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Mazarinade n° A_2_4

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Anonyme [1649], ADVERTISSEMENT FAIT PAR MONSIEVR DE CHASTILLON REVENV DES CHAMPS ELISEES, A MONSIEVR LE PRINCE DE CONDE A S GERMAIN EN LAYE. , françaisRéférence RIM : M0_457. Cote locale : A_2_4.



Ne t’aueugle pas desormais dauantage dans la poursuitte de
ton ambition, auec l’esperance de remporter vn comble de loüange,
vn excez d’aplaudissements, & vne infinité d’eloges, les
actions qui ne sont pas iustes d’elles mesmes, quoy que faictes
à bonne fin, ne se loüent point, on ne doit iamais entrepréndre
vne guerre illegitime auec esperance, que la fin en deuienne bonne
pour vne incertitude suiuie de mille accidents, & exposer à
mille dangers ; on ne doit pas donner consentement à vne faute
presente à vne i ne manifeste, & à vn excez exercrable ; si tu pense
faire genereusemẽt tu t’abuse, la cruauté ne fut iamais force ; si tu
pense faire iustement, tu te trompe, l’ambition n’est iamais vertu.
Dy moy de grace, Prince, par ou pretend-tu acquerir du merite
d’vn dessein qui ne contient en soy mesme qu’vn fantosme
de la vertu : mais qui emporte conjoinctement auec soy la tache
d’vne lascheté indigne de ton ame. Quel iugement fais-tu d’vne
action où il n’y a de prudence, que pour hazarder vn estat de iustice ;
que pour violer toutes les loix de moderation ; que pour
la fourberie : & de force que pour la cruauté : & de conduite ;
que pour tout perdre.
Ton iugement est aueugle, si tu ne change de resolution ; efforce-toy
donc à cueillir plustost des Couronnes de laurier dans
les campagnes des ennemis, que de cyprez dans les tetres des
François ; ces palmes qui sont nées dans les precipices ne sont
pas de grande estime, ny de profit, d’ordinaire elles sont sterilles,
où si elles portẽt du fruict, il ne sert qu’à la pasture des corbeaux.
Ne te laisse point piper desormais aux applandissements des flateurs,
ny aux promesses des estrangers, ses affections sont des enchantemẽs,
& ses promesses sont des ruines. Il seroit meilleur que
la mort te frappast cõme moy, plustost que d’estre flatté d’vn tel
ennemy, celle là ne peut que t’oster les sentimens de la vie, au lieu
que celuy-cy recherche à flestrir la reputatiõ de ta maison, souiller
la gloire de ta naissãce, & d’obscurcir l’esclat de tes proüesses.
Prince, tu es malheueeux, si les cris de l’ẽnemy de l’Estat retiennent
ton cœur à cette guerre, cette voix te trahit, & cette langue
ne t’encourage que par ce que tu vas au tombeau ; vois combien
ses loüanges sont trompeuses, qui te persuadent la cruauté ; s’il
t’aimoit il n’eust exposé ta vie à tant de dangers, ton honneur à
tant de campagnes, ny rendu auec ioye les deuoirs à ton pere, que
toute la France luy a rendu auec regret.
Mais Prince, i’ay trop estendu mõ discours, touché de l’amour
de ton salut autant que de la patrie, Adieu ie me retire au lieu ou
mon Sauueur m’appelle, & par ce que tu me manque de parole,
ie te cite & t’aiourne dans trois mois deuant son Parlement.