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Mazarinade n° A_7_21

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Anonyme [1649], LES SENTIMENS D’ARISTIDE, Sur les affaires Publiques. , françaisRéférence RIM : M0_3647. Cote locale : A_7_21.


deniers. Si on deuoit secourir Charenton, ou non ; & si on n’auoit pas
ce dessein, pourquoy on n’a pas conserué la Garnison : s’il est vray que
sans mettre les Habitans de Paris au hazard, il y auoit moyen au retour
de l’armée de monsieur le Prince en ses postes, de luy donner vn notable
echec. Si on a deub abandonner Brie-Comte-Robert, &c. Ie n’entreprens
pas de raisonner là dessus, cela demande plus de cognoissance
que ie n’en ay, mais ie pense que sans me tromper, ie puis veritablement
& iustement m’escrier, O interest particulier ! fausse diuinité,
mais pourtant toute puissante icy bas, & plus suiuie que le vray Dieu,
que tu persuade, aisément ce qu’il te plaist : qu’on appaise vn mescontent,
qu’on satisface à l’ambition d’vn autre, qu’on recompense vn
frere, & qu’on distribuë des Benefices, qu’on donne vn gouuernemẽt,
vne charge, vne suruiuance, vne pẽsion, &c. le pauure Public se verra
bien-tost abandonné d’vne partie de ses Zelateurs plus ardans, qui se
prennent dans ces pieges, & qui payent tousiours la peine de leur
lascheté. Ce n’est pas que le changement d’aduis procede tousiours de
cette cause, vn Medecin expert, proposera vn remede, pour chasser le
mal qui luy est present ; Que si la fiebure suruient, & qu’elle predomine,
on change les remedes, & on ne pense plus qu’à ce qui est le
plus à craindre. Vn bon Politique en fait ainsi : on quitte le soin d’vn
moindre mal, pour en éuiter vn plus grand, & qui presse ; mais cet interest
particulier, remuë si puissamment, toutes les facultez de l’ame,
qu’en offusquant la pureté de la raison, il arriue que ceux qui sont si attachez
à eux-mesmes, quittent des moyens faciles qui leur pourroient
donner ce qu’ils demandent, pour suiure vne fausse prudence, qui les
trompe & qui les punit iustement. Mais entre tous ceux qui sont possedez
par ce Demon d’interest, il n’y en a point qui soient plus extrauagans,
que les Partisans & ces presteurs volontaires ; si on les veut
croire, l’authorité du Roy ne peut estre conseruée, que dans leur protection ;
& ils font cõsister cette authorité absoluë, à ruïner tous les sujets
du Roy, & à perdre le Royaume : certainement cela est digne de
commiseration d’en voir quelques-vns d’entreux personnes d’honneur,
en toute autre chose, si aueugles en ce point, & si sensible, à leur
interest, qu’ayant le Iugement entierement peruerty, ils s’emportent
à des extrauagances pitoyables, à des souhaits criminels, & à des pensées
execrables à l’esgard de Dieu, & à l’esgard des hommes semblables
à ces fols, qui ne s’esloignẽt du sens commun, & de la raison que
lors qu’ils viennent à leur foible, & à parler des choses qui ont quelque
rapport à la cause de leur mal. De tant de passions si differẽtes, & de
tant de sorte d’Interests, il ny a que Dieu seul, qui en puisse tirer la paix
que nous luy demandons, que chacun cherche son Interest tant qu’il
voudra & qu’il suiue son sens, & ses appetits, on fera tousiours la volonté
de Dieu, quand on ne le voudroit pas, & lequel sçaura bien faire
reüssir toutes choses, selon son Conseil secret, & sa Sagesse eternelle.
 

FIN.