Anonyme [1652], LETTRE RENDVË AV ROY EN PARTICVLIER, Pour luy representer les dangers ausquels les Princes exposent leurs Estats en poussant à bout la patience de leurs Peuples. Prouué par les Exemples tirez des Histoires Anciennes & Modernes, Estrangeres & Domestiques. , français, latinRéférence RIM : M0_2254. Cote locale : B_2_34.
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parce que comme il ne respirent que les meurtres & le
sang, ils s’imaginent que c’est vn effet de poltronnerie d’estre
indulgent enuers des delinquans, & ne suggerent autre
chose aux oreilles des Princes, sinon que la grande bonté &
facilité les rend méprisables, & que c’est elle qui a rendu
Louys le debonnaire contemptible aux siens mesme. I’aduouë
qu’vn Prince doit estre tellement misericordieux, qu’il
punisse neantmoins les crimes : Ie sçais bien que le grand
Sainct Louys disoit que c’estoit vne espece de cruauté de ne
pas punir les coupables, quoy que les fautes publiques soient
plus apparantes & plus lourdes neãtmoins parce qu’elles ont
ordinairement de plus mauuaises suites, & que bien souuent
pensant esteindre vn petit feu, on le rend plus violant : c’est
la taison pourquoy vn Prince bien aduisé les pardonne, particulierement
pour vne premiere fois. Car venant à faire reflexion
que les Armes sont iournalieres, & qu’il n’y a rien à
craindre comme vne populace irritée, qui change quelque
fois son desespoir en vertu : il ayme beaucoup mieux, à la façon
d’vn bon Pilote, ceder sagement à la tempeste, que d’y
resister & s’y opposer inutilement. C’est ainsi que se sont
comportez les Princes les plus aduisez, pour calmer les esprits
de leurs peuples ; & nous voyons par tout dans les Histoires,
que ceux qui se fians par trop à leurs propres forces,
ont voulu punir & chastier rigoureusement leurs sujets, se
sont trouuez mal de leur procedé, & n’y ont rien gagné que
leur propre ruïne ; Car de croire qu’il soit aisé de venir à
bout d’vn peuple, parce qu’il n’est pas aguery, c’est se tromper :
Outre qu’il est impossible qu’il n’y en aye dans vne grande
multitude vn assez bon nombre qui sçache ce que c’est de
l’Art Militaire ; tout est à craindre de personnes qui sont
(pour ainsi dire) dans le desespoir, & qui ayment mieux
mourir de quelque façon que ce soit, que de tomber entre
les mains de leurs Princes, desquels ils attendent vn tres-mauuais
traittement, Desperata salute nullum acrius telum
mortalibus est. Qui ne sçait ce qui arriua vers l’année 557.
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Anonyme [1652], LETTRE RENDVË AV ROY EN PARTICVLIER, Pour luy representer les dangers ausquels les Princes exposent leurs Estats en poussant à bout la patience de leurs Peuples. Prouué par les Exemples tirez des Histoires Anciennes & Modernes, Estrangeres & Domestiques. , français, latinRéférence RIM : M0_2254. Cote locale : B_2_34.