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Mazarinade n° B_11_34

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Anonyme [1649], LA CONFERENCE DV CARDINAL MAZARIN, AVEC LE GAZETIER. Iouxte la coppie Imprimée à Bruxelles. , françaisRéférence RIM : M0_742. Cote locale : B_11_34.


donnerez lieu à descharher le peuple des Tailles pour deux ou
trois années : sans quoy, il n’est pas possible qui se releue iamais de
la misere où il est. Vous vous conseruerez sans crainte ces richesses
immenses que vous avez, capables d’acquerir la moitié de l’Italie,
& faire à l’aduenir que vostre famille qui estoit la plus basse dans
la lie du peuple, soit la plus superbe & la plus splendide parmy les
Princes, & vne pepiniere de Cardinaux & de Papes. Et paroissant
au peuple sans interest, par l’abandonnement des personnes qu’il
deteste, & ausqueles vous semblez le plus attaché : Il changera pour
vostre regard son auersion en amour, les iniures en loüanges, chantera
tant de merueilles de vostre conduite, qu’elles suffiront vn
iour pour le procez verbal de vostre canonisation. Ainsi, au lieu
qu’ils demandent vostre mort, ou vostre esloignement ils seront
dans vne continuelle apprehension que vous les quittiez : vseront
de toutes les complaisances possibles pour vous retenir, & prieront
Dieu que vous ne mouriez iamais. Ne voyla pas vn aduis important ?
mais Monseigneur, comme ie vous ay dit secretum, soit que
vous vous en seruiez ou ne vous en seruiez pas.
 
Le Card. A ce coup il faut que i’aduouë que tu as touché au
but, mais pour cela tu n’auras pas les gands, non plus que tu ne les
veus pas donner au Gazetier de Cologne. Regarde si ie suis en
estat de découurir tes pensées, puis que sans faire tant de ceremonies,
ny chercher tant de précautions que toy, ie te revele si librement
les miennes. Il y a plus d’vn an que ie les roulles en mon esprit.
Dés les premieres plaintes qu’on fit d’Emery : je vis bien que
c’estoit le vray remede ; mais deux choses m’ont retenu & Me retienent
encore. La premieres, le vœu que i’ay fait d’enleuer tout
l’argent de France. Or comme i’ay desia fait transporter en leur
pays toutes les pistoles d’Italie, & pour leur faire compagnie, presque
toutes celles d’Espagne. Ie ne suis pas encores vend à bout de
tous les Louis, pour le moins de ceux d’argent ; car pour ceux d’or
il y a long-temps que pour la facilité du transport, ie leur ay fait sentir
la fonte : & ie considere que si ie fais mettre les Financiers à la
presse, ie ne sçaurois plus accomplir mon vœu, ce que i’estimerois
vn grand peché si m’a conscience estoit capaple de scrupule. La seconde
chose qui m’a retenu est ; la crainte de demeurer sans appuy ;
car tu sçais bien que non seulement ie n’ay point d’autre support ;
mais que ie ne voy point où en prendre, si ie perds celuy-là.
Et que me seruira d’auoir beaucoup trauaillé pour amasser, & fait
crier au meurtre en amassant, si ie demeure seul, incapable de resister