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Mazarinade n° A_2_60

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Anonyme [1649], TROISIESME DIALOGVE ENTRE LE ROY DE BRONZE ET LA SAMARITAINE. Sur les affaires du temps present. , françaisRéférence RIM : M0_1090. Cote locale : A_2_60.


d’Euangile : & si peu qu’il m’eschappe de rire de ses impertinences, mon
incredulité l’offense & la scandalise, comme vne nouuelle heresie. Enfin,
on dit cecy, on dit cela : & au bout du conte, ce Maistre On est le seul
garand de ses contes à dormir debout.
 
Henry.
Que veux-tu ? Elle n’en a point d’autres à te donner, & le Siecle a
des esprits qui seroient les plus forts du monde, s’ils l’estoient autant
qu’ils s’imaginent l’estre, qui s’en contentent bien. On ne voit pas tout.
On ne sçait pas tout : & pourtant, on ne laisse pas de dire indifferemment
tout ce qu’on sçait, & tout ce qu’on ne sçait pas. On n’a pas
moins de bouches que la Chimére dont tu viens de parler. Et ie suis
bien trompé, si Maistre On, & Dame Renommée, ne sont sous deux
diuers noms, vne mesme personne. Quoy qu’il en soit, manque de
meilleurs memoires ; c’est de ce qu’on dit que les Historiens forment
leurs Chroniques, & que nous pouuons icy former nos entretiens ordinaires.
Dy-moy donc, que dit-on de nouueau ? Paris est-il tousiours
bloqué ? La Reyne est-elle tousiours inexorable ?
Samaritaine.
Elle ne le fut iamais, grand Monarque ; & si nos maux ne touchent sa
Majesté d’vn traict de compassion, c’est que sa Majesté ne les voit pas,
& qu’on tasche adroittement de la rendre non seulement aueugle à ce
tragique spectacle, mais aussi sourde aux plaintes de son Peuple. De
ces deux soins que prend vn Fauory, le second pouuoit estre vtile à sa
tyrannie, tant que l’excez de nos souffrances n’estoit pas tel qu’on ne
le pût croire sans le voir. Mais a present qu’il est si prodigieux, que pour
le croire, il faut en estre tesmoin oculaire. Que ne relasche-t’il vn peu d’vn
soucy qui n’est plus de saison ? & que ne nous permet-il de porter nos
plaintes iusqu’aux pieds du Throsne ? quel mal en pourroit il craindre
& quel bien en pourrions nous esperer, que ce foible allegement qu’on
voit naistre du recit de ses maux, s’il est vray que celuy des nostres semble
si fabuleux à ceux qui ne les ont pas veus, qu’il fait plus d’horreur
que de compassion ? Ses François employent le fer & le feu à rauager
la France. Sa Majesté le pourroit elle croire ? On vole, on pille, on tuë,
on massacre.
Henry.
Ah! n’en dy pas dauantage, chere Samaaitaine ; Ie fremy d’horreur
à ce tragique recit : & si i’estois à l’oüir, ie voudrois estre sourd, si tu
n’estois muette. L’Vniuers m’a veu quereller les droicts de ma naissance,
à ceux qui taschoient de me les rauir : & i’auouë que le fer & le feu
m’ont frayé le chemin à mon Throsne ; & que ma main a deu son Sceptre
à son espée. Mais i’atteste le Ciel & le Genie tutelaire de la France, que
ce fut malgré mon humeur que i’en vins à ces extrémitez, & que ma Iustice
n’en voulant qu’au crime, eust espargné l’innocence, si l’vne n’eust
esté mal-heureusement enueloppée dans les disgraces de I’autre.