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Mazarinade n° A_5_30

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Brousse, Jacques [?] [1649], LETTRE D’VN RELIGIEVX, ENVOYÉE A MONSEIGNEVR LE PRINCE DE CONDÉ, à S. Germain en Laye. Contenant la verité de la vie & mœurs du Cardinal Mazarin: Auec exhortation audit Seigneur Prince d’abandonner son party. , françaisRéférence RIM : M0_1895. Cote locale : A_5_30.


& pour luy rauir auec autant d’infamie que d’iniustice, les gratificatiõs glorieuses
dont le defunct Roy auoit reconnu sa valeur & ses sueurs ? Quel
pretexte a-t’il pris pour faire mourir par poison le President Barillon dans
vn exil hors de la France ? Vous le sçauez & l’auez pû apprendre de feu
Monseigneur le Prince : Aucun, sinon qu’il estoit trop bon François, &
que par vn esprit extremement iudicieux ce sçauant & sage Senateur,
preuoyant les choses de loing, il ne pouuoit supporter cet orgueilleux Sicilien
& Mazarin, qu’il voyoit s’eleuer auec trop d’ardeur, & se bastir vn
Trosne de la ruine de ses Compatriottes. Ce qu’il a exercé à l’endroit des
vns, qui doute qu’il eust manqué d’en faire autant à l’endroit de vostre personne,
lors que l’occasion s’en seroit presentée, & que vostre espée luy auroit
esté moins necessaire qu’elle n’a pas esté iusqu’à maintenant. Aussi
combien de fois vous a-t’il exposé à dessein de vous perdre ? Combien de
fois vous a-t’il engagé dans les combats en Flandres & en Catalogne, auec
des forces extremement inegales à celles des Ennemis, d’où vous n’estes
sorty victorieux que par vne espece de miracle ; Dieu fauorisant vos intentions
pour le bien de la France contre celles de cet orgueilleux, qui eust
voulu vous auoir perdu auec la perte de dix Batailles & de trente Villes,
afin de s’oster le seul obstacle qu’il voyoit en vostre personne, pour venir
au but de ses pernicieux desseins ?
 
N’est-ce pas dans ce mesme esprit qu’il a tant fait depenser d’argent &
perdre d’hommes dans les guerres d’Italie ? Quel dessein a-t’il eu pour Orbitello,
Portolongone, & Piombino, sinon d’auoir des Places pour l’establissement
d’vne Principauté, ayant assez de Finances pour la rendre la
plus riche de l’Italie ? Quel motif l’a porté à la rebellion de Naples, & d’y
engager Monsieur de Guise, sinon celuy d’y establir quelqu’vn des siens
pour y regner, apres que ce Prince y auroit employé auec ses trauaux, son
sang & peut-estre sa vie, pour tirer ces peuples de la domination de leur
Souuerain legitime ?
Et afin que vous n’estimiez pas que i’entre trop auant dans ses intentions ;
que ie fasse le Prophete, ou entreprenne sur l’office de Dieu, à
qui seul il appartient de penetrer le cœur des hommes ; iugez, s’il vous
plaist, de ses desseins pour Naples, par ce qu’il a pratiqué en Catalogne.
Ie rougis de honte quand i’y pense, la main me tremble quand ie l’escris ;
& ie voudrois pour l’honneur de la France & de ses Princes, le pouuoir effacer
auec mon sang de la memoire des hommes, & des Histoires estrangeres,
auec la mesme facilité que ie le ferois auec de l’ancre sur ce papier. Car
qui le croira iamais ? qui ne l’estimera au delà des Romans & des Fables ?
Que la France, cette Nation belliqueuse, ces Peuples nais pour commãder
& non pour obeïr, au mesme temps qu’ils passoient sur le ventre à leurs
ennemis, & qu’ils portoient la terreur & l’effroy par la generosité de leurs
armes dans tous les Royaumes voisins : Que ces François, dy-ie, & dans
cette glorieuse conioncture, se soyent trouuez tellement dépourueus non
seulement de Princes, mais de simples Soldats ou hommes de cõduite, qu’ils