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Mazarinade n° C_1_35

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Anonyme [1649], LES CONTENS ET MESCONTENS, SVR LE SVIET DV TEMPS. , français, latinRéférence RIM : M0_782. Cote locale : C_1_35.


ne fit que luy dire en riant : Aga donc Monsieur le Lutherien, vous vous
boutez en escume, ne vous eschauffez pas tant, vous engendrerez vne pluresie,
vous ferez mieux de nous ioüer vne sarabande, ie vous donneray quatre
deniers, comme à vn vielleux, peut-estre n’en auez vous pas tant gaigné depuis
quinze iours, mais voyez comme ce petit ratisseur de corde à boyau fait
l’entendu, ma foy tu n’as que faire derire, tu ne gaigne pas trop, tu veux dégouster
le monde de ma marchandise, mais c’est comme le renard des mures,
& tu serois trop heureux de moüiller ton pain dans le boüillon de mon salé.
Vn Musicien, amy du ioüeur de luth, aussi sec que luy pour le moins, se retira
comme il vouloit repliquer à ces mespris, en luy remonstrant, que c’estoit se
profaner que d’entrer en paroles auec des gens de cette sorte, & qu’il n’y
auoit rien à gaigner, que des coups, puis se tournant deuers moy auec vne
façon pitoyable, il dit en continuant ; Cela n’est-il pas déplorable, Monsieur,
qu’il faille que des brutaux fassent des niches à d’honnestes gens : Il s’est veu
des temps que les Arts liberaux estoient en vogue & en estime, mais maintenant
tout est peruerty, la vertu n’est couuerte que de lambeaux, & nous nous
voyons contraints de ployer sous des gens qui n’auroient esté dans le bon tẽps
que nos moindres valets : Mais croyez-vous, dit vn Orlogeur, que cela dure
long-temps, & que nous soyons tousiours reduits dans cette misere : sans
quelque peu d’argent que i’auois mis à part au commencement de ses troubles,
i’aurois esté reduit a l’extremité, quoy que Dieu mercy ie m’escrime
assez bien de mon Art ; ie connois vn Graueur de mes amis qui gaignoit tous
les iours sa pistolle, & qui n’ayant pas maintenant le moyen d’auoir du pain,
est reduit à vendre ses meubles piece à piece : C’est le moyen de viure de
mesnage, repliquay ie, & de faire gaigner les vsuriers : Sur ce mot le Musicien
metirant par le bas, me fit prester l’oreille pour entendre ce que deux
personnes, disoient assez secrettement : Ie ne puis, disoit l’vn des deux, quand
vous me donneriez tout vostre bien ; ie ne demande qu’à faire plaisir quand
ie puis : Mais Monsieur, disoit l’autre en action de suppliant, vous estes nanty
de la valeur de cent escus, surquoy vous ne m’auez presté que quatre pistolles ;
prestez m’en encore autant, & ie vous passeray vne obligation de
cent francs, ie vous donneray encore vne monstre, si vous ne vous contentez
des gages que vous auez, faites moy donc, dit l’vsurier, l’obligation d’vnze
pistolles à payer à Pasques, ou n’en parlons plus ; vous voyez comme ie suis
franc, ie vous promets que ie m’en fais faute pour vous en accommoder.
L’autre comme rauy de cette fauorable response, luy fit mille remerciemens,
& se resolut à passer par là ; nonobstant vne vzure si prodigieuse qui nous fit
hausser les espaules : Mais il en fut payé tout sur le champ, par vn Capitaine de
Caualerie, qui reconnust cet insigne fesse-mathieu, & sans luy donner loisir
de se recoonoistre, luy donna cinq ou six coups de cane sur les oreilles. En luy
disant, és tu bien si hardy vieux raistre de prendre les pistolets de mes Caualiers
en gage, & d’empescher le seruice du Roy, en retenant leurs armes, il faut
mort-bieu les rendre tout à l’heure, ou ie te passeray mon espée au trauers du
corps : Ie ne pus entendre le reste, d’autant que me sen tant secrettement tirer
par derriere, ie crus que c’estoit quelque coupeur de bourse, qui vouloit faire