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Mazarinade n° A_9_41

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Saint-Onufre, Antoine de [signé] [1650], VISION MIRACVLEVSE, D’VN HERMITE ENVOYEE A Monseigneur le Prince de Condé. En son dernier logement du Bois de Vincennes. , françaisRéférence RIM : M0_4036. Cote locale : A_9_41.


Monarque, ce ne sera plus que parmy les arbres de vostre solitude,
à qui vous commaderez au trauers de vos grilles de fer.
Il y aura grand plaisir à vous considerer en cét estat, cependant
si vous m’en voulez croire, quoy que ie ne sois qu’vn simple
Hermite, cét éloignement de la Cour vous obligera de rentrer
souuent en vous mesme, & ce bois sans vous y promener
vous tiendra lieu de ce lycée où les Anciens Philosophes ont
fait des meditations si sçauantes à l’ombre des Ormeaux.
Souuenez vous s’il vous plaist, que vous habitez vn lieu qui
l’a esté par vn grand Prince dont la vertu fut soubçonnée, &
que vous respirez l’air de ses vertus qui y furent autrefois captiues,
& qui en ont esté tirées par le secret d’vne prouidence
adorable. Souuenez-vous que cette illustre Persée vint
au secours d’vne Andromede que vous auiez exposée à la rage
des monstres & des Demons.
 
Ie voy que c’est icy vn pas bien glissant, & de peur d’ouurir
vne playe qui pour vostre honneur deuroit estre guerie,
ie ne vous represente cette action que pour vous obliger
d’en faire penitence. Vous estes en lieu propre pour cela, si
vous sçauez profiter de vostre prison, & vous accommoder à
la volonté de Dieu & aux ordres du Roy vostre Maistre. Vous
voyez bien, Monseigneur, que c’est là le langage d’vn Anacorette,
& non pas celuy d’vn passionné, si ce n’est du salut de
vostre ame, qui vous doit estre plus precieuse que toutes les
Couronnes de la terre. Et croyez que tout ce que ie vous ay
dit iusques icy, & que tout ce que ie pretens vous dire en ce
peu de lignes, m’a esté inspiré d’en haut par le rencontre d’vn
bon Ange qui s’est monstré à moy, en forme visible dans
mon Desert de Nostre Dame de Val-Adam, Ne mesprisez
donc pas, s’il vous plaist, Monseigneur, ce qui vous est icy
envoyé de ma part, & vous souuenez de ce qui a esté dit autrefois
par vn excellent esprit, que nous deuons receuoir d’aussi
bonne part ce que nous versent les moindres Estoilles, que
ce qui nous vient des grandes. Voyla de quelle sorte ie resve
en ma Celulle, & ce que i’ay crû estre obligé de vous
dire.