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Mazarinade n° C_1_18

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Anonyme [1649], LA VERITABLE CONDVITE DV COVRTISAN GENEREVX. , françaisRéférence RIM : M0_3925. Cote locale : C_1_18.


autres passionnent, & les croire indignes de nous ? les reputer
moindres que nostre merite ? s’imaginer que les autres
manquent de iugement, ou qu’ils ne connoissent pas la valeur
des choses : faire profession de vouloir tenir tout le monde
pour buse ou pour ignorant ; c’est auoir vne ame bien altiere
& bien vaine. Mais auoir honte de iuger des choses infiniment
releuées selon la grandeur qu’elles possedent en elles
mesmes, c’est la preuue asseurée d’vne arrogance insupportable.
Le genereux Courtisan ne se contente pas seulement
de n’estre point ambitieux, il en abhorre le vice & le
nom mesme ; comme le Palais de Cesar ne desire pas seulement
d’estre esloigné de toute, infamie, mais il veut encore
l’estre de tout soupçon. Non non, le Courtisan qui a de la
conduite iugera en luy-mesme que le monde n’a rien de plus
estimable que le throsne ? que tous les thresors de la fortune
ne luy peuuent estre comparez ? que la Royauté est le comble
de l’excellence humaine, & que tout ce qui a vn pouuoir
absolu sur les hommes tient de la Diuinité. Ainsi ne se pas
soucier des bonnes graces du Prince est vne marque ou de
mespris, ou de hayne, ou au moins d’indifference, & vn témoignage
que le Courtisan qui agit de la sorte a peu de conduite,
de iugement, & de vertu, ou au contraire celuy qui
est genereux, sage, & affectionné à son Prince, preferera toûjours
le bien de l’Estat à son propre auancement : & renonçant
à tous les objets qui peuuent animer sa passion, ou corrompre
sa Conscience, des gagé des interests, ou des motifs
qui poussent les autres à la Cour : il s’y trouuera courageusement
dans l’esperance que sa vertu, & ses belles actions donneront
de l éclat à vne Couronne de qui les moins genereux
n’attendent que des recompences.
 
Mais ce n’est pas assez que le genereux Courtisan soit entré
dans la Cour par la porte de sa propre vertu, c’est peu de chose
qu’il y paroisse comme vn Astre éclatant, qui répand & qui
communique par tout la splendeur de ses rayons. Il est necessaire
encor qu’il cherche les moyens de s’y conseruer, & que
le Palais du Prince qui bien souuent a plus d’adorateurs que
de veritables Ministres, ne soit pas priué d’vn tresor si estimable
& si auantageux à l’Estat. Le diuin Platon estoit d’auis que