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Mazarinade n° A_2_42

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Anonyme [1649], DEMOCRITE ET HERACLITE, RIANT ET PLEVRANT, sur le temps qui court. DIALOGVE SATYRIQVE. , françaisRéférence RIM : M0_999. Cote locale : A_2_42.


ne peut estre émeu d’aucune fascherie, les playes, les douleurs
des maladies, les plus violentes, les coups de foüet, les
tortures, les gesnes, les exils, les prisons, & le gibet mesme
peuuent toucher son corps sans donner aucune alteration, &
sans blesser son ame. Herac. Tu nous veux donc forger vn
Philosophe insensible, impitoyable, vn homme sans cœur,
bref vne statuë de bois. Democ. Ce discours de Philosophie
est de trop longue haleine & trop difficile à disputer : remettons-en
le discours en autre lieu, & me dis maintenant quel
sujet t’émeut à pleurer ainsi incessamment, & puis ie te diray
quel sujet i’ay de rire. Herac. Toute l’Europe en guerre, &
principalement cette pauure France armée contre elle mesme,
ruinée par les estrangers, France armée contre elle mesme,
ruinée par les estrangers, & par ses propres enfans, les
villes assiegées, les villages pillées, saccagez, bruslez, les
vestales violées, & les Temples des Dieux prophanez : n’est-ce
pas vn assez grand sujet pour verser des larmes en abondance.
Democ. Mais quel interest as-tu à ce pays. Her. Quoy
le fleuue de Lethé dont nous auons beu tant de fois, t’a-il tout
à fait effacé la souuenance qu’apres que suiuant l’ordre de la
Metampsicose, nous naquismes en Grece que nous sommes
renais par plusieurs fois sous plusieurs especes d’animaux en
d’autres pays, & que finalement retournant à nostre premier
Estre, nous sommes redeuenus hommes en cette Prouince.
Democ. Il m’en souuient, tu as raison de ce que tu dis, mais
tu n’as pas raison de tousiours pleurer. Herac. N’y toy de toujours
rire. Quoy de voir le plus florissant Royaume que nous
ayons jamais habité proche de sa ruïne, le plus puissant Monarque
sous lequel nous ayons iamais obey, pris arresté, emprisonné,
& prest à estre desthrosné par vn esclaue, la plus
noble, la plus riche, la plus peuplée Cité de l’Vniuers, dõt les
Palais surpassent en magnificence ceux de Rome, les tresors
ceux de toutes les Villes de Perse, les Vniuersitez plus rẽplies
d’hommes sçauants que celles de Grece, les Dieux mieux
seruis & honorez qu’au temps de Numa, bloquée, affamée,
menassée de feu & de glaiue par vn estranger. Cette celebre
assemblée dont les Augustes Senateurs ne cedent, ny en integrité,
ny en courage, ny en science aux plus doctes & seueres
de Grece ny d’Italie, baffoüez & moquez par vn impie,