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Mazarinade n° C_5_28

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Anonyme [1649], APOLOGIE POVR MONSEIGNEVR LE CARDINAL MAZARIN, TIREE D’VNE CONFERENCE ENTRE SON EMINENCE ET Monsieur ****** homme de probité & excellent Casuiste. Tenuë Sainct Germain en Laye deux iours consecutifs. PREMIERE IOVRNEE. , françaisRéférence RIM : M0_127. Cote locale : C_5_28.


pensionnaires d’Espagne fussent fort bien payez, & particulierement les
Catholiques. Cela fut fait comme ie l’auois dit : le mets quantité d’ouuriers
à la vigne de IESVS-CHRIST, dont ie coupois sourdement les racines.
L’on gagne vne infinité d’Anglois, l’on y enuoye des legions de Prestres,
le Pere Suffren qui estoit auec la feuë Reyne Mere, monte en chaire. Les
Capucins de la Reyne d’Angleterre font merueille, le Nonce du Pape promet
des recompenses eternelles, bref l’ouurage s’auance beaucoup. Le Roy
& la Reyne ne se deffioient pas de cela, la Reyne estant Catholique, & le
Roy qui ignoroit ce dessein là, & qui se fust mocqué de sa vanité s’il l’eust
sçeu, comme en effect cela estoit bien loin de ma pensée.
 
Le Casuiste. Combien dura bien cela, Monseigneur ?
Le Card. Assez long-temps, parce que ie voulois que cela fist esclat sur
tout, mesme ie faisois donner de l’argent à ceux qui se conuertissoient,
pourueu qu’ils le declarassent hautement, & vinssent entendre le seruice
Diuin aux Eglises publiques, comme à la Chapelle de la Reyne d’Angleterre,
à celle de la Reyne Mere, du Nonce & des Ambassadeurs mesmes ;
ie faisois donner des Indulgences à ceux qui les visitoient toutes le plus
souuent.
Le Casuiste. Ne faisiez-vous point conscience de prophaner ainsi les Institutions
sacrées de nostre Religion ?
Le Card. Vn bon Politique se sert de tout au besoin. Si les Souuerains ne
se soustiennent, qui defendra les Religions ? Mais vous m’interrompez
tousiours par vos superstitions.
Le Casuiste. Qu’arriua-il, Monseigneur, lors que la Religion esclatoit si
fort dans la ville de Londres ?
Le Card. Il arriua que les plus zelez dans la Religion Anglicane en prirent
l’alarme, & que sous main par mes pensionnaires Caluinistes ie faisois
mettre le feu aux estoupes, en representant aux Anglois qu’ils alloient
retomber sous la tyrannie des Moines, de leurs ieusnes & de leurs Confessions
auricluaires, & que le Pape se feroit payer l’interest des arrerages du
denier de S. Pierre. Il n’en fallut pas dauantage pour mettre aux champs
ces peuples-là, qui sont plus affolez de leurs Religions, qu’vn fol ne l’est
de sa marote, quoy qu’elles ne valent pas grand chose. Voila tout le secret
de cette affaire. Il y auroit encore beaucoup d’autres particularitez à
vous dire, touchant les ressorts que ie fis joüer, pour les faire venir aux
mains : car ils se battirent auant que d’en venir-là, si long-temps par escrit,
que ie commençois à desesperer du succez de mon dessein.
Le Casuiste. Tellement, Monseigneur, que c’est vous qui auez esté cause
de la ruïne de tous les Catholiques, qui estoient les innocents objets de
la fureur de ces barbares-là. Si vous eussiez appuyé ce bon dessein par la
force, ie croy qu’il auroit reüssi, & qu’on vous auroit vn iour canonizé.
Le Cardinal. Quand ie seray bien riche ie me mettray en vn estat où ie
pourray canonizer les autres.
Le Casuiste. Mais pour reuenir à nostre discours, puisque nostre interest
estoit que la guerre continuast en Angleterre, pourquoy n’auez-vous