Anonyme [1652], LETTRE RENDVË AV ROY EN PARTICVLIER, Pour luy representer les dangers ausquels les Princes exposent leurs Estats en poussant à bout la patience de leurs Peuples. Prouué par les Exemples tirez des Histoires Anciennes & Modernes, Estrangeres & Domestiques. , français, latinRéférence RIM : M0_2254. Cote locale : B_2_34.
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predecesseurs, il aymoit bien mieux oublier cette faute nouuelle,
que non pas leurs merites passez, esperant qu’à l’aduenir ils seroient
d’autant plus enclins à luy obeïr, qu’ils l’auroient trouué
prompt à leur pardonner : Qu’il ne vouloit pas faire en leur endroit,
ce que l’Empereur auoit fait à ceux de Gand, les ayant
sousmu sous l’esclaue seruitude d’vne Citadele, & s’estant ensanglanté
les mains de leur sang ; qu’il auoit les siennes nettes,
graces à Dieu, du sang de son peuple : aussi que l’Empereur auoit
perdu l’amitié de ses sujets en rependant leur sang, & que luy il
esperoit que sa clemence les rendroit encor plus fidelles & plus
attachez que iamais à son seruice. Ie vous prie, adjousta-t’il
, enfin, d’oublier cette offence qui est aduenuë ; de ma part, il ne
m’en souuiendra iamais, & ie prie Dieu qu’il vous veille pardonner,
comme ie vous pardonne de bon cœur tout ce que vous
auez fait, sans en rien excepter. A cette parole, procedant
d’vn Roy tout magnifique, genereux & debonnaire, tout
le pauure peuple Rochelois pleurant de ioye, commença à
crier viue le Roy, & à prier Dieu, qu’il luy pleust leur conseruer
long-temps, en toute prosperité vn si bon Prince, si
doux & si misericordieux ; en suite par le commandement
de sa Majesté sonnerent toutes les cloches de la ville, tirerent toute
l’artillerie, & firent par tout feux de joye, en signe
de grande rejouïssance.

 

Ie pourrois icy rapporter vne infinité d’exemples semblables,
d’vn Sainct Louys, d’vn Philippes le Hardy, d’vn
Charles le Sage, d’vn Louys XII. & d’vn Henry le Grand,
Prince de tres-heureuse memoire (dont outre le sang, vous
tenez, Sire, les genereuses & veritablement royales inclinations)
Tous lesquels Princes ont assez fait paroistre, tant
enuers les Estrangers, qu’enuers leurs propres sujets, qu’il
n’y a rien au monde qui soit plus digne d’vn grand cœur, que
la douceur & la clemence ; & tout au contraire, rien de plus
indigne & de plus messeant, que l’appetit & la passion de la
vengeance.

Nos Politiques du temps ne sçauroient gouster ces exemples :



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