M0_2818. Cote locale : B_17_33.
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QVESTION XIX.

Sçauoir si les heritiers de ces, Sangsuës publiques
peuuent estre sauuez, sans restituer
les voleries que leurs predecesseurs
ont faites.

Novs auons desia dit en la question precedente,
que tous ceux qui auoient volé le
bien d’autruy estoient obligez à faire restitution,
sur peine d’estre damnez aussi bien que le plus
abominable de tous les hommes. Reste maintenant
à voir si ceux qui heritent de ces voleurs là,
sont obligez à la mesme restitution, ou bien à la
mesme peine. De moy ie soustiens qu’vn homme
ne peut pas entrer dans les biens, dans les
honneurs & dans les dignitez de son predecesseur,
sans y entrer auec les mesmes conditions
& auec les mesmes charges que son predecesseur
les tenoit auant qu’il sortit de ce monde. C’est
vne question de droit qui ne reçoit point aucune
difficulté, à moins que de vouloir contesser de

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gayeté de cœur, la plus équitable de toutes les
choses de la terre. Si i’aduoüe à l’heritier qu’il ne
doit rien, parce que ce n’est pas luy qui a fait tous
les vols ny les debtes, il faut qu’il m’aduoüe pareillement
aussi, que puis que son predecesseur
ne tenoit ce bien là, qu’à la charge de le restituer
à celuy à qui il appartenoit, ou à la charge d’estre
éternellement damné, ne le restituant pas comme
nous venons de le dire, qu’il ne s’en peut rendre
le possesseur, & tenir sur ce bien-là, la place
de son deuancier, sans estre obligé aux mesmes
deuoirs & aux mesmes charges. Il faut qu’il le
restitue, veu que le bien ne peut pas estre legitimement
possedé, que par celuy à qui il appartiẽt,
ou qu’il soit eternellement damné, aussi bien que
celuy qui se l’estoit approprié auec toutes les iniustices
du monde. Le bien pour changer de possesseur,
ne peut pas pour cela changer de maistre.
Et quoy que la mort de ceux qui l’ont vsurpé, &
de ceux qui le possedent iniustement, le fasse passer
mille fois d’vne main à l’autre, ce bien là ne
laisse pourtant pas d’estre tousiours à celuy à qui
on l’a vsurpé, attendu que ny le temps, ny le chãgement,
ne luy sçauroit oster la qualité d’estre à
son veritable proprietaire. Et c’est vn abus de
croire que les heritiers de ces sangsues publiques
puissent estre sauuez s’ils ne restituent pas tout le
bien que leurs deuanciers auoient volé aux vns
& aux autres. Il ne faut rien conuoiter de ce qui

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est à nostre prochain, dit cet adorable legislateur
Moyse, & puis que cela est, il faut encore moins
retenir vn bien qui n’est pas à nous, & sur lequel
nous ne sçaurions iamais auoir aucune possession
legitime. Les voleurs & ceux qui ne veulent pas
rendre le bien d’autruy, n’entreront point au
Royaume des Cieux, dit l’Apostre S. Paul escriuant
à ceux de Corinthe ; C’est pourquoy il faut
que ces heritiers de ces sangsues publiques fassẽt
vne ferme resolution de restituer tout le biẽ mal
acquis que leurs predecesseurs leur ont laissé, s’ils
ne veulent pas estre eternellement mis au rang
des reprouuez pour ce seul crime : & s’ils ne veulent
pas que Dieu visite l’iniquité des peres sur
les enfans iusques à la troisiesme & quatriesme
generation, tant ce peché se trouue abominable
deuant son adorable Maiesté, aussi bien que deuant
les hommes.

 

Si celuy qui achette vn bien, qu’il croit
estre derobé, est obligé à le restituer à celuy
mesme à qui il a esté pris, sur peine d’estre
damné, que ne doit pas faire celuy qui ne l’a pas
achepté, & sur qui l’iniquité du deffunct le fait
choir, afin de l’accabler auec plus de facilité sous
vne destinée pareille à la sienne. Qui se rend
proprietaire du vol, participe au peché, & qui
participe au peché, se rend heritier de la peine.
Nul ne peut receuoir l’absolution du Prestre &
moins encore le S. Sacrement de l’Eucharistie,

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qu’à sa condemnation, s’il ne fait vne ferme resolution
de restituer le bien d’autruy, laquelle
resolution il doit effectuer bien tost apres, s’il
veut que l’absolution & le Sacrement ne le rendent
pas encore plus abominable deuant celuy
qui les iugera pour iamais sans aucune espece de
resource. Car selon la doctrine de S. Augustin, il
est impossible qu’vn homme puisse estre sauué,
s’il ne rend tout ce qu’il possede par vne mauuaise
voye. La iustice, selon S. Thomas est vne ferme
constante & perpetuelle volonté de rendre à
chacun ce qui luy appartient legitimement, de
sorte donc que qui ne rend pas à chacun ce qui
luy appartient, fait vne action d’iniustice, qui ne
peut estre reparée que par la restitution de la
chose volée.

 

C’est à quoy les preceptes du droit de nature
obligent tous les hommes, aussi bien que les
preceptes de la loy Diuine. Les preceptes du
droit de Nature, veulent qu’on ne fasse à personne
que ce qu’on voudroit qu’on nous fit : & les
preceptes de la loy Diuine, sont de ne pas dérober
ny retenir le bien d’autruy, ny mesmes de le
conuoiter pour l’auoir auec iniustice ; à quoy se
conforme fort bien les preceptes du droit des
Gens, quand ils nous defendent de nous approprier,
ny les choses communes, ny les choses publiques.

C’est vn fait de necessité aussi bien que de raison,

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si l’on veut faire le salut de son ame. C’est vne
regle où la iustice de Dieu ne met point d’exception,
ny pour les conditions, ny pour les qualitez,
ny pour les honneurs, ny pour les charges,
ny pour le sang, ny pour la parenté, ny pour les
races, ny pour les dignitez, ny pour les houletes,
ny pour les couronnes. Tous les hommes,
grands & petits, riches & pauures, sont obligez
de restituer vn bien mal acquis, de quelque nature
qu’il soit, & de quelque façon qu’il soit entré
dans leur famille, s’ils veulent estre sauuez,
& s’ils ne veulent pas estre éternellement soumis
à toutes les puissances infernales.

 

Ce sont des decrets d’vn Iuge contre lequel il
n’y a point de reproches à faire. Ce sont des Arrests
que toutes les faueurs de la terre ne sçauroient
faire casser, quelques grandes qu’elles
puissent estre. Ce sont des iugemens sans appel,
& des condemnations sans ressource. C’est pourquoy
Messieurs les Partizans ; Messieurs les Ministres
d’Estat, & Messieurs les heritiers de ces
sangsuës publiques, quand le bien seroit passé
de pere en fils iusques à la centiéme generation,
si vous auez la moindre connoissance du monde
de sa mauuaise acquisition, vous estes obligez de
le restituer à ceux à qui il a esté pris ou à leurs veritables
heritiers, si vous ne voulez pas estre damnez
d’vne damnation éternelle. Si vous croyez
en Dieu, vous croirez en sa parolle ; si vous croyez

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en sa parolle, vous restituërez, ou bien vous ferez
vne ferme resolution de vouloir estre damnez
comme tous les diables. Ce n’est pas moy qui
parle, c’est luy mesme, & s’il n’a pas pardonné le
peché d’orgueil à ses Anges, ne croyez pas qu’il
pardonne le peché du vol, que sa diuine Maiesté
deffend expressement en tant d’endroits des sacrez
Cayers de son Escriture aux hommes.

 

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