M. L. [signé] [1650], LETTRE OV EXHORTATION d’vn Particulier A MONSIEVR LE MARESCHAL DE TVRENNE, Pour l’obliger à mettre bas les armes. , françaisRéférence RIM : M0_2249. Cote locale : D_2_38.
page précédent(e)

page suivant(e)

-- 22 --

pour les combattre & pour les surmonter. C’est vne ridicule
& vne desesperée manie que celle des suiets qui s’en
prennent à leurs Souuerains, & ie ne comprens pas ny ne
souhaïtte de comprendre, iusques à quel comble de rage &
de temerité sont montez de si mal-heureux esprits. Il y a
certes, vn aueuglement estrange dans leur audace, & s’ils
voyoient bien ce que sont ceux contre lesquels ils s’osent
desclarer, ie ne pense pas que soit par amour, ou soit par terreur,
ils n’estouffassent leur crime dedans leur pensée, & que
ne les aymans pas il ne les craignissent pour le moins. Les
Roys qui sont les plus releuez des hommes, sont comme ie
feu qui est le plus sublime des elemens ; tant que leurs subjets
laissent reposer leur pouuoir, ils iouyssent auec elle du
repos duquel il iouyst ; mais quand leur desobeyssance esmeut
leur iustice, & enflâme leur colere, alors laschans la bride
à leur puissance, ils destruisent leurs rebelles inferieurs ;
Tout de mesme que si le feu reflechissoit l’actiuité de son ardeur
sur les choses inferieures, il ny auroit rien qu’il ne deuorast.

 

Vous sçauez ces choses, Monsieur, & vous ne pouuez
ignorer iusqu où s’estant la puissance de ces hommes extraordinaires,
qui sont appellez Dieux dans les saintes Lettres,
& que le diuin Homere nomme ordinairement Les
ENFANS ET LES NOVRRISSONS DE IVPITER. Vous
ne pouuez donc pas estre en doute que ceux qui en veulent
obtenir quelque chose, quand il se seruent de la force ne
s’arment moins pour fauoriser leurs desseins que pour les
ruiner. Vous voyez bien que les requestes & les prieres
leur sont deuës, & que puis que la Loy descend il faut que
l’obeïssance monte. Les Ethiopiens autrefois l’esprouuerent
heureusement & malheureusement tout ensemble. Ayans
voulu en leuer l’Egypte aux Romains, qui peu s’en faloit alors,
estoient les maistres de toute la terre ; ils perdirent tout ce
qu’ils auoient conquis, & les armes Romaines passans de là
iusqu’en leur contrée les despoüillerent encores de leur ancien
patrimoine, & ils se virent ainsi priuez, & de ce qu’ils



page précédent(e)

page suivant(e)