[retour à un affichage normal]

Accueil > recherche > Affichage d'une occurrence en contexte

Mazarinade n° B_5_56

Image de la page

Anonyme [1652], HISTOIRE DE MAGDELAINE BAVENT, Religieuse du Monastere de Saint Loüis de Louviers. Avec sa Confession generale & testamentaire, où elle declare les abominations, impietez, & sacrileges qu’elle a pratiqué & veu pratiquer, tant dans ledit Monastere, qu’au Sabat, & les personnes qu’elle y a remarquées. Ensemble l’Arrest donné contre Mathurin Picard, Thomas Boullé & ladite Bavent, tous conuaincus du crime de magie. DEDIÉE A MADAME LA DVCHESSE d’Orleans. , françaisRéférence RIM : M0_1640. Cote locale : B_5_56.



CHAPITRE VIX.
Trois jours apres mon devoilement, Monsieur d’Evreux fit
venir la Sœur Barré, pour luy declarer elle mesme avec plus
d’exactitude & davantage d’étenduë tout ce qu’elle desiroit sçavoir
de ma vie, & de ma personne par revelation divine. On l’ouït
comme si elle fust venuë du Ciel ; & il se pourroit faire qu’elle seroit
venuë de plus bas. Ses paroles étoient autant d’Oracles. Tant
y-a qu’elle fust creuë en tout & par tout, & sans m’avoir oüy ni
parlé : personne n’entreprenant ma defense. Ce vertueux Prelat
qui avoit daigné depuis quatorze ou quinze mois estre mon Confesseur,
par la facilité de son naturel trop benin & trop credule,
donna Sentence contre moy, par laquelle il me condamna à demeurer
prisonniere toute ma vie, & à jeûner trois jours la semaine au
pain & à l’eau, sur les simples depositions d’vne fille, qui parloit
tantost en Sainte, tantost en Demoniaque. Sa Sentence fut
trop douce, eu égard à mes fautes precedentes, mais trop prompte,
eu égard aux sujets pour lesquels il la donna, puis que par la
grace de Dieu je croy en estre tres-innocente, & qu’en la verité
de Dieu je pense n’avoir jamais causé de mal à la Maison.
On m’envoya à la prison d’Evreux l’onziéme Mars, quelques
jours apres la Sentence donnée : & dés le jour que j’y arrivay on
me mist dans la basse fosse seulement pour trois heures. Au mois
de Mars le Fils de Dieu descendant du Ciel en terre, avoit daigné
reposer non pas trois heures, mais neuf mois dans la petite prison
des flancs de la tres-sacrée Vierge sa Mere, n’abhorrant point ce
lieu obscur, & trois heures entieres sur la Croix. Si j’eusse eu ces
pensées Chrestiennes, saintes & divines, j’aurois tiré profit de
mon état : Mais je n’avois point d’homme qui m’aidast à les prendre,
& je ne recourois point à Dieu pour les recevoir de luy : ne
vivant point de la foy comme les Iustes, mais de la passion brutale
comme les bestes : I’en ay fait vn tres-méchant vsage, & je ne le
tairay pas.
Magdelaine
Bavent
envoiée
en prisõ
par le
cõmandement
de Mr
l’Evesque.
Dans le mois d’Avril suivant, je fus remise pour quatre jours
& quatre nuicts dans la basse fosse. En voicy l’occasion : Monsieur
le Penitencier d’Evreux avoit pris la peine de me venir confesser
& communier ; C’étoit vne charité qu’il me faisoit, mais jamais
je n’ay esté contente qu’il me la fist, parce que je n’avois point
confiance en luy. Il aida à me juger en la Sentence de Monsieur