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Mazarinade n° D_2_36

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M. L. [1650], DISCOVRS ET CONSIDERATIONS Politiques & Morales SVR LA PRISON DES PRINCES DE CONDÉ, CONTY, ET DVC DE LONGVEVILLE. , françaisRéférence RIM : M0_1120. Cote locale : D_2_36.


de ce poinct fatal que dépendent les biens de la terre, & iusques
auquel seulement peuuent monter les richesses du
corps & de l’entendement. Delà, il faut qu’elles descendent
& qu’elles soient precipitées dans le neant d’où elles sont sorties.
Il est vray que ce poinct n’est pas esgalement prés & esgalement
loing de tout le monde, & que quelques-vns le
rencontrans plustost sont plustost obligez à rebrousser. Il y a
des sçauans & des fortunez qui tombent dans l’enfance &
dans la disette, & d’autres qui ont l’aduantage de ne perdre
leur science & leur fortune qu’auec le iour ; ce n’est pas qu’il
n’y ait de reuolution & de precipice pour eux aussi bien que
pour les autres, mais c’est plustost que la vie est courte &
qu’ils n’ont pas le loisir de tomber : ou si nous le voulons encores
mieux leur mort est leur reuolution. Les autres ne
vont pas si loin pour la trouuer, ils la rencontrent en diuers
en droits de la vie ; celuy-cy dedans la ieunesse, celuy-là dans
l’adolescence, tantost dedans l’âge viril, & tantost dedans
la vieillesse. Combien les Romains dedans leurs triomphes
ont ils traisné de captifs de tous aages, & combien ont ils fait
de ieunes & de vieillards malheureux ?
 
La fortune ne recognoist & ne fauorise ny vice ny vertu,
ny âge ny sexe, ny grandeur de naissance, ny grandeur de pouuoir.
Ce redoutable Mahometan, dont l’Empire que possedent
encores ses Successeurs est formidable à toute l’Europe,
par les reuers de cet inconstante aueugle, ne seruit-il pas de
marche-pied à celuy qui se faisoit nommer L’IRE DE DIEV,
& qui n’estoit qu’vn chetif Tartare. Il se vit traisner dans vne
cage de fer par les Prouinces de l’Asie, & le plus miserable de
tous les esclaues, contraint à chercher sa vie dessous la table
de son tyran, des os & des miettes que l’on luy iettoit ; comme
si dans son malheur cessant d’estre puissant, il eust cessé d’estre
homme, & fut deuenu beste. Le grand Darius ne vit-il
pas sa grandeur abattuë par les foibles puissances de la Grece ;
& sa femme & ses filles les plus riches tresors de l’Asie ne furent-elles
pas le premier butin d’Alexandre & les malheureuses
esclaues du cruel vainqueur, ou plustost de l’iniuste vsurpateur