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Mazarinade n° A_5_30

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Brousse, Jacques [?] [1649], LETTRE D’VN RELIGIEVX, ENVOYÉE A MONSEIGNEVR LE PRINCE DE CONDÉ, à S. Germain en Laye. Contenant la verité de la vie & mœurs du Cardinal Mazarin: Auec exhortation audit Seigneur Prince d’abandonner son party. , françaisRéférence RIM : M0_1895. Cote locale : A_5_30.


de l’Estat. S’il fait obseruer Monseigneur le Duc d’Orleans, & le tient
comme captif de crainte qu’il a qu’il ne se vienne mettre à la teste des
Princes vnis pour la conseruation du Roy & la liberté de sa personne sacrée
d’entre les mains de ce Tyran. Toutes ces choses & beaucoup d’autres
que ie passe sous silence, & que nous tiendrions pour fabuleuses si
nous ne les voyons, à nostre grand regret, ne causeront point d’estonnement
dans l’esprit des Royaumes estrangers, ny des generations futures. On les
croira facilement apres auoir appris qu’vn Sicilien, Moine, Mendiant, Iacobin,
a esté fait Viceroy en Catalogue à la place du Mareschal de la Motte,
du Comte d’Harcourt, & du Prince de Condé, les Hercules de nostre
Siecle, parce qu’il estoit Frere Mazarin : Et qu’on la veu depuis pompeux
& magnifique dans Paris, dans vn luxe digne de sa nation, mettre la main
sur le sein des plus belles Dames de la Cour, se persuadant que les Françoises
n’estoient pas plus chastes que les Italiennes. Apres cela qui peut
doubter que son dessein pour Naples fust autre que de s’en faire Roy apres
l’auoir conquis auec le sang des Princes François ? Qui peut douter qu’il
n’eust resolu d’establir en France vne Monarchie plus barbare & plus dure
que celle des Ottomans ? & apres auoir mis les Princes & les Grands de
l’Estat comme en captiuité & à la chaisne, disposer de la vie & des facultez
de tous les peuples selon ses humeurs capricieuses & le mouuement
irregulier de son imagination, ou pour mieux dire de sa fureur ?
 
En suitte de ces excez il n’est point necessaire de parler de l’abondance
prodigieuse de ses richesses par ses larcins & ses voleries sur les Finances,
ny des artifices barbares qu’il a inuentez pour les amasser. Il est superflu
de dire les millions qu’il a rauis sous la couuerture des Comptans, dont il
a remply les bourses d’Amsterdam, les banques de Venise, & les Monts de
Pieté de Rome, tant sous son nom que sous celuy de ses confidents. Depuis
trois ans on ne sçait plus en France s’il y a eu autrefois des pistoles d’Italie ;
Celles d’Espagne ne sont pas moins rares que les roses en Hyuer ;
Et l’on aura de la peine à croire, encore qu’il ne soit que trop vray par la
deposition de tesmoins oculaires, que les nouueaux Louys d’or ont esté
fondus & mis en lingots pour estre transportez en Italie auec plus de facilité
& moins de soupçon, dans des ballots de meubles & de marchandises.
Voila, Monseigneur, vne partie de la vie, de la conduitte, & de l’esprit
du Cardinal Mazarin, que l’on dit que vous fauorisez de vostre protection,
ce que nous ne croyons pas, n’y ayant point d’apparence qu’vn grand
Prince tel que vous estes, qui a sçeu par son trauail vnir si parfaitement la
science, la vertu auec la generosité : qui pratique les Vertus Morales, Politiques
& Chrestiennes auec vn si parfait exemple : qui s’est acquis tant
de gloire par ses victoires, qu’il semble auoir enseuely la memoire des Alexandres
& des Cesars, tombast dans cet aueuglement estrange, de vouloir
volontairement faire perte de son honneur & de sa conscience, en se faisant
l’appuy de l’ennemy de son Roy & de son Estat. Iugez, Monseigneur,
si ce malheur arriuoit ce qu’on diroit de vous, ce qu’on diroit de nous !