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Mazarinade n° D_1_33

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Anonyme [1649 [?]], FACTVM, SERVANT AV PROCEZ CRIMINEL FAIT AV CARDINAL MAZARIN. touchant ses intelligences auec les Estrangers ennemis de l’Estat. , françaisRéférence RIM : M0_1368. Cote locale : D_1_33.


plus de lieu & de facilité à toutes les entreprises de l’armée du Roy, estoit de jetter
autant d’hõmes dans Courtray, que les Espagnols auoient fait l’année precedẽte
dans Lerida, qui estoit vne petite armée, afin que si cette Place estoit assiegée par
l’armée de l’Archiduc, qu’elle s’y ruïnast, par la forte resistance qu’il y auroit ; ou
si elle n’est oit pas assiegée que le Gouuerneur pût rauager la campagne auec vn
Camp volant qu’il pouuoit tirer de cette Place, la laissant suffisamment garnie
pour sa garde ordinaire hors de siege.
 
Pendant les mois de Ianvier, Fevrier & Mars de ladite année 1648. le sieur de
Villequiet conduisit dans Courtray auec heur & valeur, plusieurs Conuois de
munitions de guerre & de bouche, & d’hommes, lesquels sous le sieur le Ralle,
expert aux fortifications, trauaillerent tellement à celles de cette importante
Place, qu’elle fut renduë des plus fortes du Pays-bas, auec la Citadelle reguliere
que le Mareschal de Gassion y auoit commencée.
Le sieur de Paluau ayant esté fait Gouuerneur de Courtray, comme vn autre
Toras, se promettoit dans vn autre Cazal, gaigner vn baston de Mareschal de
France : Mais il en sortit secrettement auant le siege, en tira & amena sans aucun
peril plus de deux mil hommes au Prince de Condé, qui n’en auoit ny desir ny
besoin, lequel estant estonné de la nouueauté de ce renfort, & consequemment
de l’affoiblissement de Courtray : Paluau dit qu’il sçauoit bien ce qu’il faisoit.
Et en effet il parut bien-tost apres que ce grand exploict estoit doublement meritoire,
puis qu’il contenoit obeyssance enuers le Cardinal Mazarin, & sacrifice
aux Espagnols de Courtray, & du reste de la garnison, composée de vaillans
François & Suisses, qui furent vne sanglante victime à la cruauté des ennemis.
La perte de Courtray fut vn nouuel aiguillon au desir de la prise d’Ipre. Le
Prince de Condé qui l’assiegeoit la presse si fort, qu’il la prend auant que les ennemis
la peussent secourir. S’en estant rendu maistre, il en donne sous le bon
plaisir du Roy, le Gouuernement à celuy qu’il en iugea tres-digne. Le sieur de
Chastillon ne fut pas agreable au Cardinal Mazarin pour la garder & deffendre,
ainsi que le sieur de Paluau, auquel il la fallut consigner, puis qu’il n’auoit pas
rendu Courtray, & qu’on asseuroit de luy, que s’il estoit encore dedans auec
cinq ou six mil hommes, qu’elle ne seroit pas au pouuoir des ennemis.
Le Cardinal Mazarin consola facilement toute la Cour de la perte de Courtray,
bien que les Espagnols l’eussent voulu eschanger auec Aire & S. Omer,
leurs seuls restes du Comté d’Artois, à cause de la prise d’Ipre, la plus importante
Ville du Comté de Flandres, deux fois plus grande plus riche, plus marchande &
plus peuplée que Courtray : mais il n’a pas trouué à propos de la fortifier, pour
ne despenser de l’argent, & pour ne trauailler pour les ennemis, ainsi qu’il auoit
fait à Courtray : ce qui a esté estimé & approuué, ne pouuant mesaduenir de cette
Place, puisque le sieur de Paluau la garde, & la deffend de la Cour où il est, &
que le Cardinal est sa cantion.
Apres que ces deux Places eurent de differente façon changé de maistres, les
deux Armées furent long-tẽps à s’entr’obseruer. Celle des ennemis s’en tretenoit
le mieux qu’elle pouuoit. Celle du Prince de Condé se débãdoit & dissipoit faute
de quelque petite paye, dequoy le Cardinal Mazarin n’estoit pas marty. Ce
Prince fut contraint de venir luy mesme representer la souffrance de tant de braues
Officiers & pauures Soldats, pour leur faire donner des alimens. Il fut dignement
caressé, & festiné par le Cardinal Mazarin. Mais obligé de s’en retourner