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Mazarinade n° A_5_23

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Anonyme [1649], LETTRE D’AVIS A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS ESCRITE PAR VN PROVINCIAL. , français, latinRéférence RIM : M0_1837. Cote locale : A_5_23.


& Pline le ieune disoit à Traian. Principis scedem obtines ne sit Domine
locus. Cette difference fut bien remarquée par les anciens Perses,
qui appelloient, au rapport d’Herodote, Cyrus l’aisné Roy Cambises
Seigneur, & Darius Marchand, parce que l’vn s’estoit monstré
Prince doux & debonnaire ; l’autre hautain & superbe ; & le
troisiesme trop exacteur & trop auare. La definition de Roy qu’apporte
Aristote au 3. de la repub. s’accorde auec ce que nous auons
auancé, où il dit, que le Roy deuient Tyran pour peu qu’il force
la volonté de ses subjets ; ce qu’il faut prendre, non pas au pied de
la lettre, autrement il n’auroit pas le pouuoir de leur donner la
loy, & les plus iustes du monde deuiendroient Tyrans ; mais en
sorte qu’il doit luy mesme obeir aux loix de la Nature, & gouuerner
ses subjets par la Iustice naturelle, qui veut qu’on rende à chacun
ce qui luy appartient. Cela paroist par les marques qu’il donne
de son administration, dont les principales sont de craindre
Dieu sur tout, d’auoir de la compassion des affligez, d’aimer ses
subjets, de se rendre ennemy des meschans ; & en vn mot, iuste
enuers tous, n’estant pas plus dispensé de la loy de Dieu que le reste
des hommes, mais au contraire, estant obligé d’y obeïr, & les
subiets aux siennes, l’on peut dire que cette loy de Dieu doit estre
la Maistresse, & la Reine de toutes les actions de part & d’autre,
Et pleust à Dieu que cela fust ; nous ne verrions pas le deplorable
estat où est auiourd’huy la France reduite, & ne souffririons pas
que des Ministres insolens nous fissent passer pour constant que les
loix d’vn Estat ne peuuent subsister sans quelque iniustice.
 
Neantmoins l’on m’obiectera qu’outre cette obeïssance le subiet
est obligé à quelque redeuance enuers son Prince, & que iamais
l’on n’a veu de subjets sans rendre tribut, d’où vient que
quand l’on demanda à nostre Seigneur, s’il falloit rendre le tribut
à Cesar, il donna ouuertement à entendre qu’ouy, en disant : Rendez
à Cesar, ce qui est à Cesar. Tout cela est vray, mais il y a bien
à distinguer entre le Tribut pris generalement, & la qualité du
Tribut ; il n’y a point de subjet qui ne doiue en qualité de subjet,
quelque tribut à son Prince, dés l’heure mesme qu’il s’y soûmet
qui n’est autre chose, à le bien prendre qu’vne subsistance qu’on
luy donne pour l’entretien de sa maison, & pour les affaires qui
concernent la seureté & le repos de l’Estat. Et c’est ce que nous appellons
Domaine ; duquel les Rois de la premiere & seconde race,
& mesmes beaucoup de la troisiesme se sont contentez sans rien
leuer au delà sur leurs subjets, si ce n’estoit en quelque cas extraordinaire.
Et est à remarquer que ce Domaine est inalienable
parce que les subjets l’ont affecté au commencement à la subsistance